"7 minutes pour comprendre" est le lieu de débat et d'approfondissement de "BFM Première" : chaque jour en direct, invités et experts répondent à la question du jour sur le plateau de Dominique Tenza et Perrine Storme.
00:008h12 sur BFM TV, alors que 850 000 enseignants font leur pré-rentrée ce vendredi, la sécurité des établissements s'impose comme l'un des enjeux majeurs cette année.
00:11Tout faire pour éviter que des couteaux ne se retrouvent à l'intérieur des établissements. Les mesures sont-elles efficaces ?
00:16Quelle est aujourd'hui l'ampleur de ce fléau ? 7 minutes maintenant pour tout comprendre.
00:21Notre invitée ce matin, Laure Déco, vous êtes la procureure de la République de Paris. Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:27Maxime Pate, professeure en lycée, Véronique Fèvre, journaliste éducation pour BFM TV qui nous accompagne.
00:33On va d'abord poser le débat avec vous Véronique. Elisabeth Borne a réitéré hier sa volonté de lutter contre, sans concession ce sont ces termes, contre les armes blanches.
00:43Quelle est l'ampleur du phénomène et quelles sont les mesures qui sont prises pour cette rentrée ?
00:47C'est un phénomène, il faut bien se souvenir, on le voyait autrement que ça, avant le Covid.
00:51Puis après le Covid, ça a explosé avec les drames qu'on a connus. Je rappelle la mort d'Agnès Lassalle, professeure d'espagnol à Saint-Jean-le-Luz.
00:57Et puis les trois mois derniers de l'année scolaire, deux morts, donc Lorraine à Nantes en avril et Mélanie en Haute-Marne en juin.
01:05Le ministère d'Éducation pourtant avait pris, dès le mois de mars, en organisant des fouilles devant les établissements scolaires, collèges, lycées.
01:13On en compte 10 000 à peu près. Il faut rappeler que les personnels d'éducation nationale ne sont pas habilités à fouiller dans les sacs des élèves.
01:20Et ça a été assez intensif. 6 257 opérations ont été menées, 364 armes blanches dans les sacs des élèves, une arme blanche pour 17 établissements.
01:32Et toutes ces découvertes ont donné lieu à des conseils de discipline et à des signalements aux procureurs.
01:37C'est la consigne. Ces opérations de dissuasion néanmoins qui ne peuvent suffire parce que Mélanie, elle est morte sous les coups de couteau d'un jeune garçon.
01:45Alors même que les gendarmes opéraient une fouille, alors le premier ministre François Bayrou avait suggéré des portiques, détecteurs de métaux.
01:53Mais tout le monde a évacué cette question parce que c'est impossible à mettre en œuvre.
01:57Et puis ça poserait d'autres problèmes de sécurité. En plus du coup, c'est surtout que ce serait un problème d'attroupement devant les établissements scolaires.
02:05Reste la pédagogie parce que que faire contre des armes qu'on trouve dans la cuisine ?
02:10La ministre de l'Éducation a aussi demandé à ce qu'il y ait des réunions dans tous les établissements, cette rentrée.
02:15Et puis on va veiller à la santé mentale avec des personnels formés pour détecter les élèves qui vont mal parce que c'est le point commun de ces drames.
02:21– Laure BQO, vous êtes procureure de la République de Paris. Je rappelle que vous avez aidé à mettre en place le plan anti-couteau à Paris.
02:27Il y a peut-être des parents qui nous regardent ce matin, la rentrée c'est dans trois jours, qui s'inquiètent de façon légitime.
02:33Quelle est la solution pour mettre un terme, si c'est possible, à ce fléau ?
02:39– Alors vous avez tout à fait raison d'évoquer les parents qui nous regardent parce qu'effectivement,
02:44dans la première étape de la prévention de ces phénomènes de port d'armes dans les établissements scolaires,
02:49il y a évidemment les parents et les échanges qu'ils peuvent avoir avec leurs enfants.
02:55Alors bien sûr, je dirais que ce qu'il faut voir, c'est que la manière de lutter efficacement
03:01contre ce phénomène qui augmente, c'est incontestable,
03:05c'est de mettre à distance cette espèce de fascination qu'ont les mineurs pour les armes.
03:11Il faut réinvestir en eux les phénomènes d'empathie, c'est-à-dire qu'ils pensent à autrui.
03:17Il faut aussi se dire et réfléchir, les adultes que nous sommes, à la société dans laquelle évoluent les mineurs.
03:25Parce que les mineurs ne sont finalement qu'une forme de papier buvard de ce que leur envoient les adultes.
03:31Et quelle société leur envoie-t-on à l'heure actuelle ?
03:33Une société d'images violentes, une société de réseaux sociaux violents,
03:37une société où le happy slapping, c'est-à-dire le fait de filmer les agressions,
03:42fait partie quelquefois de ce qui se passe lorsqu'il y a des phénomènes de rixes.
03:46Donc, lutter contre les ports d'armes et leurs usages,
03:51c'est évidemment faire un parcours qui, je dirais, impose ce que je qualifierais de mobilisation générale,
03:58mobilisation générale qu'on a essayé d'impulser à Paris par ce plan couteau auquel vous avez fait allusion.
04:04Pour trouver les solutions, il faut comprendre les causes aussi.
04:08Vous parlez de fascination pour les armes.
04:10À quoi vous attribuez l'explosion de ce phénomène ?
04:13Est-ce que vous dites qu'il y a une montée de la violence chez les jeunes qui est factuelle,
04:17que vous constatez, chiffre à l'appui ?
04:19Est-ce qu'il y a un phénomène de mode autour de ces couteaux ?
04:21Ou est-ce qu'il y a aussi, et on l'entend beaucoup chez les jeunes,
04:24un climat anxiogène et des jeunes qui disent
04:26« Moi, je prends un couteau pour me protéger parce que j'entends parler de ces attaques au couteau, etc. »
04:30J'entends parler de ce climat d'insécurité et du coup, je veux me défendre au cas où.
04:35Alors là, vous parlez des profils ou des circonstances dans lesquelles, je dirais,
04:40le mineur est plus large et plus spécifiquement l'adolescent.
04:43Puisqu'on constate ces phénomènes plutôt à compter des âges de 15 à 18.
04:49Avant, le phénomène est marginal.
04:51Alors, il y a déjà, soit on veut faire un peu la gloriole,
04:54et puis avoir ça dans son sac ou dans son cartable parce que ça fascine,
04:59soit parce qu'il y a une fascination morbide,
05:01et Madame, c'est ce que vous disiez, là, il faut interroger l'état psychiatrique de l'enfance,
05:06et puis soit, eh bien, il y a effectivement le fait qu'on a peur,
05:12et donc là, on se dit, on prend une arme pour se défendre,
05:16et dans le parcours de prévention, il faut évidemment expliquer que ce n'est pas la bonne solution.
05:21Et puis, il y a aussi le fait qu'on veut être entre pairs au sens P, A, I, R, S,
05:26et donc qu'on agrège des bandes, et là, on tombe dans les phénomènes de RICS.
05:30Et puis, il y a aussi, il faut aussi dire, des profils où l'arme est sortie
05:34parce que le mineur envisage de commettre un délit avec cette arme.
05:38Donc, ce qu'on doit dire lorsqu'on veut faire de la prévention,
05:41c'est le port d'armes, c'est ce qu'on appelle une infraction obstacle.
05:45Si elle existe, c'est pour empêcher que le plus grave se produise.
05:49On interdit les armes pour empêcher leur usage.
05:52Si on est harcelé, il faut avoir recours au personnel enseignant.
05:56Il faut le révéler.
05:58La bande et le quartier, il faut raisonner autrement.
06:01Il faut s'interroger sur la territorialité.
06:05Autrui, il faut penser l'empathie.
06:07Donc, il faut penser l'altérité.
06:08Et autant d'éléments qu'on fait en matière de prévention.
06:11Et bien sûr, il y a répression quand il s'agit d'avoir répression.
06:15Alors, justement, la ministre de l'Éducation a également annoncé
06:17une multiplication des fouilles à l'entrée des établissements.
06:21Maxime Pate, vous êtes professeur en lycée.
06:22Vous avez déjà assisté à ces fouilles.
06:24Est-ce qu'elles sont véritablement efficaces ?
06:27Ou est-ce qu'elles ne devraient pas avoir lieu, finalement, quasiment tous les jours
06:29pour être sûr de protéger à 100% ?
06:31Oui, alors, c'est marquant.
06:33Ça va impressionner autant d'ailleurs les personnels que les élèves.
06:36Mais je rebondissais sur ce que vous disiez à l'instant,
06:39justement sur le profil d'un élève qui a l'intention
06:41de commettre quelque chose au sein de son établissement.
06:45Là, c'est très difficile.
06:46Par exemple, je vois les établissements par lesquels je suis passé.
06:48Ce qui entoure un établissement scolaire, ce sont des grilles.
06:51Si quelqu'un veut faire passer un couteau ou quelque chose à travers les grilles
06:55et le récupérer dans l'herbe, c'est possible.
06:58En gros, s'il est motivé, il y parviendra quoi qu'il arrive.
07:01Bien entendu.
07:02Régulièrement, on entend des choses qui passent à travers des grilles d'établissement,
07:06que ce soit par exemple pour des balles de fin d'année
07:08où ils n'ont pas le droit d'apporter certaines choses.
07:09On voit qu'ils finissent par les apporter parce qu'ils passent ça à travers la grille.
07:14Donc ça, c'est compliqué.
07:15Et vous, de par votre position d'enseignant, les solutions qui pourraient être apportées
07:20pour lutter contre ce phénomène ?
07:22On le disait tout à l'heure, les mesures qui ont été annoncées par Elisabeth Borne,
07:25traduction au conseil de discipline, signalement au procureur, ces fouilles.
07:28Est-ce que vous dites que ce n'est pas suffisant ?
07:31Est-ce que…
07:32Mais c'est un vrai problème sociétal.
07:34Je veux dire, bien sûr que l'éducation, nous, on a un rôle à jouer
07:38d'en sensibiliser les élèves au quotidien à ces nouvelles formes de violence
07:42et à cette forme de banalisation de la violence.
07:45Mais c'est un problème sociétal.
07:46Vous voyez en permanence circuler des vidéos où il y a des attroupements autour.
07:51On veut voir ce qui s'est passé.
07:53Et puis finalement, l'acte même odieux en lui-même qui a été commis, c'est global.
07:57Alors oui, des mesures sécuritaires, pourquoi pas, dans des établissements.
08:01Faire de la pédagogie, oui.
08:03Mais c'est un problème beaucoup plus global qui, même j'ai envie de vous dire,
08:06que je suis désolé d'être un peu pessimiste, mais même qui nous échappe quelque part.
08:09Mais c'est un problème de société, c'est ce que vous disiez tout à l'heure.
08:11C'est le reflet de notre société.
08:12Moi, ce que j'ai envie de vous dire, au regard des chiffres parisiens,
08:15des poursuites et des déferments qu'on fait à Paris,
08:17parce qu'il faut savoir que tout mineur trouvé en possession d'une arme est déféré.
08:22Et alors, soit il est déféré pour ce qu'on appelle des mesures alternatives,
08:26c'est-à-dire des mesures de stage, dits de citoyenneté,
08:29où on travaille toutes les notions que j'ai évoquées aujourd'hui,
08:32soit pour des poursuites, selon le contexte de la découverte du port d'armes
08:36et de la personnalité.
08:37Mais ça fait, sur les ports d'armes, 11% de mes mises en cause sont mineures seulement.
08:43Le reste sont des poursuites pour des majeures.
08:46Donc, encore une fois, interrogeons-nous sur globalement ce que la société renvoie,
08:51en quoi, dans les profils, par exemple, sont un maximum de garçons,
08:55en quoi le port d'armes renvoie un phénomène de puissance, de virilité.
09:02Et tout ça, c'est la société qui doit s'interroger là-dessus.
09:06Et je prendrai un exemple récent, dont tout le monde a entendu parler,
09:09la fascination sur la violence.
09:11Regardez ce streamer qui est mort en direct.
09:13Jean-Paul Baneuf s'est fait, effectivement, mort en direct.
09:16Les mineurs vivent aussi dans ce constat que, pas seulement eux, ont regardé ces images.
09:21Et on a bien compris le message que vous nous disiez passé tout à l'heure.
09:23La pédagogie aussi, la discussion entre les parents et les enfants,
09:26c'est peut-être l'une des clés qui permettra, un jour, peut-être, de résoudre ce fléau.
Écris le tout premier commentaire