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00:00Musique
00:01Au cœur de l'immensité amazonienne,
00:21le bruit des camions et des pelleteuses a remplacé ceux de la forêt.
00:25En cet été austral, un chantier titanesque vient de reprendre,
00:32après plusieurs années d'arrêt, la construction de la BR319.
00:40Une route promise maintes fois par les gouvernements successifs
00:43et que Luis Inacio Lula da Silva s'est enfin engagé à finir.
00:49C'est la fierté d'Orlando Fanaya, l'ingénieur en chef.
00:53Bonjour, vous allez bien ?
00:57Ici, vous voyez, on est en train d'appliquer la première couche de bitume
01:03sur ces deux premiers kilomètres qui sont en travaux.
01:06C'est la première opération après 15 ans d'attente.
01:09On reprend enfin le goudronnage de la BR319.
01:14Il faut aller vite.
01:15Son équipe n'a que quelques semaines de saison sèche
01:20pour asphalter ce tronçon de 50 kilomètres.
01:23Plus de 200 hommes travaillent tout le long de la route,
01:26sous 40 degrés.
01:29Il faut appliquer des tonnes de gravier, de goudron,
01:31acheminés par bateau.
01:34Pour la modique somme,
01:35d'un million et demi d'euros le kilomètre,
01:38du jamais vu.
01:39Tout cela pourtant,
01:41sans aucune nouvelle autorisation du ministère de l'Environnement.
01:45Ce qui n'a pas l'air d'inquiéter.
01:47Bien sûr que cette route va avoir un impact,
01:49mais on a produit de nombreuses études pour le minimiser.
01:52Nous avons demandé la création de 22 réserves environnementales
01:55tout le long de la route
01:56et nous respectons toutes les directives du ministère de l'Environnement.
01:59« Là où il y a trafic routier, il y a contrôle.
02:03C'est une garantie de protection de la nature.
02:06Elle va permettre aux pompiers de circuler plus facilement
02:08pour éteindre les feux de forêt.
02:10Il faut faire passer ce message au monde entier.
02:13Cette route est précieuse pour nous,
02:15pas seulement pour la région Nord,
02:17mais pour le Brésil tout entier. »
02:20Une promesse
02:21qui remonte aux années 70.
02:24A l'époque, la dictature militaire voulait développer
02:29ce far-ouest brésilien réputé inaccessible.
02:37885 kilomètres de route sont tracés
02:39entre les villes de Manaus et de Porto Velio,
02:42transperçant la jungle amazonienne.
02:46Abandonnée à de multiples reprises,
02:48faute de volonté politique ou d'autorisation environnementale,
02:51cette ligne droite de terre battue
02:52est victime des pires intempéries.
02:54Elle est considérée
02:59comme l'une des plus dangereuses du pays.
03:03Ses accidents toujours plus spectaculaires.
03:06« J'ai joué pour faire la piste.
03:08Nossa, qu'il dort.
03:10Mais c'est tout bien ?
03:11Alguien se machucou ou non ? »
03:13Et ses usagers,
03:14toujours plus exaspérés.
03:17« Ça fait 5 jours que je voyage.
03:19Je viens de passer 5 jours sur la route. »
03:22C'est à cause de la pluie ?
03:23« On n'a fait que s'embourber dans la boue.
03:26Si on avait une route goudronnée,
03:28les produits, les aliments, l'essence,
03:30tout serait moins cher. »
03:33« On n'en peut plus.
03:34On attend toute la journée de traverser le fleuve.
03:36C'est pas possible.
03:37C'est une honte, cette route.
03:39On souffre trop.
03:41C'est aux politiciens de trouver une solution. »
03:45Mais là où la route passe,
03:48le développement tant attendu
03:50prend une étrange tournure.
03:55Partout autour de nous,
03:57sur les premiers 300 km,
03:59des pâturages à perte de vue.
04:02Plus la BR 319 avance,
04:04plus nous découvrons des hectares de forêt
04:06fraîchement brûlés.
04:07Depuis l'annonce même
04:09de la reprise des travaux de la route en 2019,
04:12la déforestation a explosé
04:14de 144% dans la région,
04:17ouvrant une vague de spéculations
04:18et l'arrivée massive d'éleveurs
04:23venus du sud,
04:24comme Jaimondo.
04:25« Vous avez coupé la forêt il y a peu ? »
04:29« J'ai fait tout couper, oui.
04:31J'avais besoin d'un pâturage
04:32pour faire venir mon bétail du sud. »
04:34« Ah, vous avez du bétail plus loin ? »
04:36« Oui, il est par là-bas.
04:37J'ai 42 hectares.
04:38Ici, la terre n'appartient à personne. »
04:40« Donc ici, ce n'est pas une forêt
04:41protégée par la loi ? »
04:43« Non, sinon les autorités
04:44ne nous auraient jamais donné les papiers.
04:46On a payé et on a obtenu les documents. »
04:49La BR 319 est pourtant en plein cœur
04:52d'un territoire ancestral.
04:53Celui des Murats.
05:00Pour la construction de la route,
05:02ils n'ont pas été consultés
05:03comme le prévoit la loi.
05:06Depuis plus de 10 ans,
05:08ce jeune chef indigène
05:09organise la résistance.
05:13« Ici, il y a 3 ans,
05:15il n'y avait encore que de la forêt.
05:17La présence des buffles nous inquiète
05:18parce qu'ils font fuir
05:20tous les poissons du fleuve.
05:2135 communautés autochtones
05:26vivent tout autour de la route.
05:28Malgré leurs demandes,
05:30seules 5 sont officiellement reconnues
05:32et protégées par la loi.
05:36Avec son groupe d'activistes,
05:38Gabriel recense les impacts
05:40et les pressions subies.
05:41« Vous êtes les habitants
05:43qui sont le plus menacés
05:44par les fermiers. »
05:47« Il est venu jusqu'ici
05:49et il a dit que si nos chiens
05:52continuaient à embêter son bétail,
05:55ils tueraient mon mari. »
05:58« On ne sait pas
05:58ce qui va nous arriver. »
06:01Depuis peu,
06:02un danger plus grave encore
06:03que l'élevage
06:04guette leur territoire.
06:06Une entreprise
06:07d'extraction minière.
06:10« Tout ce terrain,
06:11c'est l'entreprise
06:11qui vient de l'acheter
06:12à des personnes de notre peuple.
06:14Ils les ont forcés
06:15en leur disant
06:15que s'ils ne vendaient pas,
06:16ils allaient le perdre
06:17dans tous les cas
06:18car c'était dans l'intérêt
06:19de l'État. »
06:22« Ça sert à quoi ? »
06:29« Je crois que ce sont
06:31des outils pour mesurer
06:33le niveau d'eau
06:33pour leurs études préliminaires.
06:37Ici, on sait que c'est
06:38le terrain qu'ils ont coopté
06:39pour construire leur forage.
06:41On voit des traces
06:42de voitures ici. »
06:47Devant eux,
06:51plusieurs centaines
06:52d'hectares,
06:53défrichés il y a
06:54quelques semaines à peine.
06:57« C'est ici
06:57qu'ils vont implanter l'usine.
06:59Je crois qu'en se situant
07:00sur une carte
07:00et en comparant
07:01avec leur projet,
07:02on va savoir
07:03où ils vont rejeter
07:04les déchets miniers. »
07:06« Le GPS de Gabriel
07:07confirme ses craintes.
07:10Avec notre marquage
07:11sur le GPS,
07:12on va montrer
07:13que c'est en plein cœur
07:14de notre territoire. »
07:16Ce qu'ils convoitent
07:17dans ce sol,
07:19c'est du potassium,
07:20un engrais nécessaire
07:21à l'autonomie
07:22en fertilisant
07:22du puissant agrobusiness brésilien.
07:26« On sait que le potassium
07:28se trouve déjà
07:28dans la nature,
07:30mais il va être mélangé
07:31avec d'autres produits
07:32pour séparer
07:32le potassium du sel.
07:34Et ce sel
07:34va aussi être rejeté
07:36dans la nature
07:36et peut rendre
07:37notre fleuve salé.
07:39La route va faciliter
07:40le transport
07:40des machines d'extraction
07:41parce que c'est sûr
07:43qu'ils ne vont pas
07:43pouvoir transporter
07:44tous les déchets miniers
07:45par le fleuve.
07:46La route va aider
07:47à transporter
07:47les minerais.
07:50Abandonnés
07:50par les pouvoirs publics,
07:52les Murats
07:53ont un allié.
07:55Chercheur en biologie
07:56à l'université
07:56de San Paolo,
07:58Lucas Ferrante
07:59a été plusieurs fois
08:00menacé de mort
08:01par les nombreux
08:01défenseurs
08:02de la route.
08:06« Je voudrais
08:07qu'on passe
08:07par l'embouchure
08:08des deux fleuves. »
08:10Avec son équipe,
08:12il embarque aujourd'hui
08:12pour une expédition
08:13de plusieurs semaines
08:14sur l'un des fleuves
08:15qui longent la route.
08:17« On a rajouté
08:18un point de collecte.
08:19On prend des mesures
08:20de sécurité.
08:20En priorité,
08:21il ne faut pas
08:22qu'on soit identifiable
08:23surtout par les orpailleurs
08:24ou les coupeurs de bois
08:25qui sont dans la région.
08:26Donc si quelqu'un
08:27demande ce qu'on fait là,
08:28on répond tout
08:29sauf qu'on vient prélever
08:30des échantillons biologiques. »
08:32En pleine pandémie
08:33du Covid,
08:34sous le gouvernement
08:34de Jair Bolsonaro,
08:36Lucas Ferrante
08:37avait déjà dénoncé
08:38l'utilisation de la route
08:39qui avait mis trop de temps
08:40à cheminer l'oxygène
08:41jusqu'à Manaos.
08:43Cette fois,
08:43il dénonce
08:44les intentions
08:44du président
08:45actuel.
08:46« Tout ça,
08:47ce sont des zones
08:47de prospection
08:48de forage pétroli
08:49en cours de concession.
08:50Ça prouve que
08:51s'ils veulent autant
08:52la BR 319,
08:53c'est pour faciliter
08:54la venue des groupes pétroliers.
08:55On en arrive
08:56à la conclusion
08:57que c'est impossible
08:58de contrôler
08:58la déforestation
08:59sur cette route
09:00et on a alerté
09:00officiellement
09:01la police environnementale.
09:03Le ministère
09:03des Transports
09:04ment
09:04et tout cela
09:05est un plan
09:06machiavélique
09:06pour goudronner
09:07cette route
09:07indépendamment
09:08de la déforestation
09:09qu'elle provoque. »
09:13Dans sa ligne de mire,
09:15Libama,
09:16l'organisme de protection
09:18de l'environnement brésilien.
09:21Son directeur adjoint
09:23rejette toute responsabilité
09:24concernant la BR 319,
09:27bien au contraire.
09:27L'année dernière,
09:29nous avons réduit
09:30de 28%
09:31la déforestation
09:32et cette année,
09:32vous pouvez voir
09:33une réduction
09:34de 11%.
09:34Ce que l'on constate
09:36dans toute l'Amazonie,
09:37c'est une baisse
09:38de la déforestation
09:38assez importante.
09:40On ne peut pas traiter
09:41d'une zone en particulier
09:42comme d'une généralité,
09:43surtout quand les propres
09:44états régionaux
09:45comme celui d'Amazonas
09:46ont aussi sa responsabilité.
09:48Ce n'est pas Libama
09:49qui décide seul.
09:50Cette route
09:51est aussi la responsabilité
09:52de nombreux ministères
09:54qui vont donner leur avis.
09:55Du temps,
09:59c'est justement
10:00ce qu'il manque cruellement.
10:03Retour sur la route.
10:05Igapo Asu est le dernier village
10:07avant de s'enfoncer
10:08dans la forêt encore intacte.
10:10Depuis quelques jours,
10:11sous ce préau,
10:12si les habitants
10:13de la région affluent,
10:14ce n'est pas pour admirer
10:15la vue.
10:17Il y a des cas de malaria
10:18ici ?
10:19Oui, 5.
10:23Pour cet infirmier,
10:24la route est
10:24autant le remède
10:25que la cause
10:26de la maladie.
10:28C'est vrai que la route
10:29apporte pas mal
10:30de progrès ici,
10:31mais elle apporte
10:32aussi d'autres choses.
10:34Ici, il y a un flux
10:35important de camionneurs
10:36qui viennent
10:37d'autres états du sud.
10:39Ils dorment souvent ici
10:40et ils deviennent
10:40vecteurs de la malaria.
10:42Les habitants risquent
10:43d'être contaminés.
10:46La malaria.
10:48Et depuis peu,
10:50une nouvelle souche émergente
10:51d'oropouche
10:52vient d'être découverte ici.
10:53un virus transmis
10:55par des moucherons
10:55dont les conséquences
10:57sont encore inconnues
10:57des chercheurs
10:58comme bien d'autres maladies.
11:01C'est précisément
11:02ce que Lucas Ferranté
11:03et son équipe
11:03sont venus étudier.
11:07Direction les berges
11:08du fleuve Poulouse.
11:11C'est ici.
11:12Les scientifiques
11:15ont localisé
11:16des points de collecte
11:17en pleine forêt
11:17de part et d'autre
11:19du fleuve.
11:22Quand on goudronne
11:25une route,
11:26d'autres routes adjacentes
11:27naissent.
11:27C'est ce qu'on appelle
11:28le phénomène
11:29d'arrêt de poissons.
11:30On parle d'une forêt
11:31avec une biodiversité unique
11:33et à laquelle personne
11:34n'a jamais accédé
11:35comme l'endroit
11:35où nous sommes en ce moment.
11:37Et c'est très important
11:38parce que les pathogènes
11:39présents ici
11:39peuvent se diffuser
11:40avec la présence de la route
11:41et nos résultats préliminaires
11:43démontrent que,
11:44de fait,
11:45c'est le plus grand
11:45réservoir de maladies
11:47au monde.
11:50Ils vont prélever
11:51des centaines d'échantillons
11:52de terre et d'eau
11:54pour les comparer
11:55avec les données récoltées
11:56lors de leur précédente mission
11:58il y a un an.
12:01Je vais entrer.
12:02On va séquencer l'ADN
12:03qu'il y a dans l'eau
12:04comme dans la terre.
12:10On a découvert
12:11de nouveaux lignages
12:12de virus,
12:13un très proche
12:14de l'anthrax
12:14qui a déjà été utilisé
12:16comme arme biologique
12:17et un autre similaire
12:18à la peste noire.
12:20Cela veut dire
12:20que si le gouvernement
12:21de Lula décide
12:22de continuer ses travaux,
12:24ça nous conduira
12:25à un attentat bioterroriste
12:26qui libérerait
12:27ces nouveaux pathogènes
12:28dans la nature
12:28et pourrait conduire
12:29à de nouvelles pandémies.
12:34La route,
12:35symbole de désenclavement
12:36pour ses habitants
12:37et ses usagers,
12:38mais à quel prix ?
12:41Lanceur d'alerte ?
12:43Ces scientifiques
12:43espèrent que
12:44leurs dernières recherches
12:45pourront enfin convaincre
12:46les autorités
12:47d'arrêter la construction
12:48de la BR319.
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