- il y a 2 mois
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00:00Europe 1 Soir, 19h-21h, Pierre de Villeneuve.
00:04Avec pour m'entourer Adrien Matou, bonsoir.
00:06Directeur adjoint de la rédaction de Marianne, bonsoir Jean-Michel Salvatore.
00:09Bonsoir Pierre.
00:10Chroniqueur politique et communicant, bonsoir Nicolas Pauvon-Monti.
00:13Bonsoir.
00:14Et merci d'être là pour nous éclairer, cofondateur et directeur de l'Observatoire de l'immigration, de la démographie.
00:20Laurent Nunez, ministre de l'Intérieur, ancien préfet,
00:26était ce matin sur Europe 1 et sur CNews.
00:29Et à la question de Sonia Mabrouk de savoir combien il y a de clandestins en France aujourd'hui, il répond ça.
00:37Si on travaille sur l'aide médicale d'État, et qu'on extrapole,
00:41le nombre, l'estimation d'étrangers en situation irrégulière dans notre pays, elle est de 700 000.
00:46C'est une estimation.
00:48Je note qu'elle est loin des 200 000, monsieur le ministre.
00:52Il y a une fourchette.
00:56La fourchette de 600 à 900 000 me paraît assez cohérente,
00:59mais le chiffre de 700 000 l'est tout autant.
01:01Alors, c'est très intéressant parce que Sonia dit que c'est très très loin des 200 000.
01:05Pourquoi ? Parce qu'il y a 48 heures, sur cette même question face à Darius Rochebin sur LCI,
01:10il répond, ou c'est 200 000, 300 000, il ne répond pas tout de suite.
01:13C'est-à-dire qu'il le pousse à dire, et puis on voit qu'il n'a pas envie de répondre.
01:16Qu'est-ce qu'il y a de si terrible, pour un ministre de l'Intérieur,
01:20de dire la vérité ?
01:22Nicolas Pauvrou-Monti.
01:23J'irais qu'il y a deux aspects potentiellement gênants dans son rôle.
01:26Le premier, c'est qu'on parle là d'un constat d'échec,
01:28c'est-à-dire que la lutte contre l'immigration irrégulière,
01:30elle figure au premier rang des priorités au moins théoriques
01:34des ministres de l'Intérieur depuis un certain nombre d'années maintenant.
01:36Or, tout porte à considérer qu'il n'y a jamais eu autant d'étrangers
01:39en situation irrégulière en France qu'aujourd'hui.
01:41Ça, c'est le premier aspect.
01:42Et le deuxième aspect, c'est que le ministre de l'Intérieur,
01:45même s'il répond sans doute plus sincèrement à Sonia Mabrouk,
01:47ou plus précisément, ça c'est certain qu'il ne l'a fait à un confrère précédemment,
01:51en vérité, il n'a pas de chiffre exact.
01:53Il est condamné à donner des fourchettes.
01:56De tout évident...
01:57Alors, pourquoi est-ce qu'il n'a pas de chiffre exact ?
01:58Parce qu'il y a quand même les chiffres de l'AME, par exemple.
01:59Oui, alors en fait, les chiffres de l'AME...
02:01Ce sont 460 000, je crois.
02:02C'est ça, 465 000 bénéficiaires.
02:04Ils servent de proxy pour deux choses.
02:06De proxy, c'est-à-dire ?
02:07D'éléments pour approcher une estimation à peu près correcte,
02:11mais qui n'est pas précise,
02:12parce que l'immigration irrégulière par nature, elle est occulte.
02:17Elle permet donc de voir la dynamique.
02:19Et la dynamique, c'est que le nombre des bénéficiaires de l'AME a triplé en 20 ans.
02:23Donc, ça attèse d'une dynamique de l'immigration clandestine qui est très forte.
02:26Et par ailleurs, ce nombre, il sert aussi, en extrapolant,
02:29à estimer la population globale des clandestins,
02:32puisque l'IRDES, qui est donc l'Institut de Recherche du ministère de la Santé,
02:35estime qu'il y a environ un bénéficiaire potentiel de l'AME sur deux
02:38qui recourt effectivement à l'AME.
02:40Il y a un très fort ton de non-recours.
02:41Et donc, ça nous amène à quelque chose comme 900 000 clandestins sur le territoire national.
02:44Évidemment, juste sur les 460 000, ce ne sont que des clandestins qui saisissent l'AME ?
02:52Absolument, ça fait partie des critères.
02:54Pour bénéficier d'aide médicale d'État, il faut être en situation...
02:56Donc, on a déjà un socle, j'allais dire, de 460 000.
02:59C'est là que c'est assez aberrant, parce que si on a déjà un socle de 460 000,
03:03et je ne pense pas que ces chiffres soient totalement secrets,
03:06Non, pour le coup, eux sont publics.
03:07Pourquoi dire 200 000 à 300 000 ?
03:10C'est assez étonnant.
03:11Je pense qu'il est possible que le ministre se soit pris un peu les pieds dans le tapis,
03:14qu'il n'ait pas eu les chiffres directement,
03:16et en tête, et plus probablement qu'il ait aussi été embarrassé par la question.
03:20On voit qu'il a d'abord refusé de répondre.
03:21C'est un problème qu'un ministre de l'Intérieur soit embarrassé par une question aussi simple,
03:24alors qu'on a déjà un socle, comme on l'a dit, de 460 000,
03:27où on sait que déjà, il y a au moins 460 000.
03:30Donc, c'est-à-dire le double de 200 000, plus du double de 200 000.
03:32Absolument, et sur la fourchette qui, pour ma part, me semble raisonnable,
03:35de 700 000 à 900 000 personnes, il faut garder en tête deux choses.
03:38La première, c'est que ce stock, malgré l'augmentation de la population clandestine,
03:42il est tiré vers le bas régulièrement par les régularisations.
03:45Il y a environ 30 000 admissions exceptionnelles au séjour,
03:47c'est le nom officiel de la voie principale de régularisation,
03:5130 000 par an, donc ça fait 300 000 sur 10 ans.
03:53Vous voyez, les régularisations font fondre officiellement
03:56le nombre de clandestins de 300 000 personnes en 10 ans.
03:59Et le deuxième aspect, c'est que bien souvent,
04:01dans le parcours d'un immigré et d'un étranger,
04:04on peut passer assez facilement, assez régulièrement même,
04:07d'une situation régulière à une situation irrégulière.
04:09L'exemple type, c'est le demandeur d'asile.
04:11Le demandeur d'asile, le plus souvent,
04:13il rentre en situation irrégulière sur le territoire,
04:16il va déposer une demande d'asile,
04:17donc là, il a un statut régulier le temps de l'instruction de sa demande.
04:20Si sa demande est rejetée,
04:22il redevient un étranger en situation irrégulière,
04:24mais la Cour des comptes nous dit qu'il va se maintenir dans 9 cas sur 10,
04:27dans la perspective d'une régularisation,
04:29qui interviendra au bout de quelques années,
04:31et qui le rendra à nouveau régulier.
04:32Donc, je pense que cette distinction entre immigration régulière et irrégulière,
04:35pour ce qui est de la dynamique des flux,
04:37elle mérite quand même d'être relativisée.
04:38Jean-Michel Selvateur.
04:39Moi, j'ai une question toute simple, en fait,
04:41c'est, ces clandestins, où sont-ils ?
04:43Que font-ils ?
04:44Et quelle est la proportion de ces clandestins qui travaillent ?
04:47Nicolas, pourront-ils ?
04:48Sur le premier aspect, on a des données assez parcellaires.
04:50On sait qu'il y a des phénomènes de concentration très forts dans certains départements.
04:54Je pense, par exemple, à la Seine-Saint-Denis.
04:55Il y a de ça 5 ans maintenant, 6 ans, pardon,
04:58deux députés, les députés Coquendo et Cornu Gentil,
05:00avaient fait un rapport parlementaire sur les politiques publiques de l'État en Seine-Saint-Denis.
05:04Et ils estimaient, dans ce rapport,
05:05le nombre de clandestins dans son seul département,
05:07entre 150 et 400 000 personnes.
05:10Alors, en fait, ça pose deux questions.
05:11Si c'est 400 000 personnes...
05:12En fait, si c'est 400 000 personnes,
05:14ça veut dire que c'est un quart de la population du département.
05:17Mais ce qui pose question à coup sûr, c'est au moins l'écart.
05:19Je veux dire qu'il y a 250 000 personnes d'écart entre les deux bouts de la fourchette.
05:24L'État ne sait pas si 250 000 clandestins se trouvent ou ne se trouvent pas
05:27dans un département qui est directement à l'IMITROF de Paris.
05:30Donc, ça pose beaucoup de problèmes.
05:31Et sur le profil de ces clandestins,
05:33une partie travaille, c'est incontestable.
05:36Néanmoins, les 460 000 bénéficiaires de l'AME,
05:38ils sont contraints par un seuil de ressources qui est vraiment très bas.
05:40Donc, ce sont essentiellement des profils inactifs.
05:42C'est 465 000 bénéficiaires.
05:44Il n'y a pas ailleurs des clandestins qui travaillent.
05:46Et quelle était votre troisième question ?
05:48Je vous prie de m'excuser.
05:48Bah si, quelle est la proportion de travail en fait ?
05:51Qu'est-ce qu'ils font ?
05:51Et où y vivent-ils ?
05:53Je pense qu'on a répondu à l'essentiel.
05:55Adrien Matou de Marianne.
05:56Est-ce que l'augmentation du nombre de clandestins
06:00est due à des facteurs exogènes ?
06:01Ou est-ce que c'est une faillite de la politique française ?
06:05Je pense que l'augmentation du nombre de clandestins
06:07est liée à l'augmentation globale des flux migratoires vers la France,
06:11qui a trait à des facteurs exogènes,
06:13mais qui a d'abord trait à nos propres choix politiques.
06:15En fait, dans la majeure partie des cas en France,
06:17les clandestins sont entrés de manière régulière sur le territoire national,
06:21soit par un visa, soit par un titre de séjour,
06:23et ils sont restés sur le territoire
06:24après l'expiration de ce visa ou de ce titre de séjour.
06:27Et c'est là qu'ils deviennent clandestins.
06:28Absolument.
06:29Et donc, quand on délivre 2,5 millions de visas par an,
06:32quand on a multiplié par 3 en 25 ans
06:34le nombre de nouveaux titres de séjour
06:35qu'on accorde chaque année,
06:38évidemment, on pousse aussi la dynamique de l'immigration irrégulière
06:41avec celle de l'immigration irrégulière.
06:42Vous devriez rappeler que l'ambassade de France en Algérie
06:47s'est félicitée d'offrir 8 350 visas aux étudiants.
06:53pour venir en France.
06:54Oui, c'est certain.
06:55Et c'est certain qu'il y a eu un manque de conscience
06:58de la corrélation entre ces deux dynamiques,
07:00immigration régulière et irrégulière.
07:02En revanche, il devrait déjà y avoir une certaine conscience
07:05de la situation d'embolie créée par l'immigration clandestine
07:08sur certaines politiques publiques.
07:09Pour n'en citer que deux,
07:10la plus évidente, puisqu'elle traite directement de l'immigration clandestine,
07:13c'est la politique d'éloignement.
07:15Vous voyez, sur une période de 5 ans, 2019-2024,
07:18le nombre de bénéficiaires de l'AME dont on se sert
07:20pour mesurer globalement la population clandestine,
07:22a augmenté de 40 %, 40 % en 5 ans.
07:25Et dans le même temps, le nombre d'étrangers irréguliers
07:27qu'on place dans les CRA,
07:28les centres de rétention administrative,
07:29a baissé de 40 %,
07:30donc potentiellement 40 % de clandestins en plus,
07:3340 % de retenues en CRA en moins.
07:34Et un deuxième exemple,
07:35dont on parle moins,
07:36mais qui a trait aux politiques sociales de l'État,
07:38les politiques sociales les plus élémentaires,
07:40c'est l'hébergement d'urgence.
07:41On a aujourd'hui 40 à 60 %
07:43des places d'hébergement d'urgence généralistes
07:45du parc de l'État
07:46qui sont occupées par des étrangers
07:48en situation irrégulière.
07:49Donc ça a un coût d'un milliard d'euros par an,
07:50nous dit la Cour des comptes.
07:52Et ça implique surtout un effet d'éviction gigantesque
07:54pour les Français
07:55comme pour les étrangers en situation régulière
07:56qui pourraient avoir besoin
07:57de l'hébergement d'urgence.
07:58Merci beaucoup Nicolas Pouvromonti.
08:00Vous restez encore quelques instants avec nous
08:02parce qu'on a des questions à vous poser.
08:03Mais d'abord, une pause
08:05et bien sûr le journal permanent
08:07qui arrive à toute vitesse sur Europe 1.
08:08A tout de suite.
08:13Toujours entouré de Jean-Michel Salvatore,
08:15Adrien Matou de Marianne
08:16et Nicolas Pouvromonti,
08:18cofondateur et directeur de l'Observatoire
08:21de l'immigration et de la démographie.
08:23Donc j'ai bien vu que vous observez les choses,
08:25il y a Observatoire.
08:28Quand on voit Laurent Nunes hésiter
08:31et finalement, j'allais dire,
08:34cracher sa Valda comme on disait à une époque,
08:36mais je crois que les Valda ça n'existe plus.
08:38Les cachous, la jeunie non plus.
08:40Les cachous, la jeunie non plus.
08:42Ça a été remplacé par des marques américaines.
08:45C'est dommage.
08:46Mais quand il finit par dire la vérité,
08:49on a envie de se demander
08:51mais qu'est-ce qu'il compte faire ?
08:53Et Bruno Rotaillot a-t-il raison de dire
08:56qu'il a été nommé pour appliquer
08:57la politique d'Emmanuel Macron ?
08:59Ça veut dire en filigrane
09:00qu'il ne fera rien.
09:02Ce qui est certain,
09:02c'est que le préfet Nunes
09:04devenu le ministre Nunes
09:05n'est pas arrivé au ministère de l'Intérieur
09:06avec un programme clair.
09:08Bruno Rotaillot,
09:08quand il est arrivé à l'Intérieur,
09:09il a dit
09:09pour moi aujourd'hui,
09:10l'immigration n'est plus une chance
09:11pour la France.
09:12On connaissait la direction globale
09:13de sa politique.
09:14La question de savoir
09:15s'il a eu les moyens de l'appliquer
09:16est une autre question.
09:17Après, à sa décharge,
09:18Laurent Nunes est arrivé assez vite
09:19d'une position assez précipitée.
09:21Bien sûr,
09:22il ne s'agit pas de lui en faire le reproche.
09:23M. Rotaillot est parti
09:29Je pense qu'il y a trois éléments
09:31sur lesquels agir
09:32si l'objectif est bien
09:34de lutter contre l'immigration irrégulière.
09:36J'ai entendu le ministre Nunes
09:37dire qu'il fallait réguler
09:38l'immigration irrégulière.
09:39Je ne sais pas exactement
09:39ce que ça veut dire.
09:40Il ne prend pas de risque.
09:41Non, il ne prend pas de risque.
09:42C'est l'amabie de M. de la Palisse.
09:44Sur le premier aspect
09:46qui me semble important,
09:47j'y reviens.
09:48Si on veut réduire
09:48l'immigration irrégulière,
09:50en fait, il faut réduire
09:50l'immigration en général.
09:52Et on part d'assez loin.
09:53C'est-à-dire que les données
09:54du recensement INC
09:55qui sont parues il y a 15 jours
09:56montrent qu'en 2024,
09:58la France a connu
09:58une augmentation historique
09:59de sa population immigrée.
10:01434 000 personnes.
10:02C'est quatre fois plus
10:03que la moyenne annuelle
10:03d'augmentation dans les années 2000.
10:0525 fois plus que la moyenne
10:06dans les années 90.
10:06Donc, il faut prendre
10:07l'immigration comme un tout.
10:08Le deuxième aspect,
10:09c'est ce qu'on pourrait appeler
10:10l'attractivité sanitaire et sociale
10:12spécifique de la France
10:14pour l'immigration clandestine.
10:16On évoquait ces derniers mois
10:17l'aide médicale d'État,
10:18qui est une spécificité française.
10:20Sur laquelle on ne bouge pas.
10:21C'est-à-dire que le socle commun
10:22ne parle pas d'AME.
10:23C'est un sujet sensible.
10:25Il tourne autour du sujet,
10:26mais il semble ne jamais
10:26vouloir l'aborder.
10:27Alors que l'IGAS estime
10:29qu'un quart des étrangers
10:30en situation irrégulière en France
10:31citent les soins
10:32parmi les motifs
10:33de leur migration en France.
10:35On pourrait citer
10:35l'hébergement d'urgence
10:36que j'évoquais.
10:36La France est le seul pays
10:37à avoir inscrit dans son droit
10:38le principe d'un hébergement
10:40inconditionnel des personnes,
10:41quel que soit leur statut de présence.
10:42Et puis un troisième aspect,
10:44c'est aujourd'hui
10:44tout le système de régularisation
10:46qu'on a créé
10:47et qui est en fait
10:47une incitation au séjour
10:49et au maintien irrégulier
10:50sur le territoire.
10:51C'est-à-dire qu'avec
10:52la Circular Vals,
10:52c'était 5 ans,
10:53maintenant c'est 7 ans.
10:54En fait, on fixe une échéance
10:55à partir de laquelle
10:56il devient rentable
10:57d'être resté en situation irrégulière
10:59sur le territoire
10:59parce qu'on peut se prévaloir
11:01d'avoir vécu un certain temps
11:03même sans papier
11:03sur le territoire.
11:04Adrien Matou.
11:05Vous l'avez dit,
11:06Laurent Nunez,
11:06c'est un haut fonctionnaire,
11:07un ancien préfet,
11:08contrairement à Bruno Retailleau.
11:10Alors, on sait que les hauts fonctionnaires
11:11ont tendance à dire
11:12qu'ils n'ont pas d'idéologie,
11:13qu'ils ne font que gérer
11:14façon gouvernement technique.
11:17Est-ce que pour vous,
11:18question peut-être un peu délicate,
11:19mais est-ce que pour vous
11:20il y a une idéologie
11:21de la haute fonction publique
11:22concernant cet enjeu
11:23de l'immigration régulière
11:25ou pas d'ailleurs ?
11:26Alors, je dirais qu'il y a deux choses.
11:27Il y a effectivement
11:28des considérations d'ordre idéologique
11:30un peu mal comprises
11:31sur la nécessité économique,
11:33par exemple,
11:33de l'immigration
11:34qui peut s'entendre
11:35dans certains aspects,
11:36mais je ne vais pas revenir là-dessus,
11:37la France a l'un des taux d'emploi
11:38de ses immigrés
11:39les plus faibles d'Europe,
11:40donc il y a beaucoup de questions
11:40qui se posent
11:41de ce point de vue-là.
11:42Et le deuxième aspect
11:43qui me semble encore plus fréquent
11:44de la haute fonction publique,
11:45c'est une forme
11:46de conservatisme juridique.
11:48Le ministre Taillot
11:48aurait parlé d'idéologie
11:49de l'impossibilisme.
11:51Aujourd'hui,
11:51la haute fonction publique
11:52et les administrations
11:53vivent sous la terreur
11:54des juridictions administratives.
11:56Aujourd'hui,
11:56la moitié du contentieux
11:57dans les juridictions administratives,
11:59c'est du contentieux
11:59des étrangers.
12:00Et donc, il y a parfois
12:01un phénomène d'autotensure.
12:02Donc, le conseil d'État ?
12:03C'est ça, absolument.
12:04Le tribunal administratif,
12:05les cours d'appel administratifs
12:06et le conseil d'État.
12:08Et dans un certain nombre
12:08d'administrations,
12:09il y a une sorte de registre
12:11d'autocensure
12:11qui s'est installé.
12:13On anticipe,
12:15on suranticipe
12:16les décisions de cassation
12:18de certaines décisions
12:18de l'administration.
12:19Et donc, dans le doute,
12:20on va dans la position
12:21la plus libérale,
12:23la plus libérale au sens
12:24de la plus favorable
12:25aux droits individuels
12:25des étrangers,
12:26puisque c'est la direction
12:27dans laquelle
12:27la jurisprudence administrative
12:29va de manière décidée
12:30depuis 40 ans maintenant.
12:31Jean-Michel ?
12:32Alors moi, j'ai une question
12:33toujours sur la photographie
12:34de ces clandestins.
12:36qui concerne les allocations,
12:38parce qu'évidemment,
12:38c'est quand même
12:39le grand sujet.
12:40Est-ce qu'on peut dire
12:40que la totalité
12:41des clandestins
12:43touche d'une façon
12:44ou d'une autre
12:45des allocations ?
12:46On a vu qu'avec la ME,
12:47on avait déjà un socle
12:48de plus de 400 000 bénéficiaires.
12:51Qu'est-ce qu'on peut dire
12:52là-dessus ?
12:52Est-ce qu'on peut dire
12:52que finalement,
12:54si on croisait les fichiers,
12:55on aurait une photographie
12:56assez précise
12:57du nombre de clandestins
12:59dans la mesure où
13:00tous touchent
13:02d'une façon ou d'une autre
13:02une allocation ?
13:03Surtout qu'on a
13:04l'intelligence artificielle maintenant
13:05qu'utilisent notamment
13:06les services des impôts.
13:07Donc, pourquoi pas
13:08ne pas l'utiliser
13:09dans ces fichiers-là ?
13:11Tout à fait.
13:11Alors, il y a deux choses
13:12là-dessus.
13:13D'abord, on ne peut pas dire
13:15que tous les clandestins
13:16touchent des allocations
13:17dans le sens où
13:17un certain nombre
13:18d'entre eux minoritaires
13:19vivent dans une situation
13:20de marginalité
13:21qui fait qu'en fait
13:22ils n'ont même pas accès
13:23à la ME,
13:24ils ne demandent pas accès
13:24à avoir à la ME.
13:25C'est ce qu'on voit
13:26dans les campements de migrants,
13:27dans les rues de Neville
13:28qui sont pour beaucoup
13:28des clandestins.
13:29Donc, ceux-là,
13:29toute évidence,
13:30même s'ils peuvent être
13:30pris en charge.
13:31Ils se disent que
13:31s'ils demandent quoi que ce soit,
13:32ils courent davantage à un risque.
13:34C'est ça.
13:34Et pour certains d'entre eux,
13:35par ailleurs,
13:36vivent dans un univers
13:37de trafic
13:38et de sociabilité parallèle
13:40qui fait qu'ils n'ont pas
13:40de contact en vérité
13:41avec les administrations.
13:41Et alors, les 465 000
13:42qui touchent la ME,
13:43c'est plus des gens
13:44qui sont accompagnés
13:44par des associations,
13:45par exemple ?
13:45Oui, clairement.
13:47Comme la CIMAD.
13:48C'est ça.
13:48C'est-à-dire que le taux
13:49de non-recours à la ME
13:50que je décrivais
13:51et qui est très élevé,
13:52il est vu comme un problème
13:53par un certain nombre
13:53d'associations
13:54qui, effectivement,
13:55poussent à recourir
13:55à des dispositifs.
13:57Donc ça, c'est le premier aspect.
14:00Et quelle était à nouveau
14:00votre deuxième question ?
14:01Je suis désolé,
14:01je suis un peu fatigué.
14:02Je vous demandais
14:03quelle était la proportion
14:04de clandestins
14:05qui touchaient véritablement
14:06des allocations ?
14:07Et est-ce qu'on pouvait
14:07croiser les fichiers ?
14:09C'est une question très importante.
14:11Typiquement, aujourd'hui,
14:12il n'est pas normal
14:13que les fichiers
14:13des administrations sociales,
14:15pour ce qui concerne
14:15les étrangers,
14:16ne communiquent pas
14:17avec les fichiers
14:18du ministère de l'Intérieur.
14:18et qu'ils ne communiquent pas
14:19avec un système
14:20qui s'appelait avant
14:21AGDREF,
14:21maintenant c'est la NEF,
14:22mais en tout cas,
14:22le fichier des titres
14:23de séjour actualisés.
14:25Il y a une très grande prudence
14:26en France sur le croisement
14:27des données.
14:27Il y a une sorte
14:28d'idéologie CNIL,
14:29pour le coup,
14:29sur le sujet,
14:30d'autant plus sur des données
14:32réputées sensibles.
14:32C'est le cas sur la nationalité,
14:34c'est le cas sur le statut
14:34régulier ou non de présence.
14:36Il y a notamment
14:37dans les administrations sociales
14:38un blocage de principes
14:40sur ce sujet.
14:41Et même quand des parlementaires
14:42s'y frottent,
14:42en vérité...
14:43Et ce n'est pas un ministre
14:44haut fonctionnaire
14:45qui va changer les choses.
14:47Là, il faut le poids politique
14:48d'un ministre politique
14:50pour y arriver.
14:51Ça impliquera un jour
14:51de tordre le bras
14:52aux administrations
14:53sur ce sujet particulier.
14:54Et vous voyez,
14:54sur un thème migratoire majeur
14:56qui est celui
14:57de l'accord franco-algérien,
14:58vous avez sans doute vu
14:58qu'il y a une semaine maintenant,
15:00les députés Rodwell
15:01et maintenant le ministre Lefebvre
15:02ont sorti un rapport
15:02sur le coût
15:03de l'accord franco-algérien.
15:04Ils se sont heurtés
15:05à un mur des administrations
15:07sur un certain nombre de données.
15:09Quel est le nombre d'Algériens
15:10qui touchent le RSA en France ?
15:11Alors, situation régulière ou non,
15:12ça c'est même l'étape supplémentaire.
15:14Quel est le nombre d'Algériens
15:14qui touchent le minimum vieillesse ?
15:16Le nombre d'Algériens
15:16inscrits aux allocations chômage ?
15:19Soit on répond
15:19qu'on n'a pas ces données,
15:21qu'on ne les suit pas,
15:21ce qui est problématique,
15:22soit on ne veut pas les partager,
15:23tout simplement.
15:24Et comment on le dit
15:25quand on ne veut pas partager ?
15:26Est-ce que les administrations
15:27assez benoîtement disent
15:28qu'on ne veut pas partager ?
15:31On a ce droit-là
15:32et puis on n'a pas envie de le faire.
15:33Ça arrive que ce soit dit aussi clair.
15:35Le plus souvent,
15:36on vous expliquera
15:36que ces données existent
15:37mais que ça prend beaucoup de temps
15:38de les consolider,
15:39que les services sont déjà débordés.
15:40Et là, qu'est-ce qu'on peut faire ?
15:42Rien.
15:43Ça implique d'user au maximum
15:44de l'autorité hiérarchique
15:45des ministères
15:46pour forcer les administrations
15:48à faire ce qu'elles auraient dû faire
15:49depuis bien longtemps.
15:50Ça veut dire qu'un ministre
15:51qui s'y emploierait
15:53pourrait le faire, vous dites ?
15:54Oui, il aurait les moyens de le faire.
15:56À condition qu'il ait les mains libres
15:58encore plus haut
15:59avec un exécutif,
16:00c'est-à-dire Premier ministre,
16:01Président de la République.
16:02Adrien Matot me fait des signes
16:03de l'échelle.
16:06Et qu'il assume par ailleurs
16:08un certain degré de conflictualité
16:09avec son administration.
16:10On sait que quand un ministre arrive,
16:12sa priorité n'est pas
16:13de se mettre à dos
16:13telle ou telle direction
16:14de son ministère.
16:15Néanmoins,
16:16si on veut avancer là-dessus,
16:17il faudra accepter de le faire.
16:18Je ne veux pas faire de caricature,
16:20mais si une force politique
16:21un jour arrive au pouvoir
16:22comme Reconquête
16:23ou comme le Rassemblement National,
16:25on saura qu'il y aura
16:26un faisceau concordant
16:29pour mettre un coup de pied
16:30dans la fourmilière
16:31de ces administrations.
16:32En tout cas, si...
16:33Est-ce que ces administrations
16:34pourront également dire
16:36au plus haut niveau de l'État,
16:37même jusqu'au Président
16:38de la République,
16:39de dire écoutez, non.
16:41Non, on ne peut pas,
16:42ça prend trop de temps,
16:43on a perdu la clé du coffre,
16:45on n'a plus le code...
16:46Ou est-ce qu'il y a des verrous ?
16:47Est-ce que par exemple
16:47la CNIL pourrait dire
16:48non, ça n'a pas tout,
16:49ce n'est pas possible ?
16:49Oui, alors, sur le croisement
16:50de certains fichiers,
16:51on peut anticiper
16:52ce que dirait la CNIL,
16:53effectivement,
16:54mais à ce stade,
16:54on n'en est même pas là,
16:55on est vraiment dans le stade
16:56de suranticipation
16:57des difficultés
16:58qui seront faites
16:58par la CNIL
16:59ou par la justice administrative.
17:01Et donc, demain,
17:02s'il y a effectivement
17:02une volonté politique forte,
17:03quelle que soit la personne
17:04qui la porte,
17:05il y aura des blocages,
17:06mais si on tient
17:07à la logique de l'État républicain,
17:08qui est un État hiérarchique,
17:10avec un pouvoir politique en haut
17:11et une administration
17:12qui exécute
17:12ce que lui demande de faire
17:14le pouvoir exécutif
17:14en descente vers la société,
17:19arriver à ces termes.
17:20Mais vous voyez,
17:20on en arrive à ce point
17:21de la discussion
17:22où j'avais préparé
17:24une question
17:24à quelques minutes,
17:25je me disais,
17:25mais il faut quand même
17:26que je lui demande
17:27pourquoi ça marche
17:27dans d'autres pays,
17:29pourquoi ça marche au Danemark,
17:30pourquoi ça marche en Scandinavie,
17:31pourquoi ça marche dans,
17:32comment dirais-je,
17:33dans les pays de l'Est,
17:34pourquoi ça marche en Allemagne aussi,
17:36pourquoi ça ne marche pas chez nous,
17:37c'est justement parce qu'il y a
17:39ce verrou,
17:40ce carcan administratif
17:41qui n'existe pas
17:41dans les autres pays ?
17:42Oui, en fait,
17:43il y a un mélange de carcans...
17:44Parce que je comprends bien
17:45le dogme
17:45de certaines administrations
17:47qui disent,
17:48on ne va pas se mentir,
17:50qui disent,
17:50voilà,
17:50on est le pays des droits de l'homme,
17:52on est fondé
17:53sur la conviction
17:55de certaines valeurs
17:58qui sont arrivées
17:59en 1789,
18:01puis ensuite dans le code civil,
18:02dans le code Napoléon,
18:03etc.
18:03On vit avec
18:04le préambule de la Constitution,
18:07on parle de vie humaine,
18:08c'est compliqué,
18:09ce n'est pas comme si
18:09on parlait de choses inères.
18:11J'entends,
18:12mais pourquoi est-ce que
18:13ça fonctionne mieux
18:15dans d'autres pays,
18:15c'est à cause de ça ?
18:16C'est un truc historique ?
18:18Je pense que
18:19certaines administrations
18:20vivent dans une interprétation
18:21un peu élémentaire
18:22de ces principes
18:23éminemment importants
18:24par ailleurs.
18:25Notre gouvernement des juges
18:26est plus lourd
18:27que chez certains de nos voisins,
18:28il est plus lourd,
18:29par exemple,
18:29sur les modalités
18:30de rétention des clandestins
18:31que ne l'est la CJUE
18:33au niveau européen.
18:33Vous voyez,
18:34on l'a encore vu cet été,
18:34le Conseil constitutionnel
18:35a dit que
18:367 mois de rétention
18:37pour des étrangers
18:38condamnés pour assassinat
18:39ou viol,
18:39c'était trop,
18:40alors qu'au niveau européen,
18:41on peut aller jusqu'à 18 mois,
18:42quel que soit le profil
18:43des clandestins.
18:44Et l'exemple du Danemark
18:45que vous donniez
18:45montre aussi à nouveau
18:46l'importance de la volonté politique.
18:47C'est-à-dire que
18:48sur une période de 10 ans,
18:492014-2024,
18:51le nombre de demandeurs d'asile
18:52au Danemark,
18:52on a dit à quel point
18:53c'était lié à l'immigration irrégulière,
18:54ce nombre de demandeurs d'asile
18:55a baissé de 85%
18:57pendant qu'il augmentait
18:58de 120% en France.
18:59Pourquoi ?
19:00Parce que le Danemark
19:00a assumé une politique
19:01dite zéro réfugié,
19:03de désincitation
19:04et ça porte des fruits.
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