Skip to playerSkip to main content
  • 7 minutes ago
Transcript
00:00C'est l'une des pires crises humanitaires au monde et les enfants sont en première ligne.
00:04Direction le Soudan oĂą la guerre civile fait rage depuis avril 2023.
00:08Situation particulièrement préoccupante dans la région d'El Facher.
00:12Cette ville stratégique du Darfour reprise il y a un mois à l'armée par les paramilitaires des forces de soutien rapide.
00:18Sur place, la famine s'étend avec de plus en plus sur les réseaux sociaux des photos d'enfants sous-alimentés ou maltraités.
00:25Bonjour Baptiste Chapuis, merci d'avoir accepté notre invitation.
00:28Vous ĂŞtes responsable du plaidoyer et des programmes internationaux Ă  l'UNICEF France.
00:33Il y a tout d'abord ces chiffres.
00:35Selon l'ONU, le nombre d'enfants ayant besoin d'une aide humanitaire a doublé depuis 2023 au Soudan.
00:41Il serait actuellement plus de 15 millions.
00:43La situation pour eux se détériore de jour en jour.
00:46C'est le constat que vous faites également ?
00:49Tout Ă  fait. Il est bon de s'inscrire en faux contre cette impression que depuis la prise d'El Facher,
00:54les choses tentent à s'améliorer. Ce n'est pas vrai.
00:56Depuis le 26 octobre, il y a plus de 100 000 personnes qui ont été nouvellement déplacées,
01:02en particulier au Darfour Nord, Ă  El Facher.
01:04Vous avez un autre indicateur qui est dramatique, qui est que selon les informations que nous avons
01:08avec mes collègues de l'UNICEF sur le terrain,
01:12les pillages, les violences sexuelles et les massacres continuent sur place.
01:16Le blocage des voies d'approvisionnement qui permettent à l'aide humanitaire de rentrer reste bloqué.
01:21Et le troisième facteur qui est le plus dramatique, c'est que la famine a été déclarée El Facher.
01:26Je rappelle que depuis le début du rapport de la classification intégrée qui répertorie les situations de famine,
01:32c'est la première fois depuis plus de 20 ans qu'il y a deux situations de famine répertoriées dans le monde,
01:35au Soudan et Ă  Gaza.
01:37Et au Soudan, elle a lieu non seulement depuis août 2024,
01:41mais il est bon de rappeler que les premières personnes qui en pâtissent, ce sont les enfants.
01:46Parce que les enfants qui souffrent de famine, qui sont tant émaciés et qui souffrent dans leur chair de cette maladie,
01:55ont 11 fois plus de chances de mourir d'autres maladies,
01:58comme par exemple le choléra qui persévère à un moment donné où l'aide humanitaire doit rentrer et elle ne rentre toujours pas.
02:04De quoi ont-ils le plus besoin ces enfants Soudanais aujourd'hui ?
02:07Et surtout, comment dans l'état actuel des choses peut-on améliorer leur quotidien ?
02:10Vous demandez aux deux parties du conflit d'ouvrir au plus vite des couloirs humanitaires ?
02:16La première chose à faire, c'est déjà un cessez-le-feu.
02:20On ne pourra rien faire sans un cessez-le-feu.
02:21Ça fait trois ans que la population, les enfants, les femmes, subissent un martyr innommable.
02:27De mémoire d'UNICEF, c'est l'une des rares crises où vous avez une gravité d'une crise qui est absolument phénoménale.
02:33Et le peu d'attention et de réponses politiques, diplomatiques,
02:37et j'ai presque envie de le dire en termes d'image, mĂŞme si aujourd'hui on est en train d'en parler,
02:40cet écart-là pour nous, il est absolument insupportable.
02:43Donc déjà, le cessez-le-feu, c'est la première condition pour faire en sorte que faire taire les armes
02:48puisse permettre d'aboutir à la deuxième phase,
02:51qui est celui de permettre un accès qui soit enfin indépendant et impartial,
02:55qui est bloqué par les parties au conflit.
02:58Je vais vous donner un chiffre pour vous illustrer la situation de l'accès humanitaire vécu par mes collègues.
03:03Sur toute l'année 2024, c'est 60% de nos tentatives d'acheminement de fournitures ou de l'aide
03:08qui ont été soit bloquées par des barrières administratives, juridiques ou légales,
03:13soit attaquées au sens propre du terme.
03:16On a eu cinq personnes dans un convoi en août qui ont été tuées sur la route.
03:20Et c'est ce qui se passe aujourd'hui avec la situation à Elphachère.
03:22C'est-Ă -dire que vous avez des corridors humanitaires que l'on appelle de nos voeux en tant qu'UNICEF,
03:27en tant qu'écosystème humanitaire, qui ne sont pas mis en place aujourd'hui
03:29parce que le combat continue, les civils en payent le prix
03:32et les humanitaires sont soit attaqués, soit empêchés dans leur travail.
03:37Et je rappelle également à votre antenne qu'on parle aujourd'hui,
03:41à juste titre, de la situation à Elphachère qui est un enfer sur terre.
03:44C'est l'épicentre de l'horreur aujourd'hui.
03:46Mais il y a deux autres situations de siège aujourd'hui au Cordeau-Font du Sud,
03:50Ă  Kadougli et Ă  Dilling,
03:52où des gens vivent une situation de siège depuis plus de 500 jours.
03:56C'est-à-dire aussi l'horreur à l'échelle du Soudan
03:58et ce qui est en train de se passer aujourd'hui,
04:01dont les enfants payent le prix au premier titre.
04:03Sur place, combien d'équipes avez-vous au quotidien au Soudan ?
04:10Actuellement, on a une vingtaine de staffs qui sont déployés
04:14dans les zones les plus critiques.
04:16Et quand je dis les plus critiques, c'est-à-dire autour d'Elphachère à Tawila.
04:19Je rappelle que Tawila, c'est 500 000 personnes.
04:20C'est l'équivalent de la ville de Lyon.
04:23Mais on en a beaucoup plus si on compte nos partenaires directs
04:25parce que l'UNICEF est aussi un parapluie qui finance
04:28et soutient directement quantité d'organisations soudanaises
04:31qui font un travail, je le rappelle Ă  votre antenne,
04:34essentiel, vital aujourd'hui, nos partenaires soudanais
04:37pour apporter une ligne de vie humanitaire
04:39et soulager un petit peu les souffrances.
04:43L'enjeu numéro un aujourd'hui, je dirais qu'il est triple,
04:45c'est d'abord casser ce cycle vicieux de la famine.
04:48Pour ça, il faut amener des kits médicaux,
04:51il faut amener ce qu'on appelle des aliments thérapeutiques prêts à l'emploi
04:54pour faire en sorte que cette situation de famine s'arrĂŞte.
04:57Je rappelle que la famine, c'est quand vos organes vitaux,
05:00vous êtes tellement émaciés, vous êtes tellement affaibli
05:02que vos reins, vos poumons, votre foie lâchent
05:05et vous mourrez d'un arrĂŞt cardiaque.
05:06C'est ce qui arrive Ă  des enfants tous les jours aujourd'hui,
05:08Ă  Tawila, Ă  Koutour et Ă  El Facher,
05:11qui est un peu l'épicentre de l'horreur comme je le rappelais.
05:13Il y a aussi, effectivement, vu qu'on fait face Ă  une population
05:15qui a été déplacée 5 fois, 10 fois, 15 fois,
05:19il y a encore 10 000 personnes qui ont été déplacées
05:22juste dans cette petite fenĂŞtre du 9 au 12 novembre.
05:25C'est que vous dire aussi que les combats ne s'arrĂŞtent pas,
05:28les horreurs ne s'arrĂŞtent pas, elles continuent.
05:29On doit arrĂŞter ce cycle de l'horreur.
05:32Aujourd'hui, l'UNICEF achemine 150 000 litres d'eau par jour
05:35pour à peu près 20 000 personnes dans les alentours d'El Facher.
05:39Mais effectivement, au-delĂ  de l'alimentaire et de l'eau,
05:43ça ne repense pas le fait que vous avez 80 % des enfants
05:47qui n'ont plus accès à l'éducation au Soudan,
05:4870 % des hĂ´pitaux qui sont plus fonctionnels.
05:51Donc, pour, encore une fois, au-delĂ  des corridors humanitaires
05:54qui sont essentiels pour alléger les souffrances des populations,
05:57on aura besoin que l'État reprenne sa place,
05:59que les services essentiels reprennent leur place.
06:00Et pour ça, il n'y aura pas d'autre choix
06:01de faire pression sur les parties au conflit pour arrĂŞter ce conflit,
06:05mais également faire pression sur les sponsors de ces parties au conflit
06:07qui, aujourd'hui, entretiennent une dynamique meurtrière
06:10et absolument impardonnable.
06:11Vous avez besoin de dons, aujourd'hui, pour le Soudan ?
06:14Quand je vous disais que le Soudan est l'une des rares crises
06:19de mémoire UNICEF à avoir une situation de gravité
06:22Ă  30 millions de personnes, dont 15 millions d'enfants
06:24qui ont besoin d'une aide humanitaire,
06:26cette gravité-là, avec des violences sexuelles absolument inimaginables,
06:30et une attention politique, diplomatique et médiatique
06:33qui est aux antipodes,
06:35le volet financier, bien évidemment, fait partie de ça.
06:37Vous avez des coups, au moment où, par les États-Unis,
06:39mais aussi en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne,
06:41on coupe les aides publiques au développement et les aides humanitaires,
06:44ça se paye en vie humaine, aujourd'hui, sur le terrain, au Soudan.
06:47C'est ça, en fait, la réalité dramatique que vivent les enfants soudanais.
06:51Et oui, je crois que, lĂ , Ă  l'heure oĂą je vous parle,
06:54mĂŞme si l'UNICEF a pu mettre 5 millions d'euros sur la table
06:56pour répondre à l'urgence d'Alpha Cher,
06:57c'est une goutte d'eau dans l'océan des besoins.
07:00Il n'y a mĂŞme pas 30%, 20-30% des besoins financiers
07:04qui sont couverts sur l'ensemble des besoins répertoriés sur le Soudan.
07:07Donc oui, on appelle à la générosité du public,
07:09mais bien évidemment, on appelle aussi à la générosité des États,
07:13de l'État français, pour répondre enfin à ce besoin
07:15et traduire aussi les paroles en actes,
07:19parce que, très honnêtement, ce qui se passe aujourd'hui au Soudan
07:21est intolérable, en particulier pour les enfants.
07:23Vous craignez désormais que ce soit toute une génération
07:25qui soit sacrifiée sur le tel de cette guerre fratricide au Soudan ?
07:29Une crainte, c'est une certitude.
07:33Je parlais par exemple de la famine.
07:35La famine, c'est le stade 5 de l'insécurité alimentaire.
07:39Ce n'est pas un mot qu'on emploie à la légère
07:40quand on est membre des Nations Unies
07:41ou quand on est membre de l'UNICEF.
07:45Quand vous savez que 80% de vos capacités cognitives,
07:49cérébrales et physiques se jouent dans la fenêtre
07:51des mille premiers jours de votre vie,
07:52quand les femmes sont enceintes, puis à l'étendre
07:54jusqu'aux deux premières années de votre vie,
07:5680% se jouent dans cette fenĂŞtre-lĂ .
07:57C'est vous dire de ce qu'on va laisser comme traumatisme physique durable
08:01sur les populations, sur les stigmates qu'on va leur laisser,
08:05cela sans mĂŞme parler des violences sexuelles absolument immondes
08:09dont les groupes armés se rendent coupables aujourd'hui
08:13et que l'UNICEF essaie de documenter.
08:14Je rappelle à vos téléspectateurs qu'en mars dernier,
08:18on a sorti un rapport sur les deux, trois premières années du conflit
08:21qui documentait des cas de violences sexuelles,
08:23y compris sur des nourrissons,
08:24y compris sur des cas de personnes, d'enfants de moins de un an.
08:28Donc ce simple fait-lĂ , cette simple phrase-lĂ ,
08:30devrait toutes et tous nous révolter
08:34et bien évidemment faire pression aussi sur nos gouvernements
08:36pour en faire une priorité absolue,
08:38au même titre que ça l'a été sur Gaza,
08:40au moment où on voyait les images horribles des enfants émaciés
08:42et qui en paieront le prix, je le rappelle, toute leur vie.
08:45Et votre message est bien passé.
08:47Dernière question sur l'enrôlement d'enfants-soldats.
08:49Est-ce qu'on est capable aujourd'hui d'évaluer leur nombre ?
08:51– On sait qu'aujourd'hui, il y a des enfants qui sont associés
08:57aux groupes et aux forces armées,
08:59que ce soit au titre de combattants,
09:01mais aussi enrôlés par les combattants et forcés,
09:03par des tâches qui peuvent être domestiques, logistiques.
09:07Les enfants sont utilisés, et pas seulement les petits garçons,
09:09mais aussi les petites filles, comme espions au risque de leur vie,
09:12parfois comme esclaves sexuels.
09:13On a les plus grandes peines du monde,
09:17et c'est aussi pour ça que l'accès, c'est aussi important,
09:18c'est de pouvoir documenter ces violations.
09:21Documenter ces violations, parce qu'il y a un texte
09:24qui s'appelle « Les principes engagements de Paris »
09:25qui pousse les États à avoir des obligations
09:28pour empêcher l'enrôlement des groupes et des forces armées.
09:31Le Soudan aujourd'hui, au même titre que la République démocratique du Congo
09:33et Haïti, ce sont des cas où on a besoin de démobiliser ces enfants-là,
09:38d'arrĂŞter d'en faire une variable d'ajustement
09:39de la conduite des hostilités et des groupes armées.
09:42Et oui, malheureusement, je pense et je crains,
09:44enfin nous craignons en tant qu'UNICEF,
09:46qu'on ne saura l'ampleur de ce qu'ont été les enrôlements
09:49des enfants dans les groupes et les forces armées,
09:51de toutes les parties au conflit au Soudan,
09:53que malheureusement dans plusieurs semaines, voire quelques mois.
09:55Merci infiniment Baptiste Chapuis pour votre témoignage
09:58sur l'antenne de France 24.
10:00Merci.
10:01Merci.
10:02Merci.
Be the first to comment
Add your comment

Recommended