Béatrice Brugère, secrétaire générale Unité magistrats, s’explique sur les moyens de lutter contre le narcotrafic : «C’est une guerre qu’il va falloir mener sur tous les fronts».
00:00Alors on peut avoir le sentiment d'avoir passé un cap, ceci dit, des fusillades à Marseille, c'est pas la première, il n'y en a pas qu'à Marseille d'ailleurs,
00:08et je pense qu'on va continuer à passer des caps parce qu'aujourd'hui on s'aperçoit qu'on a des territoires qui sont en passe de basculer sous une loi qui est celle des narcotrafics en fait,
00:20qui est une loi, c'est pas des territoires sans loi, c'est des territoires avec d'autres lois et ces lois elles sont terribles parce qu'elles sont des lois des criminels,
00:31c'est-à-dire vous êtes dans un camp, vous n'êtes plus dans un camp, vous avez trahi et eux ne s'embarrassent pas de procédures puisque c'est sur la terreur qu'ils assoient évidemment leur autorité et leur puissance.
00:44Je pense qu'on a intérêt de plus en plus à regarder l'exemple italien qui ont connu ça et à s'inspirer encore plus de ce qu'ils ont fait en termes de lutte contre la mafia et contre la criminalité organisée.
00:58Alors on a de la chance, et je le dis, d'avoir un garde des Sceaux qui prend la mesure des choses, qui s'occupe beaucoup des prisons parce que la question c'est même pas de les arrêter
01:07puisqu'ils continuent aussi en prison, donc la prison doit redevenir un lieu de sécurité d'abord pour les personnels mais aussi pour éviter la continuation du crime
01:18et surtout montrer que l'État est fort et n'est pas impuissant parce que nous on fait des procédures qui sont extrêmement longues, difficiles
01:28et les prisons, à mon avis, sont un bon point d'entrée. On a un nouveau corps législatif, enfin une nouvelle loi qui vient d'être votée
01:38dont on ne voit pas encore les effets. La problématique aujourd'hui c'est pas tellement, je crois, la loi, même si on peut toujours continuer à l'améliorer
01:48c'est vraiment les moyens sur les enquêtes. On a un problème avec la police judiciaire dont je rappelle quand même qu'elle a fait l'objet d'une réforme
01:56qui a fait grincer des dents. Les enquêtes sont très longues, on n'a pas assez d'OPJ. Moi je visite beaucoup de juridictions en ce moment
02:06ce qu'on appelle les chambres d'instruction en fait sont embolisées par des procédures pour faire sortir les détenus, c'est-à-dire ces profils-là
02:16et en fait on s'aperçoit qu'aujourd'hui le seul enjeu c'est de ne plus être détenus. Pourquoi ? Parce qu'en fait nous n'avons plus les capacités
02:24de juger ces personnes-là dans des temps qui soient des temps utiles, j'allais dire, pour lutter contre le narcotrafic.
02:33Donc il va falloir qu'on change de grille de lecture et qu'on se réorganise, y compris au sein de la magistrature,
02:38c'est-à-dire que c'est bien les lois mais ça ne suffira pas. Il va falloir avoir même une stratégie d'organisation.
02:44Alors là on va souffler un peu mais ce qu'on appelle nous les évasions judiciaires, avec d'ailleurs parfois des complicités
02:52dans les détentions et autres, puisque vous le savez que la matrice numéro un de ces organisations criminelles,
02:57c'est la corruption. Si on n'a pas compris ça, on n'a rien compris.
03:00Et puis de l'autre versant, il va falloir se poser maintenant la question des consommateurs
03:04qui finalement ne risquent pas grand-chose.
03:06On l'évoquait tout à l'heure, oui.
03:07Et le dernier versant, qui est le versant que je crois que mon voisin aussi a évoqué,
03:12puisque je l'ai écouté, en vous attendant...
03:15– Béatrice Bougiard a écouté Louis de Ragnel.
03:17– Vous êtes très honoré, Louis de Ragnel.
03:19– C'est aussi les pays qui nous inondent.
03:21Parce qu'en fait aujourd'hui la France fait partie de ces pays qui sont totalement inondés,
03:27notamment par la cocaïne, qui est une drogue extrêmement grave, mais pas que.
03:31Et il va falloir aussi travailler sur tout ce qui est international, diplomatique.
03:35Alors je ne vais pas ouvrir d'autres dossiers qui sont aussi des dossiers parfois un peu douloureux.
03:39mais il n'y aura pas que la justice, c'est-à-dire que c'est une guerre en vrai
03:44qui va falloir mener sur tous les fronts,
03:46dont nous sommes un élément évidemment important, mais pas le seul.
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