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  • 2 months ago

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00:00Bonjour David Coppelo, merci d'être là. Vous êtes donc maître de conférence à l'Institut catholique de Paris.
00:04On l'a dit, c'est une relative surprise, en tout cas ça n'avait pas été prévu comme cela par les instituts de sondage.
00:10Est-ce que ce n'est pas tout simplement un rééquilibrage au Parlement du poids de Javier Milley ?
00:14On rappelle qu'il avait très peu de troupes au Parlement, 38 députés, 7 sénateurs,
00:18ce qui était en soi un paradoxe quand on sait que c'était le président le mieux élu depuis 40 ans en Argentine.
00:22Oui, alors c'est lié au système institutionnel argentin qui repose sur un renouvellement partiel des deux assemblées au fur et à mesure tous les deux ans.
00:28Donc là, cette année, hier, les élections portaient sur la moitié de la Chambre des députés et un tiers des sénateurs.
00:35Donc effectivement, il y a une dimension de rééquilibrage qui permet de faire correspondre un petit peu plus le paysage parlementaire au paysage politique argentin.
00:41Mais effectivement, ça ne lui donne pas non plus les coups des franches au Parlement.
00:45Il ne dispose pas d'une majorité absolue et c'est quelque chose dont on va probablement parler.
00:49On a vu ces difficultés ces derniers mois et justement les instituts de sondage ne prévoyaient pas cette victoire. Comment vous, vous l'expliquez ?
00:55Alors, il y a plusieurs éléments. Les instituts de sondage en Argentine ne sont pas très forts pour prédire les élections, on va dire, pour rester courtois de manière générale.
01:03Mais il y avait d'autres éléments qui pouvaient nous donner à penser que ça n'allait pas se produire de la façon où ça s'est produit.
01:08D'abord, les scrutins locaux, intermédiaires qui se sont déroulés ces deux dernières années, notamment il y a un mois et demi dans la province de Buenos Aires, où le gouvernement de Milley avait subi une large défaite.
01:19Il a complètement retourné cette dynamique, non seulement au niveau national, mais aussi au niveau local.
01:23On voit aujourd'hui que dans la province de Buenos Aires, il est très légèrement en tête.
01:26Et puis il y a une autre dimension qui est que cette campagne a été assez calamiteuse pour le parti au pouvoir.
01:32Il y a des scandales de corruption qui se sont multipliés au cours des derniers mois et également une situation économique qui était très, très complexe, qui l'est toujours d'ailleurs.
01:40Peut-être un tout petit bémol par rapport aux images qu'on vient de voir.
01:43Ce qui est intéressant, c'est qu'en réalité, le gouvernement, même alors qu'il est en position de victoire, trafique un tout petit peu les chiffres.
01:48Il a effectivement obtenu 41% des voix. Il a effectivement remporté une victoire très nette.
01:53Mais les adversaires, les deuxièmes, n'arrivent pas avec 25% des voix, mais avec plutôt 32%.
01:58Il y a une interprétation des résultats liés à la complexité du paysage institutionnel argentin qui est en partie remise en question dans le discours actuel du gouvernement.
02:06On a l'impression du coup que l'écart s'est réduit par rapport à la présidentielle.
02:09Oui, c'est-à-dire que le résultat final de la présidentielle, c'était 55,5% des voix pour Milley.
02:16Le résultat des législatives, il y a deux ans, qui se font en un seul tour, c'était 53% à peu près des forces, des pourcentages pour les forces qui sont aujourd'hui dans la coalition de Milley.
02:25Aujourd'hui, c'est 41%. Cela dit, c'est quand même une victoire, surtout pour un parti qui est au gouvernement depuis deux ans.
02:31C'est assez rare de remporter des élections demi-mandat. C'est vrai en Argentine, c'est vrai aussi souvent ailleurs.
02:35Alors justement, sur ces deux ans, sur ce premier bilan, on le sait, les prix n'ont jamais été aussi élevés en Argentine, avec des salaires qui ne suivent pas l'inflation.
02:43Bilan en demi-teinte pour le président argentin ?
02:45Oui, c'est-à-dire que sur la question de l'inflation, il y a eu une évolution quand même assez nette.
02:49Enfin, disons qu'au début 2024, quand Milley prend les rênes du pays, l'inflation est autour de 200% un anuel.
02:54La situation était tellement catastrophique, c'était difficile de faire pire.
02:57Voilà, aujourd'hui, l'inflation est autour de 38%, si je ne m'abuse.
03:00Donc c'est une inflation qui est très élevée, mais évidemment, c'est presque cinq fois moins que le point de départ.
03:04Le taux de pauvreté pendant la présidence Milley a connu des inflexions assez importantes.
03:08Au moment où il est arrivé au pouvoir, il est passé de 40% à 60%.
03:11Puis il s'est réduit et aujourd'hui, il tourne autour de 32%.
03:14Donc ça reste très élevé, mais il y a eu une dimension quand même de réduction de l'inflation qui a permis de réduire la pauvreté et qui est réelle.
03:20L'objectif de Javier Milley, c'est quoi désormais avec cette marge de manœuvre plus grande ?
03:24Dérégulée encore et toujours ?
03:25Oui, c'est-à-dire que jusqu'ici, le gouvernement de Milley s'est contenté, s'est contenté si on peut le dire,
03:29de gouverner par décret, d'une manière assez brutale, en contournant le Parlement le plus possible.
03:34Ce qui lui est rendu possible par le fonctionnement présidentialiste du système politique argentin,
03:39où le président peut s'imposer au Parlement, même quand il est en minorité.
03:43Là, ce qu'il va pouvoir faire, peut-être, ou ce qu'il va essayer de faire en tout cas,
03:46c'est à partir de cette grosse minorité dont il dispose aujourd'hui,
03:50encore une fois, ce n'est pas une majorité, mais il a en gros 100 députés qui lui sont fidèles sur 257,
03:55il peut essayer de conclure des accords pour mettre en œuvre non plus seulement une politique d'austérité,
04:00mais des réformes qui porteraient sur les impôts, sur le code du travail,
04:03des choses qui dureraient plus longtemps sur le temps.
04:05Il y a déjà eu des accords avec le centre droit de Mauricio Macri,
04:09qui a été copieusement insulté par Javier Milley ces derniers mois.
04:14On peut penser que ces accords, texte par texte, vont être plus faciles désormais,
04:19peut-être même avec une partie du Kirchner Rims, ce qui a pu étonner depuis deux ans.
04:22Alors, les relations avec Mauricio Macri, qui incarne la droite classique en Argentine
04:27par rapport à l'extrême droite que constitue Milley dans les faits,
04:30les relations sont tendues.
04:31Néanmoins, Milley et Macri, leurs deux partis, allaient ensemble en coalition à ces élections.
04:36Donc le score qu'on voit là, c'est le score des deux ensemble.
04:38Alors, Milley a néanmoins remercié Macri hier soir.
04:41Donc il y a des relations qui sont un peu de l'ordre de « je t'aime, moi non plus », disons.
04:47Les accords qu'il va essayer de mener, Milley, sont surtout avec ce petit segment qui lui est très proche,
04:53et puis avec un groupe qui était le centre mou un peu de l'Assemblée, si j'ose dire,
04:57qui était beaucoup plus important, qui disposait d'une grosse cinquantaine de députés, si je ne m'abuse,
05:00et qui n'en a plus qu'une trentaine.
05:01Et donc autour de ce groupe-là, Milley va essayer d'aller un peu plus loin dans sa politique d'accord,
05:05à un moment où il est en position de force, et où il peut imposer un certain nombre de décisions,
05:09notamment aux gouverneurs des provinces qui contrôlent une partie du Sénat,
05:12et qui sont des points clés justement pour construire ces accords qui lui permettraient de légiférer.
05:16Et on sait que les relations sont très tendues avec les gouverneurs.
05:18Les relations sont très tendues avec les gouverneurs,
05:20mais les gouverneurs ont des positions qui sont pour l'essentiel, je dirais, pragmatiques,
05:24avec des logiques un peu d'échange, je te donne ceci, tu me donnes ceci.
05:27Donc des accords sont possibles, il n'y a aucun doute là-dessus.
05:30Et au lendemain de la victoire de Javier Milley, on vient de l'apprendre,
05:32la bourse de Buenos Aires prend 20%, ce qui est historique au lendemain d'une élection.
05:37Un mot également avec vous sur Donald Trump.
05:40Donald Trump, il avait promis une aide massive à l'Argentine en cas de Javier Milley.
05:44Est-ce que vous pensez que ça a pu peser ?
05:46Est-ce qu'une partie de la population a eu peur que l'aide américaine n'arrive plus en Argentine ?
05:50Oui, alors ça, il faut replacer dans le contexte des dernières semaines
05:52où il y avait une relation très tendue sur le taux de change,
05:54où la Banque Centrale Argentine, qui souhaitait maintenir un dollar pris assez bas par rapport au Pesso,
06:01devait mettre des dollars sur le marché de manière régulière
06:03et donc vider ses réserves très rapidement.
06:06Donc l'aide qui a été promise par Donald Trump visait, au moment où elle a été formulée,
06:11à simplement renflouer les caisses de la Banque Centrale
06:13pour qu'elles puissent maintenir ce taux de change
06:15qui était en fait artificiellement gonflé en faveur du Pesso.
06:18Alors aujourd'hui, effectivement, les investisseurs semblent reconnaître
06:22qu'il y a une forme de stabilité du programme économique de Milley
06:24qui risque d'avoir lieu dans les prochains mois,
06:28ce qui fait que la fuite vers le dollar est un peu limitée,
06:30et ce qui donc, l'argent débloqué dans les fonds étatsuniens,
06:33qui sont des fonds à la fois publics et privés,
06:35c'est le FMI, pardon, pardon, c'est pas le FMI,
06:37c'est le Trésor américain,
06:39et c'est un certain nombre de banques, etc.,
06:41qui sont impliquées dans l'aide financière des États-Unis.
06:44Voilà, tout cet argent peut peut-être servir à autre chose
06:47qu'à simplement renflouer les caisses de la Banque centrale
06:49pour acheter des dollars, etc., etc.
06:51Bon, en tout cas, il reste deux ans avant la présidentielle.
06:53Javier Milley, il va pouvoir aller au bout de sa politique, finalement.
06:56Il aura un bilan complet à proposer aux Argentins dans deux ans.
06:59Oui, c'est sûr que, sans doute, on exagérait.
07:03C'est des exagérations liées aussi au caractère un peu d'outsider de Javier Milley,
07:06qui, quelque part, sortait de nulle part il y a deux ans et quelques.
07:10On s'imaginait, ou ça pouvait être mentionné dans le débat public,
07:12qu'il allait démissionner, qu'il allait être reconnu inapte,
07:15parce que fou, etc., etc.
07:16Il y avait une affaire de corruption également, à un moment donné, avec un...
07:18Oui, effectivement, il y avait des commissions d'enquête parlementaire
07:20qui commençaient à être mises en place,
07:22qui, d'ailleurs, continuent à être mises en place.
07:24Elles ne vont pas être interrompues du jour au lendemain.
07:26Mais Milley, maintenant, a la capacité de se maintenir au pouvoir.
07:29Ça ne fait aucun doute.
07:30À vrai dire, ça ne faisait pas grand doute auparavant non plus.
07:32Mais là, on en a l'expression la plus nette possible
07:36à travers ce résultat qu'il confirme un peu dans ses ambitions.
07:39Javier Milley qui double plus ou moins le nombre de ses députés,
07:42de ses sénateurs.
07:43C'est à peu près ça l'ordre d'idée à l'issue de ces élections.
07:47Oui, ça dépend un petit peu de comment on calcule.
07:48Il y avait 37 députés vraiment de son parti.
07:51Là, il va y en avoir à peu près 80.
07:53Mais en réalité, il y avait 72 députés du cercle le plus proche.
07:58Qui votaient une partie de ses lois.
07:59Qui votaient systématiquement ses lois.
08:00Il va y en avoir 104 aujourd'hui, donc 32 plus.
08:02Donc voilà, on double ou on augmente de 25-30%.
08:05Mais en tout cas, il y a une augmentation qui est vraiment conséquente.
08:08Et il y a encore une petite marge pour la majorité absolue au Parlement argentin.
08:11Merci David Coppelo d'être venu sur le plateau de France 24.
08:14Merci beaucoup.
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