Dominique de Villepin ancien Premier ministre français analyse sur le plateau de TV5MONDE la situation géopolitique actuelle de l’Europe entre pressions américaines confrontation avec la Chine montée des dirigeants nationalistes et recomposition du couple franco allemand. Il détaille les enjeux de souveraineté européenne la nécessité d’une avant garde entre la France l’Allemagne l’Italie et l’Espagne ainsi que les défis industriels et technologiques liés aux droits de douane aux plateformes numériques et à la transition verte. L’échange aborde aussi la politique agricole les difficultés du bio et les perspectives économiques liées à l’économie verte dans un contexte international tendu. Une analyse claire et stratégique portée par l’un des diplomates et hommes d’Etat les plus expérimentés.
00:00La situation de l'Europe est extraordinairement difficile puisque nous sommes pris en étau face aux pressions américaines,
00:07on le voit en matière de droits de douane, on le voit quant à aujourd'hui au doute qui s'est créé sur la protection par les Américains de la sécurité des Européens
00:19et de l'autre côté la confrontation avec la Chine qui nous menace aussi dans la mesure où la Chine voit le marché américain fermé,
00:26et bien la Chine peut avoir la tentation de vendre ses produits davantage encore en Europe.
00:33Donc oui, nous avons besoin de défendre notre souveraineté.
00:36Il y a un grand débat public qu'il faut maintenir, nous ne devons pas, même si nous devons être conscients,
00:41qu'il y a effectivement des risques d'affrontement sur la question écologique, on le voit avec les ZFE,
00:46on le voit avec les zones d'artificialisation des sols, mais soyons capables de trouver cet équilibre
00:52et surtout de ne pas perdre ce cap humaniste et écologique qui est l'avenir de l'humanité.
01:05L'Europe, en 2017 vous disiez l'Europe est en danger, aujourd'hui vous dites l'Europe est en tournant.
01:12Comment aujourd'hui vous voyez cette Europe ? Quelles sont les évolutions alors qu'on est dans une Europe avec des élus,
01:19des nouveaux dirigeants qui n'ont plus les mêmes visions ? On parle de Mme Mélanie, M. Orban,
01:25et puis à côté un nouveau couple franco-allemand. Comment vous voyez ça ? Quelle est leur place ?
01:31La situation de l'Europe est extraordinairement difficile puisque nous sommes pris en étau face aux pressions américaines,
01:38on le voit en matière de droits de douane, on le voit quant à aujourd'hui au doute qui s'est créé sur la protection
01:46par les Américains de la sécurité des Européens et de l'autre côté la confrontation avec la Chine qui nous menace aussi
01:55dans la mesure où la Chine voit le marché américain fermé, et bien la Chine peut avoir la tentation de vendre ses produits
02:02davantage encore en Europe. Donc oui, nous avons besoin de défendre notre souveraineté.
02:08C'est vrai en matière militaire, mais c'est vrai aussi en matière économique.
02:12Nous avons besoin de constituer l'Europe en une forme de puissance, et nous avons besoin sur le plan...
02:17Mais à autant, Dominique Jules-Pin ?
02:19Oui, à 27, puissance, mais aussi capacité technologique.
02:24Mais là où vous avez raison, c'est que pour être efficace, il faut donner l'exemple.
02:28Et je plaide pour qu'une avant-garde européenne, je pense à l'Allemagne bien sûr, je pense à l'Italie, je pense à l'Espagne
02:36et à quelques autres pays qui doivent aujourd'hui donner l'exemple pour s'organiser et en quelque sorte constituer cette avancée.
02:47Est-ce que le couple franco-allemand qui était un peu en difficulté ces dernières années avec l'arrivée de Francis Mertz
02:54va changer, selon vous, quelque chose ? Est-ce que ça doit rester la pierre angulaire de l'Europe ?
02:58Ou est-ce que finalement, la redistribution pour constituer ce pôle d'avant-garde...
03:02Vous avez raison. Vous avez raison. L'arrivée de Francis Mertz est un élément positif.
03:06On voit qu'une des premières décisions qui a été prise, avant même qu'il arrive d'ailleurs, c'est la levée du frein à la dette.
03:11Donc il y a une orthodoxie financière.
03:13Et la volonté de reconstituer une armée allemande.
03:15Absolument. Et de ce point de vue-là, se tournant vers la France pour la première fois, qui pourrait les accompagner...
03:20Les opinions publiques vont l'accepter, ça, la reconstitution d'une armée allemande ?
03:24Alors, je pense que c'est aujourd'hui quelque chose dans l'ensemble européen qui peut parfaitement être accepté.
03:31Parfaitement être accepté.
03:32Mais ça suppose effectivement que nous franchissions encore des pas importants.
03:37Je pense en matière d'investissement.
03:38Je parlais tout à l'heure du plan de Mario Draghi.
03:44Faire accepter aux Allemands que nous puissions nous lancer ensemble dans une grande politique européenne d'investissement
03:49pour l'ensemble de l'Europe, c'est quelque chose qui va être difficile, effectivement, à la Vallée.
03:56Bernard Arnault, hier, devant la commission parlementaire, a dit qu'il était très pessimiste sur un accord sur les droits de loi
04:01entre l'Europe et les Etats-Unis.
04:04Comment vous voyez ? En tant qu'en plus chef d'entreprise aujourd'hui ?
04:07Nous avons déjà subi la taxation pour l'aluminium à des taux importants, 25%.
04:17Et donc, nous avons à faire face à une concurrence extrêmement forte du côté des Américains.
04:2510% de droits de loi non plus.
04:27Et on ne sait pas ce que nous réserve au terme de la période de transition qui nous a été accordée.
04:35On ne sait pas à combien va se fixer, effectivement, cette hausse des droits de loi.
04:39Donc, il faut être attentif sur ce qui doit être fait.
04:42Mais nous avons des muscles. Nous sommes capables, nous aussi, de riposter.
04:46Nous pouvons riposter sur les biens, à hauteur de ce que les Américains nous menacent.
04:51Et nous avons déjà montré ce que nous pourrions faire.
04:53Mais nous pouvons riposter également en ce qui concerne les services.
04:56Et en particulier, vis-à-vis des plateformes numériques qui ont une ambition très forte.
05:03Et autant l'Amérique est déficitaire du côté des biens, autant elle est très largement, au contraire, bénéficiaire du point de vue des services.
05:10Donc, de ce point de vue-là, oui, nous devons nous défendre.
05:13Et nous devons être capables de rechercher d'autres partenaires, d'autres alliances, avec les grands pays du Sud global,
05:18pour maintenir vivant un multilatéralisme, avec la Chine, par exemple, en matière écologique.
05:24Donc, ne perdons pas nos valeurs, ne perdons pas nos grands objectifs, et surtout défendons une souveraineté européenne.
05:30C'est un bon point qu'il faut adresser à Emmanuel Macron.
05:33Depuis le départ, il a voulu défendre l'autonomie stratégique, la souveraineté européenne.
05:38Aujourd'hui, nous avons la possibilité de passer aux travaux pratiques.
05:41Vous avez raison, le franco-allemand ne suffit pas.
05:43Il faut en particulier, aujourd'hui, travailler avec un État comme la Pologne, par exemple, le triangle de Weimar.
05:48Nous avons des atouts pour avancer dans ce sens.
05:51Justement, rapidement, un mot sur l'agriculture et le bio.
05:55Ça fait partie aussi des problématiques européennes et des enjeux avec les accords internationaux.
05:59Aujourd'hui, on voit que le bio est en difficulté.
06:02C'est les 40 ans du bio, on y consacre sur les bras aujourd'hui un dossier.
06:07Quel est votre regard ?
06:09Aujourd'hui, on voit que les subsides sont réduites pour développer le bio.
06:13Et en même temps, on est dans du contradictoire, puisqu'on veut développer et doubler la surface d'ici 2030.
06:17La question du bio est passionnante, parce que c'est toute la question, aujourd'hui, de cette économie verte.
06:23On n'a pas encore suffisamment compris, en France et en Europe, à quel point ce nouveau monde de la transition verte
06:30va nous donner des atouts dans l'avenir en matière économique et technologique.
06:35Les Chinois ont fait ce pari de passer très vite à une économie verte.
06:39Joe Biden voulait le faire avec l'Inflation Reduction Act.
06:41Nous-mêmes, soyons conscients que c'est une nouvelle économie dont nous allons entrer.
06:47Donc oui, le pari fait par nos agriculteurs d'avancer davantage vers le bio,
06:51le souci qu'ont les Français de leur propre santé, tout ça, c'est une erreur.
06:56Et de ce point de vue-là, oui, il y a un grand débat public qu'il faut maintenir.
06:59Nous ne devons pas, même si nous devons être conscients,
07:02qu'il y a effectivement des risques d'affrontements sur la question écologique.
07:04On le voit avec les ZFE, on le voit avec les zones d'artificialisation des sols.
07:10Mais soyons capables de trouver cet équilibre
07:13et surtout de ne pas perdre ce cap humaniste et écologique qui est l'avenir de l'humanité.
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