00:00Bonjour Jean-Christophe Roland, merci d'être avec nous ce matin, vous êtes constitutionnaliste et maître de conférences à l'université Paris-Assas, merci d'être avec nous ce matin.
00:14Et bonjour Lucas Planavergne, journaliste OJDD, comme d'habitude, ravi de vous retrouver en ce samedi matin.
00:20A la question qu'on pose, en effet, est-ce que le style Le Cornu est un peu trop prudent ?
00:24Lucas Planavergne, je me tourne vers vous, vous avez l'habitude des politiques et des longs débats, des longues explications, de les croiser, de les interviewer.
00:31Comment vous avez regardé ce matin cette première grande interview du Premier ministre ?
00:36Alors deux choses, je pense qu'il y a le fond et la forme. Dans la forme, il est fidèle à ce qu'il a esquissé depuis sa nomination à Matignon,
00:42c'est-à-dire que c'est un Premier ministre modéré, discret, qui pratique une méthode qu'on pourrait qualifier de sous-marin,
00:49c'est-à-dire qu'il s'efface et qu'il remonte à la surface seulement ponctuellement.
00:52Jusqu'à cette interview, il avait fait seulement une interview dans la presse quotidienne régionale,
00:57seulement une visite publique, un déplacement public, pas de JT, contrairement à ses prédécesseurs.
01:03Donc voilà, on voit un Premier ministre qui, chose rare sans doute dans la classe politique,
01:08fait preuve d'humilité et essaye, en tant qu'ancien ministre des armées, de contrôler sa parole pour qu'elle impacte plus.
01:15Maintenant, dans le fond, pour moi, c'est-à-dire qu'il a dit des choses dans cette interview.
01:22Par exemple, sur l'attaque Zuckman, c'est assez clair, il n'en est pas question.
01:26Sur l'ISF également.
01:28Le gouvernement n'y pense pas, je cite.
01:30Le gouvernement n'y pense pas.
01:31Bon, il n'y a pas encore de gouvernement, donc pour le coup, c'est...
01:34C'est pour ça qu'il est tranquille.
01:34Voilà, donc maintenant, il est sûr que, pour la gauche en tout cas, c'est déjà trop imprudent.
01:43Puisque, évidemment, bon, LFI brandit la censure depuis la nomination de Lecornu,
01:47et peu importe qui ça aurait été, ils auraient brandi la censure.
01:50Mais ce matin, Olivier Faure également brandit la censure,
01:53et menace de faire tomber le gouvernement, même pas encore nommé,
01:57au terme d'une rencontre la semaine prochaine.
01:59Donc, on voit que même s'il marche sur un fil,
02:01Sébastien Lecornu a encore beaucoup de dialogues à avoir avec les oppositions et aussi les syndicats.
02:07Lucas Palanaverne, qui parle de fil, John Christopher Roland,
02:10est-ce que vous pensez qu'il a le talent suffisant, si vous voulez,
02:13et que nous sommes dans un contexte, on va dire, suffisamment serein, d'une certaine manière,
02:17pour qu'il puisse continuer à jouer le funambule, le Premier ministre ?
02:20En fait, ça peut être un des objectifs, essayer de gagner du temps.
02:23On se rapproche lentement, mais sûrement, d'échéances électorales,
02:26notamment les municipales, et puis, en point de mire, la présidentielle.
02:29Son souci, si vous voulez, c'est qu'on n'a pas besoin de savoir exactement qui sera dans son gouvernement,
02:34puisqu'on sait qu'il n'y sera pas.
02:36Il a besoin de la droite pour le gouvernement,
02:38et il aurait besoin de la gauche pour ne pas avoir une motion de censure contre lui.
02:43Cette motion de censure, la gauche dit qu'en l'état actuel, elle la votera,
02:47donc il ne reste plus que le Rassemblement national à éventuellement ménager.
02:53En réalité, partie comme c'est, mais je l'avais dit dès le départ, d'ailleurs,
02:57sur la nomination de Sébastien Lecornu, à part gagner du temps, c'est une question, en fait, juste...
03:03Pour vous, c'est ce que vous voyez vraiment dans la nomination du Premier ministre,
03:06et de mettre dans cette interview, c'est une volonté, vraiment, de jouer la montre ?
03:09C'est une des volontés, et je pense qu'il y a d'autres volontés.
03:11C'est aussi nommé infidèle, Sébastien Lecornu a été de tous les gouvernements depuis 2017,
03:15mais c'est aussi le constat qu'il n'y a pas de compromis possible entre les partis politiques,
03:20contrairement à ce qu'on voit en Belgique ou en Allemagne,
03:22et que par conséquent, à part gagner du temps, faire adopter un budget à minima,
03:26qui ne contentera pas donc le Parti Socialiste, il reste à savoir...
03:30Mais vous ne croyez pas du tout, pardon, Jean-Christophe Roland,
03:32en réalité, à une nouvelle méthode, à une nouvelle façon de faire,
03:35parce que c'est vrai qu'on n'est pas habitué, il n'y a pas eu tout d'un coup une prise de parole au 20 heures,
03:38est-ce que ça, ce n'est pas possible totalement de voir immerger ça en ce moment ?
03:42Ça peut être une différence de méthode sur la forme,
03:44c'est difficile d'avoir une différence de méthode quand vous prenez le plus fidèle d'entre vous
03:48pour incarner cette rupture, c'est comme, je ne sais pas,
03:51ça serait comme si vous demandiez au pape de promouvoir tout d'un coup une politique pro-liberté, etc.
03:59Enfin, en tout cas, c'est compliqué.
04:01Et puis il y a une différence de méthode, je dirais, médiatiquement parlant,
04:04c'est-à-dire qu'il se fait plus discret, mais par rapport à ses deux prédécesseurs
04:07que sont François Bayrou et Michel Barnier,
04:09on ne peut pas dire non plus que ce n'étaient pas des hommes de dialogue.
04:12Je veux dire, on a beaucoup entendu ça ces derniers mois en France,
04:15le dialogue, le dialogue, le dialogue.
04:16Oui, enfin, on a promu des hommes de dialogue, notamment Michel Barnier,
04:18parce qu'en réalité, il avait négocié le fameux Brexit, François Bayrou,
04:22mais en réalité, le conclave, trois jours après, il dit que de toute façon,
04:25il met des lignes rouges.
04:27Donc, ils ont été décrits comme des hommes de dialogue.
04:29Dans les faits, je pense que beaucoup ont été des unes.
04:32Oui, mais parce que, comme dans le tout dialogue, à la fin, il faut des réponses,
04:35et voilà, les réponses, elles n'arrivent pas.
04:37Donc, forcément, et malheureusement, le chemin que prend Sébastien Lecornu
04:42me semble, à ce stade, être le même que ses prédécesseurs.
04:44Et on voit encore difficilement, à ce stade, comment ça pourrait être autrement.
04:48Autrement, en tout cas, on verra.
04:50Néanmoins, il y a vraiment une volonté, on a l'impression, ici, budgétairement parlant,
04:54sans à quel point le sujet est tendu,
04:56quand on voit notamment la capacité et la volonté, pas la capacité,
05:00et la volonté de certains Français à être pro la taxe Zugmann.
05:03Je crois que c'est à près de 90%.
05:05Comment est-ce que ce n'est pas trop risqué de la part du Premier ministre
05:08de vouloir, on va dire, l'écarter d'un revers de la main ?
05:11Alors, c'est exactement, je pense que c'est une des données du malentendu global.
05:15On parle de dialogue, on parle de changer de méthode.
05:17En réalité, le débat est déjà préempté.
05:20C'est-à-dire qu'en fait, il y a déjà un postulat qui est acté,
05:22c'est qu'il faut réduire les dépenses.
05:24Le reste, les recettes, le déficit, la dette en elle-même, on n'en parle pas beaucoup.
05:28Et donc, puisque le débat est déjà, si vous voulez, avancé à un stade
05:32où on ne revient pas sur cette donnée-là, sur ce postulat,
05:35eh bien, forcément, il ne peut y avoir qu'un malentendu derrière.
05:37Donc, budgétairement, aller vers une taxe Zugmann,
05:40mais même si on allait un peu plus loin sur une justice fiscale, etc.,
05:44avoir un grand débat, ce n'est pas du tout dans l'optique.
05:46D'autant que...
05:47On dit quand même dans l'interview à un moment,
05:49la taxe Zugmann ne me paraît pas la plus adéquate,
05:52parce qu'en réalité, il cite un certain nombre de raisons.
05:54Mais il ajoute, en revanche, j'entends la volonté d'avoir beaucoup plus de justice fiscale,
05:58notamment en faisant contribuer les plus hauts revenus.
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