00:02Il est 7h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le spécialiste de la grande criminalité et des mafias, Fabrice Rizzoli.
00:09Bonjour Fabrice Rizzoli.
00:10Bonjour.
00:10Bienvenue sur Europe 1, vous êtes aussi le fondateur, président de l'association CRIMALT, vous nous en direz un mot dans quelques instants.
00:16Donc, réunion d'urgence à l'Elysée autour de la lutte contre le narcotrafic qui a fait l'objet d'une loi adoptée au printemps, mais dont on tarde à voir les effets.
00:25Mais il n'y a pas un jour en France aujourd'hui désormais sans qu'on entende parler de fusillades, de morts, règlements de comptes dans le milieu du narcotrafic, encore hier à Marseille.
00:33Alors vous, votre spécialité c'est de suivre l'argent, si je puis dire.
00:37Vous ne faites pas partie du parquet national financier, mais bien évidemment on sait que l'argent c'est le moteur du crime organisé.
00:43Quelles sont les sommes en jeu pour le business français de la drogue, Fabrice Rizzoli ?
00:47Sur la drogue, les estimations sont bien compliquées, mais l'OFAST est passé de 1 milliard il y a 10 ans à 3,5 milliards, et aujourd'hui pour aller jusqu'à 7 milliards.
00:59Oui, 7 milliards.
01:01Par an, mais bon, je ne suis pas dans les secrets du calcul de l'OFAST.
01:05En revanche, ce que je peux dire, c'est qu'il y a un an, on a confisqué, enfin saisi, 1,2 million cash à la DZ Mafia qu'on a trouvé dans une fourgonnette,
01:14qui allait partir pour être recyclée, 1,2 million.
01:18Et que, un an après, sur une autre enquête, là, on suit l'argent sale, et ces 30 millions qui ont été blanchis,
01:27amenés en Italie, transformés en lingots d'or, pour ensuite être exportés en Turquie, pour qu'ils reviennent à leurs propriétaires initiaux.
01:34Donc ça, ça nous donne une idée des filières de blanchiment.
01:36Je précise quand même que la drogue aussi en France, c'est un produit sans inflation.
01:40C'est même un produit dont le prix a tendance à baisser année après année, Fabrice Rizzoli.
01:44Oui, la drogue, ça peut aussi monter, c'est monté parfois dans les années 90,
01:48mais aujourd'hui, la cocaïne a fortement baissé, ce qui la rend d'ailleurs plus disponible,
01:52enfin surtout accessible, et effectivement, à 50 euros le gramme,
01:57pour ceux qui ont connu la consommation des années 90, c'était plutôt 800 francs, oui, c'était pas du tout le même prix.
02:03Alors, vous nous avez esquissé le portrait d'une filière de blanchiment,
02:06ces 30 millions d'euros qui partent en Italie, qui deviennent lingots d'or.
02:11Cet argent, on a du mal à le suivre.
02:13Comment les dealers font-ils pour le blanchir ?
02:15Quelles sont les grandes recettes, si je puis dire ?
02:17Oui, alors les grandes recettes pour les réseaux criminels,
02:19parce que vous savez, le blanchiment, ça veut dire beaucoup de choses.
02:22Si vous utilisez l'argent des impôts que vous n'avez pas payés,
02:25vous faites du blanchiment de fraude fiscale.
02:27Mais c'est simplifié.
02:28Nous, on parle des réseaux criminels, dont ils font un métier,
02:30ils sont collectifs, ils ont l'habitude de le faire.
02:32Ils utilisent des outils.
02:34Par exemple, ils utilisent des entreprises légales.
02:36Je vais vous donner un seul exemple d'une affaire
02:38qui a été faite par le groupe interministériel de recherche,
02:41les policiers de la confiscation et du blanchiment.
02:44À Nantes, un commerce type barbeur avait un chiffre d'affaires
02:48de 800 000 euros à l'année.
02:49Pas mal, il en taillait des barbes, ça va être important.
02:51Bon, alors, moi je ne suis pas un spécialiste de ces métiers,
02:54mais on m'explique qu'un chiffre d'affaires d'un coiffeur,
02:56c'est 90 000 à 100 000 euros dans cette zone à l'année.
02:58Vous comprenez bien qu'ils ont déclaré massivement
03:01beaucoup, beaucoup, beaucoup d'actes
03:04qui n'étaient pas réels, qui étaient fictifs.
03:06On a mis l'argent sale et billet sale dans la comptabilité.
03:10Si on est malin, on paye des impôts dessus,
03:12on ne se fait pas attraper.
03:13Mais ils ne sont pas toujours malins,
03:14ils font pas mal de bêtises.
03:15Donc, on met ça dans l'argent sale
03:16et le propriétaire du barbeur,
03:18ou celui qui a des parts,
03:19ou celui qui est employé fictivement dans cette entreprise,
03:23récupère son argent sale.
03:25Car il ne faut pas oublier qu'on récupère son argent sale.
03:27Ça, c'est un circuit de blanchiment assez classique.
03:30Alors, c'est un blanchiment de besogneux,
03:32si je puis dire quand même, Fabrice Rizzoli,
03:33mais on sait que les boutiques de façade,
03:35Petit Commerce, Kebab Barbier,
03:37Laurent Nunez en a témoigné devant le Sénat,
03:39il dit qu'à Paris, en région parisienne,
03:41vous avez des rues entières
03:42qui sont en réalité des commerces de façade.
03:45Oui, partout, des commerces de façade.
03:47Il y a 15 ans déjà,
03:48j'ai accompagné des journalistes
03:49faire des images sur des salons de massage
03:50où vous vous plantez devant
03:52et il n'y a aucun consommateur de massage
03:54qui rentre par jour.
03:56Donc, c'est très important
03:58de pouvoir intégrer l'argent sale
04:00dans un commerce légal
04:01qui va être une première fois blanchi
04:03et en général,
04:04il va être investi dans d'autres ensuite activités
04:07type immobilier.
04:08Et là, même si les magistrats arrivent
04:10à un moment où c'est réutilisé dans l'immobilier,
04:13c'est compliqué de refaire toute une enquête patrimoniale
04:17et de revenir en arrière sur le premier blanchiment.
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