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  • il y a 7 semaines
Avec Vincent Cespedes, philosophe et essayiste
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##LA_PETITE_PHILO_DE_L_ETE-2025-08-09##

Catégorie

Personnes
Transcription
00:00Sud Radio, la petite philo de l'été, Vincent Céspedes.
00:05Bonjour Vincent.
00:06Bonjour Laurence.
00:07Philosophe, essayiste, auteur de la Société de la Travaillison, c'est chez Alba Michel.
00:12Alors mon cher Vincent, pour ce nouveau numéro de la petite philo de l'été,
00:16vous vouliez parler des quartiers d'été, qu'on voit un petit peu partout fleurir aussi bien dans les villages et dans les cités.
00:23Mais là, ce qui est intéressant aussi, c'est que cet été revient l'opération Nos Quartiers d'été.
00:27Pourquoi Nos Quartiers d'été ?
00:30C'est une façon de rester sur notre lieu tout en voyageant en fait.
00:35Parce que ce que je vais vous dire, Laurence peut choquer, ceux qui ne partent pas sont les vrais vacanciers pour moi.
00:41Pas par choix, pas par choix souvent, mais évidemment parce que leur vécu, leur expérience,
00:49les font toucher à quelque chose de plus vrai, de plus dense.
00:54Les sociologues comme Jean Villard l'ont montré depuis longtemps,
00:57les vacances ne sont pas juste un déplacement, ce sont une institution, c'est une institution sociale,
01:04un privilège conquis au XXe siècle qui devient aujourd'hui un marqueur de classe.
01:09Partir est un code, il dit quelque chose de votre réseau, de votre capital, de vos moyens.
01:14Et aujourd'hui, ce code exclut.
01:16Un tiers des Français ne part pas et la tendance grimpe.
01:19Mais voilà le paradoxe.
01:21Ceux qui restent peuvent vivre un été plus libre.
01:24Pourquoi ? Parce qu'ils sont plus disponibles,
01:26moins contraints par les injonctions de la performance estivale.
01:30Bronzer, poster, consommer, optimiser son temps libre comme un mini-stage intensif de bonheur.
01:35Quand une scène pousse un quartier, qu'un film est projeté sur un mur d'école,
01:41il se passe autre chose, un événement qui ne s'achète pas.
01:44C'est là qu'un philosophe peut nous aider, un philosophe que j'adore, qu'on oublie, Henri Lefèvre.
01:49Dans les années 60, Henri Lefèvre parlait du droit à la ville.
01:53Il disait, ce n'est pas seulement habiter un endroit,
01:56c'est avoir le droit de l'imaginer autrement,
01:59le transformer, même provisoirement, en lieu de fête, de culture et de sens.
02:04C'est exactement ce que fait l'opération Nos Quartiers d'été.
02:08Elle ne comble pas un manque, ça ce serait condescendant,
02:12elle rend visible un autre usage du territoire,
02:14plus doux, plus lent, plus collectif, et peut-être plus essentiel.
02:19Rester, c'est alors pas subir, c'est s'inventer d'autres possibles.
02:22Quand on n'a pas les moyens de partir, on crée les moyens de vibrer.
02:26En tout cas, ça peut peut-être rassurer ou consoler certains oubliés des vacances,
02:30comme vous le dites, c'est plus subi que...
02:34que choisit.
02:35Vous voulez dire que quoi ?
02:36Que l'été, c'est plus privilège et vacances, en fait, c'est ça ?
02:39En fait, il faut rappeler une évidence qu'on oublie trop souvent.
02:43Dans les quartiers, la culture ne tombe jamais par hasard.
02:46Elle arrive ou elle n'arrive pas.
02:48Et quand elle arrive, elle change tout.
02:50Ce n'est pas juste une question d'animation,
02:52c'est une question de place.
02:54La place qu'on pense avoir dans la société.
02:56Le sociologue Pierre Bourdieu, que vous connaissez, Laurence, l'a très bien montré.
03:01Ceux qui ont grandi avec des livres, des musées, des concerts,
03:04pensent naturellement que la culture, c'est pour eux.
03:07Ce n'est pas qu'ils sont plus intelligents, c'est qu'ils ont été habitués.
03:10La culture leur semble familière.
03:12Mais pour d'autres, la culture peut sembler étrangère, intimidante, réservée aux autres.
03:17Et ça, ça enferme.
03:18Pas physiquement, symboliquement.
03:20Ça crée l'impression que certains ont le droit à l'art
03:23et d'autres, juste au bruit.
03:25Alors, quand une scène est installée sur une place,
03:27quand un comédien joue dans une cour d'école,
03:29quand un écran s'allume entre deux immeubles, ça change la donne.
03:33C'est comme si on disait, ici aussi, ça peut exister.
03:36Et ça, ce n'est pas festif au lieu d'être solidaire,
03:40c'est festif parce que c'est solidaire.
03:42C'est ça le vrai luxe aujourd'hui,
03:43se sentir légitime de vibrer, de s'émouvoir, de comprendre, de rêver.
03:49Pas dans un château, mais dans son quartier, avec ses voisins.
03:52C'est ça.
03:52Un droit à partager, comme vous dites,
03:54et pas un luxe réservé toujours au même.
03:56Alors, comment ça peut transformer aussi notre quotidien estival,
03:59même sans partir, que l'on habite dans les cités, les quartiers ou les villages ?
04:03Quand on ne part pas, on pourrait croire que les jours s'étirent tous pareils,
04:07comme un long dimanche sans fin.
04:10Mais dès qu'il y a de la culture, le temps se recompose.
04:13Il y a un avant le concert, un pendant le concert, un après le concert,
04:17des souvenirs, des rendez-vous, des surprises.
04:20Et ça suffit à redonner du rythme, de la densité, du sens.
04:24Je regardais des gens qui dansent près de chez moi,
04:26place de la République à Paris, qui dansent du tango.
04:29Ils mettent leurs petites enceintes et il y a du tango et des couples dansent.
04:33Et je demandais à la femme, alors vous ne partez pas en vacances,
04:36elle m'a fait cette réponse extraordinaire, Laurence.
04:38Ce n'est pas parce qu'on ne part pas qu'on ne va rien vivre, je le redis.
04:43Ce n'est pas parce qu'on ne part pas qu'on ne va rien vivre.
04:45Et c'est ça, en fait, l'effet.
04:48On ne consomme pas un été local, on le fabrique.
04:51Et vous savez, Laurence, ce qui se change aussi, c'est la relation à l'espace.
04:56Quand quelque chose d'inattendu surgit près de chez vous,
04:59un spectacle, un atelier, une lecture, ça crée de la mémoire collective.
05:04Pas la grande histoire, non, la petite, celle qui relie.
05:07Et tout le monde y gagne, pas seulement les habitants,
05:09mais aussi les artistes, les bénévoles, les passants.
05:12On n'a pas besoin d'aller ailleurs pour vivre autre chose,
05:15juste d'un événement pour vivre autrement.
05:17Alors, vous parlez d'énergie citoyenne estivale, quelque part, pour ce qui reste.
05:21Exactement.
05:22Qu'est-ce qu'on en fait ? Alors, comment on peut la prolonger ?
05:25Si on veut être un peu provocant, on peut dire ceci.
05:27L'été populaire n'est pas une parenthèse, c'est une proposition de société.
05:32Ce qu'on voit dans ces quartiers d'été, entraide, débrouille, fêtes collectives, inventions joyeuses,
05:38ce n'est pas du bonus.
05:39C'est peut-être le laboratoire de ce qu'il faudrait faire toute l'année.
05:42Pendant trois mois, on voit des gens qui s'organisent, qui créent, qui transforment leur cadre,
05:48qui, comment dire, sans attendre les ministères, qui changent leur vie sans les applis, sans rien d'autre.
05:54Des habitants qui deviennent artistes, des passants qui deviennent publics, des rues qui deviennent des lieux.
05:59Et si c'était ça la vraie écologie sociale ?
06:02Pas seulement des gestes verts, mais des gestes chauds, des liens, des usages communs,
06:07des faits qui apprennent à se parler, et surtout une démocratie sensible.
06:11Pas des débats théoriques, mais des actions concrètes, qui redonnent de la présence, de la parole, du désir.
06:17Alors la question, ce n'est pas comment prolonger l'été, c'est comment prolonger cette intelligence collective,
06:22cette capacité à faire avec peu, à faire ensemble, à faire autrement.
06:26Il y a plus d'avenir, selon moi, Laurence, dans une cour d'école bien animée, que dans un conseil d'administration.
06:32Le problème, ce n'est pas que l'été s'arrête, c'est que le reste de l'année oublie ce qu'il nous a appris.
06:39Et voilà, c'est la petite philo de l'été avec un philosophe écheilliste qui ne prend pas de vacances, d'ailleurs.
06:44Exactement.
06:44Qui reste en ville pour vivre la ville.
06:47Chez moi, à Paris, et dans la vie.
06:49Et dans la vie. Merci beaucoup, mon cher Vincent.
06:51Merci, Laurence.
06:52Et on vous retrouve bien sûr le week-end prochain.
06:53A bientôt, merci.
06:55Avec joie.
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