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00:00Générique
00:00A l'affiche aujourd'hui, Francis Curdian, l'un des parfumeurs les plus influents de sa génération.
00:18A seulement 24 ans, il crée un parfum devenu iconique, le mâle, pour Jean-Paul Gauthier.
00:23Fondateur de la maison à son nom et directeur de la création des parfums hommes chez Christian Dior,
00:27il célèbre 30 ans de création. Nous vous emmenons au Palais de Tokyo, à Paris, pour une rétrospective qui fait sortir le parfum du flacon.
00:37Bonjour Francis Curdian.
00:38Bonjour.
00:39Bienvenue, parfumeur, quel beau métier.
00:42Merveilleux métier, c'est même pas un métier.
00:44Très bien, c'est une passion, c'est ça ?
00:46Totalement, c'est une vocation en plus.
00:47Une vocation chez vous. D'ailleurs, vous êtes venu avec un coffret, juste devant vous, de quelques-unes de vos créations.
00:56Est-ce que c'est l'ensemble de votre collection actuelle ?
00:58Ah non, ce sont les collaborations, les conversations artistiques sur les 30 dernières années.
01:04Et je pense que c'est à peine la moitié de ce qu'on a pu montrer au Palais de Tokyo.
01:08Parce qu'il a fallu faire une sélection.
01:10On a un commissaire d'exposition qui a fait la sélection, mais c'est juste un extrait.
01:14Donc là, c'est 30 traces.
01:16Donc ça en dit long sur la qualité de l'exposition qu'on va découvrir au Palais de Tokyo.
01:20Cette vocation de parfumeur, vous l'avez eue à l'adolescence ? Quel a été le déclic ?
01:24Je l'ai eue à l'âge de 14 ans. J'ai eu cette chance d'avoir pu trouver le métier de mes rêves à 14 ans,
01:29d'avoir pu mettre des mots sur ce que je voulais faire.
01:31Je n'ai jamais dérogé à l'idée de devenir parfumeur.
01:35Et j'ai suivi petit à petit une voie qui était celle que je pouvais trouver,
01:39qui était une voie via une école de parfumerie, qui est à Versailles, qui s'appelle l'ISIPCA.
01:43Et puis faire ses classes, avoir des maîtres qui vous enseignent,
01:46qui vous transmettent le métier pour devenir moi-même parfumeur.
01:48Et vous n'aimez pas qu'on vous appelle un nez ?
01:51Non, du tout.
01:52Parce que vous dites, je suis aussi un cerveau.
01:55Ce n'est pas que je suis aussi, c'est que composer un parfum,
01:59d'ailleurs dans le mot composer, c'est avant tout un acte de création.
02:01Et l'acte de création, il ne se fait pas avec le nez.
02:04Alors comment exposer ce qui ne se voit pas ?
02:07Vous avez relevé ce défi au Palais de Tokyo.
02:10Et c'est une expérience à part entière.
02:13D'abord, c'est gratuit.
02:13Ensuite, il faut simplement s'inscrire sur le site Maison Francis Curdjian.
02:18Dès l'entrée, une hôtesse remet aux visiteurs un carnet
02:20pour collecter des bandelettes de vos parfums à travers le parcours de l'exposition.
02:25On embarque alors pour un voyage multisensoriel.
02:29Et dès le premier espace, ce sont des roses blanches sculptées
02:32qui nous accueillent dans un divin parfum.
02:35Parlez-nous de cette installation.
02:36Cette installation, c'est Éclat de Rose.
02:39Éclat de Rose, c'est l'avant-dernière installation que j'ai composée
02:42et qui a été présentée à la Foire d'Art Contemporain de Shanghai en 2024.
02:46Et c'est un dialogue.
02:47C'était dans le cadre de l'année France-Chine.
02:50Et dans le cadre de ce partenariat,
02:52l'idée, c'était de rendre hommage à la Chine
02:55sur deux symboles qui sont importants, ne serait-ce qu'en France.
02:59C'est la rose.
03:01On oublie souvent, mais les ancêtres de la rose sont des plantes qui viennent de Chine.
03:04Et la céramique est un savoir-faire qui vient également de Chine.
03:08Et l'idée, c'était d'associer les deux
03:09et de représenter cette association dans une allégorie d'une route de la soie,
03:14comme un chemin de rose,
03:16comme si on était aussi à Grasse en train de cueillir des roses,
03:18avec une odeur et un parfum de rose,
03:21sur une base céramique.
03:22Les fleurs que vous voyez ici à l'antenne,
03:25ce sont comme des coupelles, des pétales de roses,
03:27trois pétales de roses qui ont été façonnées en France, à Sèvres,
03:31à la Manufacture Nationale de Sèvres,
03:34qui a développé pour moi une pâte spéciale
03:37qui permet de retenir le parfum.
03:39Donc en fait, c'est une céramique poreuse qui retient le parfum
03:42et qui est fabriquée avec, je dirais, les grands savoir-faire français.
03:46Voilà, une exposition qui débute tout en douceur,
03:49donc avec ce parfum divin.
03:50On découvre à chaque fois d'ailleurs sur les murs
03:53les formules de vos parfums
03:55qui sont diffusées ensuite sous des formes inattendues dans l'exposition.
03:59Vous avez travaillé avec de nombreuses personnalités,
04:02des musiciennes comme les Sœurs Labeck
04:04et des artistes contemporains comme Sophie Kahl.
04:08C'est la confrontation avec les artistes
04:10qui vous fait apprendre, dites-vous.
04:12J'ai senti pour la première fois l'odeur de l'argent.
04:16J'ai trouvé que ça sentait l'encre et la sueur.
04:18Alors est-ce qu'il y a un peu de ça ?
04:19Il y a un peu de ça.
04:20Il y avait effectivement dans cette conversation avec Sophie Kahl en 99,
04:25donc j'étais jeune parfumeur, j'avais à peine 30 ans,
04:28Sophie Kahl a demandé à ce que je compose l'odeur de l'argent
04:31et je suis parti sur des évocations personnelles de l'argent.
04:34J'habitais à l'époque à New York
04:35et à New York, le dollar a un papier vraiment différent,
04:38une encre très particulière
04:39et surtout, on manipulait à l'époque,
04:43je parle au passé,
04:43vous comprenez qu'aujourd'hui c'est complètement différent,
04:45mais on manipulait beaucoup ce papier monnaie
04:48qui effectivement a une odeur un peu de transpiration,
04:51de moiteur, quelque chose d'à la fois de sale
04:53et d'assez attirant parce que l'odeur du papier,
04:57c'est une odeur assez réconfortante.
04:59Et comme l'argent,
05:00c'est attirant et c'est répulsif.
05:02Il y a tout ça dans votre réflexion ?
05:04Exactement, il y avait aussi l'idée
05:05qu'on dit souvent que l'argent n'a pas d'odeur,
05:07on parle de blanchir l'argent,
05:09on parle de l'argent sale,
05:10donc c'est un parfum contrasté et duel.
05:13Une exposition surprenante, instructive
05:17et qui fait un peu tourner la tête.
05:18Écoutons les visiteurs de parfums
05:20et sculptures de l'invisible au Palais de Tokyo.
05:23Il y a plein de choses qui m'ont plu,
05:25mais il y a la dernière expérience autour de Bacara 540
05:28qui est cette expérience multisensorielle
05:29avec l'oeuvre d'Elia Crespin
05:33qui est vraiment assez incroyable
05:35en termes d'esthétique.
05:37L'expérience fonctionne vraiment magnifiquement bien.
05:41Je connaissais Francis Curgian,
05:42mais je ne connaissais pas toutes les œuvres
05:44qu'il avait réalisées
05:44avec d'autres artistes qu'il admirait.
05:47Et j'ai trouvé ça super intéressant
05:48de voir le dialogue entre artistes et parfumeurs
05:51et de voir tout ce qu'il avait réalisé
05:54notamment pour le château de Versailles.
05:56Ça relie vraiment la création de la parfumerie
06:01au milieu artistique.
06:04Et ça, ce n'est pas forcément un lien qu'on fait beaucoup.
06:07On associe le parfum bien de luxe,
06:10mais plutôt accessible et démocratisé.
06:12Je trouve que cette exposition est très juste
06:16dans le sens où elle reflète une personnalité,
06:24un grand professionnel
06:26et humainement quelqu'un d'assez incroyable.
06:33Il y a ce parfum de vérité
06:37qui est là et qui me réjouit beaucoup.
06:42Un parfum de vérité, c'est joliment dit.
06:44Oui, c'est très bien dit.
06:46Mais en fait, on ne ment pas avec le parfum.
06:48Et le parfum ne peut pas vous faire mentir.
06:50C'est-à-dire qu'une odeur que vous n'aimez pas,
06:53c'est comme avec un enfant.
06:54Tout d'un coup, vous allez avoir le rejet
06:56de la cuillère quand vous sentez quelque chose
06:58que vous allez manger,
06:59d'un parfum de quelqu'un
07:00qui va se sentir mauvais à côté de vous.
07:01Il y a cette idée de beurk immédiatement
07:03parce que le parfum, c'est le sens de la protection.
07:05En fait, c'est le sens de l'intérieur.
07:07C'est notre sens de l'humanité.
07:08Donc en fait, on ne peut pas mentir.
07:10Vous pouvez mettre des chaussures
07:11qui vous font mal aux pieds.
07:14Jamais un parfum qui vous déplaira.
07:17Une exposition entièrement tournée
07:19vers vos créations, Francis Kurgian,
07:21très personnelle.
07:22Et dans votre bureau,
07:23on découvre le mal de Jean-Paul Gauthier,
07:25l'un de vos premiers grands succès.
07:27Est-ce que vous vous souvenez du brief
07:29pour la création de ce parfum de nuit iconique ?
07:32Ah oui, c'est un projet que je n'oublierai jamais.
07:35Parce que c'est le projet qui a détonné dans ma carte.
07:39Parce que c'est le premier projet que j'ai travaillé.
07:41J'avais 24 ans.
07:42J'avais 25 ans quand le mal est sorti.
07:44Le projet, c'était de l'odeur.
07:49C'était l'odeur de la peau d'un homme
07:51après le bain.
07:52L'idée d'une belle transpiration.
07:54L'idée d'un monsieur quand même soigné.
07:56D'un monsieur quand même propre.
07:57Et qui faisait référence.
07:58Et je me souviens, ça faisait référence
08:00aux souvenirs personnels de Jean-Paul Gauthier.
08:02C'est comme ça que le projet avait été initié.
08:05Pas évident de composer un parfum
08:06autour de cette idée.
08:08Vous avez parfaitement réussi.
08:10masculinité, féminité.
08:13Vous avez travaillé sur ces deux propositions.
08:15C'était intéressant parce que déjà,
08:17j'avais l'âge presque du client.
08:20En fait, c'est ça aussi qui est assez pertinent.
08:21Enfin pertinent, paradoxalement.
08:23Habituellement, les parfumeurs qui travaillent
08:25sur des projets, on a à peu près
08:2740 ans, 45 ans.
08:30J'en avais 25.
08:31Donc en fait, il s'est avéré
08:32que j'ai réussi à composer
08:33un parfum presque pour moi
08:35puisque j'ai émis
08:36tous les parfums que je connaissais
08:37et que je portais moi-même.
08:38En fait, le mal est une synthèse
08:40des parfums que je portais à l'époque.
08:42Et bien sûr, le clou de cette exposition immersive,
08:45c'est l'espace dédié à Baccarat Rouge 540,
08:48best-seller mondial de la parfumerie de luxe.
08:50On y entre en dégustant un chocolat
08:53de la seule française triplement étoilée au Michelin,
08:55la chef Anne-Sophie Pic.
08:57Qu'est-ce que vous avez recherché
08:59dans cette alliance de la gastronomie,
09:01de l'art et du parfum ?
09:04La création de ce parfum nous a un peu échappé
09:05quand je l'ai composé.
09:07La création nous a un peu échappé
09:08dans le sens que le succès a été retentissant,
09:11bien plus retentissant qu'on ne pouvait l'imaginer.
09:14Et je dis souvent de ce parfum
09:15que c'est le parfum de l'alchimie d'essence.
09:18Tout vient de Baccarat,
09:19la manufacture française dans l'Est de la France,
09:22qui a ce savoir-faire ancestral
09:23de composer du cristal rouge.
09:25Et pour faire ce cristal rouge,
09:27j'appelle ça l'alchimie de la science,
09:29on incorpore dans du cristal en fusion
09:30de la poudre d'or 24 carats.
09:33Et quand on chauffe ce cristal à 540 degrés,
09:37on obtient ce cristal rouge incandescent.
09:40Et c'est cette histoire que j'ai souhaité porter
09:43et faire raconter à d'autres talents
09:45que je connais,
09:46parce que j'ai travaillé avec Anne-Sophie Pic
09:49à quelques reprises,
09:49j'avais l'envie de travailler avec Elias Crespin,
09:52qui nous a fait un cadeau d'une magnifique sculpture.
09:55Et l'idée, c'est de passer de l'alchimie des sciences
10:00à l'alchimie des sens,
10:02en invitant autour de moi des maestros,
10:05des grands talents,
10:06soit français, soit filiation française,
10:10avec Elias Crespin,
10:11et de leur demander de raconter à leur tour cette histoire.
10:14C'est une expérience assez incroyable à vivre.
10:17Et contrairement aux autres arts,
10:18on l'apprend dans l'exposition,
10:20les créations des parfumeurs ne sont pas protégées.
10:24Tout à fait.
10:25C'est le combat de mon associé, Marc Chaya.
10:28Une formule de parfum n'est pas protégeable,
10:30mais comme une recette de cuisine.
10:32Gastronomie, c'est complètement paradoxal,
10:34gastronomie et parfumerie
10:35ne sont pas protégées au titre de la propriété intellectuelle.
10:40Donc c'est vraiment une erreur
10:41que le législateur devrait corriger,
10:43parce qu'il y a deux choses.
10:46Déjà, à ce niveau d'excellence,
10:49je pense à la gastronomie,
10:50je pense à Anne-Sophie Picne,
10:51quand on voit la beauté des plats,
10:53c'est déjà de l'art.
10:54C'est de l'art qui se mange, quasiment.
10:57Je ne parlerai pas de la parfume,
10:58parce que je veux défendre ma paroisse,
10:59mais je trouve ça important,
11:00et pour des raisons économiques derrière,
11:02puisque ça protège aussi des savoir-faire français.
11:04Oui, parce que, par conséquence,
11:06les parfums sont allègrement copiés.
11:10Malheureusement, aujourd'hui,
11:11on appelle ça des dupes,
11:12mais c'est le nom à la mode
11:13qui correspond vulgairement à la copie.
11:15Ce ne sont jamais des bonnes copies,
11:18vraiment.
11:18Ce sont des inspirations.
11:21On peut facilement tromper le consommateur
11:24en parfumé,
11:25parce que les notes de tête
11:26sont peut-être les notes qui sont les plus faciles.
11:27Les notes de tête,
11:28c'est ce qu'on sent au début.
11:29Elles sont facilement décelables,
11:31facilement recopiables.
11:32Ce qui fait aussi un grand parfum,
11:34c'est toute la construction qu'il y a après,
11:36au bout d'une demi-heure,
11:37d'une heure, deux heures, trois heures,
11:38ce qu'on appelle la tenue ou le sillage.
11:40C'est ça qui est le signe d'un grand parfum
11:42et d'un bon parfumeur.
11:43On espère que le législateur vous entendra.
11:45Merci pour votre générosité,
11:48Francis Curgeon.
11:49Je recommande vivement l'exposition
11:51Parfum, sculpture de l'invisible
11:52au Palais de Tokyo,
11:53jusqu'au 23 novembre,
11:55qui titille tous nos sens.
11:57Et pour ceux qui veulent en savoir plus
11:58sur cet univers,
11:59il y a aussi le musée du parfum Fragonard à Paris
12:01pour découvrir quelques secrets
12:03de fabrication du parfum
12:04et son extraordinaire histoire
12:06de l'Antiquité à nos jours.
12:08A très vite sur France 24.
12:10L'info continue.
12:11Merci de votre attention.
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