00:00Ce matin, Sud Radio vous explique qu'est-ce qui se passe auprès des médecins généralistes
00:04pour assister à une telle flambée de violence.
00:06Bonjour Jean-Philippe Latel.
00:08Bonjour.
00:09Merci beaucoup d'être avec nous ce matin.
00:10Vous êtes le président du Conseil National de l'Ordre des Médecins.
00:14C'est un rapport qui a été rendu en début de semaine,
00:16qui est absolument consternant concernant les agressions envers les médecins.
00:21C'est près de 353% de plus qu'il y a 10 ans.
00:24C'est près de 2000 incidents.
00:26On va rentrer dans le détail durant notre conversation.
00:28Mais d'abord, quelques mots sur les enseignements d'un tel rapport.
00:32On dit que c'est structurel.
00:33C'est vraiment ça aujourd'hui, Jean-Philippe Latel.
00:35C'est que les violences envers les médecins sont structurelles.
00:41Alors, d'abord, je vais rectifier un tout petit peu.
00:43Je ne suis pas le président du Conseil National,
00:45mais le président du Conseil Départemental du Nord.
00:48Pardonnez-moi, président du Conseil National de l'Ordre des Médecins du Nord.
00:51Voilà, c'est ça.
00:52Et on est effectivement le département...
00:54Le plus touché par ces violences.
00:56Voilà, exactement.
00:57Et je suis heureux, si je puis dire, de répondre à vos questions dans ce cadre.
01:04Depuis 20 ans, effectivement, on voit une augmentation quasi automatique tous les ans.
01:09Plus de 26% cette année.
01:11De plus de 2000 agressions.
01:13Agressions qui sont celles qui sont déclarées.
01:15Parce qu'à côté de ça, il y en a sans doute énormément qui ne le sont pas.
01:19Et on a l'impression, effectivement, que ça devient une normalité, quelque part.
01:25Alors, est-ce que c'est générationnel ?
01:26Est-ce que c'est la société qui devient de plus en plus violente ?
01:30Probablement.
01:33Moi, j'en appelle, avant toutes les mesures qu'on est en train de prendre, il faut absolument que nos patients et ceux qui les accompagnent se ressaisissent.
01:44Parce qu'on a un déficit d'offres de soins.
01:47Et cette violence qui se déroule partout dans les cabinets, dans tous les établissements de soins, ne permet pas aux médecins de travailler sereinement.
01:57Et éloigne certains médecins du soin, si certains médecins arrêtent.
02:01On a eu une agression violente à Lille au mois de tout début juillet.
02:06Le médecin n'a toujours pas repris son activité.
02:08Et ça, c'est lamentable.
02:09Jean-Philippe Platel, vous êtes le président du Conseil national de l'ordre des médecins du Nord.
02:13En effet, département le plus touché par ces violences contre les médecins.
02:17Vous le disiez, j'aimerais qu'on s'arrête un instant là-dessus, sur le fait que ces chiffres sont forcément et sans doute sous-estimés.
02:23Parce qu'on apprend que ce rapport, en réalité, se base sur des déclarations volontaires des médecins qui se fait à l'aide d'une fiche de signalement.
02:31Donc, c'est loin d'être automatique.
02:32On est vraiment sur uniquement la petite face visible de l'iceberg.
02:37Probablement, et c'est très inquiétant.
02:39On incite, et on le fait beaucoup dans le Nord, peut-être est-ce un biais de recrutement d'ailleurs,
02:44nos médecins, dès qu'ils sont agressés, dès qu'ils font l'objet d'agressions, soit par leurs patients, soit par les gens qui les accompagnent,
02:51à déclarer, à nous solliciter, parce que nous, on les aide par derrière, on ne les laisse pas tomber.
02:57On essaie de les suivre, de leur expliquer ce qu'il faut faire, déposer plainte.
03:01Beaucoup ne le font pas.
03:03Et puis, éventuellement, expliquer à ces patients qui ne peuvent plus les suivre.
03:10Et ça, c'est quelque chose qu'il faut que les patients comprennent.
03:13C'est qu'à partir du moment où ils ont agressé un médecin, ils ne peuvent plus jamais se faire soigner par ce médecin.
03:17Et ça paraît, en effet, plus que logique, visiblement, de le rappeler, précisément aussi,
03:22parce que quand on se plonge dans ce rapport, et quand on prend le temps de le lire,
03:25on s'aperçoit, en réalité, des motifs de certaines agressions.
03:2826% des cas, c'est quand un patient souhaite un document, par exemple, une ordonnance ou un certificat qui soit falsifié.
03:37Dans 17% des cas, il s'agit d'un refus de prescription,
03:40et dans le reste, on peut lire aussi que ce sont des médecins agressés,
03:43notamment parce que ces derniers ne font pas totalement ce qu'ils veulent,
03:47c'est-à-dire que le moindre acte, aujourd'hui, visiblement, justifie une agression d'un médecin.
03:54Oui, le moindre acte, c'est surtout le refus, le refus d'acte.
03:59C'est pour ça que je disais qu'il y a peut-être un problème de société ou un problème générationnel,
04:04c'est quand les gens ne supportent plus qu'on dise non, ils ne supportent plus l'autorité.
04:09Moi, je crois qu'il faut que les médecins soient à nouveau respectés.
04:13Lorsqu'un médecin décide de prescrire, non pas de donner, on décide à une prescription, un arrêt de travail,
04:20c'est lui qui estime que médicalement, il est justifié,
04:24et on ne peut absolument pas forcer, même avec un couteau.
04:29C'est arrivé aussi dans le Nord il y a quelques mois,
04:31une jeune remplaçante qui a été menacée avec un couteau pour rédiger une prescription.
04:36C'est intolérable, c'est intolérable.
04:38Mais on a l'impression, oui, qu'il y a ce refus de...
04:42Le refus de l'opposition, en réalité.
04:45D'accepter la décision d'un médecin qui n'a plus le respect et l'autorité qu'il avait par le passé,
04:54au même titre que les enseignants, ou on disait aussi le curé, il fut un temps.
05:00Ces autorités-là ont vraiment disparu au profit du « j'y ai droit ».
05:07Une dernière question quand même, Jean-Philippe Platel, clairement.
05:10Est-ce qu'il n'y a pas aussi cette idée, quand vous parlez d'un refus,
05:14de ne plus accepter la contradiction, l'autorité naturelle d'un médecin par exemple,
05:19est-ce qu'il n'y a pas ce sujet où on a fait croire, d'une certaine manière,
05:23où on a distillé dans l'espace public qu'il y avait en permanence, en réalité,
05:27cette idée que la médecine était presque un service public ?
05:30Donc, comme les gens le payaient, ça devait être automatique.
05:33Vous voyez ce que je veux dire, cette petite musique qui monte ?
05:36Tout à fait. Je suis d'accord avec vous.
05:39Le médecin est passé du rôle de soignant à un petit peu, et on s'en défend,
05:45et on combat ça.
05:45Et certains ont l'impression d'être des clients, pratiquement.
05:48De prestataires de services, exactement, avec des clients et puis des patients.
05:52Et ça, il faut combattre ça, bien évidemment.
05:55Il faut revenir à quelque chose, à la vraie relation entre le médecin, son patient,
06:01et peut-être que l'évolution aussi de la société,
06:04avec notamment la téléconsultation,
06:07qui est devenue un moyen de contourner ce qu'on appelle le colloque singulier
06:13entre un médecin et son patient.
06:14Toute cette évolution fait que, probablement,
06:17cette relation entre le médecin et son patient est en train de,
06:22je ne vais pas dire de disparaître, mais en tout cas de s'aménuiser.
06:25Et de s'effriter plus que dangereusement.
06:27Merci beaucoup, Jean-Philippe Latel, d'avoir été avec nous ce matin sur Sud Radio,
06:30président du Conseil National de l'Ordre des Médecins du Nord.
06:33Du Nord, précisément, parce que c'est le département le plus touché
06:35par les agressions de médecins.
06:37Et pour ceux qui s'intéressent au sujet, très sérieusement,
06:39je vous conseille de vous plonger dans ce rapport,
06:41qui est absolument tédifiant sur le rapport entre les violences
06:45et la quantité de violences, aujourd'hui dirigée envers les médecins
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