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  • il y a 2 jours
DB - 13-11-2025

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00:00Le bonheur, dit Tchèkhov, n'est ni dans l'argent, ni dans l'amour, mais dans la recherche de la vérité.
00:08Tchèkhov n'est pas seulement l'auteur de la steppe, une œuvre écrite à 26 ans, et qu'il a mis d'emblée au premier rang des écrivains russes.
00:34Tchèkhov est aussi l'écrivain de la steppe, si on peut dire, des vies humaines, dont la plupart, faute d'une idée élevée, et passés l'éclair de la jeunesse, s'obscurcissent et se perdent.
00:48Petit-fait Tchèkhov fut à la fois écrivain et médecin.
00:52Il a donc vu, et de quels reposent, autour de lui, dans la Russie d'alors, beaucoup d'existences.
01:04Paresse, vodka, routine, illusion de l'amour, corruption.
01:09Ce gaspillage du capital humain lui inspirait de la tristesse, en même temps qu'une pitié lucide.
01:21Et c'est pourquoi, comme le rapporte Gorky, le regard de Tchèkhov, derrière les lorgnons, avait toujours l'air de dire, avec douceur et fermeture,
01:29« Mes messieurs, vous vivez mal. »
01:36Tchèkhov pensait pour sa part que pour bien vivre une vie digne de ce nom, il fallait travailler avec amour et avec foi.
01:44Non pour se construire un petit confort matériel et moral, mais pour faire un terme, à l'aide de la science, un avenir meilleur.
01:54Il détestait le mensonge sous toutes ses formes et la violence.
01:59L'étant au-dessus de tout la justice, est cette vérité qu'il a servi par une œuvre indépendante,
02:04une œuvre d'une beauté dépouillée et qu'il voulait impartiale devant les passions humaines et la science.
02:10En Russie, pendant la semaine de Noël et celle des rois, les jeunes filles cherchaient dans un jeu de miroirs,
02:36reflétant à l'infini la flamme d'une bougie, l'avenir de femme.
02:40Ainsi Nelly, la jeune et jolie fille d'un général en retraite,
02:59et libre et nuit, rêve au mariage, a pris place dans sa chambre auprès de son miroir.
03:04Elle se regarde.
03:14Mais devant ce regard fixe, il est difficile de savoir qu'elle est dans son rêve.
03:23Une chose est certaine, elle voit.
03:25Peu à peu lui apparaît un visage aux traits juvéniles.
03:37C'est lui, le premier auquel elle a tellement rêvé.
03:43Le cher objet de ses espoirs.
03:45Il est celui pour elle en qui tout s'incarne, sens de la vie, bonheur, avenir.
03:56Il est le destin même.
03:58Hors de lui, la vie n'est que ténèbre, absurdité, néant.
04:01Il est donc naturel que Nelly, à l'apparition même de ce visage,
04:12éprouve une impression de grâce un peu hallucinée.
04:14Elle voit sa vie à elle insensiblement se fondre avec sa vie à lui.
04:35Dans les moindres détails,
04:50elle voit se dérouler par avance les scènes de sa vie conjugale.
04:53Les mois passent.
05:08Les années.
05:14Par une glaciale nuit d'hiver,
05:16elle se voit en train de carillonner chez le médecin du disque,
05:20Van Lukic.
05:23Pas de lumière aux fenêtres.
05:31Pour le monde, c'est pour moi.
05:39Enfin, une porte grince.
05:42Le docteur est-il là?
05:43Il dort.
05:44Il vient de rentrer de sa tournée pour l'épidémie.
05:47Il a défendu qu'on le réponde.
05:48Nelly s'est précipitée comme une folle
05:54jusque dans la chambre à coucher du docteur.
05:58Stéphane Lukic est étendue sur son lit, tout habillée.
06:02Elle le voit qui souffle dans la paume de sa main
06:04en faisant une moue étrange.
06:09Sans dire un mot,
06:10Nelly s'assied.
06:11Mon mari est malade.
06:19Lentement, le docteur se soulève
06:21et considère la visiteuse avec des yeux agarres.
06:29Mon mari est très malade.
06:31Venez, venez vite, le plus vite possible.
06:33De quoi?
06:34De quoi?
06:35De quoi?
06:35C'est horrible à dire.
06:38Pour l'amour du ciel.
06:44Ce petit docteur, si vous saviez dans quel état
06:46il est comme...
06:46Comme il l'a merveilleux.
06:49Il est toujours nu.
06:51Il ne peut même plus se lever.
06:53Nelly, à bout de nerfs,
06:55commence à raconter au docteur
06:56la maladie de son mari.
06:58La peur affreuse qu'elle a eue
06:59en voyant qu'il a empiré.
07:01Le spectacle de sa souffrance
07:03attendrirait une pierre.
07:04Mais le docteur,
07:06qui ne cesse de souffler dans sa main,
07:07ne bronche pas.
07:09Je suis un drôle.
07:14Docteur, ce n'est pas possible.
07:15Mon mari a le diffus, je le sais.
07:18Venez, je vous en supplie.
07:19On a besoin de vous.
07:21Je rentre un instant, madame.
07:23J'ai fait une tournée
07:24qui a duré trois jours
07:25à cause de l'épidémie.
07:27Je ne m'en peux plus.
07:30Je suis malade moi-même.
07:33Je ne peux absolument pas venir.
07:34Si vous voulez tout savoir,
07:40je l'ai aussi attrapé, mon altifus.
07:42Venez regarder.
07:44J'ai près de 42 fièvres.
07:45Non, je ne m'ai vraiment pas possible de venir.
07:54Je ne peux même pas rester assis.
07:57Il faut que je sois tendu.
08:00Autre fois, je vous en supplie.
08:02Aidez-moi pour l'amour du ciel.
08:04Faites un effort, aimé.
08:06On vous paiera, je vous assure.
08:07On vous paiera.
08:08Bon Dieu, puisque je viens de vous dire.
08:11Si le docteur savait combien son mari lui est cher
08:14et comme elle souffre en ce moment,
08:16il oublierait sa fatigue et même son mal.
08:18Prevenez le médecin de l'arrondissement.
08:20Mais moi, le docteur, c'est impossible.
08:22Le médecin de l'arrondissement habite à 25.
08:23Il me met d'ici.
08:26C'est une question de minutes.
08:28Il y a 40 kilomètres.
08:30Jamais les chevaux n'y arriveront.
08:31Non, non, c'est impossible.
08:35Faites un effort, je vous en supplie.
08:38Il faut que vous viez pour l'amour de Dieu.
08:46Ayez pitié de moi.
08:49Sacré ton air de Dieu, on a voulu de fatigue.
08:51La tête comme un caillou, elle ne veut pas vous en prendre.
08:55Fais-moi tranquille.
08:56Vous devez venir, vous ne pouvez pas me pas venir.
08:58L'homme doit se sacrifier pour son prochain
09:02et vous, vous, vous ne l'acceptez pas.
09:05Si vous persistez, je ne porterai plus.
09:08Nelly a pas confiance qu'elle vient de tenir
09:10des propos offensants à l'égard du médecin et injustes.
09:14Mais pour sauver son mari,
09:15elle est prête à passer par-dessus la logique,
09:17le respect humain, la compassion.
09:28Pour toute réponse,
09:35le docteur avale un grand verre d'eau.
09:40Vous ne pouvez pas me pas venir, docteur.
09:43Je comprends l'état dans lequel vous vous trouvez
09:44et que vous êtes malade, vous aussi,
09:46mais vous ne pouvez pas le laisser dans l'état dans lequel...
09:49Et Nelly recommence à supplier,
09:53implorant la pitié,
09:55comme la dernière démordiante.
09:58Au nom de mon docteur, docteur.
10:02De Guerlasse,
10:03Stéphane Lukic finit par céder.
10:06Il se lève,
10:06non sans difficulté.
10:07Mais le supplice est loin d'être fini.
10:26Véniblement,
10:27la jeune femme soulève le docteur
10:28et réussit à l'entraîner.
10:37Finalement,
10:39ils se trouvent tous les deux installés
10:40au fond de la voiture.
10:42Encore 40 kilomètres
10:43et son mari pourra recevoir des soins médicaux.
10:47La campagne est plongée
10:48dans une obscurité profonde.
10:50Nelly et le docteur Lukic
10:51n'échangent plus une parole.
10:54Ils sont affreusement cahotés.
10:57Mais ni l'un ni l'autre
10:57ne sent le froid et les chaos.
11:02S'il vous plaît, plus vite.
11:05Plus vite.
11:07Enfin,
11:15vers les 5 heures du matin,
11:16ils arrivent harassés dans la cour.
11:19C'est le décor familier.
11:22Cette fois, on y est.
11:27Vous voulez bien m'attendre un instant.
11:31Reposez-vous.
11:32Je vais voir comment va nous voir.
11:37Mais un instant plus tard,
11:40quand Nelly revient chercher Stéphane Lukic,
11:41Docteur,
11:42je vous en prie.
11:44Docteur !
11:45Qu'est-ce que c'est, quoi ?
11:48Il faut demander à lui.
11:50Comment ?
11:51Quelqu'un a appris la parole à l'Assemblée.
11:56C'est Blasov qui a dit.
12:00Qu'est-ce qu'on veut.
12:02Elle constate alors avec épouvante que le docteur est dans le même état de délire que son maître.
12:11Sa décision est prise.
12:13Elle est quérir le médecin de l'arrondissement.
12:14Et ses deux nuits d'obscurité profonde,
12:21le vent glacial.
12:25Nelly souffre dans son âme et dans son corps.
12:28Et la nature,
12:29la nature ne lui offre aucune aide.
12:36Mieux vaudrait mille fois rester vieille fille
12:37que de revivre une nuit pareille.
12:39Mais la vie continue
12:45avec les soucis d'argent,
12:49les échéances,
12:50la maison hypothéquée.
12:54Son mari n'en dort pas.
13:03Chacun se met la cervelle à la torture.
13:06Comment éviter la visite des huissiers ?
13:09Ensuite, elle voit ses enfants.
13:25Et c'est la crainte perpétuelle pour eux de la maladie.
13:30Les mauvaises notes à l'école.
13:33Le souci de leur avenir.
13:36Et une séparation fatale.
13:39Car sur les cinq ou six enfants qu'ils ont,
13:44nul doute,
13:46il en mourra un.
13:50La grisaille de la vie,
13:52et cela se conçoit,
13:54ne va pas sans deuil encore.
13:57Un mari et sa femme
13:58ne sauraient mourir ensemble.
13:59Il faut que l'un des deux,
14:04si rude que soit le coup,
14:06assiste à l'enterrement de l'autre.
14:08Ainsi, Nelly voit-elle maintenant la mort de son mari.
14:23Ce malheur lui apparaît également dans les moindres détails.
14:26le cercueil,
14:28le cercueil,
14:28les cierges,
14:30le sacristin.
14:31Pourquoi cela ?
14:37Pourquoi ?
14:39En effet,
14:41pourquoi cela ?
14:43Devant le visage de son mari mort,
14:47tout le déroulement de sa vie conjugale antérieure
14:49ne lui apparaît soudain que comme la préface absurde et vaine de cette mort.
14:54Le miroir dans lequel elle avait cru lire son destin vient de lui échapper.
15:14Il est tombé à terre et s'est brisé.
15:22Je crois bien.
15:24que j'ai dû dormir.
15:45Chaque existence personnelle, disait Tchékov,
15:48est basée sur le secret.
15:49Derrière les attitudes et les regards,
15:55il pénétrait le désastre intime des êtres.
16:02Le mal,
16:03qui ne vient pas d'eux seulement,
16:06mais aussi des circonstances sociales.
16:07A ce propos, cependant, il notait
16:14« Je ne suis ni libéral, ni conservateur, ni progressif, ni indifférent.
16:20Je voudrais être un artiste libre. »
16:30Il l'a été.
16:32Et en tant que tel, il a donné pour la société russe des années 1880
16:36une sorte de comédie humaine crépusculaire,
16:39tour à tour exaltante et triste.
16:41Des figures innombrables apparaissent, disparaissent.
16:48Paysans, noms, fonctionnaires, adolescents, vieillards.
16:54Et il y a les femmes naturellement.
16:56Les jeunes, les moins jeunes, les sages, les folles.
17:00Subsiste l'énigme des cœurs
17:07et sous l'impression d'ennui hérité de sa ville natale,
17:11celle de ses destinées
17:13dont nul ne comprend très bien ni la fonction, ni le sens.
17:20Mais objectif, sous l'ironie,
17:23Tchèkhov a pu exprimer avec une aisance égale
17:25la douleur silencieuse d'un pauvre cocher de fiacre
17:28ayant perdu son enfant.
17:30Les remords de conscience d'un juge d'instruction
17:33ou, comme dans Une fois l'an,
17:36les illusions d'une vieille princesse dédorée.
17:45À travers tant de personnages dans ses nouvelles,
17:48c'est la vie même qui l'a tentée de cerner,
17:51belle et pesante,
17:53cruelle,
17:54insaisissable.
18:00Par une belle matinée d'hiver,
18:16un médecin de distrit et un juge d'instruction
18:18a une autopsie.
18:20Le juge considérait le paysage d'un air pensif.
18:29Il y a dans la vie de tous les jours aussi, docteur,
18:34il arrive qu'on se heurte à des phénomènes inexplicables.
18:37Tenez,
18:40je connais toute une série de morts étranges,
18:43incompréhensibles,
18:45et dont seul essaierait de rendre compte des spirites,
18:48des spirites,
18:49des spirites,
18:50l'homme qui réfléchit, lui,
18:53désarmé,
18:55hoche la tête.
18:55Je pense par exemple au cas de cette fille qui a prédit le jour de sa mort
19:02et qui, effectivement,
19:05sans raison apparente,
19:07est morte ce jour-là.
19:09Elle dit,
19:10je mourrai tel jour,
19:13et aujourd'hui,
19:15elle est morte.
19:16Il n'y a pas de phénomène sans cause.
19:18S'il y a eu mort,
19:19cette mort doit avoir une cause.
19:21Pour ce qui est des prédictions,
19:23je ne vois rien là de très étonnant.
19:26Beaucoup de nos dames,
19:27et même de simples paysannes,
19:29ont un certain nombre de prophéties,
19:31et parfois de très réels pressentiments.
19:34Je veux bien, docteur,
19:35mais la personne dont je vous parle,
19:40il n'y avait dans sa prédiction,
19:41je vous assure,
19:42aucun côté d'âme du monde,
19:44pas plus qu'un côté paysanne.
19:47C'était une créature en parfaite santé,
19:50calme,
19:52équilibrée,
19:53et sans l'ombre d'un préjugé.
19:55pour que vous puissiez
19:58tout comprendre d'elle.
20:01Je vous dirais encore
20:02qu'elle était
20:02l'insouciance même.
20:05Elle avait une gaieté communicative,
20:08et une légèreté d'essence,
20:10un esprit de bon ton d'ailleurs,
20:12qu'on ne rencontre d'ordinaire
20:13que chez les gens
20:14à la fois
20:16simples,
20:18en gai.
20:22Je ne pense donc pas
20:23qu'on puisse à son sujet
20:24parler de mysticisme,
20:26de spiritisme,
20:27ou de quoi que ce soit de pareil.
20:29Elle se moquait bien de tout cela.
20:33Le cocher arrêta la voiture
20:35près d'une clairière
20:36pour laisser reposer les chevaux.
20:37Le juge et le médecin
20:40en profitèrent
20:41pour faire quelques pas,
20:42tout en poursuivant
20:43leur conversation.
20:44Alors, selon vous,
20:51de quoi cette femme
20:51s'appelle morte ?
20:53À vrai dire,
20:55elle est morte
20:55d'une manière
20:56tout à fait bizarre.
20:58Figurez-vous
20:59qu'un mari
20:59ou son mari
21:00rentre à la maison
21:01en lui disant
21:02qu'il ferait bien
21:03de vendre
21:04au printemps
21:04leur calèche
21:05et de la remplacer
21:07par une voiture
21:07à la fois plus moindre
21:08et plus légère.
21:14Sa femme lui répond
21:15« Fais comme tu veux.
21:16Maintenant,
21:17tout m'est égale.
21:17De toute façon,
21:18cet été,
21:19je serai au cimetière. »
21:21Le mari, bien entendu,
21:22hausse ses épaules
21:22et ricanent.
21:24Alors, il ajoute
21:25« Je ne plaisante pas du tout
21:27et je te dis très sérieusement
21:29que je vais mourir bientôt. »
21:32Comme tout de même,
21:33il a l'air un peu étonné,
21:35elle lui donne des précisions.
21:37« Ce sera pour tout de suite
21:38après mon accouchement.
21:39Je mettrai mon enfant au monde
21:41et je mourrai. »
21:44Sur le moment,
21:47le mari n'accorda pas
21:48une grande importance
21:49à cette conversation.
21:50Il ne croyait pas beaucoup
21:51aux pressentiments
21:52mais par-dessus le marché,
21:54il savait que les femmes
21:55qui attendent un enfant
21:56ont des idées souvent
21:57bizarroïdes
21:58et parfois même
22:00des pensées funèbres.
22:03Mais le jour suivant,
22:05elle lui répète
22:05« Je mourrai. »
22:09Chaque jour,
22:16sa femme lui en reparle
22:17et chaque jour,
22:19il se traite
22:20de diseuse
22:20de bonne aventure,
22:22de possédée même.
22:25Il n'empêche
22:25que cette mort à venir
22:26était devenue pour elle.
22:31S'il arrivait à son mari
22:32de ne pas vouloir l'écouter,
22:34elle s'en allait à la cuisine
22:35pour parler de la chose
22:36avec la vieille bonne.
22:40Il ne me reste plus
22:41beaucoup de temps
22:41à vivre, petite mère.
22:43Vous verrez.
22:45Je mettrai mon enfant
22:45au monde
22:46et puis je m'en irai.
22:49Je n'aurais pas voulu
22:49mourir si vite
22:50mais que voulez-vous ?
22:53C'est mon destin.
22:55Bien entendu,
22:56la vieille bonne
22:57et la cuisinière
22:58en l'étant
23:00pleuraient toutes leurs larmes.
23:04Mais à d'autres,
23:04elle parlait de ça
23:05avec une sorte
23:06de sourire crispé.
23:09Elle ne supportait pas
23:11qu'on la contredise
23:11sur ce point.
23:13Elle était toujours élégante,
23:16elle suivait la mode
23:17et puis un beau jour,
23:19sans doute en prévision
23:20de sa mort prochaine,
23:22elle cessa de faire
23:22de la toilette.
23:24Elle se laissa même aller.
23:26Elle ne riait plus,
23:27ne touchait plus à l'école,
23:29plus aucun projet.
23:30un jour même,
23:34elle se rendit
23:34avec sa tante
23:35au cimetière
23:36afin de choisir
23:37un emplacement
23:38de son goût.
23:39Et cinq jours
23:41avant ses couches,
23:43elle faisait son testament.
23:46Remarquez bien
23:46que tout cela se passait
23:47alors qu'elle était
23:47en parfaite santé,
23:49qu'elle ne présentait
23:50aucun symptôme
23:51de maladie
23:51et qu'elle ne courait
23:53aucun danger.
23:53Les accouchements,
23:56et vous le savez mieux que moi,
23:57docteur,
23:58sont souvent pénibles,
23:59parfois mortels.
24:00Mais dans son cas,
24:01tout se présentait
24:02dans les meilleures conditions.
24:03Elle ne courait vraiment
24:04aucun danger.
24:07Si bien qu'à la longue,
24:08cette histoire finit
24:08par agacer le monde.
24:10Un soir, à dîner,
24:11il lui dit,
24:11écoute, Natacha,
24:12tu n'as pas bientôt fini
24:13avec tes stupidités.
24:14Elle lui répond
24:15que ce ne sont pas
24:16des stupidités,
24:16qu'elle parle très sérieusement.
24:18Alors il se fait
24:19pas des stupidités,
24:20tu m'entends,
24:21et tu ferais bien
24:21de t'arrêter
24:22si tu ne veux pas
24:22en avoir honte.
24:23Donc plus tard,
24:25enfin le grand jour arrive,
24:27le mari court à la ville
24:28chercher la meilleure sache
24:29qui était la première fois
24:31que sa femme a couché.
24:33Tout se passe
24:34le mieux du monde,
24:36et quand tout est terminé,
24:37l'accoucher demande
24:38d'avoir l'enfant.
24:40Elle le regarde
24:41et dit,
24:44maintenant je peux mourir.
24:47Elle fait ses adieux
24:48dans les yeux.
24:50une demi-heure après,
24:54elle était morte.
24:59Et elle était jusqu'au bout.
25:02À preuve même
25:02que quand on lui a tendu
25:04du lait
25:05au lieu d'eau,
25:07elle a encore dit,
25:08pourquoi me donnez-vous
25:09du lait
25:10à la place d'eau ?
25:12Voilà l'histoire.
25:17Cette femme est morte
25:18exactement comme
25:20elle l'avait prédit.
25:24Maintenant,
25:25expliquez-moi, docteur,
25:26de quoi cette femme
25:27a pu mourir ?
25:28Je vous donne ma parole.
25:29Je ne s'agit pas là
25:30d'une histoire inventée,
25:31c'est un fait réel.
25:32Cela s'est passé.
25:40Le médecin réfléchissait
25:42aux propos tenus
25:43par le juge.
25:49Merci.
25:50Et pourquoi donc ?
25:52Mais pour connaître
25:53les causes exactes
25:54de la mort,
25:56mais pourtant pas morte
25:57des suites
25:58de sa prédiction.
26:05Non, à mon avis,
26:06il y a de fortes chances
26:07pour qu'elle se soit
26:08empoisonnée.
26:09Où concluez-vous
26:10qu'elle s'est empoisonnée ?
26:11Je ne conclue pas,
26:12je fais une hypothèse.
26:14Dites-moi,
26:15elle était en bon terme
26:16avec son mari ?
26:18C'est-à-dire que...
26:20Non, pas tout à fait.
26:22La mésentente a commencé
26:23peu de temps
26:24après le mariage,
26:26à la suite d'un
26:26malheureux concours
26:27de circonstance.
26:29Oui, la défunte
26:30avait surpris un jour
26:31son mari
26:32en compagnie
26:33d'une autre femme.
26:36Mais...
26:36Elle lui a tout de suite
26:37pardonné.
26:41Et qu'est-ce qui était
26:42antérieur ?
26:44La tromperie du mari
26:44ou la résolution
26:46chez sa femme
26:47de mourir ?
26:48Tandis que je réfléchisse,
26:57j'essaie de me rappeler.
27:03Oui, c'est ça.
27:06Elle a commencé
27:07à parler de sa mort
27:08juste après
27:09cet incident.
27:11selon toute probabilité,
27:14elle aura pris
27:15à ce moment-là
27:15la décision
27:16de s'empoisonner.
27:17Comme elle ne voulait
27:17sans doute pas
27:18faire mourir l'enfant
27:19en même temps qu'elle,
27:20elle aura remis
27:20le suicide
27:21après l'accouchement.
27:23Vous croyez vraiment ?
27:25Non.
27:26C'est impossible
27:27puisqu'elle avait pardonné.
27:29Justement.
27:31Elle avait pardonné
27:32trop vite.
27:33Preuve qu'elle avait
27:34une mauvaise idée
27:34derrière la tête.
27:35croyez-moi,
27:37les jeunes femmes
27:38ne peuvent même pas
27:39suivre.
27:40Je ne suis pas sûr.
27:43Je ne sais pas.
27:52Ce qui est drôle,
27:54c'est que pas une seconde,
27:55l'idée d'une telle mort
27:56ne m'était fleurée.
27:59D'ailleurs,
28:00le mari était
28:00beaucoup moins coupable
28:01qu'on pourrait le croire.
28:03Il l'avait trompée
28:04d'une assez drôle
28:06de façon.
28:08C'est-à-dire
28:08qu'il était rentré
28:08un soir
28:09un peu éméché.
28:11Il avait eu envie
28:12de...
28:13Enfin,
28:14de caresses.
28:15Et sa femme
28:15était dans une situation
28:16comme on dit
28:17intéressante.
28:20Or,
28:20le diable avait voulu
28:21qu'il y ait justement
28:22ce soir-là
28:22chez eux
28:23une bonne femme
28:23qui était venue
28:24passer trois jours.
28:26Une bonne femme
28:26tout à fait
28:27nulle,
28:28laide,
28:29idiote.
28:31On ne peut pas
28:31appeler ça
28:31une tromperie.
28:33D'ailleurs,
28:33c'est bien comme ça
28:34que sa femme
28:34n'a appris la chose
28:35puisqu'elle lui a pardonné
28:36très vite
28:36et qu'il n'en avait
28:37plus jamais été question
28:38entre eux.
28:39Les gens meurent
28:39tout de même
28:40pas sans raison.
28:41D'accord,
28:41mais de là
28:42à admettre l'idée
28:42qu'elle soit empoisonnée
28:43tout de même.
28:46Le curieux,
28:47encore une fois,
28:48la possibilité même
28:51de cette mort
28:51ne m'est pas seulement
28:53effleurée.
28:55D'ailleurs,
28:55c'est bien simple.
28:57Personne n'y a pensé.
28:59Et tout le monde
28:59a été très surpris
29:00par le fait
29:00que la prédiction
29:01se soit réalisée.
29:04Mais de là,
29:05de là à imaginer
29:06une mort pareille.
29:09Non.
29:10Non,
29:10décidément,
29:11ce n'est pas possible
29:12qu'elle se soit empoisonnée.
29:13Mais le juge
29:28devint songeur.
29:30L'idée de la mort
29:31énigmatique
29:32de cette femme
29:33ne le quitta plus.
29:34en fait,
29:40docteur,
29:42est-ce qu'il existe
29:42des poisons
29:43qui tuent
29:43en l'espace
29:44d'un quart d'heure
29:44progressivement
29:46et sans causer
29:47de souffrance ?
29:48Bien sûr.
29:50La morphine,
29:51par exemple.
29:55Tiens.
29:55C'est bizarre.
30:02Je me souviens maintenant
30:04qu'elle devait avoir
30:06quelque chose
30:07de ce genre
30:08avec elle.
30:11Oh non.
30:15Ce n'est pas possible.
30:16En proie
30:24à une inquiétude
30:25grandissante,
30:26le juge
30:27avait l'air abattu.
30:29Il ne paraissait
30:29plus capable
30:30de poursuivre
30:31l'entretien.
30:37Pourtant,
30:38et comme s'il
30:39ne pouvait plus
30:40y tenir,
30:41il dit
30:41Faisons encore
30:44quelques pas,
30:44docteur.
30:46j'en ai assez
30:47d'être assis.
30:52Au bout
30:53d'une centaine
30:54de mètres,
30:55il sembla
30:55au médecin
30:56que le juge
30:56peinait
30:57comme s'il
30:58était en train
30:58de gravir
30:59une haute montagne.
31:09Puis le juge,
31:10s'étant arrêté,
31:12posa sur le docteur
31:13un regard étrange.
31:15Mon Dieu, docteur,
31:16si votre supposition
31:19était exacte,
31:21ce serait abominable,
31:23inhumain,
31:26s'empoisonner
31:27pour punir
31:27les gens.
31:30Est-ce que la faute
31:31était
31:32vraiment aussi grave ?
31:35mon Dieu,
31:37pourquoi m'avoir
31:40fait cadeau
31:40de cette
31:41maudite idée,
31:41docteur ?
31:43L'histoire
31:44que je vous ai
31:45racontée,
31:47c'est celle
31:48de ma
31:48faute,
31:48la mienne.
31:53Bien sûr,
31:54je suis coupable,
31:56je l'ai trahi,
31:57offensé,
31:58mais était-il vraiment
32:02plus facile
32:03de mourir
32:03que de pardonner ?
32:08Voilà bien
32:09la logique féminine,
32:11cruelle,
32:12impitoyable.
32:13Je me souviens
32:20maintenant
32:21du temps
32:23où elle vivait.
32:26Elle n'était pas bonne.
32:28Non.
32:31Tout devient clair
32:32pour moi.
32:34Tout devient clair.
32:36Le juge d'instruction
32:48et le médecin
32:48effectuèrent
32:49le reste du parcours
32:51sans plus pouvoir
32:52échanger une parole.
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