Ce diagnostic a changé ma vie

  • l’année dernière
Dans certaines familles, la pression pour entrer dans un moule prédéfini est si grande qu’elle peut faire naître chez l’enfant un sentiment de rejet et de différence injustifiée qui le suivra toute sa vie. Couplée à la pression sociale, elle peut avoir des conséquences graves sur l’évolution d’une personne, pouvant la pousser jusqu’à l’isolement et à l’auto-destruction. C’est alors un véritable combat contre soi-même qui commence.

À un moment de sa vie, Alexandre est devenu son propre bourreau, il est venu nous raconter son histoire et son long combat pour accepter celui qu’il est.

Alexandre Peron est l'auteur de trois ouvrages : " Et vous ? ", " Et puis un jour tout s'envole " et " L'essentiel du droit bancaire " disponibles partout.

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00:00 Un jour, un mec me dit "Moi j'adore quand tu portes pas de lunettes, donc je corrige tout".
00:04 Je me fais opérer et l'opération rate.
00:06 Je ressens des coups d'aiguille dans les yeux.
00:08 24 heures sur 24.
00:09 Parce que l'opération m'a complètement détruit les nerfs de la cornée.
00:13 Et là, à ce moment-là, je me dis "Ah ouais, et en fait ce qui t'est arrivé,
00:16 c'est parce que tu ne t'aimais pas et que tu n'avais pas confiance en toi".
00:19 Alors moi j'ai grandi dans une toute petite campagne de Seine-et-Marne.
00:22 C'est un milieu très rural, donc beaucoup de champs, de vaches, d'agriculteurs,
00:26 et une vision assez archaïque, je dirais, de la vie.
00:30 Je ne me sentais pas à ma place et je ne me sentais pas du tout intégrée dans tous les milieux.
00:33 C'est-à-dire le milieu scolaire, le milieu familial,
00:37 même le cercle très restreint avec mes parents et mes deux sœurs.
00:40 Quel que soit son milieu, un enfant n'a pas à assister à des scènes de violence,
00:45 quelles qu'elles soient, que ce soit verbales, physiques, ça marque aussi.
00:48 C'est vraiment des crises où on voit son père partir et ne pas revenir,
00:52 où on voit son père traîner sa mère par les pieds,
00:54 où on voit sa mère partir en pleine nuit en jurant qu'elle va se jeter du pont pour se tuer.
01:00 Mon père avait tendance à un peu trop boire.
01:02 Et puis s'ajoutent à ça, effectivement, les remarques.
01:06 Alors parfois des remarques qui paraissent anodines, mais qui sont très percutantes.
01:09 Entendre mon père me dire "tu ne peux pas être comme tous les autres garçons,
01:12 tu es toujours fourré dans les jupons de ta mère",
01:14 pour le petit garçon que moi j'étais, ça a créé véritablement,
01:17 en tout cas à ces instants-là, chez moi, un ressenti de décalage qui se creusait,
01:22 de ne pas être comme tout le monde, et de culpabilité de ne pas être comme tout le monde.
01:25 Et aussi de rejet, de rejet de me dire "on ne veut pas de moi parce que je ne suis pas comme tout le monde".
01:31 Et que si j'étais stigmatisé, c'était de ma faute.
01:33 Je me suis beaucoup réfugié dans la nourriture.
01:35 J'ai pesé, au pic de l'obésité, je pesais 105 kg à 15 ans.
01:41 Et donc je suis rentré dans cette vie adolescente comme ça,
01:44 avec une enveloppe corporelle et un visuel physique
01:49 qui forcément, en tout cas, m'orientait vers un statut de plus ou moins de victime.
01:54 Et là, il y a un harcèlement scolaire intensif qui a commencé.
01:57 Tous les jours, sans cesse, ça ne s'arrêtait jamais.
01:59 De la violence verbale, physique.
02:01 "Tu n'es qu'une grosse merde, tu n'es qu'une grosse vache,
02:04 tu n'es qu'un gros pédé, viens me sucer la bite et j'en passe des choses plus horribles encore".
02:09 De la violence physique aussi, parce qu'on me tapait, parce qu'on me crachait dessus.
02:14 On estimait, visiblement, que je n'étais pas un être humain,
02:18 digne d'être respecté, digne d'être aimé et juste considéré.
02:23 Cette honte progressive qui s'installe en moi,
02:25 ça vient renforcer déjà cette conviction que c'est moi le problème,
02:27 qu'en réalité je le mérite d'une certaine manière
02:30 et que je dois en parler à personne, parce que c'est tout simplement impossible pour moi d'oser parler de ça.
02:35 Et en plus, je ne pouvais pas en parler.
02:37 C'était une conviction profonde que je n'avais personne à qui en parler.
02:40 Donc je survivais, en fait.
02:41 J'ai serré les dents et fait ce que je pouvais pour rester en vie, vraiment.
02:45 Donc ça a été deux années de destruction.
02:48 Ça m'a détruit au plus profond de mon âme.
02:50 Moi, je parle de viols psychologiques.
02:52 Je n'ai pas été violé sexuellement et j'ai envie de dire tant mieux,
02:55 mais j'ai vécu un viol psychologique.
02:56 Ils sont rentrés au plus profond de ma personne, de mon esprit, de ma cervelle, de mes convictions.
03:03 Et ils ont tout piétiné, ils ont tout sali, ils ont tout détruit, ils ont tout réduit à néant.
03:08 Et en plus, c'est à cette période-là où mon père tombe fortement malade.
03:11 Je rentre chez moi et je fais comme j'ai toujours fait, c'est-à-dire sans blanc.
03:14 Mais je sens que je suis à la limite de flancher.
03:17 Et du coup, un soir, je suis dans ma tête tout seul, je me dis,
03:20 "Demain, je vais me régner parce que ce n'est plus possible."
03:22 Et finalement, les 10 kilos, je les perds très rapidement.
03:24 Et là, le regard de ma mère commence à changer.
03:27 Et c'est à ce moment-là que la rage arrive pour la première fois dans ma vie,
03:30 de me dire, "Je vais réussir, je vais y arriver."
03:32 Parce que l'objectif, c'est de devenir quelqu'un d'autre.
03:34 Et j'en suis capable.
03:35 Et donc, j'en perds 10 de plus et puis 10 de plus.
03:38 Et là, ma mère, elle me montre quelque chose que je n'ai jamais vraiment eu,
03:41 c'est-à-dire, elle s'intéresse, elle est fière.
03:44 Je ne me rends pas tout de suite compte, mais ça, je l'intègre et je me dis,
03:47 "Ah ouais, en fait, ça, ça l'intéresse."
03:48 Et à un moment donné, le régime brille.
03:51 Mon père est toujours malade, la sphère familiale n'a pas changé.
03:53 Je suis en classe de première.
03:54 Et tout a changé aussi au lycée.
03:56 C'est-à-dire que je me suis mis dans une phase où je dois tout défoncer sur mon passage.
04:01 C'est-à-dire, l'objectif, c'est félicitations à tous les trimestres.
04:04 Donc, je travaille comme un dingue.
04:06 Je ne vis plus que pour ça, en même temps que je fais le régime.
04:08 Donc, je m'enferme dans une autre forme de bulle et de contrôle et je vais me faire vomir.
04:12 À ce moment-là, j'avais perdu 45 kg en une année.
04:14 Et en réalité, les désordres alimentaires, la anorexie, la boulimie
04:18 vont très rapidement prendre le contrôle sur tout le reste.
04:21 Le quotidien devient guidé par ça.
04:23 Et ça devient une autre forme de harcèlement,
04:26 sauf que je suis mon propre bourreau, en fait.
04:28 Mais tout ça, c'est caché.
04:29 Personne ne le sait, jusqu'à un moment où ma mère commence à avoir des doutes.
04:33 Et une fois, elle me suit aux toilettes parce qu'elle se doute de quelque chose.
04:37 Et elle m'entend, et là, elle me chope vraiment un peu par...
04:41 Et pas avec psychologie.
04:43 C'est "je vais te déglinguer, je vais te défoncer.
04:46 Qu'est-ce que tu fais ?"
04:47 Elle est horrifiée, mais moi, je m'en fous parce que c'est trop tard.
04:50 Moi, je suis déjà embarqué dans mon obsession, dans ma volonté de contrôle.
04:54 Je suis déjà ailleurs.
04:55 Tout ça dans l'optique de devenir quelqu'un d'autre.
04:57 Parce que dans ma tête, il faut devenir quelqu'un d'autre,
05:00 mais il va falloir aussi devenir quelqu'un d'autre socialement parlant.
05:03 Et là, je tombe sur juriste d'entreprise, avocat.
05:06 Je fouine un peu tout ça, le parcours d'études qu'il faut faire.
05:10 Et je me dis "OK, c'est parti".
05:11 Et je suis accepté en classe préparatoire normale sup au lycée de Turcot, à Paris.
05:15 Alors là, je suis super content parce que je me dis "c'est bon, de toute façon,
05:18 le processus de changement et de création de la nouvelle créature,
05:23 le nouveau Alexandre, est en marche et il n'y a plus rien qui peut m'arrêter".
05:26 J'intègre la classe prépa, donc qui dit classe prépa dit rythme effréné.
05:29 Et je me sens microscopique.
05:31 J'arrive dans cette salle de cours avec des gens très, très nobs,
05:36 issus de familles très bourgeoises, qui parlent de leur été comme étant des étés...
05:40 Moi, j'ai vécu un été où j'ai travaillé dans une usine pour gagner un peu d'argent.
05:43 Et eux, ils me parlent d'un été où ils ont soit préparé le concours Sciences Po,
05:46 soit ils sont partis, je ne sais pas sur quelle île.
05:48 Donc, je me dis "d'accord, OK, on n'est pas du tout dans le même monde".
05:51 Et dans quel milieu je suis ? Qu'est-ce que je fais là ?
05:53 Et puis, il se passe quelque chose dans mon inconscient,
05:57 et dans mon conscient plutôt, c'est qu'on est à plus un an de la mort de mon père,
06:01 à laquelle je n'ai absolument pas réagi.
06:02 Sauf que là, je commence à réagir.
06:04 Et c'est comme si je venais d'apprendre que mon père était mort.
06:06 Et au bout de trois semaines, je quitte un cours parce que j'ai tout.
06:09 Parce que je suis en crise d'angoisse, parce que je n'arrive plus à respirer,
06:11 il faut que je sorte de cet endroit, ce n'est plus possible.
06:13 Et j'explose dans la rue, et plus rien n'est possible en fait.
06:15 La seule chose que je veux, c'est rentrer et me coucher.
06:18 Je reprends le train et je rentre, où je vais rester plus de six mois,
06:21 enfermé dans ma chambre, chez ma mère, dans le noir,
06:23 à ne plus m'alimenter, à ne plus sortir et à dormir.
06:25 J'ai 18 ans, je mesure 1m75, je pèse 45 kilos.
06:30 Et j'ai l'impression que ma vie est foutue.
06:32 Et au bout de six mois, je repointe un peu le bout de mon nez dehors,
06:35 un peu poussé quand même par ma mère et ma sœur.
06:37 Essaye peut-être de trouver un petit job,
06:38 faire quelque chose, à la rentrée prochaine.
06:42 Et puis à un moment donné, je leur dis,
06:43 "En fait, à la rentrée, je repars à la fac de droit."
06:44 Et alors là, ils se disent, "Mais il est complètement taré,
06:47 il a brillé complet alors que c'était déjà une prépa en droit."
06:50 Ouais, mais c'est ce que je veux faire.
06:51 Donc je pars, je suis dans un état d'angoisse, de pression,
06:56 parce que je me dis, là, il faut réussir.
06:57 Donc je travaille, je travaille, je travaille, je travaille.
07:00 Et puis je découvre le milieu gay parisien.
07:03 Et au fond de moi, je n'aime pas ça, parce que je suis très mal à l'aise,
07:06 parce que je suis toujours dans ce sentiment d'être moche, d'être nul.
07:11 Donc je corrige tout.
07:13 Je corrige ma manière de me tenir, ma manière de m'habiller, ma manière de parler.
07:17 J'ai passé des mois et des mois à m'autocorriger
07:20 pour qu'à aucun moment dans ma manière de parler, j'ai des tics de langage.
07:25 Il fallait que ce soit parfait.
07:26 Et un jour, un mec me dit, "Moi, j'adore quand tu ne portes pas de lunettes."
07:29 Donc à chaque fois que je le voyais, je ne portais pas de lunettes,
07:31 sauf que je ne voyais rien.
07:32 Et je me dis, "Bon, ben c'est pas grave, je vais porter des lentilles."
07:35 Donc je vais voir mon hôtel mot, je lui explique,
07:37 je vais essayer des lentilles, je n'ai jamais essayé, on essaye.
07:39 Manque de bol, je ne supporte aucune lentille,
07:41 parce que j'ai les yeux assez humides.
07:44 Et à ce moment-là, il me dit, "Mais alors, vous ne supportez pas les lentilles,
07:46 mais il existe une nouvelle possibilité, c'est de se faire opérer des yeux,
07:50 au laser, pour ne plus porter de lunettes."
07:52 La communauté gay, et ce garçon en particulier,
07:55 m'aiment avant tout quand je n'ai pas de lunettes, donc je vais le faire.
07:58 Donc je me fais opérer et l'opération rate.
08:00 Moi, je ne vois rien, je vois tout trouble, pire qu'avant.
08:03 Et j'ai des douleurs atroces.
08:04 La seule comparaison que j'ai, c'est que je ressens des coups d'aiguille dans les yeux.
08:09 24 heures sur 24.
08:10 Et donc je ne peux plus lire, même pendant 10 minutes.
08:13 Je ne peux plus regarder un écran, je ne peux plus rien faire.
08:15 Ça a duré 8 mois.
08:17 Et à ce moment-là, je viens de rentrer à l'école du Barreau.
08:19 Et l'école du Barreau, c'est très intensif, c'est des stages en cabinet,
08:23 et il faut lire, bien évidemment, il faut travailler.
08:26 Et je ne peux pas.
08:26 Le chirurgien disparaît de la circulation, et je suis tout seul.
08:29 Et là, je replonge, je refais une dépression.
08:31 Parce qu'il n'y a personne, parce que je consulte tout le monde,
08:33 qui ne savent pas quoi faire.
08:34 J'ai fait tout ça, je suis à ça de devenir avocat,
08:37 et d'enfin confirmer à cette planète entière que je suis capable de quelque chose.
08:41 Et boum !
08:42 Donc j'arrive chez ma mère, je n'ai plus une thune, je n'ai plus rien.
08:44 J'ai mis tout en suspens parce que je n'ai pas le choix,
08:45 et je fais une dépression qui dure 8 mois.
08:47 Et puis je rencontre un professeur, grâce à un ami,
08:50 et il m'examine, etc.
08:51 Et il trouve un traitement qui peut potentiellement me convenir,
08:54 et qui dans les faits, me convient.
08:56 Et ça, c'est en 2012.
08:57 Et ce traitement, je l'ai toujours et je l'aurai toute ma vie.
08:59 Parce que l'opération m'a complètement détruit les nerfs de la cornée,
09:03 et donc je ne sécrète plus de films lacrymales, ou quasiment plus.
09:06 Et le traitement, c'est me faire prélever mon sang,
09:09 tous les deux mois à peu près, en grosse quantité,
09:11 duquel ils extraient le plasma,
09:13 et avec le plasma, ils font un colire.
09:15 Mais c'est très contraignant, parce que tous les deux mois,
09:17 c'est délivré uniquement à l'hôpital.
09:19 Tous les 15 jours, je suis obligé d'y aller pour aller le chercher.
09:21 Comme c'est un produit dérivé du sang,
09:23 ça doit être réfrigéré tout le temps, même quand je me déplace.
09:25 Et donc, ça fait 10 ans que je vis avec, mais heureusement,
09:27 parce que c'est ce qui m'a permis de retrouver l'espoir,
09:30 de recommencer un petit peu à travailler,
09:32 de terminer mes études, de devenir avocat, d'avoir mon diplôme,
09:36 et de me sortir de cette nouvelle ornière dans laquelle j'étais tombé.
09:39 Et là, à ce moment-là, je me dis,
09:40 "Ah ouais, et en fait, ce qui t'est arrivé, ça s'est arrivé,
09:43 mais c'est parce que tu ne t'aimais pas et que tu n'avais pas confiance en toi."
09:46 Là, j'ai pris peur, vraiment.
09:47 Clairement, je me suis dit, "Qui est en face de moi et c'est quoi, ce bordel ?"
09:51 En réalité, je pense que d'un seul coup,
09:53 pourquoi à ce moment-là, je ne sais pas,
09:54 mais tous mes revenus, tout ce que j'ai vécu,
09:56 tout ce que je qualifie de viol psychologique,
10:00 depuis ces années que j'avais enterré,
10:01 ça a tout fait ressurgir,
10:02 sauf que j'ai tellement enterré de choses que quand ça remonte,
10:06 ce n'est pas possible, en fait.
10:07 Donc tout flanche, la cervelle, le corps, ce n'est plus possible.
10:09 Donc ça fait déjà des années que je suis en thérapie,
10:11 mais je me dis, il va falloir intensifier les choses
10:13 parce que là, seul, ce n'est plus possible.
10:15 C'est violent, ça fait mal, ça désoriente,
10:19 ça fait culpabiliser aussi,
10:21 parce que moi, je me suis dit,
10:22 et j'ai passé des années à me le dire,
10:24 que finalement, je n'étais qu'un dépressif honteux
10:26 qui était totalement déphasé psychologiquement
10:30 et qu'évidemment, personne ne voulait m'aimer.
10:32 Qui veut aimer un dépressif complètement déphasé ?
10:34 Donc ça entretenait la machine
10:36 jusqu'au jour où j'ai rencontré une sophrologue
10:39 et un jour, elle me dit,
10:40 moi, j'ai une très bonne amie à moi qui est psychologue
10:42 qui est spécialisée dans le fait de détecter les gens
10:44 qui sont haut potentiel et hypersensibles.
10:46 Et elle me dit, j'aimerais bien que tu la vois.
10:48 Et puis, je ne sais plus, quelques mois après,
10:51 je crois que je vois un morceau de reportage
10:53 sur les HPI hypersensibles.
10:55 Je me dis, quand même, il y a des choses qui me parlent beaucoup.
10:58 Je me dis, bon, prends rendez-vous.
10:59 J'arrive le jour du rendez-vous
11:00 et moi, ça fait des années à ce moment-là
11:02 que je vis une vie de montagne russe,
11:04 c'est-à-dire j'ai deux jours où je vais bien.
11:07 Le troisième jour, je vais méga bien.
11:09 Et les quatre jours qui suivent, je ne peux pas sortir de mon lit.
11:11 Et donc, je suis un dépressif cyclotimique dans ma tête.
11:14 Et elle me fait passer toute une batterie de tests.
11:15 Ça dure, je ne suis plus quatre, cinq heures,
11:17 mais je suis complètement à l'ouest.
11:18 Et elle me dit, OK, donc ça se termine.
11:20 Et je vous ferai...
11:21 On se recule à un rendez-vous d'ici 15 jours, trois semaines,
11:23 le temps que je fasse l'analyse de tout.
11:25 Les 15 jours, trois semaines passent
11:26 et j'arrive au rendez-vous de restitution.
11:27 Je suis un peu mieux.
11:28 Et là, elle me dit, bon, j'ai eu un peu de mal
11:30 parce que le jour J, vous n'étiez pas du tout connecté.
11:32 Mais elle me dit quand même, c'est assez évident.
11:35 Alors, elle me dit, hypersensible, il n'y a aucun doute.
11:37 Et elle me dit, vous êtes au potentiel intellectuel.
11:39 Et pendant une bonne heure, elle m'explique.
11:41 Elle m'explique que je ne suis pas un dépressif honteux,
11:43 que c'est juste que ma cervelle ne s'arrête jamais
11:45 et que quand les jours où je ne peux pas sortir de mon lit,
11:48 c'est parce que je suis en état d'épuisement
11:49 intellectuel et psychologique,
11:50 que je suis certes différent des autres,
11:52 mais que ça peut être une vraie force et une vraie chance
11:55 et qu'il faut que je la saisisse comme ça.
11:56 Que l'hypersensibilité, ça amène beaucoup de choses,
11:59 notamment la nécessité de se retrouver seul,
12:01 de s'extraire de beaucoup de choses,
12:02 sans avoir à se dire que c'est parce qu'on n'est pas capable
12:05 de se socialiser, qu'on est moins bien.
12:07 C'est juste qu'on a un besoin différent.
12:09 Et là, d'un seul coup, j'ai une masse de 10 tonnes
12:13 de culpabilité qui s'envole parce qu'elle me dit,
12:15 il faut que vous compreniez que vous êtes comme ça
12:18 et que ce n'est pas de votre faute.
12:19 Vous ne l'avez pas choisi.
12:20 Alors oui, ça soulage, mais ça soulage plus, plus.
12:23 Mais bon, je ressors hyper assoulagé,
12:25 mais avec toujours cette question,
12:27 OK, mais j'en fais de quoi de ça ?
12:29 Je ne sais pas, je ne suis pas équipé pour,
12:31 je ne comprends pas trop.
12:32 Sauf que les mois passent et les années passent aussi
12:36 et que sans m'en rendre compte, j'intègre les choses.
12:38 Et à partir de ce moment-là, je décide que je vais monter
12:39 mon cabinet d'avocat, que je vais faire les choses
12:41 comme je veux en étant qui je suis
12:42 et que les clients que j'aurai m'auront choisi
12:45 pour mes compétences, certes, mais pour ma personnalité.
12:48 Et c'est aussi à ce moment-là que je me dis,
12:50 mais ça fait des années que tu écris beaucoup de choses,
12:52 pourquoi pas tenter de le punir ?
12:53 Et là, une petite maison d'édition me dit oui.
12:55 C'est très étrange parce que c'est à la fois de la peur,
12:58 parce que c'est un bouquin où je dis tout.
13:00 Je me mets complètement à nu sur des choses que j'ai pu faire,
13:03 notamment quand j'étais étudiant, notamment la prostitution.
13:06 J'étais à la fac, étudiant et je n'avais pas d'argent,
13:10 je n'avais rien à manger.
13:11 J'avais des loyers de retard de ma petite chambre de bonne
13:13 et j'étais pour le coup tout seul.
13:14 Après, ma nécessité, c'était de manger et le pays m'envoyait.
13:16 Et c'était aussi dans un schéma d'autodestruction.
13:18 C'est-à-dire que c'était aller chercher dans ces moments-là,
13:21 certes de l'argent, beaucoup d'argent en peu de temps,
13:23 mais c'était aussi aller chercher un peu d'attention.
13:26 J'avais l'impression que pendant, je ne sais pas, 30 minutes,
13:28 l'heure que ça pouvait durer, dans ma tête, de manière un peu brouillon,
13:32 je me disais, on m'a payé moi parce qu'on me veut moi,
13:34 parce qu'on me désire moi.
13:36 Et là, je me sentais beau, je me sentais désirable,
13:40 je me sentais sexy et je me sentais unique.
13:42 Après cette première fois, déjà, je suis arrivé,
13:44 jusqu'à la dernière minute, j'ai cru que j'allais faire demi-tour.
13:45 J'ai fait toc-toc à la porte, la porte rouge.
13:47 Il a ouvert la porte, glacial,
13:49 en me traitant comme ce que j'étais,
13:51 c'est-à-dire une pute et une objette.
13:52 Et dans ma tête, je me suis dit,
13:54 fais les choses vite, rapidement, que ça se termine.
13:56 Je suis parti avec mon argent et à ce moment-là,
13:58 dans la cage d'escalier, je me suis mis à pleurer.
14:00 J'étais mal, j'étais sale, je me sentais nul.
14:03 Et en même temps, je suis sorti de l'immeuble en me disant,
14:06 tu vois que rien, rien ne pourra jamais t'atteindre,
14:08 rien ne pourra jamais t'arrêter, tu te sortiras toujours de tout,
14:10 tu es plus fort que tout.
14:11 Parce que quoi qu'il arrive, quand je tombe, je me relève
14:13 et je me relèverai toujours.
14:14 Même si j'ai peur, même si le cabinet ne fonctionne pas,
14:16 même si on m'en fout plein les dents pour x ou y raison,
14:20 je me relèverai et je serai en phase avec moi-même,
14:22 avec qui je suis, avec ce que je veux,
14:24 ce que je ne veux plus, ce que je ne veux pas.
14:26 Et que ce sera le début de ma vraie quête de paix.
14:29 Parce que je me suis aussi rendu compte que
14:31 si depuis toutes ces années, je me sens seul au monde,
14:33 en réalité, je ne suis pas seul au monde.
14:35 Malheureusement, il y a aussi des milliers,
14:39 des millions de gens qui se sentent comme moi,
14:41 j'ai pu me sentir et comme je peux encore me sentir aujourd'hui
14:43 et qui tous les jours combattent contre eux-mêmes,
14:45 qui sont leurs pires ennemis
14:46 et qui se sentent peut-être à l'instant T au plus bas.
14:50 Donc pourquoi est-ce que moi, je garderais ça pour moi
14:52 si ça peut potentiellement aider quelqu'un d'autre ?
14:54 Et parce que je me dis aussi que ce peu d'espoir,
14:57 moi j'aurais aimé l'avoir par une lecture, par une personne,
15:00 par quelle que soit la manière.
15:01 Donc je me dis une seule chose,
15:04 c'est que quel que soit le temps encore que ça prendra,
15:07 je trouverai la paix.
15:08 Et même si elle n'arrive qu'à mes 80 ans,
15:10 je l'aurai trouvé.
15:11 [Générique]

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