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  • il y a 9 minutes
Amine Kessaci, militant écologiste, engagé dans la lutte contre le narcotrafic, était l'invité du Face à Face ce jeudi 20 novembre. Il est notamment revenu sur la mort de son frère Medhi et sur le narcobanditisme.

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Transcription
00:00Il est 8h27, vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Amine.
00:04Bonjour.
00:04Amine Kessassi, Mehdi Kessassi, Brahim Kessassi.
00:10Votre famille est endeuillée, vous êtes endeuillée, la France est endeuillée.
00:16Il y a une semaine tout pile, votre petit frère Mehdi a été assassiné.
00:20Un choc pour vous et de votre famille bien sûr, un choc désormais pour la France, un point de bascule.
00:25Voilà les mots que le ministre de l'Intérieur a utilisé, un crime de terreur.
00:30On va dire les choses parce qu'on se les dit souvent sur RMC, on s'est parlé tout le week-end.
00:35Je vous avais déjà souvent reçu sur RMC pour votre combat.
00:40Et on s'est parlé tout le week-end et dimanche matin, vous m'avez appelée en larmes, en miettes,
00:46bouleversée ne savant même plus pour qui, pourquoi votre frère était mort.
00:53Avec même au début, dans une sorte de réflexe protecteur du grand frère,
01:00l'idée que peut-être c'était vous, que c'était à cause de vous.
01:03Ce matin, vous vous relevez, vous dites, je veux parler, je veux parler partout, je veux parler autant que je peux.
01:09Mais au fond, je veux quand même commencer par vous demander, comment vous faites-vous, maintenant ?
01:13Comment vous faites-vous ?
01:17Mon petit frère m'est dit, et j'arrêterai pas de le dire, il est mort pour rien.
01:27Il est coupable que d'une seule chose, c'est d'avoir été mon petit frère.
01:30Et moi, quand je vois mes mains, je vois le sang de mon frère.
01:35Parce que ces gens, ce qu'ils ont voulu faire, c'est me toucher à moi.
01:38Et comme ils ont pas pu, ils ont touché un jeune innocent, un petit garçon de 20 ans,
01:43qui avait rien fait, rien demandé à personne, qui préparait le concours de gardien de la paix.
01:49Mon petit frère, mardi 11 novembre, quelques jours avant son décès,
01:52il avait emmené ma petite nièce, la fille de mon frère aîné, qui lui-même est décédé.
01:58Il l'avait emmené à la ferme pédagogique, et il m'a envoyé des photos.
02:04Il m'a dit, regarde, j'ai pris notre nièce, et je lui ai pas répondu.
02:09Et je regrette.
02:11Je regrette de pas lui avoir répondu, de pas lui avoir dit, bravo papa, c'est bien.
02:16Et ça, c'est terrible.
02:18Terrible parce qu'aujourd'hui, je verrai plus mon petit frère.
02:20Votre mère, qu'est-ce qu'elle dit ?
02:27Ma mère, elle est anéantie, elle a déjà enterré un enfant.
02:30Aujourd'hui, elle enterre un deuxième fils, un jeune de 20 ans, son dernier, son petit qui vivait encore avec elle.
02:38Ma mère, elle est brisée aujourd'hui. Brisée.
02:41Vous avez dormi depuis ?
02:45Quand je ferme les yeux, c'est toutes ces images qui me reviennent.
02:50Je vois mon petit frère dans son cercueil à la morgue, je revois l'enterrement, je revois toutes ces scènes.
02:55Et ça, c'est pas possible. Pour moi, c'est pas possible.
02:59Vous n'étiez pas à Marseille parce que précisément, on vous avait dit de partir.
03:03On m'avait demandé de partir dès août.
03:05Et depuis août, j'arrête pas de dire, est-ce qu'il faut que je mette ma famille sous protection ?
03:09Est-ce qu'il faut que je fasse venir ma famille avec moi ? Est-ce qu'il faut qu'ils viennent ?
03:12Aujourd'hui, on est sous protection, mais ça ramènera plus mes dits.
03:15Je voudrais savoir, est-ce qu'il se savait menacé ? Est-ce qu'il disait qu'il était inquiet ?
03:23J'avais dit à mon petit frère, j'avais dit, mais dis papa, j'ai dit, comme on se ressemble un peu,
03:27comme on a un peu la même tête, fais attention papa.
03:29J'ai dit, comme il y a des gens qui me cherchent, imagine, ils te confondent avec moi, ils viennent te tuer, etc.
03:33Il m'a dit, non t'inquiète ami, il ne va jamais m'arriver quoi que ce soit, on se ressemble pas,
03:37tu es plus costaud que moi, pas moi, etc.
03:39J'ai dit, oui, je suis plus gros que toi papa, mais on a la même tête quand même, on se ressemble.
03:44Et il était dans cette insouciance, il n'y croyait pas.
03:48Il voulait lui-même, et j'aimerais que vous nous parliez de lui, de Mehdi, devenir gardien de la paix.
03:54Tout à fait, mon petit frère, il voulait devenir policier depuis qu'on est petit,
03:57c'est ce qu'il veut faire sur Netflix, il regarde des séries policières, ce genre de choses.
04:02Et il était inscrit à la prochaine session, je crois que ça commence le mois prochain,
04:07pour devenir gardien de la paix.
04:08Et moi, pour moi, et si je peux faire passer ce message,
04:11c'est que mon frère, c'est un gardien de la paix.
04:13Et on doit le reconnaître comme gardien de la paix.
04:16On a même eu cette discussion dimanche matin,
04:21où à un moment, vous m'avez dit, Mehdi,
04:24il est mort parce que c'est mon frère, il est mort pour rien.
04:28Moi, j'ai osé, parce qu'on était dans l'émotion tous les deux,
04:31parce qu'on pleurait dimanche matin au téléphone.
04:34Vous dire, il est mort pour la France, est-ce que vous entendez ça ?
04:36Ah, bien sûr, bien sûr.
04:38Derrière Mehdi, c'est toute la France qu'on a voulu tuer.
04:40Derrière Mehdi, on parle beaucoup de liberté d'expression,
04:43on condamne les pays qui ne garantissent pas la liberté d'expression,
04:47c'est la liberté d'expression qu'on a tuée.
04:49Derrière Mehdi, c'est des maires entières qu'on a tuées.
04:51Derrière Mehdi, c'est l'état de droit qu'on a voulu remettre en question.
04:55Derrière Mehdi, c'est la sécurité des Françaises et des Français,
04:58qu'on a, en quelque sorte, tué.
05:01Est-ce que ça veut dire qu'aujourd'hui, vous considérez que ce combat,
05:03ça doit être le combat de tous les Français ?
05:05Ah oui, sans aucune étiquette.
05:07Et moi, ce matin, je ne veux faire passer aucun message politique.
05:10Je suis juste venu parler de mon frère et lui rendre hommage,
05:13mais à tout le monde, portez ce combat, portez cette voix.
05:16Si vous voulez garantir ma sécurité,
05:17si vous voulez garantir la sécurité de celles et ceux qui parlent,
05:20il faut se lever, il faut que tout le monde parle.
05:22Si on est des milliers à prendre la parole,
05:24si on est des milliers à se lever,
05:26si on est des milliers de nouveaux visages
05:28qui, luttant contre le narcotrafic,
05:30ils ne pourront pas tuer tout un peuple,
05:32ils ne pourront pas tuer toute une nation.
05:34Je le sens même dans votre besoin de parler.
05:39Mehdi, vous voulez parler partout, tout le temps.
05:41Si vous aviez parlé toute la nuit,
05:42vous auriez parlé toute la nuit.
05:44C'est-à-dire que comme si parler
05:46était désormais votre raison de vivre.
05:49Mehdi, mon petit frère,
05:50quelques semaines avant qu'il décède,
05:51il a commandé le livre que j'avais publié
05:54il y a quelques semaines.
05:56Marseille, essuiter l'arme.
05:58Un livre tellement prémonitoire.
06:02Votre livre, il est paru il y a moins d'un mois maintenant.
06:05Marseille, essuiter l'arme.
06:07Et le sous-titre de votre livre,
06:08c'était vivre et mourir
06:10en terre de narcotrafic.
06:13Qu'est-ce qu'il vous a dit à la lecture de votre livre ?
06:15Il avait commencé à le lire et il n'a pas terminé.
06:18Il avait commencé à le lire et il n'a pas terminé.
06:20Et une amie de Mehdi, une amie de classe,
06:24m'a contacté en me disant
06:25« Amine, on a un exposé à faire. »
06:28Et Mehdi voulait faire son exposé sur ton livre.
06:32Est-ce qu'il avait lu jusqu'au moment
06:34où dans votre livre, vous dites
06:36« Je crois qu'il m'en voulait ».
06:38Vous parlez de Mehdi
06:40et vous dites « Je crois qu'il m'en voulait presque
06:43de remuer tout ça. »
06:45Mehdi m'avait même lancé un jour
06:47« Tu fais de la politique sur sa mort. »
06:50Il parlait de Brahim.
06:51Votre premier frère tué, c'était en 2020.
06:54C'est l'origine de votre engagement.
06:56C'est votre conscience qui se réveille à ce moment-là
06:58du nom de l'association que vous menez.
07:01« Tu fais de la politique sur sa mort. »
07:03« Ça m'avait beaucoup blessé. »
07:04Écrivez-vous.
07:05Est-ce que vous savez s'il a lu ce passage ?
07:07Que vous avez eu des discussions là-dessus ?
07:09Oui, oui, oui.
07:09Alors ?
07:10Il ne comprenait pas pourquoi au début
07:13je faisais en sorte que la mort de Brahim
07:16devienne une mort politique.
07:17Il ne comprenait pas pourquoi je disais
07:18que c'était de la politique tout ça.
07:20Et en lui expliquant les choses,
07:22il s'est même engagé à mes côtés
07:23puisque je me suis engagé politiquement
07:25et j'ai été candidat à une élection.
07:27Et il est venu tenir un bureau de vote pour moi.
07:29Il est venu tracter pour moi
07:31la photo qu'on diffuse de lui.
07:33C'était dans le local de campagne
07:34le soir des résultats des législatives.
07:36Et il disait « Mon frère a peut-être perdu cette élection
07:39mais de son jeune âge,
07:41il a fait ce que personne n'a fait. »
07:42Et la fierté que j'ai vue dans ses yeux ce soir-là,
07:46c'est une des seules choses
07:47qui m'a fait tenir ce soir de défaite
07:49au second tour des législatives.
07:52Donc il était là pour vous ?
07:53Oui.
07:54Il était là pour vous ?
07:56Et quand vous dites « J'ai tenu pour lui »,
08:01vous avez, et il faut le dire,
08:02vous étiez cinq,
08:03vous avez d'autres frères et sœurs.
08:07Comment on vit ça aujourd'hui ?
08:10Comment eux se vivent ?
08:12Toute la famille est dans l'incompréhension,
08:14toute la famille est anéantie en fait.
08:19On ne se comprend pas pourquoi lui ?
08:20Pourquoi Mehdi ?
08:21Pourquoi le plus petit ?
08:22Pourquoi celui qui n'a jamais pris la parole ?
08:24Pourquoi celui qui n'est pas sur les réseaux sociaux ?
08:27Pourquoi celui qui a une vie toute tranquille d'adolescent ?
08:29Il va à l'école, il étudie.
08:30Les marins de Corsica-Linéa ont décidé de lui rendre un hommage
08:34et je les en remercie.
08:35Mais justement, cette question, pourquoi ?
08:37Quand le ministre de l'Intérieur dit
08:39« C'est un point de bascule,
08:41c'est un crime d'avertissement »,
08:43ce n'est pas un avertissement,
08:45parce qu'un avertissement,
08:46c'est quand on vous envoie une balle par la poste
08:48en vous disant « Attention ».
08:49Tout à fait.
08:50Il est mort.
08:51Le sang a coulé.
08:52C'est donc pour faire taire tout le monde ?
08:55Vous dites sur ce micro « Je ne me tairai pas ».
08:58Qu'en est-il des autres ?
09:00Est-ce que depuis, vous avez entendu la crainte d'autres militants ?
09:04Est-ce que vous pouvez les comprendre ?
09:05Qu'est-ce que vous leur dites ce matin ?
09:07Bien sûr, moi, je comprends la crainte des militantes et militants.
09:09Bien sûr, je comprends la crainte de celles et ceux
09:11qui habitaient autour de ce rond-point,
09:13de celles et ceux qui ont des enfants qui vont à l'école,
09:15parce que c'est ça la réalité aujourd'hui.
09:17Mon petit frère, il sortait de l'école.
09:19Et c'est ça qui peut se produire pour des gens
09:20qui pourraient prendre la parole.
09:22Et ce que je leur dis,
09:23c'est que regardez-moi,
09:24je suis debout,
09:26je suis là.
09:26Et rien que pour ça, rien que pour Médie,
09:29rien que pour toutes ces victimes,
09:31rien que pour là où on en est arrivé.
09:34Le point de bascule, ça fait des années qu'on dit qu'il arrive,
09:36ça fait des années qu'on dit que la situation a basculé.
09:38Et rien que pour ça, on doit tenir pour eux.
09:40Vous avez envisagé de laisser tomber ?
09:43Moi, je ne sais pas ce que je vais faire de la suite.
09:45Aujourd'hui, je ne sais pas.
09:46La seule chose que je sais,
09:47c'est que je vais tenir debout jusqu'à samedi.
09:51Et la suite, je n'en sais rien.
09:52Samedi, c'est cette marche blanche
09:54à laquelle vous invitez le plus grand nombre à participer.
09:57Vous dites, on ne peut pas tuer un peuple tout entier.
10:01Il y a la réponse politique
10:02et il y a la réponse des associations comme la vôtre.
10:07Est-ce que les deux sont compatibles ?
10:09Le ministre de l'Intérieur, le ministre de la Justice
10:11seront sur place tout à l'heure.
10:12Le président de la République a dit qu'il irait à Marseille
10:15le mois prochain.
10:17Est-ce que vous en attendez encore quelque chose ?
10:19Et qu'est-ce que vous leur demandez ?
10:21Encore une fois, moi, si je suis venu ce matin,
10:24c'est pour jeter la pierre sur personne.
10:26La seule chose que je peux dire,
10:27c'est arrêtons les discours et passons à l'action.
10:30Les discours, on en a entendu.
10:31Le constat, on sait où il est.
10:32On sait comment les choses sont faites.
10:35Maintenant, bien sûr que j'attends un tas de choses.
10:36Bien sûr que ce qu'on répète depuis des années,
10:39que l'action qui a été lancée avec Marseille en grand,
10:41elle doit aller plus loin.
10:43Il doit y avoir une véritable révolution sociale dans ces quartiers,
10:46il doit y avoir une véritable révolution sociale partout en France.
10:50Cette révolution sociale, elle s'accompagne d'un tas de choses,
10:52des services publics, redonner les moyens à la police,
10:55le retour de la police de proximité,
10:57les enquêteurs aussi, parce qu'on parle beaucoup
10:58du retour de la police de proximité dans les quartiers.
11:01Mais il est temps de donner les moyens aux enquêteurs
11:03d'aller au bout des enquêtes.
11:04Et d'aller jusqu'au bout et jusqu'en haut de la pyramide.
11:07Vous parlez aussi de tous ces commanditaires qui sont à Dubaï
11:10et qui sont ceux qui peut-être ont commandité,
11:14on parle d'un des chefs de la DZ Mafia,
11:17qui aurait depuis sa cellule commandité l'assassinat de votre frère.
11:22Vous vous crispez presque physiquement, quand je dis ça ?
11:29Parce que vous avez peur ? Parce que quoi ?
11:33Non, peur, je ne peux pas avoir peur.
11:35Je ne peux pas avoir peur après ce qu'ils ont fait à mon frère, à mon aîné.
11:38Vous n'avez plus rien à perdre ?
11:38Non, je n'ai plus rien à perdre.
11:39Et je l'ai dit, c'est une lutte à mort qui est engagée.
11:42C'est une lutte à mort aujourd'hui qui est engagée.
11:44Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, l'État, les ministres,
11:48doivent protéger ma famille dans un premier temps.
11:50Et c'est ce que je souhaite, protéger ma famille dans un premier temps.
11:53Ils vous ont appelé en août et ils vous ont dit
11:55« Amine, il faut partir ».
11:56Et vous avez immédiatement dit
11:58« Mais on fait quoi pour ma famille ? »
12:00Je voudrais aussi qu'on parle des jeunes.
12:02Je voudrais que tous ceux qui nous écoutent ce matin
12:04écoutent aussi ce que vous avez à leur dire, Amine,
12:07sur ces jeunes qui parfois sont tentés, eux aussi,
12:11de rentrer dans ce trafic de drogue.
12:15Qu'est-ce que vous leur dites ?
12:16Le message, je l'ai toujours porté.
12:18On croit toujours que ça arrive aux autres.
12:21On croit toujours que ça touche que les autres.
12:23Ma famille a été touchée par deux fois.
12:25Par deux fois, j'ai enterré des frères.
12:28Et aujourd'hui, je l'ai toujours dit
12:30et je ne l'ai jamais assez dit,
12:33la seule issue possible au narcotrafic,
12:35c'est la prison ou le cimetière.
12:38Et en l'occurrence, pour mon frère René Brahim,
12:41ça a été le cimetière.
12:42Et pour mon frère Mehdi,
12:43qui n'avait rien à voir avec la drogue,
12:44qui n'avait rien à voir avec le deal,
12:46qui n'a jamais mis un pied dans un commissariat,
12:48qui n'a jamais mis un pied dans un palais de justice,
12:50qui n'a jamais été cité dans aucune enquête,
12:52qui n'a jamais été cité dans aucun dossier.
12:55Et mon frère est mort pour rien.
12:57Il n'est pas mort pour rien.
12:59Il est mort pour rien.
13:00Mais il est mort aussi avec vous,
13:03qui aujourd'hui portez ce message.
13:07Hier, à votre place,
13:09c'était le grand enquêteur
13:11sur la question du narcotrafic,
13:12Frédéric Ploquin.
13:13Et il disait que votre frère était
13:16le point de bascule,
13:17pas dans le sens où Laurent Nunez le dit,
13:20mais dans le sens d'un réveil des consciences,
13:22pour utiliser votre mot.
13:24Et on se dit qu'il aura fallu
13:25en arriver là, peut-être,
13:27pour que le pays entier se réveille.
13:29Est-ce que vous vous dites ça ?
13:31Encore une fois,
13:33et je l'ai déjà dit,
13:33moi je lance la pierre sur personne,
13:36mais aujourd'hui,
13:37avec le décès de Mehdi,
13:38qui est mort encore une fois pour rien,
13:40qui est mort pour la simple raison
13:41que c'était mon petit frère,
13:43plus personne ne pourra dire
13:44je ne savais pas,
13:45plus personne ne pourra dire
13:46j'ignorais la situation,
13:47plus personne ne pourra dire
13:48j'ignorais les conséquences
13:49du narcotrafic.
13:51Qui est l'ennemi ?
13:54Aujourd'hui, l'ennemi,
13:55c'est ceux qui commanditent
13:59depuis des cellules,
14:00depuis Dubaï,
14:01depuis la Thaïlande,
14:01depuis l'étranger,
14:03c'est ceux qui appuient sur la gâchette,
14:05c'est toutes ces personnes
14:05mes ennemies aujourd'hui.
14:07Quand vous dites
14:08les mères de famille,
14:11on veut les faire taire,
14:12les jeunes,
14:13on veut les faire taire,
14:15est-ce que vous craignez en effet
14:16que l'assassinat de votre frère
14:19soit...
14:20ça n'est plus un avertissement pour vous,
14:22on vient de le dire,
14:23mais que ce soit un avertissement
14:24pour d'autres ?
14:25Je pense aux magistrats,
14:27je pense aux policiers.
14:30Comment eux peuvent vivre
14:31en ce moment ?
14:33Tout le monde est menacé aujourd'hui.
14:35Toutes les personnes
14:35qui seraient amenées
14:36à prendre la parole
14:37sont menacées.
14:37C'est pour ça que la réponse,
14:38elle doit être plus que forte.
14:40C'est pour ça qu'aujourd'hui,
14:40c'est la crédibilité de la France
14:42qui est en jeu.
14:43C'est pour ça qu'aujourd'hui,
14:44c'est l'état de droit même
14:45qui est en jeu.
14:46Aujourd'hui, en auteur,
14:48j'étais hier avec Roberto Saviano,
14:50aujourd'hui,
14:51des écrivains,
14:52des magistrats,
14:53des juges,
14:53des enquêteurs
14:54peuvent être menacés.
14:56C'est pour ça que la réponse,
14:57elle doit être à la hauteur.
14:58C'est pour ça que notre pays
14:59doit se doter
15:00de vraies capacités
15:01de protection.
15:02Et quand on protège les gens,
15:03il ne s'agit pas juste
15:04de leur dire,
15:04bonjour,
15:04est-ce que vous pouvez partir ?
15:06Il s'agit de prendre en compte
15:07s'ils ont les moyens
15:08de partir.
15:09Il s'agit de prendre en compte
15:10s'ils ont les moyens
15:10de se prendre un nouvel appartement.
15:12Il s'agit de prendre en compte
15:13s'ils ont les moyens
15:14de protéger leur famille ou pas
15:15et de prendre en compte
15:17et en considération
15:18tous les éléments
15:19qui les entourent.
15:20Et je reprécise
15:20pour ceux qui nous écoutent,
15:22Amine Kessassi,
15:23que vous n'avez que 22 ans
15:25et que vous viviez déjà
15:28depuis cet été sous protection,
15:29mais que,
15:30et j'en ai été témoin
15:31en rentrant dans ce studio,
15:32votre protection
15:32est ultra renforcée
15:34et prise extrêmement
15:36au sérieux.
15:38Une question maintenant
15:39sur la réponse
15:40sur le volet
15:41des consommateurs.
15:42On l'a vu,
15:42c'est une des réponses
15:43d'Emmanuel Macron
15:44depuis deux jours.
15:45Il parle des consommateurs complices.
15:46C'est parfois les bourgeois
15:47des centres-villes,
15:48dit-il,
15:48qui financent le narcotrafic.
15:50On ne peut pas d'un côté
15:50déplorer les morts
15:51et de l'autre consommer
15:52en rentrant du travail.
15:53Est-ce qu'il faut
15:54responsabiliser davantage
15:56les consommateurs ?
15:57Qu'est-ce que vous dites
15:58à ceux qui consomment
15:59de la drogue,
16:00qui achètent de la drogue
16:00et qui nous écoutent ce matin ?
16:01À toutes ces personnes,
16:04aujourd'hui,
16:04effectivement,
16:05plus personne,
16:06et ça,
16:06je l'ai déjà dit,
16:07plus personne ne peut dire
16:07je ne savais pas,
16:08plus personne ne peut dire
16:09je ne savais pas
16:10ce qui se passait,
16:10j'ignorais la situation
16:11des quartiers populaires,
16:13j'ignorais ce que ça faisait
16:14lorsque j'achetais
16:18et plus personne ne peut dire
16:20je ne savais pas.
16:21Après,
16:21j'ai toujours porté
16:22des solutions politiques
16:23là-dessus,
16:24j'ai toujours demandé
16:24un débat autour
16:25de la légalisation du cannabis,
16:27j'ai toujours prôné
16:28un tas d'autres solutions
16:29et un tas d'autres options
16:30que la répression.
16:32Mais voilà,
16:33aujourd'hui,
16:33moi,
16:35c'est mes dits,
16:36ma priorité,
16:37c'est rendre hommage
16:37à mon petit frère,
16:38moi,
16:38qui m'habite.
16:40Je vois,
16:41et je le dis
16:41pour ceux qui nous écoutent
16:42à la radio,
16:43physiquement,
16:43régulièrement,
16:44depuis le début
16:44de cet entretien,
16:46vous vous relevez,
16:47vous avez besoin
16:47de reprendre
16:48votre souffle,
16:51mais aussi
16:51comme si vous aviez
16:52besoin de reprendre
16:53de la force
16:54parce que c'est un combat.
16:57Comme si vous repuisiez
16:59au fond,
16:59dans les mots
17:00que vous avez écrits,
17:01ce combat-là.
17:03C'est comme ça ?
17:03C'est ça ?
17:04Tout à fait.
17:04Tout à fait.
17:05Je vais chercher
17:05le peu de force
17:08aujourd'hui que j'ai,
17:08c'est...
17:09Je trouve cette force
17:11dans ma maman
17:12qui a tout donné
17:15pour ses enfants,
17:16qui a tout donné
17:16pour sa famille,
17:17qui s'est battue
17:18pour nous et qu'on a
17:19encore une fois
17:20brisé le cœur,
17:22qu'on a encore une fois
17:22arraché un bout de son cœur,
17:24qu'on a encore une fois
17:24endeuillé.
17:26Et c'est chez elle,
17:27dans les mots que j'ai reçus
17:28de toutes ces personnes,
17:29dans l'engagement des gens
17:30que je vois
17:30venir vers moi,
17:32un tas de personnes
17:34se sont mobilisées,
17:36des gens sont venus
17:36m'accompagner,
17:37etc.
17:38et à toutes ces personnes,
17:40je veux dire merci
17:41et leur dire
17:42levez-vous,
17:43levez-vous.
17:43Mais levez-vous,
17:44encore une fois,
17:45il va y avoir le moment
17:46de la marche blanche samedi
17:47et c'est un début
17:49pour vous,
17:49justement,
17:50d'une autre forme
17:51de combat,
17:51qui est un combat
17:52dans lequel vous voulez
17:53précisément ne pas
17:54vous sentir seul.
17:56Mais qu'est-ce qu'on peut faire ?
17:58Qu'est-ce qu'on peut faire,
17:59Amine ?
17:59Aujourd'hui,
18:00clairement,
18:00ce qu'on peut faire,
18:01c'est parler,
18:03raconter autour de nous
18:03ce qui s'est passé,
18:04raconter les choses,
18:06continuer à alerter,
18:07et continuer à interpeller
18:08et puis les gens
18:09qui sont engagés aussi
18:10dans des partis,
18:10faire remonter
18:11aux directions de leur parti,
18:12leur dire qu'il ne s'agit plus
18:13d'une question de droite,
18:14de gauche,
18:15de centre.
18:16Aujourd'hui,
18:16il s'agit de la question
18:17de la nation.
18:18Aujourd'hui,
18:18il s'agit de l'avenir
18:20des quartiers,
18:21de l'avenir des zones rurales
18:22parce qu'on pourrait croire
18:22que cette question
18:23touche que Marseille.
18:24On fait beaucoup l'amalgame
18:26en confondant
18:26ce qui se passe au Mexique.
18:28On parle souvent
18:28de mexicanisation,
18:29on parle souvent
18:30de ce qui se passe
18:30à Palerme,
18:31etc.
18:31Vous en pensez quoi,
18:32vous de ça ?
18:32Mais pas besoin
18:33d'aller voir à l'étranger.
18:34Regardons ce qui se passe
18:35chez nous.
18:35Les situations
18:36qu'on décrit ailleurs,
18:38elles sont présentes
18:39chez nous.
18:39Déjà ?
18:40Déjà,
18:40dans notre territoire.
18:41Je pense à Rennes,
18:42je pense à Nîmes,
18:43je pense à Marseille,
18:45toutes ces cités
18:45qui sont ravagées
18:46par la drogue,
18:46toutes ces zones rurales
18:47qui sont ravagées
18:48par la drogue.
18:49Arrêtons d'aller voir
18:49ce qui se passe à l'étranger.
18:51Ces situations,
18:52on les voit ici,
18:53chez nous,
18:53aujourd'hui.
18:54Vous allez vivre comment
18:55maintenant, Amine ?
18:57Après samedi,
19:01vous allez faire quoi ?
19:04Est-ce que vous croyez
19:05encore à la politique ?
19:07Je ne peux que croire
19:08en la politique.
19:09Je ne peux que croire
19:09en la politique.
19:10C'est le seul levier
19:13qu'on puisse avoir
19:13aujourd'hui,
19:14c'est la politique.
19:15Il n'y a que ça
19:15qui peut aujourd'hui
19:16changer les choses.
19:17Il n'y a que ça
19:17qui peut aujourd'hui
19:18décider un nouveau cours
19:19pour nos vies.
19:20Il n'y a que ça
19:20qui peut aujourd'hui
19:21décider que le soleil
19:23se relèvera dans les quartiers,
19:24que le soleil
19:24se relèvera chez ses familles.
19:26Il n'y a que ça,
19:27mais encore une fois,
19:28moi aujourd'hui,
19:29c'est rendre hommage
19:29à mon petit frère,
19:30mobiliser pour lui,
19:32mobiliser pour sa mémoire.
19:34Vous y croyez ?
19:35Vous pensez
19:35qu'on peut le gagner
19:36ce combat ?
19:37J'ose espérer.
19:39J'ose espérer
19:39qu'on peut le gagner.
19:40J'ose espérer
19:41pour ma maman
19:42qu'on peut le gagner.
19:43J'ose espérer
19:43pour mon petit frère
19:44qui est décédé
19:45et qu'on a enterré mardi
19:46qu'on peut gagner
19:47ce combat.
19:48Merci Amine
19:49pour votre sincérité
19:51ce matin.
19:53Prenez grand soin de vous,
19:54pas seulement grâce
19:55à tous ceux
19:55qui sont à l'entrée,
19:56de ce studio
19:57que je vois là,
19:58parce que vous n'êtes
19:59désormais
20:00plus jamais
20:01sans cette protection,
20:03sans ces anges gardiens,
20:05mais aussi
20:05parce que vous pouvez
20:07peut-être
20:08entendre
20:09que la nation
20:09est derrière vous.
20:10Merci beaucoup.
20:11Merci à vous.
20:11Amine Kessassi
20:12pour votre témoignage
20:13et je recommande
20:14votre livre
20:15plus que jamais
20:15et on aurait dû
20:16en parler beaucoup plus tôt.
20:18Merci en tout cas
20:18de l'avoir écrit aussi.
20:20Marseille
20:20et suite élarme,
20:21c'était aux éditions
20:22Le bruit du monde
20:23et on peut le trouver
20:24bien sûr.
20:25et votre association,
20:26l'association Conscience.
20:28Merci Amine Kessassi.
20:30Il est 8h47
20:30sur RMC et BFM TV.
20:32Sous-titrage Société Radio-Canada
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