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  • il y a 3 semaines
En pleine crise politique, les Français prennent la parole sur BFMTV. Ils sont commerçants, retraités, chefs d'entreprises, agriculteurs, médecins, fonctionnaires... Ils ont des opinions différentes et attendent de savoir quel sera l'avenir politique de la France.

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Transcription
00:00Oui, alors je reprécise, justement, si j'ai participé aussi,
00:03c'est parce que j'ai commencé, moi, contractuel dans l'enseignement privé,
00:05parallèlement à mon master recherche.
00:07Alors, ce n'était pas forcément parce que j'étais intéressé par le privé,
00:09mais à l'époque, ils avaient réagi plus vite.
00:11Mais vous avez fait plusieurs collèges, plusieurs lycées.
00:12Voilà, c'est ça.
00:13Après, j'ai passé l'agrégation, j'ai été nommé dans un excellent établissement public parisien.
00:18Et ensuite, en tant que titulaire, j'ai été nommé dans le Val-d'Oise,
00:22dans un lycée qui était, on peut dire, difficile.
00:25Bon, voilà, avec des performances scolaires qui étaient très, très délicates.
00:30Et si vous voulez, en changeant d'établissement,
00:32en passant du privé à un certain public, à un autre public,
00:36j'ai tout simplement eu l'impression de changer de métier.
00:39Et en fait, c'est ça qui est terrible, c'est que, vous le savez,
00:41l'école, c'est une micro-société.
00:43L'école, elle concentre tous les maux de la société.
00:45Et quand on change d'établissement,
00:47on a aussi des élèves qui ont des conditions sociales radicalement différentes
00:51et qui, évidemment, ne partent pas avec les mêmes chances depuis le début.
00:55Et ça, c'est un phénomène qui s'est amplifié avec le temps.
00:58C'est-à-dire que ce qui fait la trajectoire d'un élève
01:00dans son projet ensuite d'études, puis son projet professionnel,
01:04ce n'est pas tellement le travail qu'il va fournir à l'école.
01:07C'est-à-dire que la méritocratie, bon, ça a toujours été quand même un rêve.
01:12Mais à l'éducation nationale, on s'y accrochait quand même.
01:14On avait envie de dire, l'élève qui travaille, l'élève qui, justement, se donne,
01:17eh bien, on va le mener quelque part.
01:19Il y a un ascenseur social qui s'appelle l'école,
01:21qui s'appelle l'émancipation par le travail académique,
01:23et ça va lui donner une vie meilleure.
01:25Ça, c'est complètement en panne.
01:26Et ça fait que, finalement, et c'est très triste,
01:28parce que nos élèves ne peuvent pas croire à l'école
01:31quand ils ne sont pas dans la bonne école.
01:33C'est-à-dire que les dés sont pipés.
01:35Le jeu de l'école...
01:36Mais ce que disait Gabriel sur le recrutement, vous l'avez vécu, vous.
01:39Ah oui, le recrutement, on le sacrifie complètement.
01:42Disons qu'il y a un manque de profs, ça, c'est évident.
01:44Il y a un manque de vocation.
01:45Pourquoi ?
01:46Pour moi, il y a deux raisons.
01:47Allez, on va dire trois, essentielles.
01:49La première raison, et je pense qu'elle est fondamentale,
01:52je ne vais pas parler du salaire,
01:53c'est une petite entreloupe, je vais y venir, c'est la troisième raison.
01:55On va en parler, oui.
01:56La première raison, pour moi,
01:57elle tient au capital symbolique de ce qu'est un enseignant.
02:00C'est-à-dire qu'un enseignant, il est méprisé.
02:03Il n'y a plus de noblesse à faire cette profession.
02:06Et c'est pour ça, M. Tréard disait qu'il y avait une crise des vocations,
02:08mais la vocation, c'est effectivement être appelé à servir,
02:11à être utile.
02:12On se dit, en entrant dans sa salle de classe le matin,
02:14le cœur battant,
02:15je vais être utile à mes élèves,
02:17grâce à ce que je vais leur apporter.
02:18Ça, ça n'existe plus pour vous ?
02:19Ça n'existe plus dans l'école publique défavorisée.
02:22Et justement, ce que disait...
02:24Mais bien sûr que non, ce n'est pas partout.
02:25Il y a au moins deux écoles en France.
02:27Il y a deux écoles.
02:29Et ça, c'est absolument terrible quand on est enseignant,
02:30parce que quand on est au service de l'école
02:33avec des élèves qui sont très favorisés,
02:36c'est-à-dire l'école privée et l'école publique,
02:39l'enseignant fait le même travail que dans le public.
02:42Alors, le public défavorisé, j'entends.
02:44Alors, évidemment, c'est un travail qui va se faire
02:47dans des conditions qui sont favorables à l'enseignement,
02:49qui sont favorables à la transmission de son enseignement.
02:51Ça, c'est évident.
02:52Mais ce n'est pas le travail de l'enseignant
02:53qui fait que l'élève, à la fin, va être bon,
02:55va être dans les bonnes formations, dans les bonnes écoles.
02:56C'est la naissance, finalement.
02:58C'est le fait d'être né dans la bonne famille
03:00qui va mettre dans la bonne école depuis le départ.
03:02Dans l'école publique...
03:03Alors, on n'est pas d'accord.
03:04Non, non, je suis désolé.
03:05Attendez, attendez, attendez.
03:06Non, excusez-moi, monsieur, je me permets ici.
03:07Moi, j'ai grandi dans les quartiers compliqués.
03:11Moi, j'ai grandi, j'ai marché de noisiel, torsie.
03:15Voilà, moi, on m'a demandé ma carte d'identité
03:16pour monter dans mon bâtiment.
03:17Donc, moi, je viens de là-bas.
03:20Ça ne m'a pas empêché d'être assise sur ma...
03:22Non, mais je vais finir.
03:23Il va falloir arrêter de dire
03:25quand on ne peut pas,
03:26c'est parce que c'est la faute à Titi et machin.
03:29Maintenant, mes parents, ils viennent de l'assise.
03:30Est-ce que je m'en fiche un petit peu mon discours, quand même ?
03:32Non, non, non, monsieur, c'est purement ce que vous venez de dire.
03:34Vous venez de dire que quand on vient d'un milieu défavorisé,
03:37on a moins de chance.
03:38Ah bah, ça, c'est factuel.
03:39Je ne...
03:40Ça, c'est factuel.
03:40Excusez-moi, ça, c'est statistique.
03:41Non, mais j'en suis la preuve vivante.
03:43Oui, c'est pas parce que vous avez réussi.
03:45On ne peut pas raisonner par l'exception.
03:46Mais il n'y a pas l'exception.
03:47Mes parents en sont la preuve vivante.
03:49Mon mari en est la preuve vivante.
03:50Mes amis en sont la preuve vivante.
03:52Quand on a envie de se bouger le cul
03:54et que si on ramène un mot dans le carnet,
03:56notre père, il nous prend téléphone portable sorti,
03:59ça gique, il n'y a plus rien.
04:01À un moment donné, les parents sont démissionnaires aussi.
04:03Pour conclure, Julien.
04:04On ne peut pas forcément raisonner par l'exception.
04:07C'est-à-dire qu'évidemment, on peut...
04:08Je ne suis pas une exception, je suis désolé.
04:09Je suis l'exception des gens qui se bougent le cul.
04:11Alors, écoutez, moi aussi, je veux que mes élèves...
04:13Enfin, comme vous dites, mais c'est pas si...
04:15Je vais vous dire franchement,
04:17il y a des choses qui s'appellent le déterminisme.
04:19Enfin, les déterminismes sociaux,
04:20ce n'est pas moi qui les invente.
04:21Je veux dire, c'est statistique,
04:23ça fait partie de la sociologie,
04:24ça a été très bien étudié.
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