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  • il y a 13 heures
C pas si loin propose de décrypter les enjeux contemporains en France et à l'international depuis les Outre-mer. Présenté par Karine Baste, C pas si loin explore le monde depuis les Outre-mer. Cette France des trois océans, au carrefour de frontières et d'influences croisées, répond autrement aux dynamiques économiques, écologiques, géopolitiques et culturelles. Ce magazine propose un regard singulier sur nos enjeux contemporains et la place des territoires ultramarins dans le monde. Année de Production :

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00:00Générique
00:00Bonjour à tous, très heureuse de vous accompagner pour ce numéro de C'est pas si loin.
00:14Notre invitée aujourd'hui, Nolioué Delanon, professeure agrégée à l'université Laval à Québec.
00:20Avec elle, on reviendra sur plusieurs thèmes abordés cette semaine dans votre magazine,
00:24à commencer par la stratégie militaire française et la place des Outre-mer.
00:28Car ces territoires sont au cœur de la puissance militaire tricolore.
00:33C'est d'ailleurs grâce aux Outre-mer que la France est la seconde puissance maritime au monde.
00:37On verra ensemble les défis auxquels nous sommes confrontés.
00:41Retour également sur cette exceptionnelle qualification d'Haïti pour le mondial de football 2026.
00:46Deuxième qualification de son histoire.
00:49La première remonte à plus d'un demi-siècle.
00:52Que peut apporter cet exploit à un pays en plein chaos ?
00:55C'est l'une des questions que nous nous sommes posées cette semaine.
00:57Aussi, nous avons fait un focus sur ce pan d'histoire méconnu, pan de notre histoire française.
01:03Les engagés indiens, après l'abolition de l'esclavage,
01:06ils ont été des centaines de milliers à être appelés pour travailler dans les anciennes colonies françaises,
01:11notamment, et beaucoup ne sont ensuite jamais rentrés chez eux.
01:15Bonjour Nolioué Delanon.
01:18Bonjour Karine Bast, merci de m'accueillir.
01:20Merci à vous de nous faire le plaisir d'être sur le plateau de C'est pas si loin.
01:24Vous êtes née et avez grandi en Guyane.
01:27Vous êtes aujourd'hui installée au Québec.
01:28De quelle façon votre parcours influence-t-il ?
01:31Votre regard sur la France, votre regard aussi sur les Outre-mer et notre société.
01:36Oui, comme vous l'avez dit, je suis née en Guyane et donc j'ai un ancrage fort
01:40et je l'ai entretenue consciemment au fil des ans,
01:44en dépit du fait que je sois partie très jeune à l'âge de 15 ans au Québec.
01:48Mon regard sur le monde est beaucoup teinté, évidemment, par cette forme d'éloignement
01:51et en même temps cette proximité.
01:53Je me sens toujours un peu de l'intérieur et de l'extérieur, en fait,
01:56quand je regarde le territoire de la Guyane et plus largement le monde.
01:59Et je m'interroge en ayant ce regard critique de décentrement de la France et de l'Europe
02:05pour penser les territoires des Outre-mer, la Caraïbe, dans une logique de francophonie mondiale.
02:12Vous êtes la fille de Christiane Taubira.
02:15On imagine que vous avez grandi avec une certaine culture politique.
02:19Quel regard sur l'état du débat public aujourd'hui, Noliwé Delano ?
02:24Beaucoup d'inquiétudes sur l'état du débat public.
02:26On se rend compte en France, en Europe et dans le monde entier, en Amérique du Nord aussi,
02:32qu'il y a une installation de discours de séparation, de division, d'essentialisation, de hiérarchisation
02:39qui sont profondément coloniaux, en fait, ces discours.
02:42Et ça m'interroge sur le refus de regarder en face cette histoire que nous avons en commun
02:48et de l'affronter ensemble pour défaire tout ce qui fait mal, toutes les anomalies de nos sociétés.
02:55Donc beaucoup d'inquiétudes et en même temps, ce que je ne perds jamais de vue,
02:59ce sont tous les espaces dans lesquels les gens résistent,
03:01réinventent la capacité à être ensemble.
03:03Inquiétudes teintées d'espoir.
03:05Toujours.
03:06En septembre dernier, Noliwé Delano est paru votre ouvrage
03:08« Guyane spatiale, carnaval décolonial ».
03:11C'est en quelque sorte, et arrêtez-moi si je me trompe,
03:13votre histoire d'une Guyane que vous dites décrété spatiale depuis Paris, depuis en haut.
03:19Il y a souvent ce ressenti outre-mer de décisions prises depuis là-haut versus une réalité.
03:27Quel a été l'élément déclencheur de cet ouvrage ?
03:29Alors l'élément déclencheur, c'est une recherche,
03:31un travail de recherche universitaire que j'ai réalisé sur l'activité spatiale en Guyane.
03:36Donc la manière dont elle a été construite au fil des ans, une soixantaine d'années,
03:39mais à partir du regard et de l'expérience concrète des gens.
03:42Donc c'était ce qui m'intéressait,
03:43parce que cette histoire a été racontée d'en haut, depuis Paris,
03:47avec des archives produites sans donner la voix aux gens du territoire.
03:51Et donc ce travail, j'ai voulu le rendre disponible,
03:54le restituer aux gens qui font partie intégrante de cette histoire.
03:58Et j'ai voulu aussi le faire en étant, en restant fidèle à l'oralité des cultures guyanaises.
04:03Et donc c'est pour ça que je me permets de faire entrer en dialogue avec moi
04:07la mémoire orale présente pour interroger et porter un regard critique sur les archives.
04:12– Et on va bien sûr en parler de cette Guyane spatiale dans un court instant.
04:16D'abord, souvent perçue comme lointain ou au mieux périphérique,
04:21les Outre-mer sont donc en réalité au cœur de la puissance militaire française.
04:2511 millions de kilomètres carrés de zones économiques exclusives,
04:28essentiellement grâce à ces territoires.
04:30De quoi faire de la France la seconde puissance maritime au monde ?
04:34Regardez cet extrait, on en parle juste après.
04:35– Je pense qu'il faut vraiment avoir en tête et conscience de l'état du monde.
04:42avec un environnement stratégique qui se dégrade.
04:45Nous avons des compétiteurs, voire des adversaires,
04:48qui pourraient chercher à nous nuire et qui cherchent déjà à nous nuire.
04:52Et dans ce cadre-là, nos Outre-mer, qui sont des régions loin de la métropole,
04:56donc potentiellement vues comme étant plus fragiles ou plus vulnérables,
05:00pourraient être une cible.
05:01Et c'est vraiment dans ce cadre-là que s'inscrit l'augmentation de nos moyens militaires
05:06pour les Outre-mer et pour la Réunion et Mayotte en particulier.
05:10Mais l'océan Pacifique est aussi sous pression de la stratégie d'influence chinoise dans la région.
05:15Revendications territoriales en mer de Chine et sur Taïwan,
05:18construction de ports dans certains États insulaires
05:21et démonstrations militaires cette année,
05:23juste entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
05:26Dans cette zone qui s'étend sur 10 000 kilomètres entre la Nouvelle-Calédonie et Clipperton,
05:31les forces aériennes sont indispensables.
05:35Alors en ce moment, un Oliway de la NON,
05:37plus que jamais les États-Unis se déploient dans la zone caraïbe.
05:40Il y a ce porte-avions qui est officiellement positionné pour lutter contre le narcotrafic.
05:44Et puis tout récemment, la République dominicaine qui a autorisé Washington
05:47à utiliser ses aéroports dans le cadre de ce trafic antidrogue.
05:51Est-ce que selon vous, il faut se méfier des réelles ambitions américaines ?
05:56Je dirais que non, malheureusement, ce qu'on voit, c'est que historiquement,
05:59évidemment, les États-Unis ont une ambition sur l'ensemble du monde,
06:03mais en particulier de l'Amérique latine.
06:07Mais particulièrement, cette présidence est inquiétante par ses choix,
06:11par l'imprévisibilité de certaines de ses actions.
06:14Néanmoins, moi ce qui me préoccupe beaucoup,
06:16c'est la banalisation du discours militariste.
06:21Cette construction d'une idée, de notre imaginaire partagée
06:24sur l'imminence d'une menace qui ferait en sorte qu'on devrait devenir une société militariste,
06:30moi m'interroge beaucoup.
06:32Donc il y a effectivement un contexte très préoccupant, très angoissant.
06:36Mais comment est-ce que nous, on y répond ?
06:37Est-ce qu'on y répond en devenant aussi, en montrant les muscles,
06:41ou en plutôt en travaillant à consolider le multilatéralisme
06:44pour éviter l'escalade qui nous mènerait toutes et tous à notre perte ?
06:49Comment on y répond et puis quelle perception aussi ?
06:51Parce que quand on regarde les chiffres, il y a 2650 militaires positionnés en Guyane,
06:559000 en tout outre-mer.
06:57Quelle perception des populations ultramarines
06:59et peut-être plus précisément des populations guyanaises au quotidien ?
07:03Écoutez, la perception, c'est que bien souvent,
07:05la façon dont l'État démontre son engagement dans les Outre-mer
07:09et en particulier en Guyane, c'est à travers la force militaire.
07:12Or, ce n'est pas ce qui est attendu, ce qui est demandé.
07:14Et donc, bien souvent, c'est l'argument qu'on nous sert pour montrer
07:17qu'il y a présence et prise au sérieux.
07:21Mais ce que les gens attendent, c'est une présence de services publics.
07:25Les gens demandent des infrastructures,
07:27les gens demandent un système de santé qui fonctionne,
07:30un système d'éducation qui fonctionne.
07:31Et on n'a jusqu'à maintenant jamais prouvé, en fait,
07:34qu'une présence militaire pouvait dissuader quoi que ce soit, en fait,
07:39et pouvait empêcher, justement, l'engrenage dans une forme d'escalade
07:42et de violence qui devient endémique.
07:45– Ça veut dire que potentiellement, Noliou et de la langue,
07:46vous êtes perplexe sur cette récente annonce d'Emmanuel Macron,
07:50le retour dès l'an prochain, à partir de l'an prochain du service militaire,
07:54sur la base du volontariat, vous êtes perplexe ?
07:56– Je suis perplexe, je suis inquiète, très inquiète,
07:59parce qu'en plus, parler de services volontaires
08:02laisse entendre que les gens prennent des décisions
08:06de manière éclairée et totalement libre,
08:08alors qu'en fait, les conditions dans lesquelles les gens,
08:11notamment sur les territoires des Outre-mer vives,
08:13sans perspective, parfois, d'emploi,
08:15peuvent les amener à envisager ce type d'expérience
08:18comme une voie de sortie pour vivre tout simplement.
08:23– Comme l'opportunité unique, finalement, de s'en sortir.
08:25Et donc là, on n'est plus sur la base du volontariat.
08:27– Absolument, donc il y a cet aspect qui m'inquiète beaucoup,
08:29et plus largement, tout ce discours militariste
08:31que je crois très dangereux.
08:33– Alors, la première mission des forces armées en Guyane
08:37est de protéger Kourou, centre spatial, mi-novembre, à Toulouse,
08:41Emmanuel Macron dévoilait justement sa nouvelle stratégie
08:44pour ce secteur confronté à une rude concurrence.
08:47Occasion pour nous de voir de quelle façon a évolué,
08:50s'est modernisé ce centre guyanais, son impact environnemental aussi.
08:54Regardez ce reportage proposé par Sandy Dubois et Maxime Lequeux.
08:57– Kourou, centre spatial guyanais.
09:04Inauguré en 1964, le CSG fait face à de nouveaux défis.
09:09Rester attractif dans un contexte spatial de plus en plus concurrentiel.
09:14Alors, comment s'adapter à cette ère du New Space ?
09:17– C'est la seule table spatiale actuellement en Europe
09:22qui est capable de faire des lancements orbitaux.
09:24Nous sommes en train de moderniser cette base.
09:28Actuellement, on est en train de construire un nouveau centre des opérations
09:30qui va nous permettre de faire des chronologies
09:33beaucoup plus rapprochées et d'augmenter la cadence.
09:36– Allumage, paix en bas, décollage.
09:41Aujourd'hui, on a un délai minimum d'à peu près 15 jours entre deux lancements.
09:45Là, on veut passer à des délais de 3 jours.
09:48Et pour ça, qu'est-ce qu'on fait ?
09:49On réunit tous nos moyens dans un seul lieu,
09:52avec une communauté et des moyens qui sont paramétrables avec plusieurs salles.
09:57Donc l'idée, c'est d'être beaucoup plus flexible,
09:59des outils plus simples, plus modernes,
10:01plus faciles à manipuler, plus faciles à configurer
10:03pour pouvoir enchaîner des tirs plus rapidement.
10:05– Mais ici, il n'est pas seulement question de technologie.
10:11Pour faire cohabiter technique de pointe et milieu naturel,
10:15la transition écologique de la base entre aussi en jeu.
10:17– Il faut jouer sur tous les aspects,
10:21parce qu'on ne peut pas envisager de moderniser sans verdir.
10:24Donc ce n'est pas 100% nos investissements,
10:27mais c'est une partie des investissements, c'est une partie importante.
10:29Et puis il faut respecter les réglementations en cours, là maintenant,
10:33sur les processus industriels.
10:35Et nous sommes parfaitement en ligne.
10:37Ça, c'est quelque chose d'important,
10:38parce qu'aujourd'hui, la base, elle consomme 15% de l'électricité de la Guyane.
10:42L'idée, c'est non pas de se rendre indépendant,
10:45ce n'est pas notre vocation,
10:46mais c'est d'avoir, avec des champs photovoltaïques,
10:49il y a des installations qui permettent aussi de produire de l'hydrogène pour la fusée,
10:54à partir d'électricité verte,
10:55d'être beaucoup plus autonome en termes de consommation
10:58et beaucoup plus vert dans la capacité globale de la base.
11:03Donc effectivement, nous, on essaye de mettre ça en avant.
11:07Ce n'est pas qu'une contrainte,
11:10c'est aussi quelque chose qui intéresse nos clients,
11:13nos salariés et les opérateurs de lancement,
11:15qui ne sont pas du tout dans un mindset de
11:18« on peut tout casser, on peut tout brûler, ça ne nous gêne pas ».
11:21On a vraiment une clientèle,
11:22et puis des salariés et des partenaires qui sont attentifs à ça.
11:26Et puis, bien sûr, le territoire guyanais aussi.
11:31Alors ce reportage, il est l'occasion d'en revenir à votre ouvrage,
11:35à cette Guyane spatiale dont vous parlez si bien.
11:39Ce centre spatial guyanais, que représente-t-il pour les Guyanais ?
11:43Écoutez, il représente énormément de choses.
11:46Évidemment, c'est un acteur majeur de l'économie locale.
11:49Ça fait 60 ans qu'il est implanté.
11:50Il a représenté jusqu'à 40% du PIB local.
11:55Donc c'est une force économique incontestable.
11:58C'est aussi un acteur qui a façonné la ville de Kourou
12:02en faisant table rase de ce qui préexistait.
12:05Et donc il y a encore des blessures très lourdes
12:07sur ce qu'il a fallu mettre de côté,
12:10la manière dont il a fallu déposséder un territoire
12:12et une population en entier
12:14pour permettre l'installation du spatial.
12:16Donc il y a un besoin de raconter cette histoire en authenticité.
12:20Mais en même temps, je pense que les gens ont envie de la réussite du spatial
12:23et se rendent bien compte aussi que c'est une activité
12:27qui parfois subit les contre-coûts de la concurrence internationale,
12:32ce qui se vit très clairement sur le territoire.
12:34Qu'est-ce que vous entendez par déposséder une population ?
12:37Parce que vous avez parlé de produits intérieurs bruts,
12:38vous avez parlé d'emplois.
12:39Il y a des milliers d'emplois directs et indirects.
12:43J'imagine peut-être que quand vous étiez enfant,
12:45vous ressentiez une certaine fierté,
12:46peut-être en voyant des fusées décoller.
12:49En quoi est-ce que les populations,
12:50et je dis les volontairement en Guyane,
12:52ont été dépossédées ?
12:53Parce qu'en fait, d'abord, il a fallu déposséder les gens de leur terre
12:58pour installer le spatial.
13:00Donc il y a eu des expropriations
13:01qui ont transformé complètement le visage de cette ville.
13:05Il a fallu construire...
13:06Enfin, il a fallu...
13:07Une nouvelle ville a été construite et mise sur pied
13:12en faisant...
13:14En oubliant complètement l'histoire de ce territoire,
13:17l'histoire des gens.
13:18Il y a également les subjectivités des gens,
13:22donc leurs récits qui ont été mis de côté.
13:24Et la manière dont le spatial, malheureusement,
13:26s'est historiquement raconté,
13:28c'était en faisant abstraction de la Guyane,
13:30des voix du territoire, de ce qu'elles avaient à dire.
13:33C'est une espèce d'enclave que Kourou a été,
13:37continue d'une certaine mesure d'être,
13:39avec une architecture qui est distincte du reste de la Guyane,
13:42avec une ségrégation sociale
13:46qui rappelle les frontières raciales de l'époque coloniale,
13:50encore aujourd'hui.
13:51Et donc, il y a un énorme travail à faire
13:53pour ramener, restituer Kourou à la Guyane.
13:56Vous savez, Donny Wadlanon,
13:57lorsque l'on s'intéresse aux forces armées en Guyane,
14:01notamment celle de Kourou,
14:02on peut lire ces mots sur le site du Sénat.
14:04Ils vont s'afficher ces mots.
14:06La Guyane, un territoire singulier
14:08qui fait l'objet d'une attention particulière de l'État.
14:12Je vous vois sourire dans les faits.
14:15Ben oui...
14:16Quelle attention particulière ?
14:17Cette attention particulière,
14:18c'est précisément le déploiement de forces armées.
14:21Et ça a été cela depuis le début.
14:23Ben pas seulement.
14:24Pas seulement, mais c'est essentiellement cela, en fait.
14:28C'est une présence technologique,
14:32un engagement dans l'excellence technologique française,
14:35mais sans vraiment vision de long terme.
14:37Il y a des efforts qui ont été faits,
14:38je ne le nie pas, j'en parle d'ailleurs dans le livre,
14:41mais je crois que c'est sans commune mesure
14:43avec ce qui devrait être fait encore aujourd'hui.
14:46Pour les populations, donc.
14:47De la main-d'œuvre pour les colonies françaises et britanniques,
14:51voici ce qu'étaient au XIXe siècle
14:53ces engagés indiens dont nous avons parlé cette semaine
14:56dans « C'est pas si loin ».
14:57Quelques 164 000 à La Réunion,
15:00500 000 sur les Maurice,
15:01recrutés par milliers en Inde pour l'industrie sucrière.
15:05Regardez.
15:05Ce qu'on recherche, ce sont des gens qui veulent venir ici
15:10et à qui on va promettre, au bout du temps du contrat,
15:13de rentrer chez eux gratuitement.
15:16Ils vivent donc dans ces camps,
15:17qui sont les anciens camps d'esclaves.
15:20Les conditions de travail des engagés sont assez difficiles.
15:24Et surtout, ils n'ont pas le droit de sortir
15:27de leur lieu de travail sans autorisation du propriétaire.
15:31Et s'il y a une absence non autorisée,
15:34ils doivent remplacer une journée d'absence
15:36par deux journées gratuites.
15:40La vraie différence entre les esclaves et les engagés,
15:43c'est que les engagés sont des hommes libres.
15:45Donc ils gardent leur nom, ils transmettent leur nom.
15:49Et à la fin du contrat,
15:51ceux qui peuvent rester,
15:52ceux qui ne peuvent pas rentrer
15:53ou ceux qui veulent rester,
15:55peuvent s'installer librement dans l'île.
15:58À La Réunion, une grande partie de la population
16:01descend des engagés indiens
16:03qui représentaient un quart de la démographie de l'île
16:05à la fin du XIXe siècle.
16:10– Alors certains parlent de l'engagisme
16:12comme d'un esclavagisme déguisé.
16:16Et vous ?
16:16– Moi, ce que je retiens,
16:19c'est la continuité, en fait,
16:20dans les pratiques coloniales qui ont eu cours
16:24dans l'ensemble des Outre-mer.
16:25Les Outre-mer, ce sont des sociétés
16:27qui racontent, en fait, la mise en relation du monde.
16:30Une mise en relation brutale, évidemment.
16:32On pense au génocide des peuples amérindiens,
16:34parachevés ou non,
16:36à l'esclavage, au colonialisme, à l'engagisme.
16:38Plus largement, ce qui a travaillé toutes ces sociétés,
16:41c'est une forme de hiérarchisation
16:44et de séparation des populations.
16:46Et malgré tout,
16:47qu'ont-elles produit ?
16:48Elles ont produit de l'inattendu,
16:49de l'imprévu, du non-voulu même.
16:52Elles ont produit de la relation.
16:53Et donc, ce que je trouve fascinant,
16:55en fait, dans ce reportage notamment,
16:56c'est la manière dont les gens cherchent
16:58à comprendre cette histoire qui a été niée,
17:01qui a été parfois simplement minimisée,
17:03relativisée dans les écrits,
17:04dans l'histoire officielle,
17:06et pour se réapproprier, en fait,
17:08l'histoire de leur territoire,
17:09l'histoire des liens qui se sont construits,
17:11pour comprendre aujourd'hui
17:13ce que sont ces sociétés.
17:14– Effectivement, et savoir d'où on vient,
17:16ces capitales,
17:17et là, il en est question
17:18pour ces descendants d'engagés,
17:19il en est question dans notre émission aujourd'hui,
17:21sauf que, de façon générale,
17:22on n'en parle pas de cette histoire.
17:23Elle n'est pas enseignée.
17:25Est-ce que la France choisit, selon vous,
17:27la version de l'histoire qu'elle veut enseigner ?
17:30– Oui, toujours.
17:31Et c'est une histoire qui efface nos expériences
17:35dans les territoires des Outre-mer.
17:36C'est systématique, elle est niée.
17:39Et ce qu'on observe également,
17:41c'est le besoin de retourner à la source
17:45de cette histoire qui n'est pas perdue,
17:47mais elle est présente dans la mémoire orale
17:49des populations.
17:50Là, on entend à quel point les gens recherchent
17:54des petits bouts, des morceaux,
17:56pour recoller leurs histoires personnelles,
17:59familiales, généalogiques.
18:01Et on retrouve cette tendance
18:02dans tous les territoires des Outre-mer.
18:04Et moi, ce qui me fascine, en fait,
18:09c'est la capacité qu'ont les gens
18:12à entretenir cette mémoire orale
18:14en dépit des silences et des ratures,
18:16des omissions de l'histoire officielle.
18:18– Alors malgré tout, que faire
18:18pour que ça dépasse ce stade de l'oralité ?
18:20Que faire pour que cela dépasse
18:22ces territoires ultramarins ?
18:23Que ça soit enseigné, que ce soit connu ?
18:25– D'abord, faire ce qui est fait,
18:28ce qui est montré dans le reportage,
18:30retourner, comprendre, raconter des récits.
18:33Nous avons besoin que nos imaginaires
18:35soient pleinement habités par ces récits
18:36qui ont été marginalisés ou ignorés.
18:40Et je crois qu'il y a un travail
18:41de plus en plus important
18:42qui est fait dans les arts,
18:44dans la production cinématographique aussi,
18:46pour rendre visibles les manières
18:48dont nous faisons société ensemble.
18:50– Donc ça va dans le bon sens.
18:51– C'est un combat continu, je dirais.
18:53– Bien sûr.
18:54Allez, un dernier extrait,
18:56Noliwe, de l'annonce cette semaine.
18:57Nous avons aussi parlé de la qualification
18:59à peine croyable d'Haïti
19:01pour le mondial de football 2026.
19:03C'est un exploit pour ce pays
19:04le plus pauvre des Amériques.
19:06Les Grenadiers, c'est le nom
19:08de cette équipe nationale.
19:09Eh bien, ils s'envoleront
19:10pour les États-Unis en juin prochain.
19:12Regardez la joie dans le pays
19:13au soir de cette qualification
19:15le 18 novembre dernier.
19:16Pétionville, quartier de Port-au-Prince,
19:23l'un des derniers de la capitale haïtienne
19:25à ne pas être contrôlée
19:26par les bandes criminelles.
19:28Ce soir-là, Haïti a rendez-vous
19:30avec son histoire.
19:31Il suffit d'une victoire
19:32et l'équipe nationale se qualifie
19:34pour la prochaine Coupe du monde
19:35de football.
19:36Du jamais vu ici depuis plus
19:38d'un demi-siècle.
19:39Alors beaucoup ont tenu
19:40à assister à ce moment.
19:51Symbole d'un pays en plein chaos,
19:54c'est toujours à distance
19:54que les supporters suivent
19:56les rencontres de la sélection haïtienne.
19:59Impossible pour elle
19:59de jouer à domicile depuis longtemps
20:01pour des raisons évidentes de sécurité.
20:03Cela ne va pas empêcher Haïti
20:11de l'emporter.
20:232-0 contre le Nicaragua,
20:26synonyme de qualification
20:27et de délivrance.
20:33Peu importe les coups de feu entendus,
20:37en quelques instants,
20:38les rues du quartier
20:38sont envahies par les fans.
20:40C'est comme si soudain,
20:41il n'y avait ni danger
20:42ni menace.
20:46La population savoure
20:47un rare moment d'euphorie.
20:51Et c'est vrai que c'est fou
20:51parce que ça n'arrive jamais
20:52de voir de telles images en Haïti,
20:54si ce n'est peut-être
20:55lors de la dernière qualification
20:56pour le mondial en 1974.
20:57Est-ce qu'on peut imaginer,
20:59espérer que cette qualification
21:00attire l'attention
21:01des pays internationaux,
21:04de l'international peut-être,
21:05sur la situation dans le pays ?
21:06On peut l'espérer.
21:08Je n'ai guère d'espoir
21:09dans ce sens
21:10que moi, en tout cas,
21:11je retiens.
21:12C'est la capacité
21:14qu'a le peuple haïtien
21:15à toujours montrer
21:16qu'il est debout.
21:18Cette jeunesse dans les rues
21:19qui réussit à faire société ensemble,
21:22à faire corps ensemble
21:23en épit de l'adversité.
21:25Ce que je retiens également,
21:26c'est qu'effectivement,
21:27cette victoire est intervenue
21:29plus de 50 ans
21:30après la dernière qualification.
21:31Mais elle est surtout intervenue
21:32un jour symbolique.
21:33Exactement.
21:34Un 18 novembre.
21:35Absolument.
21:36Qui est la date
21:36de la bataille de Verscher
21:38pour Haïti
21:38qui représente donc
21:39la fierté
21:40d'avoir combattu
21:43victorieusement
21:44en fait
21:44les forces françaises.
21:46Et donc,
21:47pour eux,
21:47c'était un moment symbolique.
21:48Mais pour moi,
21:49le foot en particulier,
21:51c'est un sport populaire
21:53qui a toujours eu
21:54une place importante
21:55pour les pays du Sud
21:56pour rappeler
21:57l'humanité
21:58en fait
21:58de ces populations
21:59systématiquement déshumanisées.
22:01Parce que ce ne sont pas
22:02que des corps qui jouent.
22:04Ce sont des intelligences.
22:05Ce sont des gens
22:06qui mettent en commun
22:08leurs habiletés
22:10pour construire un jeu ensemble,
22:12pour penser stratégiquement.
22:13Et donc,
22:14elles réaffirment
22:14leur humanité sur un terrain
22:15même sans parler.
22:17Et je pense que c'est
22:17quelque chose de très fort
22:18qui, en général,
22:20soulève les foules
22:21au-delà même d'Haïti
22:22parce que c'est toute la diaspora
22:23qui a joué
22:24et qui a célébré.
22:25En effet,
22:25et on l'a montré
22:26dans notre émission
22:26cette semaine,
22:27malgré tout,
22:28Noliwe Delano,
22:28absolument rien ne va
22:29dans ce pays.
22:30D'ailleurs,
22:31l'équipe n'a même pas pu
22:32s'entraîner sur place.
22:33Elle a dû le faire à Curaçao,
22:34c'est bien trop violent
22:35sur place.
22:36Et vous, en Guyane,
22:37vous savez à quel point
22:38il y a des demandes d'asile
22:39de Haïtiens
22:41sur le territoire,
22:42la Guyane qui est débordée
22:43par les demandes d'asile.
22:44Est-ce que pour exister,
22:45les Haïtiens
22:46n'ont d'autre choix
22:47que de s'exiler ?
22:48Est-ce qu'ils sont
22:49condamnés à cela ?
22:55C'est du peuple haïtien,
22:57de la diaspora haïtienne,
22:58mais c'est une réalité,
22:59effectivement,
23:00depuis très longtemps
23:00que les gens s'exilent
23:02pour souffler,
23:04gardent un lien très fort
23:05cependant
23:06avec leur territoire d'origine.
23:07C'est une diaspora
23:08très engagée
23:10qui vit son identité
23:12haïtienne pleinement.
23:14Je ne sais pas
23:15ce que l'avenir réserve,
23:17mais ce que je sais,
23:18en tout cas,
23:18c'est que le combat
23:19se poursuit
23:20dans et en dehors d'Haïti.
23:23Et je pense que
23:23la communauté internationale
23:25n'a jamais été à la hauteur
23:27depuis l'indépendance d'Haïti,
23:29depuis qu'elle s'est arrachée
23:30à son sort de colonie
23:32d'esclavage,
23:34jamais le monde occidental,
23:36le monde plus largement,
23:37n'a été à la hauteur d'Haïti.
23:38Malheureusement, oui.
23:39Et donc, j'espère
23:40qu'un jour,
23:40nous le serons.
23:42En tout cas,
23:42à court terme,
23:43et puisqu'on voyait
23:43ces images de l'IS,
23:44on leur souhaite évidemment
23:45le meilleur
23:46pour ce mondial de foot.
23:47On va terminer
23:48avec votre photo,
23:49Molly Weed-Lan.
23:50Une photo qui va s'afficher,
23:52qui s'affiche,
23:52que je découvre
23:53en même temps
23:53que les téléspectateurs.
23:55Racontez-nous un peu
23:56où nous sommes
23:57et qui est-ce qu'on voit
23:58sur cette photo.
23:59Alors, nous sommes à Cayenne,
24:01sur la place des Amandiers,
24:03donc un lieu très connu
24:04des gens de Guyane
24:05et des Cayennais en particulier.
24:08Donc, c'est mon fils
24:08qu'on voit
24:09parce que c'est une photo personnelle,
24:10mais ce que je voulais montrer,
24:11en fait,
24:12c'est vraiment
24:12les bancs de vase
24:14qui sont en fait
24:15caractéristiques
24:16de ce milieu naturel,
24:17l'Amazonie,
24:18qui nous rappellent en fait
24:19la relation de la Guyane
24:20avec ses voisins,
24:22l'ensemble du plateau
24:23des Guyanes
24:23qui va de la Colombie
24:25jusqu'au Brésil
24:26en passant par le Venezuela,
24:27Guyana,
24:28le Suriname
24:29et bien sûr la Guyane
24:30et qui donc,
24:31en fait,
24:33rappelle l'imaginaire
24:34de relations
24:35qui est très profond
24:36en Guyane.
24:37Ce sont des sédiments
24:38qu'on voit
24:39qui annoncent
24:39le retour de la mangrove
24:41et donc,
24:43ce paysage-là,
24:45pour moi,
24:45me rappelle
24:46ce qu'est la Guyane,
24:47un territoire de relations,
24:49un territoire d'entremêlement,
24:51un territoire rebelle
24:52qui jamais
24:53ne courbera les Chines.
24:54Il est vrai
24:55que pour les Guyanais,
24:56les fleuves sont des repères,
24:57que l'Amazonie,
24:58c'est un monde,
24:59c'est tout cela
24:59en fait que vous nous expliquez.
25:01Absolument.
25:02Merci infiniment,
25:03Noliwe Delanon,
25:04d'être venue
25:05sur le plateau
25:06de C'est pas si loin.
25:07Merci pour votre regard,
25:08pour votre éclairage.
25:09Merci à vous
25:10d'être fidèle
25:11à votre rendez-vous
25:12C'est pas si loin.
25:13Je rappelle évidemment
25:14votre ouvrage
25:14Noliwe Delanon,
25:15Guyane spatiale,
25:16Carnaval décolonial.
25:19Je rappelle que cette émission,
25:20vous pouvez la voir,
25:21la retrouver évidemment
25:22sur la plateforme
25:22france.tv,
25:24désormais aussi en podcast
25:25sur toutes les plateformes audio.
25:28Très belle fin de journée,
25:29très bon week-end,
25:30à lundi,
25:31même lieu,
25:31même heure.
25:32Sous-titrage Société Radio-Canada
25:34Sous-titrage Société Radio-Canada
25:34Sous-titrage Société Radio-Canada
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