- il y a 4 mois
Avec Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise à l'IFOP, auteur de “Métamorphoses françaises. État de la France en infographies et en images” (Seuil) et Marie Gariazzo, directrice de l’ObSoCo, l’Observatoire société et consommation. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-04-septembre-2025-9383363
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00:00France Inter, Nicolas Demorand, Benjamin Duhamel, la grande matinale.
00:06Et avec Benjamin Duhamel, nous recevons ce matin la directrice de l'Observatoire Société et Consommation
00:13et le directeur du département Opinion et Stratégie d'Entreprise de l'IFOP.
00:20Tous deux publient une étude pour la fondation Jean Jaurès intitulée
00:24La Roue de la Fortune, Constitution et Transmission des Patrimoines dans la France Contemporaine.
00:32On attend avec Benjamin vos questions au 01 45 24 7000 mais aussi sur l'application Radio France.
00:40Marie Gariazzo, Jérôme Fourquet, bonjour.
00:44Bonjour.
00:45Et bienvenue sur Inter, passionnante enquête qui raconte l'un des sujets qui traversent plus que jamais la France d'aujourd'hui.
00:52Comment se créent les fortunes ? Comment se transmettent-elles ? Comment expliquer les inégalités de patrimoine ?
00:59Vous avez rencontré des notaires, des agents immobiliers, des Français qui ont tenté l'aventure de l'entreprise.
01:07On va y venir en détail.
01:09Mais d'abord ce constat, la majeure partie de la fortune en France est le résultat d'un héritage.
01:16Ça veut donc dire que cette roue de la fortune ne tourne pas comme elle devrait.
01:21Elle est grippée, Jérôme Fourquet ?
01:24Alors, elle tourne toujours mais effectivement pas au même rythme pour tout le monde.
01:30Et effectivement, on voit comment par différents mécanismes qu'on a essayé de décrire dans cette note,
01:36on a au fil du temps et des générations une accumulation assez spectaculaire du patrimoine
01:42dans certains milieux et dans certains lieux géographiques.
01:47Une fois qu'on a dit ça, on a découvert aussi en analysant toutes ces données
01:52que cette roue de la fortune continuait néanmoins de tourner.
01:58Alors, si on se concentre et on n'a pas réduit le scope de notre analyse aux 500 plus grandes fortunes françaises,
02:05ou en tout cas les fortunes professionnelles, celles qui figurent dans le fameux classement challenge,
02:09on peut voir les choses de deux manières.
02:12On est allé regarder la trajectoire biographique de ces 500 personnes.
02:1640% d'entre elles sont des héritiers.
02:18C'est-à-dire qu'elles ont hérité de l'entreprise qu'elles dirigent aujourd'hui.
02:21Alors, on peut se dire que c'est beaucoup et c'est effectivement important,
02:24mais ça veut dire quand même qu'il y en a 60% qui n'ont pas hérité de l'entreprise très importante qu'ils dirigent aujourd'hui.
02:34Et quand on descend dans la pyramide sociale, quand on regarde par exemple les chefs d'entreprise
02:38qui emploient 10 à 19 salariés, donc une petite PME mais qui est déjà respectable,
02:46il n'y a que 16% de ces dirigeants d'entreprise qui ont hérité de cette entreprise de leurs parents.
02:51Soit ils l'ont racheté à quelqu'un d'autre, soit ils l'ont créé avec ce nilot.
02:54Donc oui, on a des effets d'inertie et de concentration de patrimoine très importants,
02:58mais on a aussi des possibilités encore, et ce que le sociologue italien Vilfredo Pareto
03:04a appelé une rotation des élites, c'est-à-dire qu'il y a aussi une circulation qui s'effectue.
03:07Et c'est ce qui fait l'intérêt de cette note, la nuance, et précisément Marie Gariazzo,
03:13cette rotation des élites dont parle Jérôme Fourquet, elle est due à l'essor de fortunes,
03:19qui ne sont pas des fortunes anciennes, traditionnelles, issues de la reproduction sociale,
03:24et familiale, mais notamment de l'essor du numérique.
03:27Ça a bousculé cette pyramide des fortunes en France ?
03:31Oui, tout à fait, ça a fait apparaître, il y a eu de nouveaux entrants en fait,
03:35grâce au numérique, et notamment aussi à toutes les start-up qui se sont développées dans ce secteur-là.
03:43Et donc c'est en partie ça qui a permis un renouvellement des grosses fortunes.
03:47Et c'est aussi ça qui permet, à des niveaux un peu plus bas dans la hiérarchie sociale,
03:53de pouvoir entrevoir aussi un moyen de développer un patrimoine plus important,
04:00en tout cas que le salariat classique dans des secteurs classiques,
04:03qui ne permettent plus l'ascension sociale aussi bien qu'avant.
04:06Quand on compare le classement challenge de 1998 et celui de 2024,
04:14donc sur un quart de siècle,
04:15eh bien on s'aperçoit que 60% des gens qui figurent aujourd'hui dans le classement,
04:20eux-mêmes, ou leur nom de famille, ne figuraient pas dans le classement de 1998.
04:25Donc ça veut dire qu'en un quart de siècle,
04:27il y a quand même eu, notamment avec cette rupture technologique
04:30qu'a constitué la révolution Internet,
04:32mais on voit aussi ce qui se passe maintenant avec l'IA.
04:35Ce qui va plutôt, Jérôme Bourquet, à l'inverse des idées reçues,
04:39d'une forme de permanence qu'il y aurait,
04:42voilà, les nouveaux entrants, ils sont là,
04:45et vous donnez d'ailleurs un certain nombre d'exemples,
04:47ceux qui ont fait fortune dans l'intelligence artificielle,
04:50dans la télévision, dans les médias.
04:53Dans la tech également,
04:55mais on a aussi d'autres exemples,
04:57alors je ne sais pas si on va faire de la publicité,
04:59mais des chaînes de boulangerie bien connues,
05:01qui portent le nom de leur créateur,
05:04eh bien aujourd'hui, le propriétaire figure dans le classement des 500 fortunes de France,
05:10alors que l'entreprise a été créée il y a une quinzaine d'années.
05:11Donc il y a toujours cette reproduction,
05:14il y a une accumulation, on va peut-être y revenir,
05:15notamment dans certains quartiers parisiens,
05:17de la fortune,
05:18ou dans certaines stations balnéaires,
05:20ou stations de ski,
05:21mais quand on regarde dans le détail,
05:23on voit aussi qu'il y a encore une fois cette circulation,
05:25et cette rotation,
05:27et que, comme disait Schumpeter,
05:28il y a une destruction créatrice,
05:30ce que ça permet aussi de raconter cette histoire,
05:33c'est l'évolution de notre économie.
05:36Si on regarde le poids des industriels,
05:39dans les 500 fortunes françaises,
05:40c'était un tiers d'entre eux en 1998,
05:43ce n'est plus que 14% aujourd'hui.
05:45Donc ça raconte aussi la désindustrialisation.
05:48En revanche,
05:49les grandes fortunes qui sont investies dans l'immobilier
05:50ou l'hôtellerie de luxe,
05:52leur poids dans les 500 fortunes est passé de 3 à 20%.
05:54Donc quelque part, aujourd'hui,
05:55la pierre a remplacé la machine
05:57pour faire fortune en France.
05:59Un mot sur ce qui permet peut-être
06:01de distinguer les fortunes récentes
06:03et les fortunes plus anciennes.
06:05Vous faites un zoom sur les vignobles.
06:08Rothschild, Rodeur,
06:10qu'est-ce qui se joue dans les vignes ?
06:14Alors, on s'aperçoit effectivement
06:16qu'on est une vieille nation viticole,
06:20et les grandes fortunes,
06:23si on s'intéresse aux 500 toujours,
06:25eh bien 10% d'entre elles sont liées à la vigne.
06:28Mais pas n'importe quelle vigne.
06:30On va être dans des vignobles
06:31qui sont très très prestigieux.
06:34Et alors ça nous permet de raconter plusieurs choses.
06:35D'une part,
06:37on va le voir pour l'immobilier de luxe,
06:41ça nous permet de comprendre
06:42le phénomène de rareté des biens.
06:46C'est-à-dire que, comme vous le savez,
06:47une appellation viticole,
06:49typiquement en Champagne ou en Bourgogne,
06:51elle est très précisément délimitée administrativement.
06:54Et de tel côté de la route,
06:56vous êtes dans l'appellation,
06:57de l'autre côté, vous ne l'êtes plus.
06:59Et donc, si le vignoble est prestigieux,
07:00il n'y en a pas pour tout le monde.
07:02Et donc, le fait d'avoir des hectares
07:03dans ces endroits-là
07:04est quelque chose de tout à fait stratégique.
07:07Autre élément,
07:08on montre aussi, par exemple,
07:10en comparant ce qui s'est passé
07:11entre Bordeaux et Bourgogne,
07:13comment, quand des régions viticoles
07:17ont su prendre le tournant
07:18de la globalisation et de la mondialisation
07:20et de l'export,
07:21eh bien, ces productions
07:23se sont considérablement appréciées.
07:26Et donc, il y a 40 ans,
07:28le prix d'un hectare en Bourgogne
07:29ou en Bordeaux,
07:31on pourrait dire qu'on boxait
07:32à peu près dans la même catégorie.
07:34Aujourd'hui, il y a des écarts
07:35qui sont tout à fait spectaculaires.
07:36Donc, on raconte aussi
07:37cette question du tournant
07:38de la mondialisation
07:39et des secteurs ou des individus
07:41qui ont su le prendre et les autres.
07:42Vous prenez tous les deux,
07:45et ce qui rend passionnant cette étude,
07:47des exemples très concrets,
07:49là encore, dans la circulation de la richesse,
07:51la façon dont les patrimoines se construisent.
07:53Et vous prenez notamment l'exemple
07:54des patrons de magasins franchisés.
07:57Ça, c'est une façon pour certains
07:59de se construire une fortune,
08:01un patrimoine,
08:02sans avoir hérité la franchise
08:05et les franchisés,
08:06ils ont le vent en poupe.
08:08Marie Gariazo.
08:10Oui, alors, ce qui est vrai,
08:11c'est que tout ce qu'on a abordé jusqu'à maintenant,
08:12ça touche quand même aussi les grandes fortunes.
08:15Donc, c'est vrai qu'il faut revenir aussi
08:16sur des paliers plus bas
08:19dans la hiérarchie sociale.
08:20Et c'est vrai, ce qu'on voit,
08:21c'est qu'il se passe quand même aussi des choses,
08:23même si tout ça reste minoritaire,
08:25je pense qu'il faut le rappeler,
08:27il se passe des choses aussi,
08:28donc, dans les catégories plus modestes
08:31ou en tout cas moins aidées,
08:32notamment familialement.
08:34et l'entrepreneuriat,
08:36en tout cas,
08:37constitue,
08:37on l'a vu tout à l'heure,
08:39Jérôme disait,
08:40le renouvellement est très fort,
08:41notamment sociologiquement,
08:42sur les patrons de TPE,
08:43de 0 à 19 salariés.
08:46Et l'entrepreneuriat est une voie d'accès,
08:48en fait,
08:48beaucoup plus importante
08:49pour générer un patrimoine
08:52que le salariat classique.
08:54Mais il y a quand même peu d'élus.
08:55Et en effet,
08:56la franchise constitue un moyen
08:58de réduire les risques.
09:00De réduire les risques,
09:01puisqu'on bénéficie évidemment
09:03d'infrastructures,
09:05de l'emplacement de la marque.
09:07Et donc, du coup,
09:08on a une prise de risque
09:08qui est moins importante
09:09et qui permet potentiellement
09:11de développer un patrimoine
09:13plus important à terme.
09:15Jérôme Forquet ?
09:16Peut-être quelques chiffres.
09:17Les enseignes,
09:18elles sont bien connues
09:18dans la restauration rapide,
09:20dans le prêt-à-porter,
09:22dans l'équipement de la maison,
09:23etc.
09:23Donc, il y a plus de 2000 réseaux
09:24de franchise en France.
09:26Et le nombre de points de vente,
09:27donc le nombre de magasins,
09:28est passé de 27 000 boutiques franchisées
09:31en 1991 à 90 000 aujourd'hui.
09:35Considérable.
09:35Et donc,
09:36alors,
09:36vous n'êtes pas dans le CAC 40
09:38quand vous êtes le patron
09:39d'un point de vente franchisé.
09:42Néanmoins,
09:43comme disait Marie,
09:44vous pouvez vous lancer
09:45dans l'entrepreneuriat
09:46en minimisant les risques.
09:48Et donc,
09:49à bas bruit,
09:50on a aussi toute une forme
09:51d'ascension sociale
09:52qui s'opère de cette façon-là.
09:54Avec une ascension sociale
09:56qui, vous l'écrivez,
09:57est peut-être à certains moments
10:00davantage permise
10:01par l'entrepreneuriat
10:02que par l'école.
10:03L'ascension sociale
10:04par le diplôme,
10:05dites-vous,
10:05est de plus en plus
10:06embouteillée.
10:08Ça veut dire qu'avec
10:08cette massification scolaire,
10:12ce n'est pas un gage
10:13de succès
10:14et de fortune
10:15quand on n'est pas
10:16en situation d'hérité.
10:17Oui,
10:17c'est-à-dire qu'on a largement
10:19dépassé l'objectif
10:20des 80% de réussite au bac.
10:22Donc,
10:22on a créé aussi
10:23des masses
10:24de personnes diplômées.
10:26Donc,
10:26ça a à la fois renforcé
10:27la compétition scolaire
10:28et fait en sorte
10:29qu'on était de plus en plus
10:30nombreux à postuler
10:31à des postes rémunérateurs.
10:33On a aussi des carrières
10:34qui sont plus lentes,
10:35des promotions internes
10:37qui se font
10:37beaucoup moins rapidement
10:39qu'avant
10:39et tout ça fait
10:40qu'on est
10:41beaucoup plus nombreux
10:42et donc que l'ascenseur
10:44entre guillemets
10:44monte aussi
10:45beaucoup plus lentement.
10:46Et c'est vrai que nous,
10:47tous les professionnels
10:48qu'on a pu rencontrer
10:49se font le témoin
10:50que c'est de plus en plus dur
10:52en tout cas
10:53de se constituer
10:54un patrimoine,
10:54même d'accéder
10:55à la propriété
10:56grâce uniquement
10:57à ses revenus.
10:58Vous soulignez
11:00dans cette étude
11:01que le patrimoine,
11:03la fortune éventuellement
11:05commencent par la possession
11:07d'un ou de plusieurs
11:09biens immobiliers.
11:11Vous soulignez
11:12la fracture
11:13qui existe
11:14entre la France
11:14des locataires
11:16et la France
11:16des propriétaires.
11:18Fracture
11:18qui se double
11:20d'une autre fracture
11:21cette fois
11:23générationnelle
11:24avec l'incapacité
11:26d'accéder à la propriété
11:28pour les plus jeunes ?
11:29Jérôme Forquet ?
11:30Alors effectivement,
11:31la grande histoire
11:33en France
11:34dans les caractéristiques
11:36de la société française
11:37entre les années 50-60
11:38et le début
11:39des années 80,
11:40c'est l'ascension,
11:42l'accession
11:42à la propriété.
11:43On est passé de moins
11:45de 40% de propriétaires
11:46à plus de 50%
11:47de propriétaires
11:48au début des années 80.
11:49Donc on a pu dire
11:50à partir des années 80,
11:52la France est une nation
11:54de propriétaires,
11:54de justesse,
11:5550%.
11:56On disait à l'époque,
11:57parfois avec un brin de fierté,
12:00vous savez,
12:01j'ai fait construire.
12:02Et donc c'était
12:02l'aboutissement d'une vie
12:03où on avait fait construire
12:04ou vos enfants
12:05avaient fait construire.
12:06Cette capacité
12:08à devenir propriétaire
12:09aujourd'hui est grippée.
12:11On est à un palier
12:11depuis une vingtaine d'années.
12:13On a 57% de propriétaires
12:14en France.
12:15Et donc aujourd'hui,
12:16notamment les jeunes générations,
12:18notamment dans les grandes métropoles
12:19où le prix de l'immobilier
12:20a considérablement augmenté,
12:22le ticket d'entrée
12:23devient aujourd'hui
12:25trop élevé.
12:25Et c'est aussi,
12:26je pense,
12:27un des terreaux
12:29du sentiment
12:30de déclassement.
12:32Puisque vous vous comparez
12:33souvent à la génération
12:34qui vous a précédé
12:35et les gens se disent
12:36mais à mon âge,
12:37mes parents étaient déjà propriés.
12:39Comment se fait-il que ?
12:41Jérôme Fourquet,
12:41Marie Gariazzo,
12:42ce constat-là,
12:43il résonne avec le débat public.
12:44Au fond,
12:45vous donnez raison
12:46au Premier ministre François Bayrou
12:47quand il parle
12:48des privilèges présumés
12:49des boomers
12:51avec cette fracture
12:52entre ceux qui avaient
12:52la capacité d'accéder
12:53à la propriété
12:54plus facilement
12:55et cette classe d'âge
12:57qui peut se sentir empêchée.
12:59Alors oui,
13:00mais il y a toujours
13:00un risque en fait
13:01à générer une nouvelle fracture,
13:04notamment la fracture générationnelle
13:05qu'on sent finalement
13:06assez peu
13:07nous quand on interroge
13:08les gens
13:09parce que cette génération
13:10des boomers
13:10elle est très consciente
13:11d'être chanceuse
13:12d'avoir pu accéder facilement
13:14à la propriété,
13:15à la consommation
13:16et à l'emploi.
13:17Elle sent très bien
13:18que c'est grippé
13:19pour la génération qui suit
13:20mais la génération qui suit
13:21ce sont ses enfants.
13:23Et donc du coup,
13:23c'est aussi
13:23les boomers,
13:25ça va être une population,
13:26enfin une génération
13:27qui va énormément donner
13:28en fait
13:29aux nouvelles générations
13:30et on le voit,
13:31il y a une transformation
13:32quasiment de l'héritage
13:33qui n'est plus
13:34en une seule fois
13:35post-mortem
13:37mais qui va être fractionnée
13:38en fait
13:38tout au long de la vie
13:39et cette aide familiale
13:41constitue en fait
13:43à la fois une sécurité
13:44très forte
13:45pour les nouvelles générations
13:46quasiment
13:46ça fait partie
13:47de l'équation
13:48de leur trajectoire de vie
13:49et de leur projet
13:50de vie au quotidien
13:51donc du coup
13:52les renvoyer dos à dos
13:53ça risque d'être
13:54un peu contre-productif.
13:55On va revenir à l'immobilier
13:56mais vous dites
13:58que nous nous apprêtons
13:59à vivre
14:00ce que vous appelez
14:00la grande transmission
14:02les baby-boomers
14:04vont transmettre
14:06un patrimoine
14:06accumulé
14:07depuis les 30 glorieuses
14:08à leurs descendants
14:10vous parlez
14:10d'un montant
14:11vertigineux
14:139000 milliards d'euros
14:15qui vont circuler
14:17est-ce que
14:18cette transmission
14:20va accentuer
14:21les inégalités
14:22de patrimoine
14:23Jérôme Fourquet
14:24Oui alors
14:24l'expression
14:25n'est pas de nous
14:26les auteurs
14:27d'un autre rapport
14:28de la fondation
14:29Jean Jaurès
14:29sur cette question
14:30de la fiscalité
14:31des patrimoines
14:32et des héritages
14:32donc cette grande transmission
14:34on le comprend bien
14:34on a vu comment
14:35le prix des biens immobiliers
14:37s'était considérablement
14:38apprécié
14:40au cours des décennies passées
14:41et cette génération
14:43des baby-boomers
14:44elle a deux caractéristiques
14:45non seulement
14:45les nombreuses
14:46mais en plus
14:47elle a pu accéder
14:48massivement
14:48à la propriété
14:49donc aujourd'hui
14:50à transmettre
14:50effectivement
14:51dans les années qui viennent
14:52il y a 9000 milliards
14:53et comme le disait
14:54Marie
14:54et c'était très clairement
14:56dit par les notaires
14:58les agents immobiliers
14:58qu'on a pu rencontrer
15:00et bien effectivement
15:01cette transmission
15:03des patrimoines
15:04va dans les générations
15:05qui suivent
15:06accentuer
15:07un certain nombre
15:08d'inégalités
15:10parce que
15:11typiquement
15:11dans le marché immobilier
15:13des grandes métropoles
15:14par exemple
15:15à Paris
15:15tous les notaires
15:16ou les agents immobiliers
15:17qu'on a rencontrés
15:18nous disent
15:18aujourd'hui
15:19si vous n'avez pas un apport
15:21ou si vous
15:22et donc souvent
15:23si vous n'êtes pas aidé
15:24par la génération
15:24qui vous a précédé
15:25c'est quasiment impossible
15:27aujourd'hui d'accéder
15:27et donc il y a
15:28en gros
15:29ce coup de pouce
15:31très important
15:32qui va être donné
15:33et il y a ceux
15:34qui pourront le recevoir
15:35et ceux qui n'en disposeront pas
15:36Sur la question
15:37des résidences secondaires
15:38et là encore
15:39vous prenez des exemples
15:40concrets
15:40avec des expressions
15:42qui nous ont beaucoup plu
15:43avec Nicolas
15:44vous parlez notamment
15:44en France
15:45de ce nouveau mur
15:47de l'Atlantique
15:47non pas constitué
15:48de blocos
15:49mais de barres
15:49d'immeubles
15:50de marinas
15:50et de pavillons
15:51de différents standings
15:52c'est quoi le nouveau mur
15:53de l'Atlantique
15:54Jérôme Fourquet ?
15:55c'est le cordon littoral
15:58le long de la côte atlantique
16:00de Biarritz
16:01en gros
16:02jusqu'à l'Orient
16:03où toutes les communes
16:04de bord de mer
16:05comptent en moyenne
16:06un minima
16:0750 à 60%
16:08de résidences secondaires
16:09et là c'est un peu
16:10comme notre histoire
16:11de vignoble tout à l'heure
16:12il y a deux cas de figure
16:14soit vous avez vu sur mer
16:16soit vous n'avez pas vu sur mer
16:17et quand il y a vu sur mer
16:18là c'est le jackpot
16:19ça coûte très cher
16:20et donc on a
16:21des générations
16:22qui ont pu mettre un pied
16:23sur ce front de mer
16:24il y a 50 ou 60 ans
16:25on a gardé les maisons
16:26ou les appartements
16:27de famille
16:27et tout ça
16:28c'est considérablement
16:30apprécié
16:31financièrement
16:32et donc il va y avoir
16:33encore une fois
16:34c'est une des facettes
16:36ou un des visages
16:36de la grande transmission
16:37c'est toutes ces résidences
16:38secondaires
16:39qui vont changer de main
16:40dans les années
16:41qui viennent
16:42c'est assez intéressant
16:45et surprenant
16:46vous faites la carte
16:47des agences Barnes
16:49du nom de ces agences
16:51immobilières
16:52de grand standing
16:53il y en a quelques dizaines
16:55seulement en France
16:57très inégalement réparties
16:59sur le territoire
17:00Marie Gariazzo
17:02elle révèle quoi
17:03cette carte
17:04des agences Barnes
17:06alors je pense
17:07un peu dans la suite logique
17:08de ce que vient
17:09d'exposer Jérôme
17:10sur le mur de l'Atlantique
17:12on s'est rendu compte
17:13à travers
17:14c'était un indicateur
17:16créé par Jérôme
17:18qui avait vocation
17:19à essayer de comprendre
17:20aussi
17:21comment ce patrimoine
17:23très fortement concentré
17:24en termes de classe sociale
17:25était aussi
17:26de façon géographique
17:27et donc c'était un apport
17:29qui nous paraissait intéressant
17:30de voir
17:30où est-ce qu'il se concentre
17:31alors il se concentre
17:32évidemment très fortement
17:33à Paris
17:34mais aussi dans des régions
17:36qui sont très attractives
17:38touristiquement
17:39et notamment
17:40les stations d'altitude
17:41ou les bords de mer
17:44et donc du coup
17:45cette concentration géographique
17:47du patrimoine
17:48elle révèle aussi
17:49selon nous
17:50des inégalités
17:51qui sont à la fois sociales
17:52mais qui vont être
17:52de plus en plus spatiales
17:53et géographiques
17:54et ça a un impact
17:55non négligeable
17:56sur le fonctionnement
17:57de notre pays
17:57Votre étude
17:58elle résonne aussi
17:59avec ce débat
18:00sur la fiscalité
18:01sur le patrimoine
18:03sur l'héritage
18:04et vous le soulevez
18:05ce paradoxe
18:07une immense majorité
18:08de français
18:08ne paieront pas
18:09le moindre euro
18:10sur l'héritage
18:11qu'ils toucheront
18:12de leurs parents
18:13et pourtant
18:13dès qu'il est question
18:14d'augmenter la fiscalité
18:15cela suscite immédiatement
18:17une levée de bouclier
18:19comme si chaque français
18:20allait être concerné
18:21comment est-ce que
18:22vous expliquez
18:23Jérôme Fourquet
18:24ce paradoxe
18:25et qui se voit d'ailleurs
18:27dans la mesure
18:27où dès qu'un responsable politique
18:29ose parler de fiscalité
18:30sur l'héritage
18:31tout de suite
18:32il se rend bien compte
18:33que s'il y va
18:34il va perdre
18:34l'élection
18:35oui alors peut-être
18:35rappeler effectivement
18:36quelques ordres de grandeur
18:39on l'a dit tout à l'heure
18:41avec Marie
18:42il y a ceux qui toucheront
18:42un héritage
18:43et ceux qui n'en toucheront pas
18:44donc par définition
18:45ceux qui n'en touchent pas
18:46ne sont pas taxés
18:47puis parmi ceux
18:47qui vont toucher
18:48il y a ceux
18:48qui vont toucher beaucoup
18:49et ceux qui vont toucher un peu
18:51et on rappelle qu'en France
18:52on a des abattements
18:53assez importants
18:55sur la transmission
18:55notamment de la résidence principale
18:57et que du fait
18:59du montant moyen
19:00des héritages
19:02de ce système fiscal
19:03qui existe
19:04on a
19:04les experts s'accordent à dire
19:06à peu près 85%
19:07des héritages
19:08qui ne donnent pas lieu
19:09à de la taxation
19:10sauf que dans l'imaginaire collectif
19:13dans un pays
19:14qui est très fortement fiscalisé
19:16on se dit que l'État
19:16fait flèche de tout bois
19:17pour récupérer de l'argent
19:18et qu'un des impôts
19:20qui passe le moins bien
19:21en termes d'acceptation
19:23c'est ce que
19:23certains ont appelé
19:24le fameux impôt sur la mort
19:26et en la matière
19:28quelqu'un comme Nicolas Sarkozy
19:29avait si l'on peut dire
19:30plié le match
19:32idéologiquement
19:33au moment de sa campagne
19:35de 2007
19:36quand il expliquait
19:38à longueur de meeting
19:40qu'il était tout à fait normal
19:42et dans l'ordre des choses
19:43qu'au terme d'une longue vie
19:45de labeur
19:46vous puissiez sans taxe
19:48transmettre le fruit
19:49d'une vie de travail
19:50à vos enfants
19:50et ce constat-là
19:52cette assertion-là
19:54elle est très massivement
19:55partagée aujourd'hui en France
19:56ce qui fait qu'on a
19:58de grandes difficultés
19:59à débattre
20:01sur cette question
20:03Marie Gariazo
20:04Jérôme Fourquet le disait
20:06vous avez rencontré
20:07des notaires
20:08qui vous ont parlé
20:09de leurs clients
20:10que vous disent-ils
20:12du rapport des Français
20:13à l'argent ?
20:15Alors ils disent plein de choses
20:16mais c'est vrai que peut-être
20:17les choses qui sont revenues
20:19beaucoup dans les entretiens
20:20qu'on a pu mener
20:21c'est qu'il y a de plus en plus
20:23d'arbitrage
20:24entre une consommation immédiate
20:26et une constitution
20:27de patrimoine
20:28notamment parmi
20:30les nouvelles générations
20:31et évidemment celles
20:31qui peuvent bénéficier
20:32de ces montants
20:34de revenus
20:35et donc du coup
20:36voilà
20:37ils ont un adage
20:38qui revient très souvent
20:38où ils nous disent
20:39il y a une génération
20:40qui gagne l'argent
20:41la seconde
20:42elle stabilise la situation
20:43et puis la dernière
20:44elle dilapide tout
20:45et donc ils ont un regard
20:47un peu acerbe
20:48sur cette nouvelle génération
20:49qui est davantage
20:51dans la consommation
20:52en attente de flexibilité
20:53très forte
20:54et donc peut-être
20:55qui va moins thésauriser
20:56moins investir
20:57en tout cas pas de la même manière
20:59que la génération précédente
21:00et qui va pas forcément
21:01être très joyeuse
21:02si on lui dit
21:02qu'elle hérite
21:03d'une maison de famille
21:04au fin fond de la province
21:06ni à la mer
21:07ni à la montagne
21:08et qu'on va la vendre
21:09ça peut être une mauvaise nouvelle
21:10d'apprendre chez le notaire
21:12qu'on hérite
21:12d'une maison de campagne
21:14mais apparemment
21:15les notaires nous disent
21:16que beaucoup de ces jeunes générations
21:17préfèrent le cash
21:18et autre changement sociétal
21:22qu'ils observent
21:22ils constatent aujourd'hui
21:24que contrairement au passé
21:25c'est désormais les enfants
21:26souvent qui emmènent
21:27les parents chez le notaire
21:28pour bénéficier des donations
21:30et ils sont effectivement
21:31plus nomades
21:32c'est ce que vous décrivez
21:33quelques questions d'actualité
21:34Jérôme Fourquet
21:35et Marie Garezzo
21:36d'abord sur
21:36ce sur quoi vous achevez
21:38votre enquête
21:38la fameuse taxe Zuckman
21:40qui concernerait
21:41les 1800 plus grandes fortunes
21:43fortunes de France
21:44et qui permettrait
21:45de rapporter entre
21:4515 et 25 milliards d'euros
21:47selon les calculs
21:49dans un pays
21:51qui a la passion
21:51de l'égalité
21:52cette taxe
21:53c'est devenue
21:53une sorte de totem
21:54de point de ralliement
21:55de ceux qui veulent
21:57fiscaliser davantage
21:59le patrimoine
22:00comment est-ce que
22:01vous regardez
22:01Jérôme Fourquet
22:02la place que prend
22:03cette taxe Zuckman
22:04dans le débat public ?
22:05Alors
22:05il y a une longue histoire
22:07là-dessus
22:07rappelez-vous
22:08l'IGF
22:10l'impôt sur les grandes fortunes
22:11qui est devenue ensuite
22:12l'ISF
22:13l'impôt sur la fortune
22:13puis maintenant l'IFI
22:14donc c'est un vieux sujet français
22:16si on remonte encore
22:18dans notre histoire politique
22:19il y avait cette fameuse thématique
22:21des 200 familles
22:22c'était les 200 familles
22:23qui étaient au conseil d'administration
22:24de la Banque de France
22:25donc il y a toujours
22:26comme vous le dites
22:27un pays égalitaire
22:28une focalisation
22:29sur les riches
22:30mais cette focalisation
22:31elle s'accentue
22:32pour deux raisons
22:33de mon point de vue
22:34d'une part
22:35parce que
22:35effectivement
22:36ces inégalités de patrimoine
22:37aujourd'hui
22:38sont extrêmement criantes
22:40et donc
22:41vous les trouvez dangereuses
22:43pour la cohésion du pays
22:44on le voit
22:45on le voit
22:45que ça se tend
22:46quand même très fortement
22:47et puis l'autre
22:48raison pour laquelle
22:49on se polarise là-dessus
22:50c'est que
22:51en focalisant
22:53sur cette question
22:53ça permet de dire
22:55qu'il n'y a pas besoin
22:55collectivement
22:56de faire des efforts
22:57pour redresser
22:57les finances publiques
22:59les riches paieront
22:59et ça suffira
23:00et c'est une des
23:02clés de la sortie de crise
23:04sortie de crise
23:04on est plutôt
23:05dans l'entrée de crise
23:06lundi
23:06François Bayrou
23:07sera soumis
23:08à ce vote de confiance
23:09il va vraisemblablement
23:10chuter
23:11là encore
23:12c'est intéressant
23:13quand on regarde les sondages
23:14il a essayé de faire
23:14de la dette
23:15une question centrale
23:16du débat public
23:17cela arrive seulement
23:18à la septième place
23:20derrière la santé
23:21la lutte contre la délinquance
23:22puis l'éducation
23:23François Bayrou
23:24il a raté son pari
23:25de mettre la question
23:26de la dette
23:26et des finances publiques
23:27au coeur du débat public
23:28alors oui et non
23:29parce que
23:29vous citez une enquête
23:31de l'IFOP
23:31qui montre que
23:32sur 7 ans
23:33la part des français
23:34qui considèrent
23:35que la dette
23:35est un sujet prioritaire
23:37a doublé
23:38donc il a en partie
23:39réussi son pari
23:41mais en partie seulement
23:42puisque si tout est prioritaire
23:43rien ne l'est
23:44et qu'il y a d'autres priorités
23:45aux yeux des français
23:46si tant est
23:47qu'il soit parvenu
23:48à installer la dette
23:49et la question du déficit
23:51comme priorité
23:52numéro 1 des français
23:53on revient
23:54sur la question précédente
23:55là où les choses
23:56se compliquent pour lui
23:57c'est que
23:57vous avez
23:59un paysage politique
24:00en gros
24:00qui est
24:01tripartisan
24:02il y a 3 réponses
24:05à la dette
24:05quand on est
24:06plutôt à gauche
24:07on dit
24:07il n'y a qu'à prendre
24:08l'argent
24:09là où il est
24:09donc c'est la taxe Zuckman
24:10quand on est à droite
24:12ou dans le bloc central
24:12c'est le mammouth
24:14il faut dégraisser
24:15le mammouth
24:15etc
24:16et quand on est
24:16au rassemblement national
24:17et bien c'est le coût
24:18de l'immigration
24:19et c'est le coût
24:19de la contribution
24:20à l'Europe
24:20mais vous voyez
24:21que sur ces 3 récits là
24:22ou ces 3 explications là
24:23tout s'exonère
24:24le français moyen
24:25du moindre effort
24:26pour redresser
24:27les finances publiques
24:28mais donc il se passe quoi
24:29jérôme
24:29vous qui êtes souvent perçu
24:30comme une sorte d'oracle
24:31de la politique française
24:33le lundi 8 septembre soir
24:35il dément fermement
24:36c'est quoi
24:37crise de régime
24:38non alors
24:39de notre point de vue là
24:41François Bayrou
24:42a tenté un coup de poker
24:43comme Emmanuel Macron
24:45l'avait tenté
24:46l'été dernier
24:47avec la dissolution
24:48et on risque
24:49d'obtenir
24:50le même résultat
24:51c'est à dire que
24:51d'aucuns nous disent
24:53parfois
24:53la politique
24:54c'est de la dynamique
24:55c'est aussi souvent
24:56de l'arithmétique
24:56donc là ça ne passe pas
24:58quand vous faites
24:58tous les comptes
24:59à l'Assemblée Nationale
25:00et je crains que
25:02pour l'exécutif
25:03le fait juste
25:04de changer
25:05de casting
25:06à Matignon
25:07ne permette pas
25:08au pays de sortir
25:09de la crise politique
25:10dans laquelle nous continuons
25:11collectivement
25:12de nous enfoncer
25:12voilà ce que dit l'oracle
25:13non pas l'oracle
25:14merci à tous les deux
25:16Marie Gariazzo
25:18Jérôme Fourquet
25:19la roue de la fortune
25:20constitution
25:22et transmission
25:23des patrimoines
25:24dans la France
25:24contemporaine
25:25publiée par la
25:27fondation
25:27Jean Jaurès
25:28merci d'avoir été
25:29à notre micro ce matin
25:31merci à vous
25:31merci à vous
25:33merci à vous
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