00:00Il est 7h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le directeur de l'Observatoire de l'immigration et de la démographie.
00:06Bonjour Nicolas Pouvre-Monti, bienvenue sur Europe 1.
00:09La rencontre des cultures est positive, mais dès l'instant que vous avez le sentiment d'une submersion, de ne plus reconnaître votre pays, vous avez rejet.
00:17Voilà donc la phrase de François Bayrou lundi soir sur LCI.
00:22Hier à l'Assemblée, la gauche lui a demandé s'il maintenait ses mots, dictés selon elle par l'extrême droite.
00:27Réponse du Premier ministre, le mot de submersion est le plus adapté, et ce ne sont pas les mots qui sont choquants, ce sont les réalités.
00:33Alors est-ce qu'il va payer ses mots de la censure, François Bayrou ? Ça, on va vite le savoir, c'est la dimension politique du sujet.
00:38Avec vous, Nicolas Pouvre-Monti, rentrons dans les réalités migratoires françaises, c'est votre boulot à l'Observatoire de l'immigration et de la démographie.
00:46Qu'est-ce que vous pouvez nous en dire ?
00:48Écoutez, le choix de parler de submersion, c'est un choix politique qu'on peut toujours contester.
00:52C'est un jugement.
00:53C'est un jugement selon le regard qu'on porte sur la politique migratoire du pays.
00:56Ce qui me semble, en revanche, beaucoup moins sujet à discussion, c'est le caractère effectivement inédit de la situation migratoire que connaît aujourd'hui la France.
01:03C'est-à-dire qu'il est factuellement vrai de dire qu'il n'y a jamais eu autant d'immigrations en France qu'aujourd'hui.
01:08On peut prendre à peu près tous les types de flux.
01:11Le nombre annuel de nouveaux titres de séjour qu'on accorde chaque année a quasiment triplé depuis la fin des années 90.
01:16Le nombre de demandes d'asile qu'on reçoit a quasiment triplé, a plus que triplé d'ailleurs depuis la fin des années 2000.
01:21Sur l'immigration clandestine, c'est un peu plus difficile à appréhender, mais si on prend le nombre de bénéficiaires de l'AME, l'Aide médicale d'État, qui est réservée aux clandestins,
01:28il a lui aussi triplé en 20 ans.
01:30Donc, tout ça décide d'une situation qui est effectivement inédite.
01:32Il y a combien d'immigrés en France, Nicolas Pouvremontier ?
01:35Et puis alors, c'est quoi la définition de l'immigré ?
01:37Est-ce que c'est seulement celui qui vient d'arriver ou est-ce qu'il faut élargir le spectre aux binationaux, aux enfants d'immigrés, etc. ?
01:44Alors, un immigré, c'est une personne qui est née étrangère à l'étranger.
01:47Donc, c'est ce qu'on appelle trivialement, mais à juste titre, la première génération.
01:51Ces immigrés, aujourd'hui en France, ils sont au nombre de 7,3 millions.
01:54Nous dit l'INSEE, c'est 10,7 % de la population.
01:57À cela, on peut ajouter 11 % de descendants d'immigrés de deuxième génération.
02:01Donc, sur deux générations, l'immigration en France, c'est environ 22 % de la population.
02:07Et qu'on parle en pourcentage de la population ou qu'on parle en population d'immigrés globale, ce sont là des niveaux historiques.
02:12C'est-à-dire que la population immigrée au sens strict en France a augmenté de 40 %
02:16depuis le milieu des années 2000.
02:17Vous dites aussi, dans vos divers travaux, à l'OID, que la part des étrangers dans la population totale,
02:22elle a augmenté de 2 points en 9 ans.
02:25C'est beaucoup. Il faut voir la dynamique parce qu'il y a toujours ceux qui vous disent
02:2810 % de la population française, finalement, ce n'est pas tant que ça.
02:30Il y a des pays où c'est beaucoup plus, le Canada, l'Allemagne, etc.
02:34En fait, il y a d'abord une réalité française qui est celle d'une immigration plus ancienne.
02:37C'est-à-dire qu'il y a des flux qui se cumulent depuis maintenant plusieurs décennies,
02:40là où d'autres pays européens ont connu une immigration plus récente
02:43qui fait que la part des immigrés au sens strict est plus forte chez eux.
02:46C'est le cas de l'Allemagne, par exemple.
02:47C'est le cas de l'Allemagne, c'est le cas de la Suède aussi.
02:49Mais effectivement, ces dynamiques sont très accélérées depuis le milieu des années 2000.
02:55Et au-delà de ces nombres, la France a aussi des singularités sur le type d'immigration qu'elle reçoit.
02:59Oui. Alors qu'est-ce que vous pouvez nous en dire, justement ?
03:02La France a notamment la singularité d'avoir une immigration qui est géographiquement assez concentrée
03:05dans le sens où elle reçoit l'immigration la plus largement originaire du continent africain
03:10parmi tous les pays développés.
03:11C'est l'immigration la plus africaine d'Europe.
03:12C'est ça. Et même du monde développé au sens large.
03:14Si on prend l'Amérique du Nord, si on prend l'Australie, etc.
03:17On a aujourd'hui la moitié des immigrés vivant en France qui sont originaires du continent africain au sens large.
03:21Donc Maghreb et hors Maghreb.
03:24Ce qui est assez notable, là aussi, depuis 20 ans, c'est la croissance particulière de l'immigration subsaharienne.
03:29C'est-à-dire que le nombre d'immigrés originaire d'Afrique guinéenne, sahélienne ou centrale
03:33a doublé depuis le milieu des années 2000.
03:34Donc la dynamique démographique de l'immigration, elle est notamment de ce côté-là.
03:37Et l'accélération migratoire, elle est très nette.
03:41Elle est documentée statistiquement depuis une trentaine d'années, Nicolas Pouvron-Montigny.
03:44Depuis la fin des années 90, il y a un phénomène très fort d'accélération
03:48qui se retrouve globalement dans tous les pays européens,
03:50mais qui est aussi spécialement notable en France.
03:53Et ce qui est marquant, c'est qu'il y a des nouveaux canaux d'immigration qui augmentent très vite.
03:57On a eu l'occasion il y a quelques jours de parler de l'asile.
04:00Et ce qui est notable, c'est que c'est une immigration qui ne correspond pas véritablement à un choix politique.
04:04C'est finalement une immigration automatique de droit sur lequel aujourd'hui, les gouvernements ont peu de prise.
04:09Je rappelle ce que vous nous aviez expliqué, que vous aviez dans le monde 580 millions de personnes
04:14qui étaient éligibles aux droits d'asile français.
04:16Compte tenu des critères qui sont retenus, 580 millions, c'est pratiquement dix fois la population française.
04:21Alors autre fait notable aussi, ça vos travaux le montrent bien, sur la répartition de l'immigration sur le territoire.
04:27Alors évidemment, ça, ça va aller dans le sens de ce que disait le Premier ministre,
04:31à savoir ce sentiment de submersion migratoire.
04:34Il est très fort à certains endroits plus qu'à d'autres.
04:36Je donne un exemple, vous donnez celui de la part des immigrés dans la population du Mans.
04:40Il a doublé entre 2006 et 2021, ça c'est quand même très parlant.
04:45Un autre exemple sur l'immigration clandestine, dans le seul département de Seine-Saint-Denis,
04:49on estime qu'il y aurait entre 150 000 et 400 000 clandestins.
04:53Et tout à fait, ce qui est notable là aussi depuis les années 2000,
04:56c'est la diffusion de réalité migratoire qu'on pouvait auparavant considérer comme spécialement concentrée sur certaines régions,
05:02la région parisienne, les grandes agglomérations,
05:04Mayotte, bien sûr, à des régions qui étaient historiquement restées à l'écart des grands flux d'immigration.
05:10Et c'est notamment le cas de l'Ouest, la Bretagne, les Pays de la Loire, la Normandie.
05:14La part des immigrés dans la population du Mans a doublé, mais c'est aussi le cas à Brest, c'est aussi le cas à Caen.
05:18Si on s'intéresse à des communes plus petites, on se rend compte qu'il y a des phénomènes encore plus marqués.
05:22Vous voyez, en Ile-et-Vilaine, la part des immigrés à la Gerge de Bretagne, 4500 habitants a été multipliée par 8.
05:28Par-ci, ça s'en met à Le Grand, par-ci, ça cesse son.
05:31On ne va pas faire la liste de toutes les communes concernées, mais il y a une dynamique notable dans ces régions.
05:35Et ce qui est assez marquant, c'est qu'il s'agit d'une immigration qu'on peine à intégrer localement sur le marché du travail.
05:41C'est-à-dire qu'au Mans, par exemple, où la population d'immigrés a doublé,
05:44on avait en 2021 38% des immigrés de plus de 15 ans qui étaient chômeurs ou inactifs,
05:49c'est-à-dire ni en emploi, ni en études, ni en retraite, ce qui montre la pression qui peut exister, notamment sur les services publics locaux.
05:54Merci Nicolas pour vous remonter, il y a encore beaucoup de choses à dire.
05:57Mais en tout cas, tous ces chiffres, on peut les retrouver dans la note que vous publiez régulièrement.
06:02Remise à jour très récemment en décembre sur l'état de l'immigration en France, avec toutes ces données quantitatives, qualitatives, c'est absolument passionnant.
06:08Ça tient en une vingtaine de pages, c'est sur le site internet de l'Observatoire de l'Immigration et de la Démographie, dont vous êtes le directeur Nicolas Pouvron-Monti.
06:15Merci d'être venu ce matin sur l'Antenne d'Europe.
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