Après la mort de Mehdi Kessaci, la semaine dernière à Marseille, son frère Amine Kessaci et les militantes anti-narcotrafic dénoncent une omerta qu'il "faut briser". Mohammed Benmedour, éducateur à Marseille, appelle les institutions à réagir
00:00C'est important d'avoir encore une pensée pour Amine Kessassi, pour sa famille.
00:05Moi je suis consterné, bouleversé.
00:08J'ai assisté aux obsèques et j'ai assisté à de nombreux obsèques à Marseille,
00:12notamment d'amis qui ont fait partie du narcotrafic et qui sont morts de mort violente.
00:17Mais je n'ai jamais vu un tel dispositif de sécurité.
00:20Je n'ai jamais vu ça, le RAID, le service de la protection.
00:23C'est particulièrement choquant.
00:25On n'a jamais vu, on n'a vraiment, on n'a jamais vu ça à Marseille.
00:28Puis après moi, dans quel état d'esprit je suis ?
00:32Je n'ai pas peur, je n'ai pas peur parce que les jeunes me connaissent.
00:36Ils me connaissent tous, je suis éducateur.
00:39Certains, je les ai vus grandir, je les ai vus mourir.
00:42Je n'ai pas peur d'aller sur les points de d'huile, de parler avec les jeunes.
00:45Vous savez, à l'époque, en Sicile, il y avait le père Mario Frittita.
00:49Et lui, il partait voir les mafieux, il les bénissait.
00:53Et il disait, il faut en faire des amis, des frères pour essayer de les conduire vers la voie de la rédemption.
01:01Moi, c'est pareil en fait avec ces jeunes-là.
01:03Je leur tends la main, je leur dis qu'ils ont une maman, ils ont un papa, ils ont un grand frère.
01:08On sera toujours là pour eux.
01:10Et ce que je demande, c'est qu'on travaille main dans la main.
01:14Vous savez, des fois, j'ai plus de difficultés à travailler avec les institutions qu'à travailler, c'est peut-être fou ce que je vais vous dire,
01:21mais à travailler avec les dealers, à travailler avec les jeunes qui sont sur ces points de deal.
01:25Parce qu'ils m'écoutent.
01:28Je ne dis pas qu'ils mettent en application ce que je leur demande.
01:32Certains continuent et malheureusement, il y a pas mal de jeunes qui sont en prison et qui continuent à m'écrire.
01:36C'est la question que j'allais vous poser.
01:37Moi, je m'étiens toujours au dialogue avec les jeunes.
01:39Médour, c'est cette question que j'allais vous poser.
01:41Vous êtes au contact de ces jeunes, et d'ailleurs, ça fait partie aussi du message que fait passer Amine Kessassi depuis des années.
01:48C'est de dire qu'il faut d'abord s'occuper de ces jeunes-là pour ne pas qu'ils puissent être tentés de basculer,
01:52pour qu'ils puissent avoir des alternatives.
01:54Vous, vous leur dites, vous leur tendez la main, vous leur dites, tu prends un risque pour toi, pour ta mère, pour ton père,
01:59et vous envoyez malgré tout qui y vont et qui finissent par perdre la vie ou par aller en prison.
02:04Est-ce que vous avez réussi, au fond, à en sortir quelques-uns de ce circuit-là ?
02:13Heureusement, heureusement que le travail paie.
02:17Il ne paye pas assez parce qu'on n'est pas assez solidaires.
02:21On n'a pas actuellement les moyens nécessaires pour le faire.
02:25Puis, il faut un consensus.
02:27Là, on parle d'un consensus national autour de la famille Kessassi, c'est très important.
02:31Mais le papa, le papa, le papa nous demandait, nous disait, il répétait sans cesse lors des obsèques,
02:39la droite, la gauche, arrêtez de vous battre, il faut qu'on soit tous ensemble, tous ensemble.
02:43Il a appelé le président Macron, il a appelé les Marseillais, les Marseillaises.
02:47À l'intérieur de la mosquée, c'est pareil, il avait ce discours-là.
02:51Donc, oui, j'y arrive.
02:54J'y arrive parce que j'ai aussi leur code et parce que je suis bienveillant envers eux.
02:59Et je ne les ai jamais jugés.
03:01Pour certains, ils ont commis le pire.
03:03J'en connais à l'heure actuelle qui me regardent actuellement et qui m'envoient des petits messages.
03:08Des fois, via les réseaux sociaux, ils sont en attente de jugement pour des assassinats.
03:13Au fond, quand on a une discussion de eux à moi, ils regrettent.
03:17Ils regrettent leurs actes.
03:18Malheureusement, c'est trop tard.
03:19Parce que quand le sang a coulé, comme on dit à Marseille, la marche arrière est cassée.
03:24Mais pour les générations à venir, nos petits frères qui arrivent derrière, moi, je pense à ma fille qui a 9 ans.
03:29Je pense à ses copains, à ses copines.
03:32Qu'est-ce qu'on va leur laisser ?
03:33Qu'est-ce qu'on va leur laisser ?
03:35Donc, il faut que les politiques nous suivent.
03:39Il faut que les institutions, là, je suis devant la préfecture, j'appelle la préfecture à venir travailler avec nous, à nous tendre la main, à se réunir, à mettre en place des réunions, des groupes de travail.
03:51Non seulement avec la préfecture, mais aussi avec les élus de la ville de Marseille, avec l'éducation nationale, avec le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Justice.
04:00On peut faire quelque chose.
04:01C'est jamais foutu.
04:03Le pays, c'est pas vrai.
04:04Il n'a pas basculé.
04:05Le pays passe une mauvaise passe, certes.
04:09Mais la seule solution, c'est de sauver notre jeunesse et de jouer le jeu et de s'impliquer.
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