00:01Ici Gare Lozère, le réveil 100% local, ici Matan.
00:05Vous y êtes, nous y sommes, bonjour et bienvenue, et Maya Baldoro-Fredon, votre invitée en direct dans le studio, est dermatologue à Nîmes.
00:11En studio avec nous ce matin pour parler de cette pétition que vous avez contribué à lancer.
00:17Elle s'intitule « Urgence, pénurie de dermatologue » et on la trouve sur le site de l'Assemblée nationale, déjà plus de 3000 signatures ce matin.
00:25Il y a urgence, vraiment, comme vous le dites dans la pétition ?
00:28Oui, il y a urgence, ça fait plus de 15 ans que nos institutions tirent la sonnette d'alarme en disant qu'on va droit dans le mur.
00:35Il n'y a plus de dermatologue, les dermatologues partent à la retraite, le ministère ne fait rien.
00:40Du coup, on a voulu s'inspirer de la pétition contre la loi du plomb pour essayer de faire bouger les choses et impliquer la population pour augmenter les besoins de formation.
00:49Mais comment ça se fait qu'il n'y a plus de dermatologue ? Est-ce que c'est un métier qui n'attire plus ?
00:53Alors si, ça fait partie du top 3 des spécialités choisies à l'internat, donc après la chirurgie plastique et l'ophtalmo.
01:01Sauf qu'en fait, il n'y a que 100 dermatologues en moyenne par an qui sont formés.
01:04Il faudrait en former au minimum 150, 130 à 150 pour renouveler le pool de dermato qui part à la retraite au fur et à mesure.
01:12Parce qu'il y a déjà 50% des dermatologues qui ont plus de 60 ans.
01:15Donc c'est vraiment une question de place, ce n'est pas une question d'envie.
01:18Ah oui, on se bat pour être dermatologue, mais il y a des candidats, mais il n'y a pas de place.
01:21Donc les mesures d'urgence que vous demandez, c'est plus de formation ?
01:24Plus de formation tout simplement.
01:26Est-ce qu'il y a d'autres choses ?
01:27C'est essentiellement plus de formation, le développement des réseaux de télé-expertise,
01:32puisque les dermatologues ont mis en place des équipes de soins spécialisées en dermatologie
01:36pour répondre aux avis en télé-expertise et soulager un petit peu la population et les généralistes
01:40pour donner des avis aux généralistes pour que les patients puissent accéder à nos consultations.
01:45Donc en fait, un généraliste vous appelle et vous lui répondez ?
01:49Alors il nous envoie des messages, c'est une plateforme de télé-expertise, avec des photos, on lui répond.
01:54Soit on lui fait gérer la situation, soit on convoque le patient pour le voir en consultation.
01:59Donc on ne peut pas dire que vous ne faites pas tout pour essayer ?
02:02Voilà, on fait tous les efforts.
02:02Alors parce que vos journées doivent être extrêmement chargées, j'imagine, si vous êtes si peu,
02:06ça ressemble à quoi, une journée de dermatologue ?
02:09Alors, consultation, chirurgie, on opère des cancers de la peau,
02:14on prescrit des traitements lourds pour des pathologies inflammatoires qui explosent,
02:18on donne des avis en télé-expertise.
02:22Vous avez combien de rendez-vous par exemple sur une journée ?
02:25Alors jusqu'à une trentaine par jour.
02:27Une trentaine par jour, ça doit faire des horaires assez larges ?
02:30Oui, c'est surtout très lourd, donc il faut faire notre travail correctement
02:34et on ne peut pas plus voir de patients à la journée en fait.
02:38Donc il faut juste qu'il y ait plus de dermatologues pour qu'on réponde à la demande.
02:42Et on l'entendait dans un reportage diffusé à 7h30 sur notre antenne,
02:46il y a même des patients qui font deux heures de route depuis la Lauserre par exemple pour venir.
02:51Vous le ressentez cet afflux aussi des départements voisins qui sont encore moins bien dotés que nous ?
02:55Très régulièrement, très régulièrement.
02:57C'est pour ça qu'on fait aussi de la télé-expertise et on n'est pas assez nombreux de toute façon.
03:02On est 68 millions d'habitants en France.
03:05Il y a 16 millions de personnes, donc un quart qui ont des pathologies de peau.
03:09On est de 1900, si on fait un calcul de mathématiques basiques de CM2, c'est juste pas possible.
03:14Et la ministre ne le comprend pas en fait.
03:16On l'explique ça, il faut l'expliquer à la population parce que vous n'avez pas forcément l'information.
03:21Mais voilà, on n'arrive pas à faire passer ce message-là.
03:25Donc il faut former des dermatologues et au-delà de ça, il faut arrêter de croire que les dermatos font que de l'esthétique.
03:31Les dermatos font moins de 10% d'esthétique dans leur pratique quotidienne.
03:35On fait plus de 90% de dermatologie médicale et chirurgicale.
03:40Par contre, il y a plus de 10 000 médecins qui ne sont ni dermatologues ni chirurgiens plasticiens,
03:44qui ne font que de l'esthétique.
03:46Donc en fait, moi, si je mets mes rendez-vous là tout de suite,
03:49je mets 50 rendez-vous de dermatos sur Doctolib, vous vous jetez tout sur moi,
03:52toutes les places sont prises en moins de 5 minutes.
03:55C'est plus facile d'aller voir Katy Perry aux arènes.
03:58Quoi que c'est complet !
03:59Voilà !
04:00Et pour les rendez-vous d'esthétique, si j'en mets 50 là aujourd'hui,
04:04en fait, il y a tellement de médecins non dermatos qui font de l'esthétique
04:08que mes rendez-vous, ils ne vont pas être pris en fait.
04:10C'est pour ça qu'ils sont visibles sur Doctolib.
04:12C'est juste pour ça, ce n'est pas parce qu'on fait de l'esthétique, on en fait moins de 10%.
04:15Donc entre ces fausses croyances-là et la difficulté au quotidien d'absorber toutes ces demandes,
04:21j'imagine que pour vous, en tant que praticien, ça ne doit pas être facile.
04:24Les conditions de travail doivent être un petit peu compliquées.
04:26C'est ça, on est sous pression en permanence parce que notre but, c'est de soigner des patients.
04:31Ce n'est pas de les laisser dans la nature et on fait au mieux.
04:36Mais quand on entend dire tout ça sur la profession des dermatos, c'est un petit peu agaçant
04:40parce que vraiment on fait tout ce qu'on peut, il faut juste en former plus
04:42et que le gouvernement veuille bien les former et donner des moyens, même s'il y a peu de moyens.
04:49C'est aussi pour ça que cette pétition est en ligne.
04:53Moi je pense à nos auditeurs qui nous écoutent ce matin et qui doivent se dire
04:56« Moi j'ai mis des mois, des années à avoir un rendez-vous. »
04:59Vous qui êtes dermatologue, quel conseil est-ce que vous donneriez à quelqu'un
05:02qui essaye d'avoir un rendez-vous ? Comment on fait en fait pour finir par en avoir un ?
05:06Il faut aller voir son généraliste en fait.
05:08Si vous avez quelque chose qui vous inquiète, vous allez voir un généraliste.
05:12C'est le passage obligé ?
05:13Oui, c'est le passage obligé parce que les consultations de dépistage impliquent des risques,
05:18des facteurs de risque. On ne peut pas le savoir au téléphone si vous avez des facteurs de risque.
05:21Donc on passe par le généraliste. Le généraliste, il pose l'indication.
05:25Soit il sait gérer, il gère, soit il ne sait pas gérer et il vous adresse.
05:28Quand vous toussez, vous n'allez pas voir votre pneumologue directement.
05:31Logique. Quand vous avez un problème de peau, vous voyez votre généraliste.
05:34Il ne sait pas faire, il vous adresse.
05:35Vous allez me dire qu'il n'y a pas de généraliste.
05:37Alors ça, il faut que la population se mobilise aussi pour que les médecins soient formés et existent en fait.
05:43Bon et donc ça, c'est un autre combat dont on parlera dans une autre interview.
05:46Merci beaucoup.
05:47Merci à vous.
05:47Marion Vincent, d'avoir été en studio avec nous ce matin.
05:49Vous êtes dermatologue à Nîmes et vous avez contribué à la création de la pétition
05:53qui dit non à la pénurie de dermatologues.
05:56Merci. Vous avez l'interview sur icigarlosère.fr.
05:59Merci à votre invitée d'être à peine un peu plus accessible que Cathy Péry, si j'ai bien compris.
06:03On a de la chance ce matin.
06:04Merci d'être passé en direct. Merci. Bonne journée, madame.
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