Chapitre 4 – Dans lequel Phileas Fogg stupéfie Passepartout, son domestique (Le Tour du monde en 80 jours) Dans ce chapitre étonnant, Phileas Fogg annonce soudainement à son nouveau domestique, Passepartout, qu’ils partent faire le tour du monde en 80 jours. Le pauvre valet, qui croyait avoir trouvé une vie calme à Londres, est totalement stupéfait par cette décision inattendue ! Bagages, horaires, départ précipité… C’est le début d’une aventure extraordinaire, pleine de surprises et de défis.
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00:00Le tour du monde en 80 jours de Jules Verne, chapitre 4
00:05Dans lesquels Phileas Fogg stupéfie Passepartout, son domestique.
00:12A 7h25, Phileas Fogg, après avoir gagné une vingtaine de Guinées au Wist,
00:18prit congé de ses honorables collègues et quitta le Reform Club.
00:22A 7h50, il ouvrait la porte de sa maison et rentrait chez lui.
00:26Passepartout, qui avait consciencieusement étudié son programme,
00:32fut assez surpris en voyant M. Fogg, coupable d'inexactitude, apparaître à cette heure insolite.
00:39Suivant la notice, le locataire de Savile Row ne devait rentrer qu'à minuit précis.
00:46Phileas Fogg était tout d'abord monté à sa chambre, puis il appela « Passepartout ? »
00:52Passepartout ne répondit pas. Cet appel ne pouvait s'adresser à lui.
00:57« Ce n'était pas l'heure. »
00:59« Passepartout ! » reprit M. Fogg, sans élever la voix davantage.
01:04Passepartout se montra.
01:06« C'est la deuxième fois que je vous appelle, » dit M. Fogg.
01:10« Mais il n'est pas minuit, » répondit Passepartout.
01:13« Ça montre à la main. »
01:15« Je le sais, » reprit Phileas Fogg.
01:17« Et je ne vous fais pas de reproches. Nous partons dans dix minutes pour Douvres et Calais. »
01:24Une sorte de grimace s'ébaucha sur la ronde face du français. Il était évident qu'il avait mal entendu.
01:30« Monsieur se déplace ? » demanda-t-il.
01:33« Oui, » répondit Phileas Fogg. « Nous allons faire le tour du monde. »
01:38Passepartout, l'œil démesurément ouvert, la paupière et le sourcil surélevés, les bras détendus, le corps affaissé, présentaient alors tous les symptômes de l'étonnement poussé jusqu'à la stupeur.
01:50« Le tour du monde ? » murmura-t-il.
01:55« En quatre-vingts jours, » répondit M. Fogg. « Ainsi, nous n'avons pas un instant à perdre. »
02:01« Mais il est mal, » dit Passepartout, qui balançait inconsciemment sa tête de droite et de gauche.
02:07« Pas de mal. Un sac de nuit seulement. Dedans, deux chemises de laine, trois paires de bas. Autant pour vous. Nous achèterons en route. »
02:17« Vous descendrez mon Macintosh et ma couverture de voyage. Ayez de bonnes chaussures. D'ailleurs, nous marcherons peu ou pas. Allez. »
02:26Passepartout aurait voulu répondre. Il ne put. Il quitta la chambre de M. Fogg, menta dans la sienne, tomba sur une chaise et employant une phrase assez vulgaire de son pays.
02:36« Ah, bien, » se dit-il, « elle est forte, celle-là. Moi qui voulais rester tranquille. »
02:44Et machinalement, il fit ses préparatifs de départ.
02:48« Le tour du monde en quatre-vingt jours. Avait-il affaire à un fou ? Non. C'était une plaisanterie. »
02:56« On allait à Douvres, bien. À Calais, soit. Après tout. Cela ne pouvait notablement contrarier le brave garçon qui, depuis cinq ans, n'avait pas foulé le sol de la patrie.
03:06Peut-être même irait-on jusqu'à Paris. Et ma foi, il reverrait avec plaisir la grande capitale. Mais certainement, un gentleman aussi ménagé de ses pas s'arrêterait là.
03:18Oui, sans doute. Mais il n'en était pas moins vrai qu'il partait, qu'il se déplaçait, ce gentleman si casanier jusqu'alors. »
03:28À huit heures, Passepartout avait préparé le modeste sac qui contenait sa garde-robe et celle de son maître.
03:35Puis, l'esprit encore troublé, il quitta sa chambre, dont il ferma soigneusement la porte, et il rejoignit M. Fogg.
03:41M. Fogg était prêt. Il portait sous son bras le Bradshaw's Continental Railway Steam Transit and General Guide, qui devait lui fournir toutes les indications nécessaires à son voyage.
03:55Il prit le sac des mains de Passepartout, l'ouvrit, et y glissa une forteliasse de ses belles banknotes qui ont cours dans tous les pays.
04:01« Vous n'avez rien oublié ? » demanda-t-il. « Rien, monsieur. Mon Macintosh et ma couverture ? Les voici. Bien, prenez ce sac. »
04:14M. Fogg remit le sac à Passepartout. « Et ayez-en soin, » ajouta-t-il. « Il y a vingt mille livres dedans. » « Cinq cents mille francs. »
04:23Le sac faillit s'échapper des mains de Passepartout, comme si les vingt mille livres eussent été en or et pesés considérablement.
04:29Le maître et le domestique descendirent alors, et la porte de la rue fut fermée à double tour.
04:37Une station de voiture se trouvait à l'extrémité de Saville Row.
04:41Phileas Fogg et son domestique montèrent dans un cab qui se dirigea rapidement vers la gare de Sharing Cross,
04:46à laquelle aboutit un des embranchements du South Eastern Railway.
04:50À huit heures vingt, le cab s'arrêta devant la grille de la gare. Passepartout sauta à terre, son maître le suivit et payait le cocher.
04:57En ce moment, une pauvre mendiante, tenant un enfant à la main, pieds nus dans la boue,
05:04coiffée d'un chapeau dépenaillé auquel pendait une plume lamentable,
05:08un châle en loque sur ses haillons, s'approcha de M. Fogg et lui demanda l'aumône.
05:15M. Fogg tira de sa poche les vingt guinées qu'il venait de gagner au whist,
05:19et les présentant à la mendiante.
05:22« Tenez, ma brave femme, dit-il, je suis content de vous avoir rencontré. »
05:27Puis il passa.
05:29Passepartout eut comme une sensation d'humidité autour de la prunelle.
05:33Son maître avait fait un pas dans son cœur.
05:37M. Fogg et lui entrèrent aussitôt dans la grande salle de la gare.
05:40Là, Phileas Fogg donna à Passepartout l'ordre de prendre deux billets de première classe pour Paris.
05:45Puis se retournant, il aperçut ses cinq collègues du Reform Club.
05:51« Messieurs, je pars, dit-il,
05:54et les divers visas à poser sur un passeport que j'emporte à cet effet
05:58vous permettront au retour de contrôler mon itinéraire. »
06:02« Oh, M. Fogg, répondit poliment Gautirolf, c'est inutile.
06:08Nous nous en rapporterons à votre honneur de gentleman. »
06:11« Cela vaut mieux ainsi, dit M. Fogg.
06:13« Vous n'oubliez pas que vous devez être revenu, » fit observer Andrew Stewart.
06:18« Dans quatre-vingts jours, » répondit M. Fogg.
06:22« Le samedi 21 décembre 1872, à 8h45 du soir. »
06:29« Au revoir, messieurs. »
06:31« À 8h40, Phileas Fogg et son domestique prirent place dans le même compartiment. »
06:38« À 8h45, un coup de sifflet retentit, et le train se mit en marche. »
06:44La nuit était noire. Il tombait une pluie fine.
06:48Phileas Fogg, à côté dont son coin ne parlait pas.
06:52Passepartout, encore abasourdi, pressait machinalement contre lui le sac aux banknotes.
06:58Mais le train n'avait pas dépassé Sydenham, que Passepartout poussait un véritable cri de désespoir.
07:03« Qu'avez-vous ? » demanda M. Fogg.
07:07« Il y a que, dans ma précipitation, mon trouble, j'ai oublié... »
07:16« Quoi ? »
07:17« D'éteindre le bec de gaz de ma chambre. »
07:21« Eh bien, mon garçon, » répondit froidement M. Fogg, « il brûle à votre compte. »
07:28Fin du chapitre 4
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