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Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 6 juin 2025 : l'auteur, compositeur et interprète Vincent Delerm. Son huitième album, "La fresque" sort aujourd'hui.

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Transcription
00:00Bonjour Vincent Delarme. Bonjour.
00:02Vous avez poussé non pas votre premier cri, mais votre première déclamation à la naissance,
00:06tant le verbe et les mots vous ont bercé déjà dans le ventre de votre mère.
00:10Vous avez plus tard réussi à associer quand même Truffaut et la littérature dans votre maîtrise.
00:14C'est dire si votre passion pour celles et ceux qui, de par leurs plumes, vous ont fait voyager, aimer, grandir, fait vibrer et grande.
00:21Pour conclure sur cette évidence, je me permets de préciser que vous avez donné votre premier concert à Rouen, dans la salle Ronsard,
00:25et d'ajouter qu'effectivement, ce poète a fait partie de celles et ceux qui vous ont offert une renaissance que vous avez choisie à travers la musique.
00:33Votre rencontre avec le public a eu lieu avec le spectacle La Mauvaise Compagnie présente Vincent
00:39et à l'issue de cette belle présentation, l'artiste que vous êtes fut.
00:44C'est François Morel qui a été le premier à y croire, puis Thomas Fersen, puis d'autres après,
00:49au point d'ailleurs que vous avez reçu une victoire de la musique dès la sortie de votre premier album.
00:52Aujourd'hui, c'est accompagné de votre petit dernier, le huitième, pour être précise que vous vous êtes présenté à France Info.
00:58La fresque, c'est son titre, est un portrait sans fioriture ni paillettes.
01:02Autant de l'homme finalement que de l'artiste que vous êtes et du monde qui vous entoure et vous inspire.
01:07Cet album, c'est vous aujourd'hui, c'est comme ça qu'on le ressent, soit 23 ans après vos débuts.
01:12Et ce qui s'entend, Vincent, c'est votre sérénité.
01:15Est-elle vraiment présente ? Existe-t-elle autant qu'on l'entend sur cet album ?
01:19Je ne saurais pas trop dire ça, mais c'est drôle que cette idée que cet album, ce soit moi,
01:24parce que c'est vraiment le point de départ, c'est l'idée de parler essentiellement des autres.
01:28Mais c'est sûr que c'est forcément aussi sous l'angle de savoir comment les autres vous fabriquent,
01:33comment vous voulez un peu les imiter, comment vous voulez leur plaire, les idoles qu'on a pu avoir.
01:37Et la façon dont on finalement, même quand on a l'impression d'avoir une personnalité propre,
01:42on est quand même très très fabriqués par tous ces gens autour de nous.
01:46C'est forcément un truc auquel on pense souvent quand on fait des chansons,
01:49parce que, ne serait-ce que dans ce que vous avez dit, que Thomas Fersen et Morel m'avaient aidé,
01:54ce qui est très vrai, mais dans le même temps aussi beaucoup de gens anonymes
01:56qui m'ont un peu porté à bout de bras, mais quand même un petit peu.
02:00Et c'est normal, on retient ceux qui sont identifiés.
02:02Et d'une façon générale, quand on fait des albums, on a sa tête à soi en gros sur le disque,
02:07mais on sait très bien que derrière, il y a plein de gens.
02:08C'est ce qu'on entend dans les discours de récompense au Victoire de la Musique,
02:11mais c'est souvent un peu abstrait.
02:13Mais pour nous, c'est très concret, que ce soit les équipes qui travaillent pour la Maison de Dix,
02:17les équipes techniques en tournée, les amis qui vous redonnent un peu de confiance
02:22les soirs où c'est moins bien.
02:24Et donc, voilà, c'était un peu le moment d'évoquer un peu les autres en général.
02:28Dans le titre « Plaire, vous chantez, j'ai espéré cette histoire vous plaire pour vue »
02:31et c'était comme une manière de dire aux autres dans cette lumière « Vous m'avez plu ».
02:34Vous adoptez une écriture poétique romantique, la plume est acérée finalement,
02:38elle est beaucoup plus assumée qu'avant.
02:41Les mots sont-ils aussi finalement responsables de cette libération émotionnelle,
02:46entre guillemets, qui est arrivée au fil du temps ?
02:49Disons que, en fait, quand j'ai commencé,
02:52sur mon premier album, il y a des chansons qui étaient vraiment des trucs très faits pour la scène,
02:57qui étaient presque, pas à la limite du stand-up, mais la chanson sur les beaux-parents,
03:00c'était presque un texte que je pouvais dire sur scène sans musique,
03:03et j'avais envie de faire un peu rire avec les albums aussi, avec les chansons.
03:06Et au fur et à mesure du temps, j'ai un peu choisi que les albums soient peut-être plus,
03:11voilà, moins dans ce sourire-là, de garder ça beaucoup pour la scène,
03:15parce que j'essayais toujours que la salle se marre quand je fais les concerts,
03:17et c'est hyper nécessaire, surtout quand on veut faire aussi passer des fois des choses qui ne sont pas drôles.
03:21Mais sur les albums, oui, dans l'écriture, plus ça va,
03:24plus je me dis que c'est un endroit où on peut se permettre d'avoir une écoute
03:28et d'avoir des phrases comme celle que vous venez de citer,
03:30qui est un peu tordue d'une certaine manière,
03:33pour dire un truc qui est très basique,
03:35qu'on a hyper envie de plaire aux gens,
03:38parce que les autres nous plaisent et qu'il y a cette attirance.
03:40Et c'est vrai que souvent aussi, quand on fait des chansons,
03:42il y a bizarrement des sujets qui ne sont pas très chansons.
03:45Ça, par exemple, l'envie de plaire,
03:48c'est plus un sujet de nouvelles ou d'un court-métrage.
03:52Ça fait peur d'ailleurs d'avoir envie de plaire ?
03:55Déjà, quand on fait de la scène et quand on fait des métiers comme ça,
03:58c'est sûr qu'il y a un petit truc à psychanalyser
04:01dans l'envie d'embarquer les gens.
04:03Ce n'est pas très naturel de s'avancer sur une scène devant 800 personnes
04:07ou devant 200 personnes
04:09et de réclamer le fait d'être écouté.
04:13Mais moi, je trouve ça vraiment, justement,
04:14au-delà de ce métier, je trouve ça hyper vivifiant,
04:18cette idée que les êtres humains ont quand même plutôt,
04:21même ceux qui ont l'air bougons,
04:22qui ont l'air de jamais chercher à séduire et tout ça.
04:25Finalement, si quelqu'un vous dit
04:26« Ah, il y a une soirée, il y a trois semaines,
04:29il y a un mec qui ne te connaissait pas,
04:30qui a discuté avec toi,
04:31il a vachement aimé comment tu étais »,
04:32ça nous fait toujours un effet très fort.
04:35Et c'est les choses qui nous font le plus vibrer,
04:37quand même beaucoup plus,
04:38que de manger dans un relais château.
04:41Vous parlez des silences, justement,
04:42de l'importance des personnes qui savent entendre nos silences
04:44et les comprendre.
04:46Quelle place ils occupent ces silences dans notre vie ?
04:49Oui, il y a pas mal de choses dans votre question
04:51et dans cette chanson,
04:52parce que c'est vraiment,
04:53c'est sûr que l'idée d'intensité,
04:55elle est finalement,
04:56souvent on est un peu habitué à classifier les émotions en...
05:00Bon, il y a plein de sous-divisions,
05:01mais bon, il y en a quand même une qui est permanente,
05:03qui est genre les émotions positives
05:05et les émotions négatives,
05:06la tristesse, la joie et tout ça.
05:07Et je trouve que finalement,
05:09ce qui importe plus le temps passe,
05:11plus je me dis ça,
05:12c'est les moments où on vit un truc fort,
05:14c'est-à-dire être paumé dans une forêt à huit ans et demi
05:16et la nuit qui tombe,
05:17c'est pas tellement un souvenir agréable,
05:19mais c'est un souvenir qui va être très intense
05:21et toute votre vie,
05:23à chaque fois qu'il y aura un truc du même genre,
05:25ça va vous revenir.
05:26Et être traversé par ces choses-là,
05:28c'est sûr que c'est important.
05:30Et en effet,
05:31il y a une catégorie de gens
05:33qui a l'habitude de parler très fort,
05:35de tout commenter,
05:36d'avoir un avis sur tout.
05:38Et évidemment, mécaniquement,
05:39cette catégorie-là,
05:40on l'entend pas mal,
05:41parce qu'elle tombe beaucoup
05:42dans les algorithmes Instagram.
05:44Et puis, il y a des gens
05:45qui sont très forts pour tout théoriser.
05:47Et puis, il y a aussi beaucoup de gens
05:47qui vivent des choses très intenses,
05:50mais sans chercher forcément
05:51à les reformuler tout de suite
05:53et qui gardent le silence
05:55et qui restent à leur place aussi,
05:57tout simplement,
05:57qui se disent,
05:57bon, je ne suis pas sûr
05:58que mon avis ait un énorme intérêt.
06:02Et moi, c'est sûr
06:03que ça m'a toujours touché,
06:04parce que savoir rester à sa place,
06:06c'est une preuve
06:08de bonne conscience des choses.
06:10Et puis, c'est aussi le symptôme
06:12de les gens qui aiment lire des livres,
06:14par exemple,
06:14c'est vrai que c'est ça
06:16qui est frappant.
06:18C'est que c'est le fait
06:19de se mettre dans une histoire
06:20qui n'est pas la vôtre,
06:21de rentrer,
06:22d'être capable
06:23de s'oublier un peu
06:24soit le temps d'une lecture
06:27ou le temps de voir un film
06:28ou le temps d'aller voir un concert.
06:29C'est finalement
06:30très, très anachronique
06:32par rapport à tout ce qui se passe
06:33dans notre époque
06:33où chaque personne est incitée
06:35à donner tout de suite son avis,
06:37à commenter dans l'instant,
06:39à tweeter,
06:40machin.
06:40Et là,
06:41voilà,
06:42donc ces gens un peu silencieux,
06:44oui, c'est sûr,
06:44c'est touchant.
06:45L'amour reste au cœur
06:46de cet album.
06:47Il y a Lonesome.
06:48Est-ce que vous êtes
06:48un Lonesome cow-boy ?
06:49Est-ce que vous avez
06:50un côté Lucky Luke,
06:51c'est-à-dire ce cow-boy
06:52très cool
06:52mais qui finalement
06:54observe le monde
06:54et se laisse un peu
06:56de temps en temps
06:56attraper par la vie ?
06:58Il n'est pas souvent amoureux,
06:59Lucky Luke.
07:00C'est sûr que ce n'est pas son enjeu.
07:01Non, mais on sent
07:02qu'il y a quand même
07:02toujours un petit truc.
07:04Oui, c'est vrai.
07:04Non, mais après,
07:05oui, c'est sûr que
07:06le sentiment amoureux,
07:07ça m'a beaucoup guidé
07:09dans beaucoup de textes
07:10de chansons
07:10et notamment
07:11les amours de ville.
07:12Comme ça, effectivement,
07:13cette idée de traverser
07:14la ville en courant
07:15pour rejoindre quelqu'un.
07:16Là, en l'occurrence,
07:18peut-être les années
07:19ayant passées,
07:20c'est plus un tempo
07:21de marche à pied
07:21que de course.
07:22Mais dans cette chanson,
07:23en tout cas,
07:23j'aimais bien cette idée
07:24effectivement d'un truc
07:25très épique,
07:26de quitter une soirée
07:27avec plein de monde
07:28et puis traverser la ville
07:29en solitaire
07:29et puis de rejoindre
07:30une personne toute seule.
07:31Donc de quitter un groupe,
07:32puis d'être tout seul
07:33puis de retrouver quelqu'un
07:33et d'être à deux.
07:35Parce que, voilà,
07:36c'est la même chose
07:36que ce qu'on disait tout à l'heure.
07:37Il n'y a pas que des gens
07:38tout seuls
07:38ou des gens qui sont
07:39tout le temps en bande.
07:40Il y a ce mélange permanent
07:42et le fait de mettre...
07:45C'est vrai que ce qui compte
07:46pour moi,
07:46c'est de célébrer les choses.
07:47C'est de se dire
07:48c'est quand même pas rien.
07:50C'est assez génial
07:50quand tu es dans une soirée
07:51et que tu danses avec tout le monde
07:52mais c'est quand même
07:52assez super aussi
07:53le moment où tu retrouves
07:54le froid dans la rue
07:55où tu sens que tu as
07:56un peu trop bu
07:57et puis tu rentres chez toi
07:58et tu te dis
07:58finalement je vais y aller à pied
08:00et tu traverses Paris
08:01et toutes ces choses-là
08:03c'est sûr que...
08:04Là j'ai mis une musique
08:05qu'on a voulu faire
08:07très cow-boy
08:08et très morriconne
08:09et très épique
08:09parce que souvent
08:12les gens ont un peu
08:13l'habitude de penser
08:13que leur vie
08:14elle n'est pas...
08:15Enfin, je crois qu'ils ne le pensent
08:16pas vraiment
08:17mais si vous leur posez la question
08:18ils vont vous dire
08:18oui, moi tu sais
08:19c'est pas très passionnant
08:20c'est toujours un peu pareil
08:21j'ai toujours cette histoire
08:22avec ce mec là
08:23bon je ne sais pas
08:23ce que ça va devenir
08:24et ils bradent un peu ça
08:26comme ça
08:26alors qu'au fond d'eux
08:27ils trouvent ça vraiment
08:28très important
08:29et pour eux
08:29c'est très intense
08:30donc je trouve que
08:32les musiques de film
08:32elles agissent souvent comme ça
08:34elles donnent une sorte
08:35de gradation
08:36d'importance
08:37à des émotions simples
08:38mais c'est aussi
08:40le moyen de se rendre compte
08:40quelles sont
08:41ces émotions-là
08:42finalement
08:43elles sont quand même
08:44selon moi
08:45plus spectaculaires
08:46que le fait de se suspendre
08:47à un fil d'acier
08:48au-dessus du Stade de France
08:49Pendant longtemps
08:50vous interrogez
08:51sur vous-même
08:51comme un personnage
08:52avec un système
08:54de monologue intérieur
08:55là ce qui
08:56qui ressort dans cet album
08:57La Fresque
08:58c'est que ce monologue intérieur
08:59il est devenu un dialogue
09:00avec l'auditeur
09:01avec celles et ceux
09:02qui vous écoutent
09:04est-ce que c'est pas ça
09:04qu'il faut retenir
09:05de cet album
09:05La Fresque ?
09:07je ne saurais pas trop dire ça
09:08je ne suis pas très bon
09:08pour ces trucs-là
09:09mais après
09:10c'était un peu
09:11une illusion aussi
09:13parce que finalement
09:14même
09:14le deuxième disque
09:15une chanson comme
09:16Natation synchronisée
09:17qui avait un peu
09:18ce sujet-là
09:18c'est-à-dire
09:19on a eu l'impression
09:20qu'on était chacun
09:21dans notre histoire
09:22et puis en fait
09:23on a vécu plein de trucs
09:23en parallèle
09:24et pendant tout ce temps-là
09:26on faisait de la natation
09:27synchronisée
09:28c'est des sujets
09:29finalement qui
09:30j'aime bien cette idée
09:31de plein de solitudes
09:33côte à côte
09:34qui peuvent se ressembler aussi
09:35la chanson qui parlait
09:37de chercher des bouquins
09:37quatrième de couverture
09:38en étant à côté de quelqu'un
09:40qui cherche aussi un bouquin
09:40mais on ne saura jamais
09:41ce que pense la personne
09:42en arrivant à Paris
09:43c'est une idée
09:43qui s'est beaucoup imposée
09:44parce que j'étais
09:45je suis arrivé à 25 ans
09:46et avant je vivais
09:48dans un village
09:49chez mes parents
09:50puis après j'ai fait
09:51mes études à Rouen
09:51qui est une ville
09:52où il y a beaucoup plus d'espace
09:53où on est beaucoup moins
09:54en contact les uns des autres
09:55et à Paris je me disais
09:55c'est fou
09:56tous ces gens
09:56on se frôle du bras
09:58dans le métro
09:59dans des salles de concert
10:00et on ne sait pas du tout
10:01ce que pensent les gens
10:02à côté de vous
10:03ça m'a toujours un peu
10:04troublé cette idée
10:05mais c'est sûr
10:07qu'en faisant
10:08de toute façon
10:08en écrivant sur les autres
10:09on écrit aussi
10:10sur sa solitude à soi
10:13mais quand même
10:14par rapport à ce qu'on se disait
10:15avant
10:15c'est vrai que
10:16ce qui fait par exemple
10:19que j'aime faire des concerts
10:20c'est de me dire
10:20qu'à la sortie du concert
10:21les gens vont se dire
10:22ah quand même
10:23c'est pas rien
10:23on est en vie
10:24c'est maintenant
10:25pour parler du fait
10:26qu'il y a cette petite parenthèse
10:27qui est la vie
10:28et avoir conscience de ça
10:29parce qu'on est
10:30surtout en France
10:31on est quand même
10:31très volontiers
10:32chouineurs
10:32sur beaucoup de choses
10:34et à raison
10:35parce qu'on ne peut pas non plus
10:36passer sa vie
10:37à s'extasier sur tout
10:38mais par contre
10:39on ne peut pas non plus
10:40être tout le temps
10:41dans un entonnoir
10:42de négativité
10:44de ne s'intéresser
10:45qu'à des personnalités
10:46plutôt toxiques
10:47et négatives
10:48qui mine de rien
10:48prennent quand même
10:50beaucoup beaucoup de place
10:51et il faut un contre-chemin
10:54je pense
10:54pour garder un peu
10:55quand même des vitamines
10:56au moins pour résister
10:58à tout ce qui ne va pas trop bien
10:59on ne va pas trop bien
11:04on ne va pas trop bien

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