Skip to playerSkip to main content
  • 15 hours ago

Category

🗞
News
Transcript
00:00On accueille maintenant notre invité, c'est vous Roland Marshall. Bonjour à vous.
00:04Vous êtes chercheur au Centre de recherche international Sciences Po, spécialiste de la Corne de l'Afrique.
00:08Merci de prendre quelques instants pour répondre à nos questions.
00:11Roland Marshall, on vient d'entendre les témoignages de ces déplacés.
00:14Il raconte l'enfer qu'ils ont vu et vécu à El Facher et ce qu'ils ont aussi vu sur la route de leur fuite.
00:20Comment espérer que l'appel lancé notamment par des humanitaires, l'appel à ouvrir des couloirs,
00:26puisse être entendus et respectés aujourd'hui par les paramilitaires qui tiennent El Facher ?
00:33Écoutez, on est quand même au-delà des émotions légitimes suscitées par ces massacres.
00:41On est quand même dans un moment un peu nouveau dans cette crise,
00:46dans la mesure où le secrétaire d'État américain, pour la première fois,
00:50a très explicitement parlé des massacres à El Facher,
00:56de la responsabilité essentielle des forces de soutien rapide
01:03et également des soutiens dont cet organisme bénéficiait au niveau régional ou international.
01:11Donc jusqu'à présent, il faut bien le dire, la diplomatie internationale
01:17et notamment la diplomatie occidentale prenait quand même beaucoup de pincettes
01:20pour évoquer cette question.
01:23On a réellement fait un pas en avant.
01:25Maintenant, comment ça va se traduire ?
01:27D'une part en termes de pression sur les Émirats arabes unis,
01:31mais aussi très vite, il faudra envoyer le même type de message
01:35parce que le gouvernement soudanais à Port-Soudan bloque aussi une partie de cette aide humanitaire.
01:41Donc il faudra aussi avoir une démarche symétrique vis-à-vis du gouvernement.
01:45Et c'est un enjeu de négociation, mais disons un peu d'espoir malgré tout
01:51dans une situation qui est complètement désespérée.
01:53Mais comment est-ce que vous, le spécialiste du camp de l'Afrique que vous êtes
01:56et spécialiste de cette région, comment vous qualifiez ce qui est en train de se passer
01:59aujourd'hui au Darfour, ce qui est en train de se passer notamment aussi aux cordophones voisins ?
02:04Est-ce que c'est une guerre ethnique ? Est-ce que c'est une guerre territoriale ?
02:06Est-ce que c'est autre chose ?
02:09C'est une guerre qui a commencé comme l'affrontement de deux groupes armés
02:14bien structurés pour le pouvoir à Khartoum, parce que, disons,
02:21dans un contexte politique très particulier.
02:24Cette guerre, elle a rapidement évolué de deux façons.
02:28Il y a eu d'une part des puissances extérieures au Soudan, voisines ou de la grande région,
02:34qui sont intervenues et qui ont armé un camp contre l'autre.
02:38C'est bien de parler des Émirats arabes unis, mais quand même, n'oublions pas ce qui se passe
02:43du côté de l'armée soudanaise, avec le rôle quand même belligène qu'a eu l'Égypte,
02:49la Russie, l'Iran, la Turquie et sans doute le Qatar et l'Arabie saoudite à un moindre degré.
02:56Et puis, il y a eu ce premier changement.
02:59Et le deuxième changement, c'est que dans les combats qui ont eu lieu,
03:04ces deux groupes qui étaient relativement structurés, petit à petit, se sont défaits.
03:10Et on a eu des deux côtés, pas avec la même intensité, évidemment,
03:14de façon relativement différente, mais quand même de façon tout aussi préoccupante,
03:18de plus en plus des actions qui visaient les communautés civiles,
03:24qui étaient jugées, parce qu'elles étaient liées ethniquement aux combattants,
03:27qui étaient jugées des victoires ou des agissements des combattants armés.
03:32Et donc, à partir de ce moment-là, la guerre, elle a évolué vers quelque chose
03:35qui aujourd'hui, de mon point de vue, relève beaucoup plus d'une guerre civile,
03:43avec évidemment une dimension ethnique qui est particulièrement forte à El Facher,
03:48dans la mesure où El Facher était la capitale d'un groupe ethnique,
03:52qui s'appelle Zagawa, qui joue un rôle essentiel dans les recrutements
03:59pour les mouvements armés qui ont été réellement, dans cette bataille,
04:04joué un rôle essentiel contre les forces de soutien rapide.
04:08Donc, il y a des règlements de compte d'ampleur qui sont en train de prendre place.
04:12Et c'est ce à quoi on assiste.
04:13Je dirais aussi, d'un autre côté, on voit une diplomatie des superlatifs
04:17de la part des agences onusiennes, parce qu'il n'y a plus d'argent,
04:20et qu'il faut donc alerter et pousser les donateurs à être beaucoup plus généreux.
04:25Et en même temps, aussi, peut-être, de leur couvrir certaines responsabilités
04:29que les Nations Unies ont eues jusqu'à présent.
04:33Parce que les Nations Unies, en reconnaissant le gouvernement à Port-Soudan,
04:37d'une certaine façon, s'est lié les mains pour un accès humanitaire à grande échelle
04:42du côté du Darfour, en passant par le Tchad.
04:44Alors, quelle lecture vous faites de la déclaration du Haut-Commissaire aux Nations Unies
04:49pour les droits de l'Homme ?
04:50Vous disiez tout à l'heure que la diplomatie avait pris des pincettes
04:52lorsque Volker Turc dit que les atrocités commises à Al-Facher
04:55resteront une tâche sur le bilan de la communauté internationale.
04:59Alors là, il ne prend plus de pincettes.
05:00Mais comment est-ce que vous, vous interprétez cette déclaration maintenant ?
05:04L'opinion publique internationale a très vivement réagi au massacre d'Al-Facher.
05:13Et donc, à partir de ce moment-là, il y a eu un rééquilibrage...
05:16Ce qui était prévisible, pardon, Roland Marchal, non ?
05:19Ah ben, disons que depuis avril dernier,
05:23quand ils ont attaqué les camps déplacés de Zamzam puis de la Boucher,
05:27oui, c'était absolument prévisible.
05:29Mais évidemment, personne à ce moment-là n'a osé utiliser le superlatif.
05:34Pas plus le Conseil des droits de l'Homme que d'autres et que les Américains.
05:38Et maintenant, on est là, il y a cette situation.
05:42Et donc, cette réunion spéciale, elle a au moins l'intérêt
05:46de devoir mobiliser et responsabiliser une communauté internationale,
05:52c'est-à-dire des États qui entretiennent d'excellentes relations
05:55et avec les Émirats arabes unis et avec l'Égypte, par exemple,
06:00notamment les États-Unis.
06:02Et ce qu'on voit, c'est que du côté américain,
06:04il y a exactement le même type de prise de conscience.
06:07Pardon, Roland Marchal, je vous coupais parce qu'il nous reste peu de temps.
06:10Il y a ce soutien de ces pays aussi membres de la communauté internationale,
06:13ce qui permet aussi à cette guerre de s'installer dans le temps.
06:15Vous évoquiez à l'instant, ou un petit peu plus tôt,
06:18les soutiens appuyés de certains États étrangers à tel ou tel camp.
06:21Ils apportent des armes, ils apportent un soutien,
06:23ce qui permet à cette guerre de s'installer durer ?
06:27Oui, bien sûr, il faut absolument le reconnaître.
06:30Mais comme le disait le secrétaire d'État américain,
06:33le fait que ces parties soient aujourd'hui parties prenantes dans le Quad,
06:37donc cette alliance de quatre pays autour des États-Unis,
06:41fait que peut-être les discussions vont être beaucoup plus franches,
06:45disons les portes étant fermées,
06:47et qu'on arrivera aussi à un accord régional
06:51qui ne sera sans doute pas formulé publiquement
06:53pour diminuer le soutien
06:57et puis surtout forcer les intervenants armés au Soudan
07:03à accepter un cessez-le-feu,
07:05les corridors humanitaires
07:06et puis peut-être aussi la reprise d'un minimum de reconstruction
07:10des infrastructures civiles qui sont indispensables à la population.
07:13Les hôpitaux, les écoles qui ont été détruites ou pillées
07:17par les uns ou les autres.
07:19Est-ce que lorsque vous évoquez l'urgence du cessez-le-feu,
07:23est-ce que la proposition pourrait venir des Américains ?
07:26Le chef de la diplomatie américaine appelait hier
07:28à arrêter de livrer des armes aux paramilitaires.
07:31Est-ce que ça pourrait venir des États-Unis ?
07:34Les États-Unis, depuis le mois de juin,
07:36ont annoncé une espèce de feuille de route
07:40qui serait un cessez-le-feu,
07:42une trêve humanitaire pendant trois mois
07:44qui permettrait de discuter un processus politique
07:47qui se mettrait en place durant les neuf mois suivants
07:52et qui aboutirait à un passage de relais
07:56du gouvernement actuel et des RSF
07:59à un gouvernement civil.
08:01Alors évidemment, ces données, enfin ces termes,
08:03ces périodes peuvent être complètement chamboulées,
08:06mais il est très clair que les Américains
08:08ont une certaine vision de là où ils veulent aller.
08:12Cette vision est partagée, il faut le dire,
08:13par un certain nombre de pays
08:14comme les Émirats arabes unis
08:16et l'Arabie saoudite.
08:21Il y a beaucoup plus de restissances du côté égyptien,
08:24mais malgré tout, on voit bien
08:25qu'il y a une espèce de lente convergence en tous les cas
08:29vers l'idée que la situation actuelle est inacceptable,
08:33qu'il faut évoluer, qu'il faut aider la population civile
08:36et qu'il faut reprendre des discussions
08:38plus simplement à un niveau humanitaire
08:40mais à un niveau politique.
08:41Ce sont des avancées compte tenu du fait
08:44qu'il n'y avait rien jusqu'à présent.
08:46Est-ce que ça suffira ?
08:47C'est l'avenir qui nous le dira.
08:48Merci beaucoup Roland Marchal.
08:49Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Be the first to comment
Add your comment

Recommended