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  • il y a 15 minutes
Alors que la guerre en Ukraine s'enlise, quelles menaces extérieures pèsent sur la France ? Nos soldats sont-ils prêts en cas de guerre ? Quels moyens de défense avons-nous ? Le général Pierre Schill, chef d'état-major de l'armée de Terre, parle d'une "bascule stratégique" dans "Le sens du commandement" (Éd. du Cerf). Il est l'invité de RTL Matin.
Regardez Face à Fogiel du 22 octobre 2025.

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Transcription
00:00Aprime.fr, RTL Matin, Thomas Soto.
00:06Il est 8h18, face à Fogiel, l'interview de Marc-Olivier Fogiel.
00:09Ce matin, vous recevez un homme dont la parole est rare,
00:11ce qui donne d'autant plus envie d'écouter ce qu'il a à nous dire.
00:14D'autant que c'est le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Pierre Schill,
00:17qui, dans ce monde qui tremble, publie le sens du commandement aux éditions du CERF.
00:22Bonjour, général Pierre Schill.
00:23Bonjour.
00:24Vous êtes le chef d'état-major de l'armée de terre,
00:26vous publiez donc le sens du commandement aux éditions du CERF,
00:28vous êtes en tenue militaire, vous êtes accompagné de vos hommes.
00:31Déjà, pour commencer, c'est très impressionnant.
00:32Il faut dire que vous êtes à la tête de 110 000 hommes,
00:36pour que les gens comprennent bien.
00:38C'est quoi votre rôle, déjà ?
00:39Alors, mon rôle comme chef d'état-major de l'armée de terre,
00:41c'est de recruter, former, entraîner, préparer
00:44les 110 000 soldats dont vous avez parlé, hommes et femmes.
00:47Vous êtes leur chef ?
00:48Je suis leur chef.
00:49En tout cas, je suis leur chef quand ils se préparent.
00:52Ensuite, je les donne au chef d'état-major de l'armée de terre
00:55qui les emploie en opération.
00:57Vous publiez ce livre, on va y venir, le sens du commandement.
01:00C'est rare, un chef d'état-major de l'armée qui publie un livre.
01:03Pourquoi ? Il y a besoin de pédagogie ?
01:04Vous pensez que les Français n'aiment pas l'armée ?
01:06Au contraire, je pense que les Français ont une excellente opinion de l'armée.
01:10Mais d'abord, je voulais envoyer un message aux soldats de l'armée de terre.
01:13En élaborant ce message sur la question du commandement,
01:16comment commander, comment bien commander aujourd'hui,
01:19au moment où le monde est en train de changer de manière absolument majeure,
01:23et donc les conflits suivent cette évolution du monde.
01:26Il m'est apparu que finalement, ça intéressait aussi au-delà des armées.
01:30Et donc, au lieu d'écrire uniquement pour les soldats,
01:32il m'a semblé important de donner à réfléchir sur ce sujet au-delà.
01:36On va y venir aux menaces, évidemment.
01:37C'est ce qui va passionner nos auditeurs, les menaces d'aujourd'hui.
01:40Est-ce qu'on est prêt face à ces menaces ?
01:42Est-ce que l'armée est suffisamment équipée ?
01:44Ça passe par un budget.
01:44On ne va pas parler d'actualité politique, vous n'êtes pas là pour ça.
01:47Mais le budget a été sacralisé dans ce moment d'instabilité politique.
01:516,7 milliards d'euros protégés.
01:54Vous dites ouf ce matin ?
01:55En tant que chef militaire, je dis,
01:57nous allons employer ces ressources supplémentaires que le pays nous donne
02:01dans un moment que vous avez rappelé de rigueur budgétaire,
02:04parce qu'elle me semble absolument primordiale, effectivement.
02:07Mais en quoi on en a besoin de ces milliards ?
02:09On en a besoin.
02:10En quoi on en a besoin ? Il y a péril ?
02:11Il n'y a pas péril, mais il y a impératif à pouvoir agir.
02:14C'est clair que les menaces s'accroissent, deviennent plus urgentes, plus radicales,
02:19mais la marche vers la guerre n'est pas du tout inéluctable.
02:21Nous pouvons peser sur notre destin.
02:23Vous dites que la marche vers la guerre n'est pas certaine.
02:26Dans le livre, vous parlez d'une bascule stratégique
02:28qui réclame une véritable révolution dans notre manière de nous défendre.
02:31On est en guerre ou on est en paix ?
02:33Nous ne sommes ni en guerre, ni en paix.
02:35On n'est pas en paix non plus ?
02:36Nous ne sommes pas en paix, c'est clair.
02:38Il y a une guerre majeure qui se déroule sur notre continent.
02:41Tous les matins, tous les jours, nous voyons combien les États se réarment,
02:46combien le Proche-Orient et le Moyen-Orient est balouté par les conflits.
02:49Maintenant, cette réalité d'une bascule stratégique,
02:52elle se superpose à une évolution culturelle extrêmement importante.
02:56Le centre de gravité du monde est en train de basculer vers l'Asie.
02:59Un certain nombre d'États dont la Chine nous disent
03:01« Je ne crois pas que le droit que vous avez bâti depuis la Deuxième Guerre mondiale est universel. »
03:06Je pense qu'il est contingent, qu'il est occidental.
03:09Et je veux proposer un monde alternatif.
03:12Et puis, ces deux réalités se superposent à une révolution technologique absolument majeure,
03:17révolution industrielle du numérique.
03:19C'est le mélange de ces réalités qui fait que, objectivement,
03:22nous sommes dans une bascule stratégique.
03:24Un nouveau monde s'ouvre.
03:25Mais notre principale menace, peut-être de façon un peu réductrice,
03:29on se dit que c'est la menace russe ici.
03:31Poutine, c'est notre principal danger ?
03:32Nous sommes dans un monde dans lequel le recours à la force
03:35redevient quelque chose qui peut paraître normal à certaines grandes puissances.
03:40C'est le retour des empires.
03:41Face à un empire, on est vassalisé ou on est ennemi.
03:44L'Europe doit saisir son destin en main.
03:47Cette Europe, elle est organisée de différentes façons,
03:50notamment à travers l'OTAN, l'Alliance Atlantique.
03:52Dans le cadre de cette OTAN, il y a une solidarité.
03:56Nous avons signé en disant que si un des pays de l'OTAN était attaqué,
03:59l'ensemble des pays de l'OTAN se...
04:01Mais donc on est prêt à envoyer nos soldats en cas d'agression russe
04:04contre un pays de l'Europe de l'Est ?
04:05De toute façon, nous sommes prêts, et ça fait partie des engagements de notre pays,
04:08à la défense collective.
04:10Et un certain nombre des états à l'Est de l'Europe nous disent
04:13j'ai un ennemi existentiel à ma frontière
04:16et peuvent être le cas échéant soumis à des tests.
04:19Mais clairement, il y a quelques jours, vous présentiez vos grandes orientations.
04:21Il y a une phrase évidemment qui a interpellé.
04:24Il faut être prêt, dès ce soir, à la guerre de haute intensité.
04:28Dès ce soir, on peut basculer.
04:29Je dirais même dès ce matin.
04:31Dès ce matin, tout peut basculer.
04:33On a vu les incursions de drones au cours des dernières semaines,
04:35les survols de chasseurs russes.
04:37Une méprise peut arriver et un engrenage peut s'installer.
04:42Je ne dis pas que c'est inéluctable, au contraire.
04:44Je dis qu'il faut qu'on nous pesions de façon à éviter cet engrenage.
04:47Il faut donc être prêt dès ce soir.
04:49Dès ce soir, l'armée de terre française est prête à monter au rempart de notre pays et de notre continent.
04:55Avec nos points forts, mais nos points faibles, c'est quoi ?
04:57Il faut qu'on améliore notre défense anti-aérienne électronique, par exemple.
04:59C'est quoi les points faibles de l'armée ?
05:01Nous avons des points forts d'abord.
05:02Et ces points forts, c'est que nous sommes une armée crédible,
05:05puisque nous sommes un pays crédible.
05:06Une armée d'emplois qui a été déployée en opération
05:09et qui a eu des succès très importants au cours des dernières années.
05:12Il n'empêche que la nature de la guerre change,
05:15parce que la nature du monde est en train de changer.
05:16Notre armée de terre, qui est adaptée au conflit d'aujourd'hui,
05:20doit absolument s'adapter à ce qui vient.
05:22S'adapter à ce qui vient, c'est d'abord être conscient du rôle essentiel du lien avec la nation.
05:27Ce sont les armées qui gagnent les batailles, mais ce sont les nations qui gagnent la guerre.
05:30C'est ce que nous voyons en Ukraine.
05:31Le deuxième grand domaine dans lequel nous avons nous adaptés,
05:35c'est tous ces moyens, toutes ces techniques, mais aussi les tactiques qui vont avec.
05:38Des feux dans la grande profondeur,
05:40des systèmes de commandement numérique très modernes,
05:44de la guerre électronique, des drones, de la robotisation.
05:47Je reviens à ma question tout à l'heure.
05:48On parlait de la Russie, qui est une des menaces en tout cas les plus présentes
05:52pour les auditeurs qui sont de l'autre côté du poste.
05:54C'est quoi les autres menaces à laquelle on est confronté ?
05:56La menace, c'est la menace de conflit d'une mer générale.
05:59La Russie, par rapport à l'alliance qui est la nôtre en Europe,
06:03mais nous sommes aussi liés à d'autres états par des accords de défense
06:06qui peuvent être confrontés à la menace iranienne, par exemple, au Proche et Moyen-Orient.
06:11La France, qui est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies,
06:13a des responsabilités dans un certain nombre de régions du monde.
06:17Nous avons notamment des départements et des territoires d'outre-mer
06:20qui sont partout sur le globe.
06:21Cette pression de la force, de la volonté d'un certain nombre d'états,
06:25et pas seulement la Russie, d'établir des rapports de force
06:28et de saisir des gages contre notre pays, c'est une réalité globale.
06:32Donc, notre pays doit faire face à toutes les menaces possibles.
06:36La plus grande, la plus dimensionnante, c'est la menace russe en Europe.
06:39Mais c'est toutes les menaces qui, aujourd'hui, font que le monde reste très instable,
06:45comme il l'a été au cours des trois dernières décennies,
06:47en Afrique, au Proche-Moyen-Orient, dans l'océan Indien et au-delà.
06:50Bon, général, moi j'ai deux petites filles, elles ont 14 et 12 ans,
06:53et elles me posent la question, papa, est-ce qu'il va y avoir la guerre ?
06:56Je ne sais pas leur répondre, je ne sais pas leur dire non,
06:58et je pense ne pas être le seul.
06:59Vous leur dites quoi, vous, ce matin ?
07:01Je leur dis, le futur n'est pas écrit.
07:02Je leur dis, oui, il y a des menaces,
07:04mais également des progrès, des forces, des richesses
07:09dans notre pays et dans les pays qui nous entourent en Europe,
07:12absolument formidables.
07:14L'enjeu, c'est de mobiliser ces forces,
07:16de façon à peser sur notre destin, à faire en sorte...
07:18Mais on pèse comment sur notre destin ?
07:19On pèse sur notre destin en étant fort.
07:22Donc en faisant peur ?
07:23En faisant peur.
07:24Donc, en gros, il n'y aura pas la guerre
07:25parce qu'on fait peur à nos adversaires potentiels,
07:28pour leur parler clairement.
07:29Nous allons faire peur à nos adversaires potentiels.
07:31Nous voulons être libres.
07:32Pour être libres, il faut être craint,
07:34et pour être craint, il faut être fort.
07:35Dans le livre, vous écrivez,
07:36la société française, et en particulier sa jeunesse,
07:38s'engage lorsqu'elle comprenne le sens,
07:40la finalité de ce qui leur est demandé.
07:41Cette exigence de sens ne condredit pas la discipline militaire,
07:45elle en renouvelle les conditions.
07:46Vous croyez en l'engagement des jeunes ?
07:48Ah oui, tout à fait.
07:49Nous sommes en France une des seules nations
07:51à être capables de recruter les jeunes gens
07:53et les jeunes femmes dont nous avons besoin.
07:5515 000 jeunes par an rejoignent l'armée de terre.
07:57Moi, je suis absolument épaté
07:59par le sens de l'engagement de ces soldats.
08:01Mais au-delà de ces 15 000 jeunes
08:03qui rejoignent l'armée de terre chaque année,
08:04les enquêtes d'opinion nous disent
08:06que 60% des jeunes disent
08:09que s'il y avait vraiment besoin,
08:10ils rejoindraient les armées.
08:12Les armées ont une excellente image.
08:14Et dans ce pays conflictuel au quotidien,
08:17est-ce que vous ne regrettez pas
08:18la fin du service militaire
08:19qui était quand même à creuser
08:20où tous ces jeunes gens étaient ensemble
08:22et finalement s'élever vers quelque chose ?
08:25Je ne peux pas le regretter
08:26parce qu'en fait, cette conscription
08:27jusqu'à la fin, le milieu des années 90,
08:30était liée au fait
08:31qu'une menace existentielle urgente
08:33pesait sur le territoire même métropolitain
08:35de notre pays
08:36qui était la menace du pacte de Varsovie.
08:39Et c'est parce qu'il y avait cette menace
08:41qu'il y avait une conscription.
08:42Aujourd'hui, nous avons la chance
08:43de ne pas avoir de menaces existentielles
08:45à nos frontières.
08:46Il n'empêche que l'armée professionnelle
08:47a besoin, et j'espère que nous pourrons bâtir
08:51dans les années qui viennent
08:52un système d'une armée mixte ou hybride
08:54qui regroupe des professionnels
08:56mais aussi des réservistes.
08:57Nous sommes en train de doubler
08:58le nombre de nos réservistes.
08:59Nous avons 25 000 dans l'armée de terre.
09:01Nous allons vers 50 000.
09:03Et peut-être, pourquoi pas,
09:04des conscrits, des jeunes français
09:05qui voudraient, à un moment donné,
09:07être dans les rangs des armées
09:08sans en faire leur métier ?
09:09Pour conclure, Général Pierre Schill,
09:11votre message à ceux qui nous écoutent
09:13et qui ont quand même une forme d'inquiétude
09:14dans ce monde qui ne va pas si bien ?
09:16Mon message, c'est
09:17nous pouvons peser sur notre avenir.
09:19Un des moyens d'action,
09:20c'est de rejoindre les armées.
09:21Plus globalement, je pense que c'est
09:22une question de sens à donner
09:24de façon à mobiliser les forces de notre pays.
09:26Général Pierre Schill,
09:27chef d'état-major de l'armée de terre,
09:29le sens du commandement.
09:30Merci à vous.
09:31Merci.
09:31Merci.
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