- il y a 6 heures
Gilles Finchelstein, Secrétaire général de la Fondation Jean-Jaurès, auteur de “La démocratie à l’état gazeux” (Flammarion), est notre invité. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/le-grand-entretien-du-vendredi-07-novembre-2025-6178433
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00:00Grand entretien ce matin avec Marion Lourdes, nous recevons l'un des meilleurs observateurs de la vie politique et des grands enjeux de notre époque,
00:08secrétaire général de la fondation Jean Jaurès, qu'il a dirigé pendant 20 ans, voix familière de France Inter,
00:15qu'on retrouve tous les samedis dans le grand face-à-face, et il publie un livre important, une réflexion passionnante sur la vie,
00:23on pourrait même dire la survie de notre démocratie, la démocratie à l'état gazeux, c'est le titre de cet essai,
00:31pensé comme un appel d'urgence à une prise de conscience, ce sont ces mots, c'est publié aux éditions Flammarion.
00:39Bonjour Gilles Finkelstein, et bienvenue, questions réactions de nos auditeurs au 01 45 24 7000,
00:46ils pourront dialoguer avec vous ou vous écrire sur l'appli Radio France.
00:51Gilles Finkelstein, un mot d'abord, puisqu'on vous entend régulièrement depuis maintenant des années à l'antenne Inter
00:58pour revenir sur les grandes questions qui agitent la vie de notre cité, la vie du grand continent qu'est l'Europe,
01:06la vie du monde tel qu'il va, on a l'impression, à lire cet essai, que c'est aussi le livre,
01:12non pas d'un homme dépassionné, mais d'un citoyen profondément inquiet. Est-ce qu'on a raison ?
01:18Oui, vous avez raison, c'est intéressant, vous dites, je viens toutes les semaines depuis de nombreuses années,
01:26et précisément ce que j'ai essayé de faire dans cet essai, c'est de prendre un pas de côté,
01:33ou trois pas de recul par rapport à ce flot d'une actualité de plus en plus folle,
01:40et l'idée, l'envie du livre est née il y a un an et demi. Je faisais une conférence franco-allemande
01:47trois jours après les élections européennes, et surtout trois jours après la dissolution.
01:52Et j'ai commencé mon intervention en disant, je vais essayer de vous expliquer quelque chose que je ne comprends pas moi-même.
01:58Et en y réfléchissant après, je me suis dit que réellement, je ne comprenais pas non seulement la dissolution,
02:04mais que je comprenais de moins en moins ce qui se passait.
02:07Et l'ambition de ce livre, ça a été d'essayer de proposer une grille de lecture,
02:12pour se faire une mise en perspective, et puis cette métaphore chimique,
02:16dont j'espère qu'elle aide à comprendre la situation que nous traversons,
02:20et peut-être aussi, avec cet état gazeux actuel, avec d'autres évolutions qui sont possibles,
02:27à alerter sur les risques que nous courons.
02:29Alors, il faut l'expliquer à nos auditeurs et à vos futurs lecteurs.
02:33La démocratie à l'état gazeux, c'est donc le titre du livre.
02:37La démocratie, comme la matière, connaît différents états.
02:40Solide, liquide, gazeux.
02:42Nous avons connu l'état solide, nous sommes passés à l'état liquide,
02:46nous vivons aujourd'hui à l'état gazeux, ce sont vos mots.
02:50Qu'est-ce qui justifie cette métaphore chimique,
02:53et qu'est-ce qui caractérise ces différents états,
02:56et particulièrement celui que nous traversons aujourd'hui ?
02:59Alors, si je le fais en quelques mots,
03:02l'idée, c'est que la matière à l'état solide, elle a une forme.
03:06Et donc, la démocratie à l'état solide, elle avait une forme.
03:10Cette forme, c'était un clivage qui la structurait,
03:12et dans laquelle les citoyens se reconnaissaient,
03:15et qui guidaient leurs comportements électoraux.
03:17En France, ça a été le clivage gauche-droite.
03:20Je la date de 1962 à 1992, on pourra y revenir.
03:25Nous basculons en 1992 dans une démocratie à l'état liquide.
03:29La matière à l'état liquide, elle n'a plus une forme propre.
03:32Elle a une forme qui est ambivalente en fonction du récipient dans lequel elle est versée.
03:37Et bien, la démocratie à l'état liquide, c'est la même chose,
03:40elle n'a plus une forme propre,
03:42elle a une forme ambivalente.
03:44Elle garde les traces de l'état antérieur, de ce clivage gauche-droite,
03:49mais peu à peu, elle est traversée par d'autres clivages,
03:52notamment par le clivage européen.
03:53C'est pour ça que 1992,
03:55Le référendum sur Maastricht et sur la monnaie unique est une date pivot.
04:01Et les particules qui composent la matière, en l'occurrence les citoyens,
04:06sont moins fortement reliées entre eux.
04:08La mobilité électorale devient plus forte jusqu'en 2017.
04:142017, nous basculons dans ce troisième état de la matière,
04:17la démocratie à l'état gazeux.
04:19A l'état gazeux, la matière n'a plus de forme,
04:22elle n'a plus de volume,
04:23les particules qui la composent sont encore moins fortement reliées entre elles.
04:27Et c'est ce à quoi nous assistons.
04:29Et notre démocratie à l'état gazeux,
04:31elle a trois propriétés.
04:33Elle est informe,
04:34elle est instable
04:36et elle est inflammable.
04:38Et Gilles Finkenstein,
04:39vous avez un regard très acéré,
04:41en fait très pessimiste sur cet état gazeux de notre démocratie.
04:45Nous vivons d'une certaine manière la quatrième république en pire.
04:48C'est ce que vous expliquez.
04:49On se rappelle que la quatrième république,
04:51elle incarnait quasiment l'instabilité.
04:54Les mots ne sont pas trop forts ?
04:55Alors je pense que les mots ne sont pas trop forts,
04:59mais peut-être que ce n'est pas si pessimiste que ça.
05:02Les mots ne sont pas trop forts.
05:04Je disais les trois propriétés de cette démocratie à l'état gazeux,
05:07on les retrouvait exactement sous la quatrième république.
05:10Donc on a connu un premier état gazeux sous la quatrième république.
05:14Elle était informe, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas un clivage qui la structurait.
05:18D'ailleurs, les partis qui ont gouverné toute la quatrième république
05:22étaient regroupés sous un vocable qui s'appelait la troisième force
05:27et qui ne se définissait que par rapport aux partis communistes et aux gaullistes.
05:31Donc elle était informe, la quatrième république, la nôtre est informe.
05:35Elle était instable.
05:36Il y avait une virevolte de gouvernement sans précédent.
05:39C'est exactement ce à quoi nous assistons.
05:41Peut-être même en pire parce qu'il y a en plus une instabilité ministérielle
05:46au-delà de l'instabilité du premier ministre.
05:49Et puis elle est inflammable.
05:52Et ça, je crois qu'elle l'est sans conteste.
05:54Mais pourquoi ce n'est pas peut-être si pessimiste ?
05:57C'est qu'il n'y a pas, je crois, et c'est peut-être la pointe d'optimisme de ce livre,
06:02de marche inéluctable d'un état vers un autre.
06:05On ne marche pas inéluctablement du solide au liquide, du liquide au gazeux
06:10et demain du gazeux au plasma.
06:12Et ce qu'a montré la quatrième république, c'est qu'après cette démocratie à l'état gazeux
06:17que nous avons connue entre 1945 et 1958, nous avons basculé dans le solide.
06:23Donc peut-être que tout n'est pas perdu.
06:25Et d'ailleurs, vous faites de nombreuses comparaisons avec des démocraties voisines,
06:28la Grande-Bretagne, l'Allemagne.
06:31Votre livre s'ouvre sur le récit d'un dîner à Bercy
06:34parce qu'il faut comprendre aussi les origines de cette histoire et de cet état.
06:38Le président de la République est alors ministre de l'économie
06:41et il convie des chercheurs dont vous êtes pour vous faire part de son ambition présidentielle.
06:47À ce moment-là, vous la jugez impossible, improbable qu'Emmanuel Macron s'installe un jour à l'Élysée.
06:54Et pourtant, cette situation va avoir lieu.
06:58Et vous écrivez qu'Emmanuel Macron est à la fois l'effet et la cause de cet état gazeux.
07:04Pourquoi ?
07:05D'abord, ce dîner est la scène inaugurale de ce livre, même s'il n'est pas totalement à mon avantage
07:12puisque, effectivement, pendant ce dîner dans lequel mon rôle un peu implicite
07:17était de faire l'introduction sur la situation politique et la situation de l'opinion,
07:22j'exprime mon désaccord par rapport au positionnement qu'Emmanuel Macron a choisi
07:29et je lui explique de manière très argumentée pourquoi il est engagé dans une impasse
07:35et quelques mois plus tard, il est élu président de la République.
07:37Ça sera notre dernier dîner.
07:40On se demande d'ailleurs si on doit vous croire, croire votre analyse maintenant
07:43puisque vous vous êtes trompé.
07:45Non, vous n'avez pas de bout de cristal.
07:46Non, mais quand vous écrivez un livre comme ça,
07:49a fortiori celui-ci qui est peut-être le plus ambitieux de ceux que j'ai écrits,
07:54c'est un peu... me voilà.
07:56Voilà. Je vous propose une grille de lecture.
07:59Et bien que ça commence par une petite leçon d'humilité,
08:03j'ai trouvé que ce n'était pas si mal.
08:04Ça commence par une leçon d'humilité, ça continue par des questions
08:08qui sont absolument fondamentales et cruciales aujourd'hui
08:11et que posent notamment certains de nos auditeurs comme Dominique qui est au Standard.
08:16Bonjour Dominique.
08:18Bonjour France Inter.
08:20Et bienvenue dans le grand entretien.
08:22Bonjour Monsieur Gilles Filkenstein.
08:25Votre essai démontre que si le Rassemblement national est élu,
08:30la Constitution sera révisée avec une suppression du droit du sol,
08:35une préférence nationale pour accéder à l'emploi
08:37et une surveillance des binationaux.
08:40C'est bien un gouvernement fasciste que vous nous décrivez là ?
08:45Merci Dominique pour votre question.
08:47Réponse de Gilles Filkenstein qui comme à son habitude prend des petites notes sur un bout de papier
08:53et non pas sur un écran tactile comme il le fait d'habitude.
08:57D'abord je suis impressionné parce que Dominique a déjà lu le livre alors qu'il est sorti mercredi.
09:03Ce que j'essaye de faire dans la partie prospective puisque ça court de 1945 à 2045.
09:11C'est une drôle d'histoire d'ailleurs parce que c'est une histoire donc vous remontez vers le passé
09:15mais d'un autre côté c'est une histoire aussi que vous vous projetez vers l'avenir.
09:18Alors je me projette vers l'avenir en tirant le fil de cette métaphore chimique
09:23parce qu'il y a un quatrième état de la matière.
09:25Le plasma.
09:26L'état plasma qui n'est pas l'état le plus connu même si c'est l'état le plus répandu dans l'univers
09:31et c'est là où il y a la dissociation la plus complète des atomes.
09:36C'est ce qu'on la retrouve dans la foudre ou les éclairs.
09:38Voilà la foudre et ce à quoi je réfléchis dans cette dernière partie, dans cette partie prospective
09:44c'est ce que serait ce scénario plasma, la foudre qui s'abat sur nos démocraties.
09:49Et ce que je travaille notamment pour la France que j'essaye d'élargir après à l'Europe
09:54c'est dans quelle mesure l'élection d'un candidat ou d'une candidate du Rassemblement National
09:59est aujourd'hui plausible et quelles seraient les conséquences.
10:03Et quelles seraient les conséquences dans un climat dans lequel on entend beaucoup
10:07« ce n'est pas si grave, le Rassemblement National a changé ».
10:11Et je le fais non pas à partir de procès d'intention
10:15mais en regardant les propositions que le Rassemblement National a fait
10:19non pas sur l'ensemble des sujets mais sur la démocratie qui est l'objet de cet essai.
10:23Et notamment une proposition de révision constitutionnelle par référendum
10:28qu'il a déposée, non pas il y a dix ans mais il y a un an.
10:31Et dans laquelle, comme le disait Dominique, sur le fond, au-delà de la procédure
10:36qui par elle-même est un coup de force constitutionnel
10:39qui aboutira à un bras de fer avec le Conseil constitutionnel sans conteste
10:44et à une remise en cause de l'état de droit, sur le fond,
10:48cette proposition est une rupture avec toute notre histoire,
10:51par non seulement notre histoire républicaine mais même notre histoire monarchique,
10:56à la fois par l'introduction de la préférence nationale,
11:00c'est-à-dire d'une discrimination d'État entre les Français et les étrangers
11:04en situation régulière dans l'accès aux droits économiques et sociaux,
11:08par la surveillance des binationaux, de l'ensemble des binationaux
11:12dans l'accès aux emplois de la fonction publique.
11:16Et donc, je crois que c'est pour ça que je dis que c'est le risque d'une rupture
11:20et d'une rupture brutale entre moi.
11:21Mais Dominique parle d'un gouvernement fasciste, ce n'est pas votre expression.
11:24Alors, ce n'est pas mon expression au sens où je ne pense pas que le Rassemblement National
11:30veuille remettre en cause les élections.
11:32Mais en revanche, je crois, en tout cas c'est la thèse que je défends,
11:36une rupture avec la démocratie libérale dans laquelle les pays européens
11:42et la France sont engagés maintenant depuis des décennies.
11:45Et tout ça, ce ne sont pas des procès d'intention puisque vous vous fiez au programme.
11:48Vous montrez dans votre livre comment le RN justement détournerait
11:51l'usage du référendum pour appliquer son programme.
11:55Il y a un sénateur PSIR, Éric Quirouche, qui a déposé une loi
11:58pour que la Constitution ne puisse pas être modifiée par référendum
12:01sans l'aval du Parlement.
12:02Il le fait en craignant justement l'arrivée d'un président de Rassemblement National.
12:09Est-ce que ça, ce genre de choses, ça peut être un garde-fou ?
12:11Ça peut être une parade, comme le mot que vous utilisez dans votre livre.
12:15Ça pourrait l'être si elle était adoptée.
12:18En réalité, cette proposition, elle vise à expliciter ce qu'est le texte de la Constitution.
12:24Dans notre Constitution, il y a un titre spécifique consacré à la révision
12:28avec un article unique qui détermine la procédure.
12:32Et ce que le RN veut faire, c'est de contourner cet article
12:36pour passer directement par référendum.
12:39Et ça serait une violation de la Constitution.
12:42Le problème pour lui, et c'est le problème pour nous,
12:45c'est que le Conseil constitutionnel en amont
12:48dirait vraisemblablement que c'est une entorse à la Constitution.
12:52Et c'est là où il y aurait un bras de fer dont on ne sait pas comment il se terminera.
12:56Et d'ailleurs, c'est assez passionnant.
12:57Ce que vous dites du Conseil constitutionnel et des attaques
13:00contre les institutions de l'état de droit qu'on entend de plus en plus souvent proférer,
13:06vous êtes aussi un grand lecteur, un amateur de littérature.
13:09Et vous citez Melville, l'auteur de Moby Dick,
13:12mais qui est aussi l'auteur d'un petit livre génial qui s'appelle Bartleby
13:17et une phrase mythique,
13:18« I would prefer not to, je préférerais ne pas ».
13:22Et c'est ce qui caractérise, selon vous, l'état de l'Assemblée nationale
13:26et l'état du parlementarisme aujourd'hui.
13:28Et c'est justement la question sur laquelle veut vous interroger Sylvie.
13:32Bonjour Sylvie.
13:34Bonjour.
13:35Et bienvenue dans le grand entretien d'Inter.
13:37Merci beaucoup.
13:39Bonjour M. Fickenstein.
13:40Bonjour Ali Badou.
13:42Alors je précise que je n'ai pas lu votre livre à la différence de l'auditeur.
13:47De Dominique.
13:47Encore, pas encore.
13:49Que j'écoute avec grand intérêt sur France Inter et quotidien.
13:53Je vais essayer d'aller vite.
13:54Ma première question, est-ce qu'on peut convoquer De Gaulle et les années en France
13:59après la Seconde Guerre mondiale pour expliquer la situation politique à ce jour ?
14:05Deuxième question, est-ce que le souhait de beaucoup afin d'adopter un régime parlementaire
14:11ne se heurte-t-il pas à l'impossibilité pour les députés de faire des compromis nécessaires
14:21dans l'Assemblée nationale ? Pardonnez-moi.
14:23Merci.
14:24Très bonne deux questions Sylvie.
14:27Alors commençons d'abord par le général De Gaulle, puisqu'il figure dès le début
14:31de votre livre.
14:32Vous remontez à 1945 et à la création de la Ve République.
14:36Donc il est forcément présent.
14:37Mais est-ce que ça peut être encore une référence pour aujourd'hui ?
14:40Je ne suis pas sûr que ça puisse être une référence pour aujourd'hui.
14:43En revanche, la mise en perspective historique, je crois, aide à mieux comprendre justement
14:48ce décollant de ce flot d'une actualité qui est de plus en plus folle.
14:53Sur la seconde question, je crois que ça c'est un vrai problème pour ceux qui défendent
14:58un régime parlementaire ou en tout cas une Ve République qui serait plus parlementaire.
15:05c'est de voir que depuis les élections législatives de 2022 et davantage encore depuis celle
15:12de 2024, dans laquelle le pouvoir est ou pourrait être au Parlement, ça fonctionne
15:18de manière chaotique.
15:20Mais ça, ça mérite, je crois, une réflexion.
15:23C'est là où je disais les propriétés de l'état gazeux, c'est informe, instable
15:28et inflammable.
15:30Et bien depuis 2024, depuis la dissolution, l'instabilité a changé de nature.
15:36On avait une instabilité qui venait des électeurs qui étaient, je l'ai dit, qui étaient devenus
15:40très mobiles.
15:41L'instabilité du bas, on a maintenant une instabilité du haut, c'est celle des gouvernements
15:46dont on parlait.
15:47Et puis c'est celle de l'Assemblée qui se trouve un peu dans cette situation qu'a
15:50connue le Parlement britannique après le Brexit.
15:53qui sait ce qu'elle ne veut pas et qui n'arrive pas à trouver des compromis.
15:58Qui n'est plus capable que de refuser.
16:00Il y a quelques lignes dans votre livre qui sont assez surprenantes.
16:02Vous parlez justement de cet état plasma qui nous menace peut-être, où tout serait
16:06complètement déstructuré.
16:08Et vous écrivez que l'élection de Jordan Bardella, Marine Le Pen ou Bruno Retailleau
16:12aurait pour conséquence la fin de la démocratie libérale en 2030.
16:15Comme si Bardella, Le Pen, Retailleau se mettaient sur le même plan alors que les uns font
16:20partie du RN et l'autre fait partie du Parti Les Républicains.
16:23Alors, vous avez raison, ils n'appartiennent pas au même parti.
16:26Ce qui me frappe, c'est qu'il y a une convergence de plus en plus forte entre les Républicains
16:35ou en tout cas entre une partie des Républicains et le Rassemblement national.
16:40Ça a commencé avant les élections législatives de 2024, lorsqu'a été discutée la loi
16:46sur l'immigration dans laquelle ce sont les Républicains qui ont défendu la préférence nationale.
16:51Ça s'est poursuivi avec les attaques contre l'État de droit dont se sont rendus coupables
16:57à la fois Bruno Retailleau sur le principe, vous vous souvenez, l'État de droit n'est pas sacré,
17:03et Laurent Wauquiez sur des sujets précis, lorsque notamment l'ARCOM,
17:07autorité administrative indépendante que les Républicains eux-mêmes avaient institué,
17:13n'a pas renouvelé la licence de C8.
17:17Ça s'est prolongé il y a quelques jours encore, à peine, dans une élection législative partielle.
17:23Donc il y a...
17:24Et donc ça provoquerait la même chose, une élection de Retailleau et une élection de Marine Lefeuille ?
17:27Je ne dis pas ça exactement, je dis qu'il y a une convergence qui est une convergence de plus en plus forte.
17:33Il y a de nombreux auditeurs qui vous écrivent sur l'application de Radio France,
17:38Gilles Finkelstein, pour vous interroger justement sur ces équilibres ou ces déséquilibres démographiques,
17:44démocratiques.
17:45Emeraude qui se demande où trouver l'espoir d'un renouveau démocratique.
17:51Jean qui cite Pierre-Rosan Vallon qui sur notre antenne avait déploré la dévalorisation des partis,
17:57la faiblesse des syndicats et Marc qui vous dit que le problème essentiel est peut-être
18:03que l'élection présidentielle au suffrage universel, c'est l'exacerbation des égages,
18:10le site qui fait qu'on n'arrive plus à s'entendre et à faire des compromis.
18:14Est-ce que ce n'est pas le péché originel, comme le pensent de nombreuses personnes,
18:19et notamment à gauche et à gauche de la gauche, à la France insoumise par exemple,
18:23que l'élection présidentielle est le problème majeur qui empêche de faire vivre la démocratie française ?
18:31Alors c'est la dernière élection à laquelle les Français participent massivement.
18:37Donc il faut prendre ça avec précaution.
18:39Vous qui êtes un homme de chiffres d'ailleurs, dites-nous, parce que les chiffres sont très impressionnants,
18:43le rapport des Français à la démocratie et aux institutions.
18:46Sur la participation à l'élection présidentielle, on est entre 75-80%,
18:50là où, pour la plupart des élections, nous basculons sous les 50% depuis maintenant plusieurs années.
18:57Mais je crois que c'est une question qui est absolument passionnante,
19:00parce que si nous sommes rentrés dans la démocratie à l'état solide,
19:04c'est en raison d'une des modalités de l'élection du président de la République
19:09au suffrage universel direct en 1962,
19:12qui est un débat qui est passé totalement inaperçu à l'époque,
19:15qui nous paraît totalement naturel aujourd'hui,
19:17qui est le fait que ce soit une élection à deux tours,
19:20et qu'au deuxième tour, il n'y ait que deux candidats.
19:23Ça n'avait jamais été fait avant, ça n'avait jamais été fait ailleurs,
19:26nous ne l'avons jamais reproduit depuis.
19:28Et ce faisant, il y a eu le clivage gauche-droite avec ces deux candidats qui s'est instauré.
19:36Un des problèmes est que, lorsque nous avons une tripolarisation de la vie politique comme aujourd'hui,
19:41eh bien, cette élection ne remplit plus son office,
19:44et notamment le président qui est élu dispose d'une légitimité beaucoup plus faible
19:49que lorsqu'il y avait deux camps, parce qu'il n'est plus élu que par, en réalité, son socle de premier tour,
19:54et au deuxième tour, ce sont seulement des majorités négatives.
19:57Donc, il y a ce premier problème-là dans les institutions,
20:00c'est que cette élection présidentielle au suffrage universel direct ne remplit plus son office,
20:05et, d'une certaine manière, par sa présence, elle empêche les compromis à l'Assemblée nationale,
20:11parce que tout le monde attend la prochaine élection présidentielle.
20:14Vous dites que votre conviction, c'est que la démocratie à l'état solide ne reviendra pas,
20:18qu'il faut renoncer à la nostalgie, et puis vous donnez un certain nombre de pistes
20:21pour éviter ce que vous décrivez comme le passage à l'état plasma.
20:26Alors, il y en a plusieurs, assumer l'esprit, respecter les principes, etc.
20:29Est-ce que vous appelez de vos voeux, comme le fait par exemple LFI, un passage à une sixième république ?
20:34Je pense que cette évolution n'est pas une évolution purement française.
20:41Et donc, penser que c'est simplement par un mécano institutionnel,
20:45je fais aussi des propositions, je pense qu'on a des procédures à renouveler,
20:51je pense qu'il faut voter plus, qu'on peut voter mieux,
20:52mais je crois que le problème est beaucoup plus profond que ça.
20:57Et mon livre est à la fois un livre d'alerte, mais ce n'est pas un livre pessimiste.
21:01Je pense qu'il appelle à une prise de conscience, à une réflexion, sans doute une réflexion collective,
21:07mais je n'ai pas les clés pour résoudre tous ces problèmes-là.
21:11Mais je pense qu'une des clés, ça serait déjà que les démocrates relèvent la tête
21:17et assument fièrement de défendre la démocratie, alors qu'ils ont aujourd'hui la démocratie honteuse.
21:23Alors, il y a plusieurs pistes que vous proposez.
21:26C'est un livre de combat, puisqu'il faut lutter contre les inflammateurs,
21:32ceux qui pourraient mettre le feu justement à cet état gazeux.
21:35Il faut consolider les acteurs.
21:38Et nous, démocrates français, écrivez-vous, et je vous cite,
21:41nous sommes responsables de la dévitalisation des partis politiques.
21:47Les laboratoires d'idées sont asphyxiés.
21:49Il faut renouveler les procédures.
21:53Comment amoureuse, Gilles Finkelstein ?
21:55Vous dites que, finalement, la solution, c'est peut-être de chérir la démocratie.
22:00Le mot de chérir, il est directement employé du vocabulaire romantique.
22:06Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire, cette histoire d'amour-là ?
22:09Souvent, quand on demande ce qu'est la démocratie,
22:14on fait référence à la phrase de Churchill,
22:16c'est le pire des régimes à l'exception de tous les autres.
22:19Et c'est très révélateur.
22:21C'est-à-dire qu'on a une vision, nous-mêmes, négative de la démocratie.
22:27Et donc, chérir la démocratie, c'est prendre conscience
22:32que l'air que l'on respire quand on est dans une démocratie
22:35n'est pas le même que lorsque l'on est dans un régime totalitaire.
22:39Et il y en a de plus en plus dans le monde.
22:41C'est cette première prise de conscience-là.
22:43C'est être fier de cette démocratie.
22:46Si vous vous souvenez quand J.D. Evans, le vice-président américain, est allé en Allemagne
22:50et qu'il a attaqué les démocraties libérales,
22:54personne ne s'est levé pour dire qu'il était en désaccord radical.
22:57C'est ça, chérir la démocratie.
23:00Vous êtes donc un éternel amoureux.
23:02Merci Gilles Finkelstein.
23:03En tout cas, l'analyse est passionnante.
23:05La démocratie à l'état gazeux.
23:07Une histoire politique 1945-2045.
23:11C'est publié chez Flammarion.
23:13Merci d'avoir été l'invité du Grand Entretien.
23:15Et on vous retrouve demain dans le grand face-à-face
23:18avec votre camarade et adversaire Natacha Polony et l'ami Thomas Négarov.
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