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  • 08/03/2023
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Chaque jour, nos invités opposent leur point de vue sur l'actualité politique. Ce mercredi, Mathieu Bock-Côté, essayiste et auteur et Yves Thréard, directeur adjoint de la rédaction du Figaro.
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Transcription
00:00 Le Club de la Presse Europe 1, journée historique et même plus qu'historique disait Frédéric
00:06 Souillaud, le patron de Force Ouvrière, avant même que les cortèges ne s'élancent.
00:10 On avait donc la conclusion, alors il est vrai qu'un million deux cent quatre vingt
00:13 mille manifestants selon la police c'est beaucoup, un tout petit peu mieux même que
00:17 la première sortie du 31 janvier, mais c'est toujours moins que tous ceux qui sont restés
00:20 chez eux.
00:21 Alors y a-t-il eu bascule hier dans cette bataille des retraites ? Bonjour Yves Tréhard.
00:25 Bonjour à tous.
00:26 Directeur adjoint de la rédaction du Figaro, Mathieu Beaucote est avec nous aussi, bonjour
00:30 Mathieu.
00:31 Bonjour.
00:32 Bon là vous seriez Philippe Martinez, Mathieu ou Laurent Berger, vous vous diriez quoi ce
00:34 matin ? Par définition si je suis un chef syndicaliste, je triomphe quels que soient
00:38 les résultats, d'autant qu'on voit l'approximation selon la préfecture, donc on dit je pense
00:46 sept cent mille à Paris.
00:47 Non ça c'est la CGT.
00:48 Pardon la CGT, la préfecture dit quatre vingt mille et la CGT dit huit cent mille
00:53 ou sept cent mille, donc à partir de là, les chiffres ne veulent plus rien dire, ils
00:57 relèvent de la pure propagande, y a plus moyen de savoir, minimalement d'avoir une
01:01 appréciation minimalement exacte ou objective, l'un dirait soixante-dix, l'autre quatre-vingt,
01:06 l'autre quatre-vingt-dix, on se dirait bon on est dans les mêmes eaux, mais si vous
01:09 me dites soixante-dix et l'autre dit à peu près un million, moi je vous dis quatre millions
01:13 et ça veut plus, donc ça en tant que tel y a un problème dans la capacité d'évaluation
01:16 de la mobilisation.
01:17 Mais est-ce qu'on a changé de braquet ? Parce que c'était ça le sujet.
01:21 Basculement c'est autre chose, de basculement c'est à partir du moment où on est capable
01:24 de généraliser la grève, de faire en sorte que des catégories sociales qui pour l'instant
01:28 n'étaient pas embarquées dans la dynamique de la grève décident d'y aller, donc soit
01:31 les étudiantes, et là, quoi qu'on en dise, on n'y est pas encore, donc c'est un mouvement
01:35 fort, les syndicats ont une force de frappe véritable.
01:38 Vous pensez qu'ils en ont sous le pied encore ?
01:40 Mais la généralisation de la grève, la capacité de la faire basculer qualitativement, on n'y
01:44 est pas encore, je dis pas que ça n'arrivera pas, je dis que pour l'instant ça n'y
01:46 est pas.
01:47 - Pierre, votre édito ce matin dans le Figaro, vous l'avez titré "La routine française",
01:52 alors là moi je me dis, soit c'est l'éditorialiste blasé, qu'en a vu d'autres des manifs ?
01:57 - Mais non c'est pas l'éditorialiste blasé, mais attendez, faisons notre métier ! Arrêtons
02:01 d'avoir le syndrome de Stockholm, parce qu'on a le syndrome de Stockholm depuis des années
02:05 et des années, les médias, telles panurges, disent tous la même chose, ça va avec le
02:11 tournant, c'est le point de bascule, c'est une journée, avant même que ça commençait,
02:16 on entend le micro à M.Martinez qui nous dit "c'est historique", mais c'est historique
02:21 de quoi ? C'est absolument pas historique, c'est la grévitude comme d'habitude, c'est
02:27 la manifestation comme d'habitude, dès qu'il y a une réforme des retraites dans ce pays,
02:31 ou une autre réforme sociale d'ailleurs, qui s'impose, qui s'impose arithmétiquement,
02:36 elle s'impose, et bien vous avez une résistance, avec toujours les mêmes cortèges de manifestants
02:43 affidés, et puis voilà ! - Donc c'est la défaite syndicale qui se profile ? - Évidemment
02:46 c'est la défaite syndicale qui se profile, mais disons-le, arrêtons de servir la soupe
02:51 à un cortège de syndicalistes qui de toute manière ont une représentativité dans ce
02:57 pays qui est extrêmement faible. - Mais attendez, vous diriez pas comme Macron, il faut pas
03:01 trop humilier les syndicats comme il faut pas trop humilier la Russie ? - Évidemment
03:03 il est dans son rôle Macron, il va pas dire ça, il va pas dire la même chose que moi,
03:07 mais moi je peux, j'ai la liberté de le dire. - Oui, mais alors la force des syndicats
03:11 en France n'est pas d'être représentatif, c'est une capacité, bien que minoritaire,
03:16 d'être capable de paralyser le pays. Et de ce point de vue, et ils ont la résolution,
03:21 ils ont eu dans l'histoire la résolution, donc même s'ils sont minoritaires, ça ne
03:24 les décourage pas, ils peuvent décider dans une logique du jusqu'au-boutisme, et vu la
03:28 centralisation française, vu l'organisation politique du pays, si une minorité décide
03:33 de prendre en otage le pays, elle peut y parvenir, on l'a vu avec la question des carburants
03:37 à l'automne, ils étaient quelques dizaines et étaient capables de paralyser pour quelques
03:40 jours, quelques semaines, quelques jours le pays. Donc il faut moins penser les syndicats
03:45 sur le mode de la représentativité que sur le mode de la résolution radicale.
03:48 - Sauf que les syndicats ont rarement gagné dans notre pays. Ils ont gagné une fois,
03:53 de façon massive et imposante ces dernières années dans l'histoire contemporaine, c'est
03:59 en 1995, quand ils ont bloqué le pays et qu'ils sont tombés face à un pouvoir qui
04:04 était extrêmement, je dirais assez faible à l'Élysée, avec un homme qui n'était
04:09 absolument pas déterminé pour conduire cette retraite, et qui s'appelait Jacques Chirac.
04:12 - Mais on pourrait poser la chose autrement, ils n'ont pas gagné, mais à tout de même,
04:16 les syndicats ont gagné une capacité d'intimider ou de faire peur au pouvoir, de telle manière
04:19 qu'une réforme des retraites comme celle-là, quoi qu'on en pense, à l'échelle européenne,
04:23 c'est une réforme plutôt technique, minimaliste, je dis simplement ça.
04:26 - Une petite réforme.
04:27 - Elle n'est pas vécue comme telle par la population, je l'ai à l'esprit. Mais la
04:31 peur de la rue, la peur de la jacquerie, la peur de l'insurrection syndicale, fait en
04:35 sorte que des ressources politiques immenses sont mobilisées pour une réforme qui, à
04:41 l'échelle européenne, demeure quand même minimaliste.
04:43 - C'est une singularité française.
04:44 - Parce qu'il n'y a pas de bonheur à l'esprit.
04:45 - Ça a toujours existé, c'est une singularité française, on est dans la culture de l'affrontement,
04:50 on n'a jamais été dans la culture du consensus et du dialogue, et c'est pour ça qu'il ne
04:55 faut pas prêter une attention supérieure à ce qu'un événement mérite, et cet événement
05:01 mérite de dire qu'on est dans une épure très française, très tricolore, avec des
05:07 syndicats qui, je suis désolé, mais sont souvent dans une situation difficile.
05:12 - Alors Yves Tréard, je vais vous poser une question dans un instant, je vous demanderai
05:15 comment se fait-il dans ce cas-là que le gouvernement ne soit pas là à perorer, à triompher.
05:19 Mais d'abord je voudrais juste une question, une parenthèse, Mathieu Bocote, dans votre
05:23 chronique hier soir sur CNews, vous vous êtes penché sur le regard que les étrangers ont
05:27 sur le mouvement social français actuel.
05:29 Qu'est-ce qu'on dit de la France, vu des Etats-Unis, du Royaume-Uni ?
05:32 - C'est assez récurrent, mais là c'était visible, d'un côté il y a une forme de perplexité
05:36 et d'exaspération, c'est-à-dire qu'ils font vraiment tout ça pour deux années de
05:39 plus de travail, et les Français sont toujours dans la rue, sont toujours sur le mode du
05:44 blocage, propos 1.
05:47 Mais au même moment, les Français c'est quand même admirable, ils descendent dans
05:51 la rue pour défendre leur droit, partout ailleurs il y a des individus aplatiés, et
05:54 les Français eux pour défendre leur droit sont prêts à prendre la rue et faire peur
05:57 au pouvoir.
05:58 Donc vous avez cette espèce de regard qui ne parvient jamais à percer le secret de
06:02 la France, donc qui bascule entre l'admiration et l'exaspération, et on voit ça soit aux
06:06 Etats-Unis mais aussi dans la presse britannique, la presse canadienne-anglaise, et un peu ailleurs,
06:10 c'est un regard, pas seulement anglo-saxon je dirais, mais il y a cette espèce d'incompréhension
06:13 admirative.
06:14 - Moi je vous ai raconté il n'y a pas très longtemps d'ailleurs à ce micro, que j'avais
06:17 été interviewé par une télévision belge pour laquelle je fais quelques correspondances,
06:21 et mes interlocuteurs à Bruxelles étaient pliés en quatre, ils disaient "mais vous
06:26 manifestez, enfin vous manifestez, quelques Français, quelques Français, nous sommes
06:31 30 millions d'actifs, il y a un million de Français dans la rue à peu près, vous manifestez
06:36 pour deux ans de plus de hâche délégale de départ à la retraite, et nous on est
06:41 à 67 ans, c'est le cas en Espagne, c'est le cas en Italie, c'est le cas bientôt au
06:46 Danemark à 70 ans, alors comparaison n'est pas raison parce qu'il faut modérer tout
06:51 ce...
06:52 - Non mais les Danois c'est 5% du PIB consacré à la formation professionnelle, ils se forment
06:55 toute leur vie, en France on ne fait pas ça.
06:56 - Ce sont des cultures très différentes, mais c'est vrai qu'on est quand même, c'est
07:00 assez drôle de voir les arguments qui sont avancés par ceux qui sont hostiles à cette
07:04 réforme.
07:05 - Mais comment vous expliquez dans ce cas-là, vous nous dites tout à l'heure, des fêtes
07:09 annoncées des syndicats, le texte va passer dans 10-15 jours si ça se trouve c'est terminé,
07:14 et pourtant on n'a pas l'impression d'un pouvoir triomphant, au contraire qui se fait
07:17 tout petit et un peu planqué derrière les lèvres du Sénat, comment ça se fait ?
07:21 - Il n'a pas triomphé avant d'avoir gagné, c'est comme si aujourd'hui le Paris Saint-Germain
07:26 vous disait "ça y est on est qualifié", alors qu'ils n'ont pas encore battu le Bayern.
07:30 Le problème de cette majorité, c'est que cette majorité n'en est pas une, et que
07:37 cette majorité ne dépend pas, enfin ce pouvoir ne dépend pas de sa majorité.
07:41 - Vous disiez 95, la particularité c'est que le pouvoir était faible, il n'apparaît
07:45 pas beaucoup plus fort aujourd'hui.
07:46 - Il était faible dans la tête, il n'était pas faible sur le papier, et c'était son
07:50 problème d'ailleurs.
07:51 Aujourd'hui vous avez un pouvoir qui est assez déterminé sur cette...
07:54 D'ailleurs c'est une des seules fois où je le trouve très déterminé dans la conduite
07:58 de cette réforme, qui reste une réformette, qui a été sérieusement entamée, c'est
08:05 réduit à la portion congrue.
08:06 En revanche, il est dans les bras et dans les mains, je dirais, d'un parti qui s'appelle
08:12 le Parti des Républicains.
08:13 - Quoi qu'on pense de la réforme, l'équipe qui la porte n'est pas nécessairement la
08:17 plus convaincante qui soit dans l'histoire de France.
08:20 De Mme Bergé à M. Dussopt, des gens qui sont de qualité, j'en doute pas un instant,
08:26 mais disons que leur capacité à inspirer, le basculement d'un registre argumentatif
08:29 à l'autre.
08:30 Quand M. Véran nous dit, et ça ça m'a frappé, si il y a le blocage, et bien ça va augmenter,
08:36 ça va contribuer au dérèglement climatique.
08:38 Quand on est devant un tel type d'argument, l'hilarité est la seule réponse.
08:41 Et même, je l'ai constaté souvent dans des conversations privées, des partisans
08:45 de la réforme n'osent le dire très fort pour une raison simple, ils ne veulent pas
08:48 être solidaires de ce gouvernement.
08:50 - Tiens, justement, vous parlez de l'hilarité provoquée par les propos d'Olivier Véran,
08:53 et les doubles bras d'honneur d'Éric Dupond-Moretti.
08:55 Qu'est-ce qu'on en dit ce matin, Mathieu Bocote ?
08:57 - Alors, je vais dire deux choses.
08:59 D'un côté, il y a effectivement un climat à l'Assemblée nationale en ce moment de
09:02 brutalité, il y a une forme de dégradation des mœurs parlementaires, nous le savons,
09:06 et de ce point de vue, c'est condamnable.
09:07 Ensuite, ensuite, s'il faut chaque fois commencer le rituel d'indignation collective,
09:14 chaque fois qu'un député, qu'un parlementaire, qu'un ministre se comportent de manière
09:18 sous le signe de l'incivilité parlementaire, on ne va parler que de ça.
09:22 Donc bon, là maintenant, c'est le tour de la majorité de basculer ainsi.
09:26 La France insoumise, on n'était pas surpris.
09:28 Mais je ne suis pas sûr que M. Dupond-Moretti en soit si surpris que ça non plus.
09:31 Donc voyant cela, pour moi, il y a un côté les guignols à l'Assemblée, chacun finit
09:35 par jouer le rôle du guignol.
09:36 - Yves Tréhard, pour finir.
09:37 - On a la classe politique qu'on mérite et elle reflète ce qu'est notre société.
09:41 Quand vous êtes au volant de votre voiture et que vous prenez, entre Bastille et Nation
09:45 à Paris, trois bras d'honneur parce que vous avez fait ça aussi, c'est pareil à
09:51 l'Assemblée nationale.
09:52 Alors je ne sais pas si vous voulez, les comportements se dégradent, je ne suis pas sûr qu'ils
09:56 se dégradent, sauf que dans la dégradation, il y a moins de classe.
09:59 Avant, on le disait avec des mots appropriés, des mots choisis, des mots qui rimaient.
10:04 Aujourd'hui, on le dit avec l'insulte à la bouche.
10:06 - Vous savez, un petit dessin vaut plus parfois mieux qu'un long discours.
10:09 - Exactement.
10:10 C'est le principe du dessin éditorial.
10:15 - Effectivement.
10:16 Et on vous lira ce matin en Rue du Figaro, Routines françaises, le titre de votre édito.
10:20 Yves Tréhard merci, Mathieu Beaucotter plaisir.
10:22 Bonne journée à tous les deux, nos éditorialistes du mercredi.

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