"7 minutes pour comprendre" est le lieu de débat et d'approfondissement de "BFM Première" : chaque jour en direct, invités et experts répondent à la question du jour sur le plateau de Dominique Tenza et Perrine Storme.
00:00Des agressions, des homicides, des règlements de comptes, que se passe-t-il à Clermont-Ferrand qui depuis plusieurs mois est le théâtre d'une flambée de violences sur fond de trafic de drogue ?
00:09Bruno Retailleau réunit ce matin le préfet du Puy-de-Dôme et les représentants des forces de sécurité à Beauvau.
00:15Comment en est-on arrivé là ? C'est le 7 minutes pour comprendre.
00:19Et avec nous en plateau, Paul Conge du service Polyjustice de BFM TV, Vincent Monnier, journaliste et chef du service enquête de Lobs.
00:27Vous êtes notamment l'auteur du livre « Narcocratie, comment ils ont pris le pouvoir ».
00:31Eux, ce sont évidemment les narcotrafiquants.
00:33Et puis en direct avec nous, depuis Charleville-Mézières dans les Ardennes, le maire d'hiver droite de la ville, Boris Ravignon.
00:40Bonjour M. le maire, j'ai envie de démarrer avec vous puisque vous connaissez bien ce problème.
00:46Votre ville elle-même est touchée par les trafics.
00:49Vous avez d'ailleurs été confronté directement à ce problème et à ces dilemmes.
00:53Oui, effectivement, au cours de l'été, au courant du mois de juillet,
00:59moi j'ai vraiment voulu agir contre un des points de deal qui devenait extrêmement conquérant justement
01:05par rapport à l'espace public autour, qui gênait énormément des riverains,
01:12qui parfois aussi intimidaient ou incendiaient le véhicule des gens vivant aux abords,
01:18qui avaient eu, par exemple, le tort de trop appeler la police nationale.
01:24Et donc on a vraiment ou simplement mis des blocs béton devant ce café,
01:27soit disons un café associatif, mais qui en réalité était un point de deal,
01:32pour le fermer physiquement.
01:34Et à l'occasion de l'installation de ces blocs,
01:37j'ai été visé, moi comme les employés municipaux qui m'accompagnaient,
01:43par un tir de mortier d'artifice.
01:46Et puis dans les jours qui ont suivi, on a eu effectivement quelques tentatives de représailles,
01:50mais on a tenu bon et on a réussi à ramener le calme dans ce quartier notamment.
01:57Il reste naturellement tous les autres points de deal de la ville à traiter,
02:01parce que c'est malheureusement un phénomène qui aujourd'hui a pris une vraie ampleur.
02:05– Pardonnez-moi, M. le maire, mais depuis quand vous le constatez,
02:10l'extension de ce phénomène dans votre ville ?
02:12– Alors moi je le constate depuis déjà quelques années,
02:15mais on a un phénomène, je vais dire simple, et qui est économique.
02:20La drogue, les stupéfiants, c'est un marché considérable,
02:23qui génère rien que pour le cannabis, plus de 7 milliards de chiffres d'affaires.
02:30Et naturellement, il y a assez peu de charges,
02:32par la rémunération des chouffes et de tous les agents qui travaillent.
02:36Donc on a quelque chose qui est extrêmement lucratif,
02:39et qui donc forcément génère des règlements de comptes,
02:44c'est de tenter de s'approprier certains territoires.
02:47Dans la commune voisine de Charleville-Mézières à Sedan,
02:49on vient d'avoir un homicide, une petite ville de 16 000 habitants,
02:54probablement sur fond de stupéfiants.
02:55Donc on est dans une situation où il y a cette violence,
02:59et puis on a aussi des trafiquants qui ont,
03:03pardon l'expression, mais ont pris la confiance.
03:06Ils sont riches, ils ont des moyens considérables,
03:08ils attirent vers eux une partie de gens qui sont tentés
03:13par les moyens qu'offre le trafic de drogue,
03:17et donc ils conquièrent progressivement l'espace public et nos villes.
03:22Et ça, c'est une prétention absolument insupportable
03:26que nous les maires, je crois, nous essayons de nous battre pied à pied.
03:30Vous évoquiez, M. le maire, une drogue qui s'est effectivement démocratisée,
03:34son prix également, honnêtement baissait.
03:36Je vous propose d'écouter ce que disait le criminologue Xavier Roffert.
03:39Il évoque le prix de la cocaïne qui a considérablement baissé ces dernières années.
03:43Écoutez-le.
03:44Quand M. Darmanin devient ministre de l'Intérieur,
03:47un gramme de cocaïne coûte 60 euros.
03:50Là, j'ai parlé la semaine dernière avec des policiers en civil
03:55qui se déguisent en drogué et qui vont traîner du côté de la Gare du Nord.
03:59On touche maintenant, dans certains coins à Paris,
04:01la cocaïne, le gramme, à 30 euros le gramme.
04:04Il y a encore 20 ans, c'était 120 euros le gramme.
04:09Alors, la monnaie fluctue, etc.
04:11Mais ça veut dire qu'en gros, elle est 4 fois moins chère qu'il y a 20 ans.
04:144 ou 5 fois moins chère qu'il y a 20 ans.
04:16Vincent Monnier, comment vous expliquez la chute du prix de la cocaïne ?
04:21Et est-ce l'une des raisons qui explique l'expansion du trafic de drogue
04:25qui n'est plus cantonnée aujourd'hui à Marseille ou aux métropoles historiquement connues
04:29pour être des plateformes du trafic ?
04:32Alors, le trafic de drogue, c'est une économie, une économie légale,
04:35mais c'est une économie pour comprendre la baisse du prix de vente au détail.
04:39Il faut aller en Amérique du Sud, dans les trois pays qui produisent la cocaïne,
04:43c'est-à-dire le Pérou, la Bolivie et la Colombie.
04:45Et là, on est en surproduction depuis 15 ans.
04:48Avec des chiffres, je crois que c'est 4 000 tonnes qui ont été produites
04:51rien qu'en l'année dernière en Colombie, ce qui est énorme.
04:53Donc, on est un marché en surproduction au niveau de la production de drogue
04:58et donc, effectivement, une baisse des prix au détail,
05:01comme tout système économique,
05:05avec une drogue qui rentre de plus en plus facilement sur le territoire.
05:08Mais c'est ce qui explique que ça se diffuse aussi sur l'ensemble du territoire
05:10et que ce ne soit plus cantonné, encore une fois, à ces places fortes
05:13qui étaient Marseille ou d'autres grandes métropoles ?
05:15Tout à fait. C'est aussi une logique.
05:18Vous avez des consommateurs qui augmentent, un nombre de consommateurs qui augmentent,
05:21un nombre d'usagers qui augmentent et qui sont répartis sur tout le territoire,
05:24pas forcément uniquement à Marseille, Paris, les grandes villes ou les périphéries urbaines.
05:28Paul, on évoquait Clermont-Ferrand, on parlait de Charles-le-Ville-Mézières,
05:31avec le maire de Charles-le-Ville-Mézières, on parle de villes moyennes ici
05:34et pas de grandes villes.
05:36L'OFAS, l'Office anti-stupéfiant, affirme qu'il n'y a plus aucune zone blanche en France
05:39et que la drogue est disponible partout.
05:41C'est une réalité aujourd'hui ?
05:42Oui, absolument. Ce qu'on observe, en tout cas, c'est que le trafic de stupéfiants,
05:45aujourd'hui, se répand à des villes qu'on n'imaginait pas à ce point touchées,
05:50les villes comme Clermont-Ferrand, vous l'avez cité, mais ça peut être aussi Besançon,
05:53Béziers, même Limoges, là, vous avez parlé de Charles-le-Ville-Mézières.
05:56Et ce qui arrive avec ce trafic, ce sont aussi les méthodes des narcotrafiquants,
05:59leur violence, les narcomicides, comme on les appelle aujourd'hui,
06:03les jambisations, vous savez, ce phénomène où vous allez cibler la bande rivale
06:07et vous allez leur tirer dans les jambes pour les impressionner, pour les effrayer.
06:11Et on peut dire que le banditisme des cités a vraiment dérivé vers un modèle quasiment mexicain.
06:17Alors, le ministre de l'Intérieur aime parler du phénomène de mexicanisation.
06:21En tout cas, il est vrai qu'on assiste à une hausse des homicides liés au narcotrafique
06:24qui touche même ces villes moyennes, mais aussi à une hausse des tentatives d'homicide,
06:28des tentatives d'enlèvement et de séquestration également.
06:31La solution, c'est quoi aujourd'hui pour ces petites villes moyennes ?
06:34En tout cas, ce que...
06:35Plus de CRS, plus de sécurité ?
06:37Ce que tente de mettre en place, en tout cas, le ministère de l'Intérieur,
06:39c'est une stratégie de harcèlement policier des points de deal.
06:41Et on voit que certains points de deal, en tout cas, reculent.
06:44On parlait de la ville de Clermont-Ferrand.
06:45Il y a quelques années, on dénombrait encore 12 points de deal à Clermont-Ferrand.
06:48Aujourd'hui, il n'y en a plus que 6.
06:50Dans les villes comme Marseille, les vagues d'arrestations qui ont frappé
06:54les deux clans rivaux, historiquement, Yoda et Desaides Mafia,
06:57ont aussi finalement atténué ces niveaux de violence
07:00parce que beaucoup des représentants de ces points de deal sont derrière les barreaux.
07:05Ce sont les stratégies aujourd'hui utilisées, c'est vraiment les réseaux qu'ils ciblent.
07:10Un dessous n'est mi-blanc, ce sont les mots qui sont employés par l'OFAST,
07:14l'Office anti-stupéfiants, dans ce rapport cet été,
07:18qui indique effectivement qu'il n'y a plus de zone blanche en France.
07:20Et on rappelle que le ministre de l'Intérieur reçoit en ce moment même le préfet
07:23du Puy-de-Mais qu'il pourrait envisager dans les jours qui viennent
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