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00:00C'est un palais très grand, très beau et très célèbre, mais un palais somme toute comme les autres, avec une grande porte, un grand escalier, de grands salons, mais aussi des portes dérobées, des couloirs secrets et des appartements privés.
00:30On peut y pénétrer en grande pompe ou s'y introduire subrepticement. Dans un petit salon bleu et argent, tout au fond de ce palais, une femme attend. Elle est belle, mince, la taille bien prise, un ravissant chapeau coiffe ses cheveux au beurre, nos reflets dorés, une esquisse voilette tente vainement de dissimuler des yeux couleur d'aigues marines, un nez impertinent, des lèvres roses.
00:56Elle est belle et elle attend. Impatiente, elle tire par deux fois sur une petite sonnette en forme de dragon. On vient. Une porte s'entrouvre, des moustaches conquérantes apparaissent.
01:11Enfin. Laissons discrètement retomber la tenture de velours bleu sur ce tendre rendez-vous secret.
01:21Pourtant, dans la pièce voisine, un secrétaire du palais prête une oreille attentive.
01:27Soudain, un remue-ménage inhabituel. Des coups de poing frappés à la porte de l'antichambre, des cris étouffés.
01:37Le secrétaire hésite, faut-il vraiment s'inquiéter et entrer dans le petit salon bleu ?
01:41On ne sait jamais, tant pis. C'est plus prudent.
01:45Sans plus hésiter, le secrétaire ouvre la porte, repousse la tenture et reçoit dans les bras une femme échevelée qui pleure convulsivement.
01:53Sur le canapé de velours, l'homme râle, le visage violet, presque noir, les mains crispées sur sa gorge, cherchant de l'air désespérément.
02:04Il va mourir. Il meurt.
02:07Il faut faire vite.
02:09Hativement rajusté, la jolie femme s'esquive par le jardin guidé par le secrétaire efficace et un fiacre l'emporte vivement.
02:17Nous sommes le 16 février 1899. Elle, c'est Marguerite Stenel, qui s'enfuit affolée du palais de l'Elysée.
02:27Celui qui vient de mourir brutalement d'apoplexie, c'est le président Félix Faure.
02:33Marguerite Stenel termine ce jour-là sa carrière de favorite.
02:36La mort du président Félix Faure n'a plus rien de mystérieux aussi.
02:40Si vous vous en doutez, c'est pour bien autre chose que Marguerite va figurer dans les dossiers extraordinaires de la police, sous le nom évocateur de la veuve rouge.
02:51En cette année 1899, Marguerite, Meg, pour les intimes, il y en a beaucoup,
03:17et l'épouse d'Adolphe Stenel, peintre au style très officiel et neveu de messonnier.
03:26On dit de lui qu'il fait du messonnier mieux que messonnier lui-même.
03:30Elle est jeune et belle.
03:33Il a quelques vingt ans de plus et porte déjà barbe grise.
03:38Ce fut un mariage arrangé par la famille, inquiète du tempérament impétueux de la jeune fille.
03:43Le couple s'est établi à Paris, dans un petit hôtel particulier, au numéro 6, de l'impasse Roncin à Vaugirard.
03:55L'argent n'est pas toujours au rendez-vous des ambitions de Meg.
03:59Elle végète dans une petite bourgeoisie de quartier où elle s'ennuie.
04:04Histoire de se changer les idées, elle tente de divorcer.
04:07Mais sa mère, Madame Jappy, la ramène dans le droit chemin et elle réintègre le domicile conjugal avec sa petite-fille de un an, Marthe.
04:17C'est un couple bizarre.
04:19Lui, que l'on accuse sa femme en premier de se désintéresser des femmes.
04:24Elle, qui prend des libertés que la bourgeoisie réprouve.
04:28Lorsqu'elle fait la connaissance du président, un beau matin, sur une allée cavalière, Stenel ferme les yeux, mais ouvre son escarcelle, car les commandes pleuvent tout à coup.
04:40Notons au passage une œuvre immortelle et officielle inaugurée un 1er mai, et qui s'intitule
04:46« La remise des décorations par le président de la République aux survivants de la redoute brûlée ».
04:54Belle pièce.
04:55Mais, quant à elle, est une des reines de Paris.
04:58Mais son règne s'achève avec la mort du président et nous jetterons un voile pudique sur les circonstances de cette mort.
05:04Par contre, les chansonniers, eux, s'en donnèrent à cœur joie, et la belle Meg, profitant de cette publicité involontaire,
05:11ouvre une sorte de salon demi-mondain où se presse, par conséquent, le demi-tout Paris.
05:17Adolphe, son pauvre mari de peintre, est toujours à ses côtés, fermant de plus en plus les yeux sur les « frasques » de la jeune femme.
05:25Il n'a plus la vogue, depuis que la source même des commandes officielles s'est tarie.
05:29Bientôt, la gloire éphémère de sa femme s'éteint, et le ménage retombe dans la gêne, d'où l'avait sortie la liaison présidentielle.
05:39Marguerite Stenel n'aime pas faire la cuisine et la vaisselle.
05:41Elle n'aime pas les petites robes et les bijoux de pacotille. Bref, elle n'aime pas la médiocrité.
05:48Elle, qui fréquentait le salon bleu et argent de la présidence, ne peut pas se contenter de cette petite vie.
05:53Alors, alors, elle rencontre M. C, puis M. M., puis M. X, puis M. Y,
06:00et se laisse couvrir de cadeaux, de dîners fins et de rentes passagères.
06:04Stenel, mari plus que complaisant, accepte même la location à son nom d'un petit chalet discret aux environs de Paris,
06:13le verre logis, ce qui lui permet de ne pas se cogner trop souvent dans les relations de sa femme.
06:19Mme Jappy, mère de Marguerite, fronce un peu les sourcils aux frasques de sa fille.
06:24Mais elle est en âge de mener sa vie. On ne peut plus la mettre au couvent.
06:29Elle est bien obligée de laisser faire.
06:30Marguerite a maintenant 40 ans et nous sommes arrivés, de galant en protecteur, jusqu'en 1908.
06:38Le couple semble avoir adopté un statu quo particulier.
06:41Marguerite négocie ses faveurs aux hommes fortunés qu'elle rencontre.
06:44Adolphe Stenel leur vend ses toiles et chacun y trouve son compte.
06:49Le dernier protecteur en date, par exemple, un riche châtelain des Ardennes,
06:53semble bien à l'entière dévotion de la toujours ensorceleuse Mme Stenel,
06:58puisqu'il vient d'acheter deux tableaux.
07:00Au mari.
07:02Il semble bien que la belle Marguerite n'intéresse plus les écotiers,
07:05que sa vie privée ne soit plus une vie publique.
07:08Mais il y a des destinées exceptionnelles qui ne s'accommodent pas de l'anonymat.
07:12Et le 30 mai 1909, dans sa villa de l'impasse roncin à Vougirard,
07:17Marguerite attend sa mère, qui vient de province, à sa demande pour la rejoindre.
07:21C'est samedi.
07:23Il y a là Adolphe, le mari, Rémi, le valet de jambes,
07:27quant à la vieille servante Mariette, on l'a envoyée auprès de la fille de Marguerite, qui est souffrante.
07:33Potage et langoustes au dîner.
07:35On dîne tôt, car la vieille dame est là, c'est à 9h.
07:38On monte se coucher.
07:41Prévenante, Meg confectionne des grogues, frictionne les jambes de sa mère,
07:46lui offre sa propre chambre où elle sera mieux, dit-elle,
07:49et se retire elle-même dans la chambre de sa fille absente.
07:54Adolphe, lui, gagne sa chambre d'éternel célibataire.
07:57Il n'assiste jamais au petit coucher de sa femme.
08:00Il ne la voit jamais défaire son large chignon,
08:02tresser ses cheveux pour la nuit et s'endormir en chemise de linon bleu,
08:08l'air soudain d'une pensionnaire un peu perverse.
08:12La nuit s'écoule, calme et tranquille.
08:15À peine un aboiement de chien,
08:18quelques crissements sur le gravier que nul n'entend.
08:22Le valet de chambre dort.
08:24Madame maire dort.
08:25Monsieur Marie dort.
08:27Madame Stenel dort.
08:30Peut-être.
08:30À six heures et demie,
08:33comme tous les jours, à la même heure,
08:35Rémy, le valet de chambre,
08:37quitte justement sa chambre sous les combles
08:39et descend l'escalier qui mène à la cuisine.
08:41Il a l'intention de préparer le petit déjeuner.
08:44Oh, il ne fait pas de bruit pour ne pas réveiller madame.
08:46Soudain, dans le silence, il tend l'oreille.
08:49De l'une des chambres,
08:50juste en face de l'escalier,
08:51il lui semble bien percevoir un faible gémissement.
08:54Le chien, non, sûrement pas.
08:57On l'a éloigné la veille.
08:58Il cassait tout dans la maison d'après madame.
09:01Hésitant, Rémy s'approche.
09:03La porte est entrebâillée.
09:04Il passe la tête
09:05et écarquille les yeux de surprise.
09:08Oh, le spectacle n'est pas laid.
09:11Oh, pas du tout.
09:12Au contraire.
09:13Mais surprenant.
09:14Marguerite Stenel est sur le lit,
09:17pied et poing liés au barreau,
09:19et la chemise de nuit rabattue sur la tête.
09:23Et c'est de là-dessous que proviennent les gémissements.
09:25Rémy appelle, un peu gêné.
09:29Des grognements lui répondent.
09:31Alors il se précipite, réalisant enfin qu'il se passe quelque chose d'anormal
09:35et que ce spectacle n'était pas du tout destiné à la simple contemplation.
09:38Il rabat respectueusement la chemise de nuit
09:42et découvre deux yeux d'aigues marines furibonds.
09:45Il retire précautionneusement un tampon aux doigts de la gorge de sa maîtresse
09:49et les gémissements se transforment immédiatement en cris affolés.
09:53« Ma mère ! Mon mari ! Courait, Rémy ! »
09:57Le valet de chambre se précipite dans la chambre voisine.
10:00Le cadavre de la vieille dame gît en travers du lit.
10:04Un cordon de tirage lui serre le cou.
10:07Mais pardonnez-moi ce détail,
10:10son râtelier lui a été enfoncé dans la gorge très irrévérencieusement.
10:15Elle en est morte comme on peut s'y attendre.
10:18Le râtelier ne pardonne pas.
10:19C'est beaucoup d'émotion pour un seul valet de chambre.
10:24Il manque d'air, le pauvre Rémy,
10:25et machinalement se dirige vers la salle de bain,
10:27histoire de se rafraîchir les idées.
10:29Il rencontre, au détour du couloir, sur le dos,
10:33les jambes repliées, les yeux pochés,
10:36son maître, Adolphe Stenel.
10:39Il est mort aussi.
10:41Étranglé de la même manière.
10:44Alors là, c'est trop.
10:45Et le valet de chambre affolé retourne dans la chambre de sa maîtresse
10:48et s'aperçoit qu'elle est toujours ligotée.
10:50Il la délivre en lui balbutiant les nouvelles,
10:52puis se penche à la fenêtre et hurle,
10:54« Au secours ! »
10:57Les récits extraordinaires de Pierre Belmar,
11:04un podcast européen.
11:06Donc, Marguerite Stenel, ex-favorite du président Félix Faure,
11:09est découverte par son valet de chambre,
11:10ligotée et baillonnée sur un lit,
11:12alors que dans les pièces voisines,
11:13sa mère et son mari sont morts étranglés.
11:16Premier mystère, pourquoi Marguerite n'a-t-elle pas été étranglée elle-même ?
11:20Au point où en étaient les assassins ?
11:22Un mort de plus ou de moins.
11:24Second mystère,
11:25il semblerait bien que les liens qui inséraient les poignets et les chevilles
11:28de Marguerite Stenel n'étaient pas tout à fait aussi serrés,
11:31dirons-nous, que la normale.
11:33J'entends par là que le travail de l'agresseur
11:34laissait à désirer, soit qu'il n'était pas consciencieux,
11:37soit qu'il ait été complaisant,
11:40pour ne pas dire complice.
11:42De même, le tampon d'oie examiné par la police
11:45était relativement sec.
11:46On peut donc supposer qu'il n'était pas dans la bouche de Marguerite Stenel
11:49depuis très longtemps,
11:50placé peut-être au dernier moment.
11:52En tout cas, Marguerite est vivante
11:54et, ô joie, redevient enfin,
11:56il y avait si longtemps,
11:57la vedette de quelque chose.
11:59Peu importe qu'il s'agisse du meurtre de son mari
12:00et de sa propre mère,
12:02Marguerite redevient maigre,
12:04elle a un public, il faut en profiter.
12:06À ce point de l'histoire,
12:07je me dois de vous signaler,
12:09si vous ne l'avez pas à tantiner supposé,
12:10que Marguerite est une superbe menteuse.
12:13Dame, on ne trompe pas son mari pendant 20 ans
12:16sans un don de ce genre.
12:18Et même, si le mari est complaisant,
12:21il lui faut garder la face
12:22et une femme se doit d'aider son mari à garder la face
12:24en de pareilles circonstances.
12:26C'est le moins qu'elle puisse faire.
12:28Cette petite parenthèse étant refermée,
12:30ne croyez surtout pas que je mets en doute une seconde
12:32la version que Marguerite va donner de l'agression
12:34dont elle a été victime.
12:36D'autres que moi l'ont trouvée plausible.
12:38La seule chose qui m'ennuie,
12:39c'est qu'elle reste la seule à la raconter
12:41et pour cause.
12:44Voici donc ce que Mme Stenel raconte aux enquêteurs
12:47et ils sont nombreux tout autant qu'attentifs.
12:50Après avoir servi un grog à ma mère et à mon mari,
12:54tous deux se sont retirés dans leur chambre respective.
12:57Je suis monté moi-même me coucher,
12:58me suis endormi rapidement.
13:00J'ai été brutalement tiré de mon sommeil
13:02au moment où sonnaient les douze coups de minuit
13:03par trois hommes barbus en longue robe noire
13:07et par une femme rousse à la bouche ignoble.
13:10Voilà bien un détail de femme.
13:12La femme rousse m'a prise pour ma fille.
13:14Voilà bien une coquetterie.
13:16Elle m'a brutalement demandé
13:17où mon père cachait l'argent.
13:19J'ai été sauvé de la mort par l'un des hommes barbus
13:21qui ressemblait à un ancien modèle de mon mari.
13:24Je pense qu'il m'a pris en pitié.
13:26On m'a arraché mes bagues.
13:28Je me suis évanoui.
13:29Je ne me rappelle de rien d'autre.
13:31C'est affreux.
13:32Les enquêteurs constatent qu'une bouteille d'encre
13:35a été renversée dans le bureau situé entre la chambre
13:38où dormait Meg et celle de sa mère.
13:41On peut suivre les traces de la flaque du bureau
13:43à la chambre de la vieille dame
13:45et elle semble avoir été faite par une robe longue.
13:49Or, Mme Stenel porte sur la cuisse une tâche de cette encre
13:53alors qu'elle dit ne s'être pas levée,
13:56avoir été surprise au lit
13:57et qu'on l'y a trouvé attachée.
13:59Enfin, il n'y a pas du tout de traces d'effraction.
14:03Mise à part l'encrier, rien n'a été touché.
14:06La clé de la porte est restée à l'intérieur.
14:09Les enquêteurs s'arrêtent un moment sur ce détail
14:11mais la vieille et fidèle servante Mariette arrive à point
14:14pour expliquer que le valet de chambre a perdu
14:16quelques jours plus tôt une clé semblable dans le jardin.
14:20Alors, il faut bien s'en tenir à la version des faits
14:23que donne Marguerite et la police conclut à un crime crapuleux.
14:26On enterre les victimes
14:27mais le public ne l'entend pas de cette oreille
14:29et bien entendu, les lettres anonymes s'entassent.
14:33La belle Marguerite a déjà trop fait parler d'elle.
14:36Impossible de la croire totalement innocente
14:38et victime de ce qui s'est passé.
14:40On murmure qu'elle est jouée de protection puissante,
14:42qu'on étouffe l'affaire
14:43et des non célèbres sont cités
14:45comme ayant connu les faveurs
14:47de celles que l'on appelle maintenant
14:48la veuve rouge.
14:50Le prince de Galles,
14:51le roi Sissovat du Cambodge,
14:53le ministre de la marine,
14:54celui de l'agriculture,
14:55un juge même.
14:56On rappelle le drame de l'Élysée,
14:58on dit qu'un voisin a aperçu la nuit du crime
15:00dans l'impasse,
15:01des ombres suspectes
15:02sous l'unique réverbère
15:03et les journaux entretiennent assidûment
15:05leurs lecteurs.
15:06Décidément,
15:06la vie de Marguerite Stenel
15:08fait la joie de la presse.
15:10Pourtant,
15:11pourtant, une fois encore,
15:12les choses se tassent,
15:14les vacances sont là
15:15et chacun sait que le soleil
15:16fait oublier bien des scandales.
15:18Seulement,
15:19Marguerite ne veut pas qu'on l'oublie.
15:22Surtout pas.
15:23La gloire enfin retrouvée
15:24à n'importe quel prix,
15:25elle va l'entretenir.
15:26Tout.
15:26Tout plutôt que de retomber
15:28dans l'oubli bourgeois
15:28et déprimant.
15:30En octobre,
15:31après les vacances passées
15:32au bord de la mer,
15:32Marguerite se sent en pleine forme.
15:34Elle convoque un journaliste,
15:35le rédacteur en chef
15:36de l'Éco de Paris,
15:37prétendant qu'elle a des révélations
15:39importantes à faire sur le crime.
15:41Le journaliste saisit l'aubaine
15:43et le moyen de raccrocher ses lecteurs,
15:45car Meg fait toujours recette.
15:46Il exige donc de publier
15:48une lettre ouverte,
15:49Marguerite y consent volontiers,
15:51et voici ce qu'elle annonce.
15:53Un employé du Métropolitain
15:54a trouvé le 31 mai
15:55à la station de Villiers
15:56un carton d'invitation
15:58pour une exposition de son mari.
16:00Sur le carton figurait l'adresse
16:01d'un costumier de théâtre.
16:03Or, le 27 mai,
16:04ce costumier avait loué
16:05des lévites,
16:06les fameuses roms noirs,
16:07à des acteurs de théâtre hébreux
16:09et trois de ces lévites
16:10avaient disparu
16:11au moment de la livraison.
16:12En outre,
16:12chez le costumier,
16:13une cliente avait remarqué
16:15une femme à la bouche
16:16en trou d'égout
16:17et un grand barbu.
16:20Ouh, le vilain mensonge !
16:23Car les journalistes,
16:24excités par l'affaire,
16:25vont vérifier.
16:26On a bien volé des lévites
16:27chez un costumier,
16:27ça c'est vrai,
16:28mais la femme n'est pour rien
16:29dans l'affaire,
16:30et l'homme barbu non plus.
16:31Et ce qui est pire,
16:32c'est que la police
16:33était au courant
16:34depuis plusieurs mois
16:34qu'elle a abandonné cette piste
16:36et que Marguerite le savait.
16:38Peu importe,
16:39il en faudrait plus
16:40pour abattre Marguerite.
16:42Elle déclare
16:42que la justice est trop lente,
16:44qu'elle veut venger
16:44elle-même,
16:45sa mère et son mari.
16:46Et histoire d'entretenir
16:47un peu la presse,
16:48se constitue partie civile
16:49en criant bien haut
16:50qu'ainsi,
16:51elle pourra enfin
16:52consulter le dossier.
16:54Bien qu'elle ait vieillie,
16:55Marguerite Stenel
16:56exerce toujours son pouvoir
16:57sur la jante masculine.
16:59Et les journalistes
17:00la suivent de près.
17:01Ils se battent entre eux-mêmes.
17:03C'est à qui obtiendra
17:03le premier
17:04et la dernière déclaration
17:05de la veuve rouge.
17:06Et elle en fait
17:07des déclarations, Marguerite.
17:09Un jour,
17:10elle fait amende honorable.
17:12Après avoir convoqué
17:12son journaliste favori,
17:13elle avoue
17:14« Oh, l'histoire des robes longues
17:15était fausse, le coupable. »
17:17Eh bien, le coupable,
17:17c'est Rémy,
17:18mon valet de chambre.
17:19J'ai constaté
17:20qu'il dissimulait des lettres
17:21que ma fille adresse
17:22à son fiancé
17:22et qu'il en décollait
17:23les timbres.
17:24Je l'ai surveillé.
17:25Il est suspect.
17:26J'exige qu'on l'interroge,
17:27qu'on fouille
17:27ses papiers personnels.
17:28J'ai d'ailleurs conservé
17:29le portefeuille
17:29que je lui ai confisqué.
17:31Emballé,
17:32le journaliste court
17:33chez le juge d'instruction
17:33et Meig,
17:34en grande pompe
17:35et devant témoin,
17:36sort du portefeuille
17:37une perle volée
17:39le soir du crime.
17:40On perquisitionne
17:41chez le valet de chambre
17:42et c'est Meig
17:43qui aperçoit la première
17:44un brillant
17:44qui scintille
17:45fort opportunément
17:46entre les lames du parquet.
17:48Un brillant volé,
17:49bien entendu.
17:50Rémy hurle
17:51qu'il est innocent.
17:52Marguerite exulte.
17:54Ouh,
17:55le vilain deuxième mensonge.
17:57Car un autre journaliste
17:58vient affirmer
17:59qu'il a vu
17:59le portefeuille du valet
18:01avant la scène
18:02chez le juge d'instruction
18:03et qu'il n'y avait
18:04rien dedans.
18:05Pas plus de perles
18:06que de vérité
18:06dans tout ça.
18:07Et un bijoutier
18:08vient spontanément déclarer
18:09que la perle en question
18:10il l'a dessertie
18:11d'une bague
18:12que lui a remise
18:13Madame Stenel
18:14le 12 juin.
18:15Le 12 juin !
18:16Alors que cette bague
18:17est supposée
18:18avoir été volée
18:19le 31 mai.
18:21Oh,
18:21mais Marguerite
18:22n'est pas déconcertée
18:23pour autant.
18:24Elle avoue,
18:25elle avoue.
18:26C'est elle qui a dissimulé
18:27le diamant
18:27dans les lames du parquet.
18:28C'est elle qui a mis
18:29la perle dans le portefeuille.
18:30Pourquoi ?
18:32Oh,
18:32qu'on ne l'ennuie plus
18:33avec ça.
18:33Elle va enfin dénoncer
18:34le véritable,
18:35l'unique,
18:36le seul vrai coupable.
18:38Bien qu'il l'ait menacé,
18:39elle aura le courage
18:39de tout dire.
18:41Le coupable,
18:41c'est Alexandre,
18:44le fils de Mariette,
18:45la servante.
18:46Et on arrête Alexandre
18:48et on le relâche
18:49car bien entendu
18:50et heureusement pour lui,
18:51il a un alibi
18:52incontestable.
18:54Alors ?
18:55Alors,
18:56il est temps
18:56que le Vaudville s'arrête.
18:57Il est temps de retirer
18:58l'affaire des mains
18:59du juge d'instruction,
19:00l'aider,
19:01qui dit-on connaît trop bien
19:02la belle Meg.
19:04Et depuis longtemps,
19:06le juge l'aider
19:07se sent obligé
19:08d'arrêter Marguerite
19:09pour complicité de meurtre
19:10et ils se sent obligé
19:11aussi de se dessaisir
19:12de l'affaire
19:13au profit du juge André
19:14qui, lui,
19:15n'est pas
19:16et ne fut jamais
19:16un familier
19:18du verre logis.
19:20Si bien que Marguerite,
19:21Meg la Rouge,
19:22protégée par les gendarmes
19:24à cheval
19:24et par la troupe,
19:25entre à Saint-Lazare,
19:26la prison des femmes,
19:27sous les vociférations
19:28des lecteurs du matin,
19:29de l'écho de Paris
19:30et des autres.
19:32À la pistole numéro 11,
19:34où elle paie
19:347,50 francs par mois,
19:35plus 5 francs de chauffage
19:37et 3 francs pour les bougies,
19:38Meg se lève à 6h30
19:40et se couche à 7h
19:41à l'extinction des feux.
19:42Il est loin.
19:44Le salon bleu et argent.
19:45Et pendant qu'elle
19:46rushing sur l'ordinaire
19:48de la maison,
19:48une infâme soupe
19:49de rognure,
19:50le nouveau juge
19:51voit déferler
19:52sur son bureau
19:53un assortiment choisi
19:54de témoignages
19:55et d'accusations
19:55qui bientôt
19:56transforme la mondaine
19:57brillante et adulée
19:58en une coquine
20:00sordide
20:01et veule.
20:02On dit,
20:03et on tente de le prouver
20:04par sa correspondance,
20:05que non seulement
20:06elle trompait ouvertement
20:07son mari,
20:08mais qu'elle l'a tuée
20:08pour s'en débarrasser
20:10et épouser
20:10son dernier amant.
20:11On dit,
20:12et on ne le prouve pas,
20:13qu'elle a tué sa mère
20:14pour hériter
20:15le 90 000 francs or.
20:16L'accusation se consolide.
20:18Désormais,
20:18on a le schéma des mobiles
20:19et il est facile
20:20de penser que Marguerite
20:21a endormi sa famille
20:22à coups de grog
20:23bien tassés aux narcotiques,
20:25a tué ou fait tuer
20:26puis simulé
20:27son propre ligotage.
20:29Souvenez-vous,
20:30les liens n'étaient pas
20:30tellement serrés
20:31et le tampon d'ouate
20:32ne l'avait pas
20:33beaucoup étouffé.
20:34Quant à l'argent volé,
20:35il n'a jamais existé,
20:36le ménage était dans la gêne
20:37et les bijoux ont été retrouvés.
20:40Pendant près d'un an,
20:41l'instruction se bat
20:42avec la défense
20:43qui prétend que
20:44les bijoux retrouvés
20:45sont des doubles,
20:46que l'argent a bien été volé,
20:47les comptes du ménage
20:47le prouveraient
20:48et que si Marguerite
20:49a dissimulé perles et diamants,
20:50c'était pour forcer
20:51le valet de chambre
20:52à avouer.
20:53Des mois de bagarre.
20:54Plus de 4000 pièces
20:55au dossier,
20:55150 témoins entendus,
20:57réentendus,
20:58font que le 3 novembre 1909,
21:00Marguerite Stenel
21:01fait son entrée
21:02devant le jury
21:03de la scène.
21:05Si je dis
21:05fait son entrée,
21:06c'est que
21:07vous l'imaginez bien
21:08devant un public
21:09aussi intéressant,
21:09Meg a décidé
21:11de ne pas décevoir.
21:12Un petit chapeau
21:13à court voile
21:14de crêpe noire
21:15sur ses cheveux
21:16à reflets dorés,
21:18ses yeux d'aigues marines
21:19mouillés,
21:19juste ce qu'il faut.
21:21Une robe de veuve sévère
21:23mais qui prend la taille,
21:25Meg, la belle,
21:27de toute sa féminité,
21:28lutte pied à pied
21:29avec le président.
21:30À coups d'évanouissement,
21:32de charme,
21:32de crise de nerfs palpitantes,
21:34de sourires mystérieux,
21:35de sous-entendus inattaquables,
21:37elle résiste.
21:38Les assassins,
21:39elle le jure,
21:40ce sont les trois barbus
21:40en robe noire
21:41et la femme rousse
21:42à la bouche d'égout.
21:44Elle trouve de l'aide partout.
21:45Un jeune homme romantique
21:46vient même s'accuser
21:47du meurtre à la barre
21:48par amour pour elle.
21:49Mariette,
21:50la vieille servante,
21:51témoin important
21:52qui la connaît si bien,
21:54se contente de mystérieux
21:55et têtu...
21:56je ne sais pas.
21:57L'avocat général,
21:58sentant cette ensorceleuse
21:59lui échappé,
22:00tente une dernière accusation.
22:03Il annonce que Marguerite
22:03avait une complice
22:05dont on n'a presque pas parlé.
22:06cette complice,
22:08il ne veut pas la nommer,
22:09mais on la connaît.
22:12Alors,
22:12le dernier jour
22:13de l'audience,
22:14Mariette,
22:15la vieille servante,
22:17accompagnée d'un avocat,
22:18regarde
22:19le ministère public en face
22:20et dit d'une voix
22:22sèche et arrogante
22:23« Si vous croyez
22:26que je suis la complice,
22:27dites-le ! »
22:29et le ministère public
22:31qui n'a pas de preuve
22:32baît ce pavillon.
22:35Si bien
22:35que sous les applaudissements
22:37d'un public
22:37à nouveau sous le charme,
22:39Marguerite Stenel,
22:40après deux heures
22:41de délibération,
22:41est déclarée non coupable
22:43par douze voix contre neuf.
22:45Son joli coup
22:46a eu bien chaud.
22:49Mystère donc
22:49sur le crime
22:51de l'impasse ronce.
22:52Depuis,
22:54nombre de théories
22:55ont couru.
22:56Je vous laisserai
22:57établir la vôtre.
22:59Quoi qu'il en soit,
23:00Marguerite Stenel
23:01se réfugie en Angleterre
23:02après le procès
23:03et y a vécu
23:05fort bien ma foi
23:06jusqu'à l'âge
23:07de quatre-vingt-cinq ans.
23:10Elle y devint
23:11péresse d'Angleterre
23:13en épousant
23:14Lord Robert
23:15Brooke Campbell Scarlett
23:17sixième
23:18baron
23:19Ebbinger,
23:20une vieille connaissance
23:22de l'impasse
23:23roncein.
23:25Veuve à nouveau
23:25en 1927,
23:27en tout bien
23:27tout honneur,
23:28elle se réfugie
23:29dans son castel
23:30du Serey
23:31et écrit ses mémoires
23:32aidées cette fois encore
23:34par un journaliste.
23:36Elle y parle toujours
23:37d'hommes barbus,
23:38de robes noires
23:39et de vilaines
23:40femmes rousses.
23:41Marguerite Stenel
23:42était-elle
23:43une criminelle odieuse,
23:45une femme du monde
23:45fantasque
23:46ou une mythomane
23:47agressive ?
23:49J'ai sous les yeux
23:50la reproduction
23:51d'une phrase
23:52autographe.
23:53L'écriture est haute,
23:55large,
23:55décidée
23:55et je ne résiste pas
23:57à l'envie
23:58de vous la lire
23:59en conclusion
24:00de cette folle histoire.
24:01La phrase dit ceci
24:02« N'est-ce pas
24:04que tout arrive ? »
24:07Merci,
24:08Marguerite.
24:10Et c'est avec une phrase
24:11comme celle-là,
24:12chers amis,
24:13que la veuve rouge
24:14est passée
24:15des dossiers
24:16extraordinaires
24:16de la police
24:17à ceux de l'histoire.
24:18Vous venez d'écouter
24:38les récits extraordinaires
24:40de Pierre Bellemare,
24:42un podcast
24:43issu des archives
24:44d'Europe 1.
24:45Réalisation et
24:46composition musicale
24:48Julien Tarot
24:49Productions
24:50Estelle Lafon
24:51Patrimoine sonore
24:53Sylvaine Denis
24:54Laetitia Casanova
24:55Antoine Reclus
24:56Remerciements
24:58à Roselyne Bellemare.
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