00:00Il est 7h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique, Bruno Tertré.
00:07Bonjour Bruno Tertré.
00:09Bonjour.
00:09Bienvenue sur Europe 1, votre dernier livre, La Question Israélienne, paru aux éditions de l'Observatoire cette année.
00:15Question palestinienne ce matin avec vous, alors qu'Emmanuel Macron s'apprête à reconnaître officiellement devant l'ONU un État de Palestine,
00:23comme d'ailleurs l'ont fait hier avant les gouvernements canadiens, australiens, britanniques.
00:28C'est un tournant diplomatique important pour la France et pour ce conflit israélo-palestinien.
00:35Bruno Tertré, vous pensez ?
00:37Oui, c'est un tournant symbolique.
00:39En tout cas, la France, comme vous le savez, a toujours soutenu l'idée d'une solution à deux États.
00:45Mais ce qui est symboliquement important, c'est que la France s'apprête désormais à faire cette reconnaissance, apparemment sans conditions réelles.
00:53Certes, il y a des engagements qui ont été pris par l'autorité palestinienne, mais c'est le fait que nous le fassions sans conditions qui est tout à fait notable.
01:01Et pourquoi ? Pourquoi avoir enlevé ces conditions auxquelles Emmanuel Macron, il y a encore peu, tenait tant ?
01:07Cette idée qu'il fallait désarmer le Hamas, l'empêcher d'accéder aux commandes d'un État palestinien s'il venait à être créé, etc.
01:13Pourquoi ça n'est plus dans la balance aujourd'hui ?
01:15Alors écoutez, je ne suis pas dans la tête du président de la République, mais il me semble qu'il y a eu plusieurs facteurs.
01:19D'abord, il a le sentiment, à tort ou à raison, que le monde entier réclame, lui réclame cette reconnaissance.
01:28Ensuite, il a été, je pense, sincèrement choqué par l'aspect humanitaire de la tragédie de Gaza.
01:33Et enfin, il est possible, je dis bien il est possible, qu'il estime que les troubles sociaux créés par la question palestinienne en France
01:44risquent de devenir ingérables si la France ne fait pas un geste.
01:48Je précise encore une fois que c'est une supputation de ma part, mais je vous rappelle quand même qu'il y avait un rapport à destination du ministère de l'Intérieur
01:54sur les frères musulmans, il y a quelques mois, qui proposait notamment que cette reconnaissance puisse être faite pour apaiser la France.
02:03Je cite à peu près. Donc c'est peut-être ça, tout cela, qui a fait évoluer la position du président.
02:07Alors, je vais poser une question caricaturale, blanc ou noir, Bruno Tertré, mais enfin bon, ça permet quand même de saisir les enjeux.
02:15Cette reconnaissance, vous pensez que c'est un coup de maître ou que c'est une faute politique, Bruno Tertré ?
02:20Alors écoutez, moi je ne suis pas tellement dans le noir et blanc, ce n'est pas tellement moi qu'il faut voir pour le noir ou blanc,
02:24je suis plutôt dans les nuances de gris. Moi j'ai un raisonnement très simple, si vous voulez.
02:28Est-ce que c'est utile ? Voilà, tout simplement. Est-ce que c'est utile ?
02:33Alors c'est sans doute utile à la France, mais j'allais dire que c'est presque du signalement de vertu diplomatique pour la France.
02:38Bon, il y a cet aspect-là, je ne suis pas sûr que ça nous rapporte grand-chose, mais ce n'est peut-être pas le sujet.
02:44Non, le vrai sujet c'est, est-ce que ça va faire avancer la cause de l'État palestinien, pour ceux qui le souhaitent ?
02:50Et surtout la cause de la paix ?
02:52Et la cause de la paix. Et ma crainte justement, c'est que non seulement ça ne fasse pas avancer d'un iota la cause palestinienne,
03:00ça n'a évidemment aucun impact sur la situation humanitaire.
03:04Moi ce que je crains, c'est que cela fasse reculer plutôt qu'avancer la cause palestinienne.
03:08On a vu que les réactions du gouvernement israélien et de l'ensemble de la classe politique israélienne étaient extrêmement négatives.
03:15Je ne pense pas qu'il faille prendre pour argent comptant l'idée selon laquelle il y aura en représailles l'annexion de la Cisjordalie.
03:22Je pense que tout ça est du théâtre politique.
03:24Mais je pense que ça contribue à radicaliser les positions israéliennes plutôt qu'à les persuader de l'urgence de la création d'un tel État.
03:32Du côté palestinien, moi ce que je crains, c'est qu'en gros l'autorité palestinienne finisse par penser que l'État va leur tomber tout puits dans le bec et qu'ils n'ont pas d'effort à faire.
03:41Alors certes, il y a des engagements qui ont été pris sur les manuels scolaires.
03:45Sur un certain nombre de choses.
03:46Mais je ne suis pas sûr que cela incite véritablement l'autorité palestinienne à faire les efforts nécessaires pour créer les conditions d'un véritable État vial.
03:56Donc voilà, moi ma conclusion c'est que finalement je crains que ce soit au mieux inutile ou au pire contre-productif.
04:04Alors il y a cet argument, vous avez cité l'argument d'Emmanuel Macron qui dit si on ne fait pas maintenant, si on ne reconnaît pas un État de Palestine maintenant,
04:11il y a de fortes chances que cet État ne voit jamais le jour parce que le gouvernement israélien serait sur le point d'annexer la Cisjordanie.
04:18Bon, vous venez de nous répondre en disant c'est sans doute du théâtre politique.
04:21Mais alors il dit aussi Emmanuel Macron, reconnaître un État de Palestine, finalement ce ne serait pas du tout un cadeau au Hamas,
04:28puisque ça enterrerait le projet du Hamas d'une Palestine allant de la mer au Jourdain.
04:33Est-ce qu'il n'a pas omis la possibilité, le Président, quand même, que le Hamas prenne le contrôle de cet éventuel État palestinien ?
04:40Oui, alors plusieurs choses.
04:41D'abord, là où Emmanuel Macron, la démarche d'Emmanuel Macron n'est pas totalement absurde,
04:46c'est lorsqu'on se réfère non pas à la situation à Gaza sur laquelle les yeux du monde entier sont fixés,
04:50mais sur la situation en Cisjordanie.
04:52Or, il est vrai qu'il y a des violences tout à fait singulières depuis deux ou trois ans dans ce territoire,
05:01qui sont en partie le fait de radicaux palestiniens, mais aussi le fait de radicaux juifs israéliens
05:08qui font tout pour déloger les palestiniens.
05:12Donc cette situation-là, c'est aussi, si c'est un message, j'allais dire, aux plus radicaux des Israéliens en Cisjordanie,
05:19ça n'est pas complètement absurde.
05:22Par ailleurs, sur le Hamas, très franchement, je crois que là, tout le monde a un peu tort,
05:26ou tout le monde a un peu raison, ça n'est pas vrai que c'est un cadeau au Hamas.
05:30C'est vrai, tout de même, de dire que le Hamas ne veut pas d'une solution à deux États,
05:35et donc ça ne peut pas être un message positif pour le Hamas.
05:38Donc même si je doute de la démarche française, je pense que l'argument qui consiste à dire
05:42que c'est un cadeau au Hamas, franchement, n'a pas beaucoup de sens.
05:45Merci beaucoup Bruno Tertré.
05:46Votre regard sur cette reconnaissance de l'État de Palestine qui aura lieu ce soir à l'ONU,
05:51à l'initiative d'Emmanuel Macron.
05:53Je rappelle le titre de votre dernier ouvrage pour saisir les enjeux qu'ont ô combien complexes
05:57de ce conflit israélo-palestinien, du point de vue en tout cas de la question israélienne,
06:01titre de votre livre paru aux éditions de l'Observatoire.
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