00:00BFM Stratégie avec Frédéric Simotel sur BFM Business
00:09Bonjour, bienvenue dans cette nouvelle session BFM Stratégie.
00:13On vous parle souvent de transition écologique dans ces émissions BFM Stratégie.
00:17Nous réalisons avec notre partenaire le BCG Boston Consulting Group.
00:21Et puis tiens, il y a un mot que vous l'avez peut-être déjà entendu, peut-être pas,
00:23ce sont les émissions évitées.
00:25De plus en plus d'entreprises mettent en avant dans leur communication
00:28justement leur contribution à leur neutralité carbone et les émissions évitées.
00:33On va y comprendre tout ça avec nos deux experts.
00:35Anne Deserat, bonjour.
00:36Bonjour.
00:36Vous êtes directrice générale de Cantis France qui est un cabinet de conseil en environnement filial du BCG.
00:42Et Manuel Coesli, bonjour.
00:43Bonjour.
00:44Merci d'être avec nous.
00:44Vous êtes responsable du centre de recherche de Mirova
00:46qui est une société de gestion d'actifs dédiée à l'investissement responsable.
00:50Alors Anne, je vais démarrer par vous.
00:52Ça veut dire quoi les émissions évitées ?
00:55Alors oui, effectivement, jusqu'à présent, on connaissait tous les émissions carbone
00:59qui sont générées par les activités humaines
01:01et qu'une entreprise, toute entreprise calcule de plus en plus au travers d'un bilan carbone.
01:06Mais de plus en plus, on entend parler de ces émissions évitées
01:08qui est un concept un petit peu plus récent mais qui prend de l'ampleur
01:10et qui en fait représente les émissions de CO2
01:14qu'une solution donnée va permettre donc d'éviter, de ne pas émettre
01:18par rapport à ce qu'on appelle un scénario de référence
01:21qui est l'alternative qui aurait été utilisée en l'absence de CO2.
01:24C'est très content. Vous avez un exemple ?
01:26Alors oui, un petit exemple.
01:28Si on va par exemple calculer le volume de CO2
01:31généré par une personne parcourant un kilomètre en voiture électrique
01:36avec le volume de CO2 émis par une personne parcourant un kilomètre
01:40en voiture moyenne classique
01:43donc qui représente la moyenne de marché
01:44qui est constituée de voitures électriques, thermiques, hybrides, etc.
01:47Et c'est la différence entre les deux qui constitue les émissions évitées.
01:50Et aujourd'hui, on les retrouve un peu, là on parle de la voiture
01:55mais ces émissions évitées, j'imagine, on les trouve dans toutes les...
01:58Dans toutes les industries, dans tous les secteurs d'activité, effectivement
02:01dans l'énergie avec les énergies renouvelables
02:04dans la construction avec par exemple le béton bas carbone
02:08avec l'isolation, les pompes à chaleur, etc.
02:10Aussi dans l'alimentation avec les produits véganes
02:13qui prennent de plus en plus de place
02:14et qui vont remplacer des produits à base de protéines animales.
02:17Et alors, qu'est-ce que, comme vous l'avez dit, c'est assez nouveau
02:20d'utiliser ce terme émissions évitées
02:22Alors déjà, voilà, est-ce que c'est mieux de parler d'émissions évitées
02:25que d'émissions, de réduire ces émissions de CO2 ?
02:28Et puis la deuxième, est-ce que c'est plus un...
02:30Ça fait partie de la stratégie de communication, il y a une certaine mode
02:33ou alors est-ce que c'est un vrai plan pour qu'on dise aux gens
02:35« Vous voyez, si vous avez pris votre voiture électrique,
02:38vous auriez évité cela comme émission ? »
02:40Alors, ce n'est pas mieux, c'est différent.
02:42C'est une métrique qui va vraiment être complémentaire
02:45des émissions carbone et les entreprises vont pouvoir
02:48en tirer bénéfice de différentes manières.
02:50C'est beaucoup plus qu'un simple outil de communication.
02:52Aujourd'hui, une entreprise va notamment utiliser les émissions évitées
02:54pour démontrer l'impact positif de ses activités sur l'environnement.
02:58Et c'est particulièrement important pour les entreprises
03:01qui sont clés dans la transition, qui sont celles qui mettent sur le marché
03:04certaines des solutions qu'on vient d'évoquer
03:05et qui parfois ont du mal à réduire leurs propres émissions
03:09puisqu'elles ont vocation, en tout cas on a tout intérêt
03:12à ce qu'elles se développent, à ce qu'elles prennent des parts de marché,
03:15à ce qu'elles croissent.
03:16Et il y a une notion de réglementation là-dedans ?
03:19Parce que pour l'instant, on arrive, il y a toutes les normes aujourd'hui,
03:22CSRD, etc.
03:23Mais est-ce que émissions évitées, est-ce que ça va rentrer dans une normalisation ?
03:27À date, il n'y a pas encore de réglementation qui oblige les entreprises
03:32à communiquer sur leurs émissions évitées,
03:34mais ça va aussi dans le sens de la transparence
03:36qui est demandée pour le coup par l'ensemble des réglementations
03:39qui apparaissent aujourd'hui, qui demandent aux entreprises
03:42d'être le plus honnêtes, le plus complet possible
03:44sur les impacts de leurs activités sur l'environnement,
03:48sur la société au sens large.
03:49Alors Manuel Coesley, là on est sur le marché avec Mirova,
03:52société de gestion d'actifs dédiée à l'investissement responsable.
03:55Alors justement, quand on entend ce terme d'émissions évitées,
03:58est-ce que ça peut influencer la gestion d'un portefeuille aujourd'hui ?
04:03Oui, absolument.
04:03Alors nous, on a un objectif de financement globalement de la décarbonation.
04:09Donc comme le disait Anne, il y a la baisse des émissions
04:12qui est l'objectif principal pour la plupart des entreprises.
04:15Mais pour faire baisser ces émissions,
04:16on a également besoin de mettre sur le marché des solutions,
04:19des produits et des services qui permettent aux autres de se décarboner.
04:22Et c'est là que les émissions évitées rentrent en compte pour les investisseurs,
04:25parce qu'elles représentent une information qui nous permet, nous,
04:28d'allouer ensuite le capital vers les fournisseurs de ces produits et services
04:32qui permettent aux autres de se décarboner.
04:34Donc ça vient vraiment en complément de l'information
04:37sur la décarbonation des entreprises.
04:40Donc ça vient compléter les plans de transition, d'une part ?
04:42Exactement. Aujourd'hui, on a une priorité vraiment globale
04:47sur la décarbonation des entreprises.
04:50Mais il y a des entreprises qui vont devoir se développer.
04:52Ce sont celles qui mettent sur le marché des solutions
04:54qui permettent aux autres de se décarboner.
04:57C'est là que les émissions évitées sont vraiment une métrique fondamentale
05:00pour les investisseurs, pour nous permettre d'allouer le capital
05:03de manière ciblée et optimale vers les projets, vers les entreprises
05:07qui sont capables de contribuer à la mise sur le marché de ces solutions.
05:10Alors justement, sur ces histoires de métriques,
05:12on sait que dans ce domaine du durable, de l'éco-responsable,
05:15il y a beaucoup de greenwashing.
05:17Chacun prend un peu les mesures qu'il veut, les métriques qu'il veut
05:20pour les adapter parfois à sa propre situation.
05:23Mais est-ce qu'il y a des méthodes de calcul sérieuses,
05:26scientifiques autour de ces émissions évitées ?
05:28Et puis des bénéfices potentiels qu'on a à les utiliser, Anne Désirable ?
05:33Oui, exactement. Alors c'est vrai qu'aujourd'hui,
05:35les émissions évitées sont encore relativement peu utilisées.
05:37En tout cas, quand elles le sont, quand les entreprises les calculent,
05:39elles ne les communiquent pas nécessairement.
05:41Pourquoi ? Parce qu'il y a aussi ce risque de greenwashing.
05:44C'est un sujet qui techniquement est complexe.
05:46On le voit, il faut à chaque fois réussir à définir ce fameux scénario de référence
05:49qui est basé sur un certain nombre d'hypothèses.
05:51Et selon les hypothèses que l'on choisit,
05:53on va obtenir des résultats potentiellement très différents.
05:55Donc une entreprise va pouvoir se tourner,
05:59consciemment ou inconsciemment,
06:01vers des hypothèses qui vont lui être plus favorables.
06:05Et c'est là qu'il y a un risque de greenwashing.
06:06Donc pour éviter ça, il faut qu'on ait un scénario de référence qui soit toujours
06:09le plus réaliste possible,
06:10le plus pertinent par rapport au marché
06:12et qui reflète aussi les tendances technologiques et réglementaires en place.
06:18Et si on reprend l'exemple de la voiture, par exemple, pour bien comprendre ?
06:21Ah oui, alors l'exemple de la voiture,
06:23typiquement, c'est absolument essentiel de tenir compte du marché.
06:25Si vous vous trouvez dans un marché dans lequel la voiture électrique est déjà bien implantée,
06:31nécessairement, vous n'allez pas générer beaucoup d'émissions évitées,
06:33alors que dans un marché dans lequel les gens, en règle générale,
06:37se déplacent massivement en voiture thermique,
06:38là, on va avoir beaucoup plus d'émissions évitées.
06:40Alors il y a tout un tas d'autres paramètres,
06:41mais celui-ci en est un absolument clé.
06:44En fait, ce qui manque, c'est un peu un cadre de méthodologie.
06:46Parce que, comme je disais, c'est un peu comme au début des émissions de CO2
06:49où tout le monde, voilà, entre Scope 1, Scope 2, Scope 3,
06:52enfin, il a fallu ces trois niveaux pour évaluer à peu près son émission de CO2.
06:56Là, c'est un peu la même chose pour les émissions évitées ?
06:58Tout à fait, exactement.
06:59Aujourd'hui, il manque jusqu'à présent d'un cadre méthodologique de référence
07:03qui soit commun, qui fasse foi,
07:05et qui permette à tout acteur, que ce soit des entreprises ou des institutions financières,
07:09de calculer les émissions évitées de la même manière,
07:11en partant des mêmes hypothèses, des mêmes scénarios de référence,
07:14pour éviter un peu les dérives et donc les risques de greenwashing.
07:19Et Emmanuel Cossier, alors comment les institutions financières,
07:22les émissions financières, vont s'y retrouver un peu dans tout ce dédale de méthodes
07:27adoptées par chacun, en plus dans des industries parfois,
07:30qui parlaient entre le végan, le transport, enfin voilà, il y a beaucoup de références.
07:34Difficilement en réalité, parce que quand il y a une telle multitude de méthodologies,
07:37d'hypothèses qui peuvent être prises par les acteurs qui sont responsables
07:41ou qui contribuent aux émissions évitées,
07:44ça crée un problème de confiance finalement dans la métrique,
07:47alors pour nous en premier lieu, et aussi pour les investisseurs,
07:50nos clients qui vont regarder les communications qu'on va faire sur ces sujets-là.
07:54Donc c'est sur la base de ce constat qu'on a pris la décision,
07:57il y a deux ans maintenant, en 2023,
07:59de lancer un appel à projet pour créer justement ce dont on vient de discuter,
08:04c'est-à-dire une base, un socle méthodologique commun
08:07qui permette le calcul des missions évitées avec des règles transparentes.
08:11Donc on a lancé un appel à projet en 2023 avec une douzaine d'institutions financières,
08:16dont notamment Robeco et Edmond Rothschild.
08:19Appel à projet à l'issue duquel on a sélectionné
08:21Cantis et iCare, deux cabinets de conseil,
08:26pour lancer, construire cette base de données
08:29qui va répondre à ce besoin d'harmonisation et de transparence
08:33des hypothèses qui sont prises pour le calcul des émissions évitées.
08:36Et donc concrètement, ce à quoi ça donne accès,
08:40aujourd'hui c'est un socle méthodologique commun
08:42qui permet aux entreprises comme aux institutions financières
08:45de faire un calcul transparent des émissions évitées auxquelles elles contribuent,
08:50avec une transparence, encore une fois, sur le choix des scénarios de référence,
08:55et qui apporte en fait cette confiance qui est nécessaire dans une métrique
08:58qui a un très fort potentiel pour la réallocation des capitaux vers les solutions.
09:03– Et après c'est ça, il faut bien distinguer les données
09:06pour qu'on ait des résultats comparables par industrie et tout ça.
09:09– Exactement, en fait des émissions évitées peuvent être calculées
09:13avec des hypothèses très variables, même pour des entreprises
09:15qui contribuent à la même solution.
09:18Et c'est cette variabilité qui crée une perte de confiance dans la métrique,
09:22et pour remédier à ce problème-là, justement,
09:25la plateforme qui a été créée, qui s'appelle l'AEP,
09:27la Avoided Emissions Platform, qui est gérée par iCare et Cantis,
09:32elle permet justement d'apporter ce niveau de transparence,
09:35et de fiabilité, et de robustesse qui est nécessaire
09:38pour pouvoir calculer globalement les émissions évitées.
09:41– C'est là où les entreprises ont pouvoir, c'est une sorte de boussole,
09:44pour savoir un peu où elles en sont, savoir quelle direction prendre ?
09:47– Exactement, les entreprises qui contribuent aux émissions évitées,
09:50aujourd'hui, elles peuvent utiliser cette plateforme
09:53pour communiquer sur l'impact de leurs solutions de manière transparente,
09:58et pour créer finalement aussi cette confiance qui est nécessaire
10:01auprès des investisseurs, pour investir, avoir ce dialogue avec les entreprises
10:05sur la qualité de leurs solutions, les géographies dans lesquelles
10:08elles sont mises en place, ce qui permet in fine de réallouer
10:12les capitaux de manière optimale vers les solutions.
10:14– Et encore une fois, les émissions évitées, tout ce calcul-là,
10:17ça n'empêche pas qu'il faut continuer à avoir les calculs classiques
10:20de réduction des émissions de CO2, etc.
10:22– Bien sûr, absolument.
10:22– Vous êtes investisseur, vous continuez à regarder ça ?
10:24– C'est complémentaire, comme le disait Anne,
10:26la priorité à l'échelle macro reste de réduire les émissions,
10:30mais pour cette réduction des émissions, on a besoin du développement
10:33et de la croissance de solutions, chose qui va être quantifiée,
10:36notamment par les émissions évitées.
10:38– Sur ce sujet, on est les seuls en Europe à travailler dessus,
10:42ou tout le monde, il va y avoir une harmoniation ?
10:44Est-ce qu'on va voir ce terme apparaître aussi dans les grandes entreprises ?
10:47– Alors, on le voit déjà apparaître dans d'autres régions du monde que l'Europe,
10:52l'Europe, comme sur beaucoup de sujets, dans la durabilité,
10:57a souvent pas mal d'avance, mais il y a d'autres régions du monde,
11:01et notamment le Japon, par exemple, qui font beaucoup de choses
11:04sur le sujet des émissions évitées, qui sont très investies,
11:08et avec lesquelles on est en étroite collaboration
11:12pour, là encore, s'assurer qu'on arrive à une méthode qui soit commune.
11:17– Toujours ce cadre méthodologique.
11:18– Exactement.
11:19– Eh bien, merci à tous les deux.
11:20Anne Desherabes, directrice générale de Cantis France,
11:23cabinet de conseil à l'environnement, donc filiale du BCG,
11:25et Manuel Coeslier, responsable du centre de recherche de Mirova,
11:28société de gestion d'actifs dédiée à l'investissement responsable.
11:31Voilà, j'espère qu'on vous a fait réfléchir sur cette expression.
11:35Vous allez certainement voir dans vos bilans les émissions à éviter.
11:39Excellente semaine sur BFM Business,
11:40et à très bientôt pour un nouvel épisode de BFM Stratégie.
11:43– BFM Stratégie sur BFM Business.
11:51– Sous-titrage Société Radio-Canada
11:54– Sous-titrage Société Radio-Canada