Aujourd’hui dans Parlons-en, une reine, une diva, une idole : Oum Kalthoum, disparue il y a cinquante ans. Une légende venue d’Egypte, dont les chansons et surtout les combats continuent d’inspirer aujourd’hui, comme une Fayrouz au Liban. Ces artistes chantaient autant l’amour que la révolution.
Oum Kalthoum, Fayrouz : divas d’hier, causes d’aujourd’hui ? On en parle avec Hajer Ben Boubaker, chercheuse spécialiste des musiques du Maghreb et du Proche-Orient, créatrice du podcast "Vintage arabe" et autrice de "Barbès Blues, une histoire populaire de l'immigration maghrébine" (éd. Seuil, 2024) et Nadia Hathroubi-Safsaf, scénariste et autrice de "Oum Kalthoum, naissance d'une diva" (éd. JC Lattès, 2023).
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Oum Kalthoum, Fayrouz : divas d’hier, causes d’aujourd’hui ? On en parle avec Hajer Ben Boubaker, chercheuse spécialiste des musiques du Maghreb et du Proche-Orient, créatrice du podcast "Vintage arabe" et autrice de "Barbès Blues, une histoire populaire de l'immigration maghrébine" (éd. Seuil, 2024) et Nadia Hathroubi-Safsaf, scénariste et autrice de "Oum Kalthoum, naissance d'une diva" (éd. JC Lattès, 2023).
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NewsTranscription
00:00Aujourd'hui à propos de musique, une reine, une diva, une édole, Oum Kelsoum disparue
00:05il y a 50 ans, jour pour jour, c'était le 3 février 1975, une légende venue d'Egypte
00:12dont les chansons et surtout les combats continuent d'inspirer aujourd'hui comme une féroce
00:15liban, elle qui chantait autant l'amour que la révolution diva d'hier.
00:19Cause d'aujourd'hui, c'est le sujet de Parlons-en aujourd'hui avec Ager Ben Boubaker
00:24et on sera rejoint tout à l'heure, je l'espère, par Nadia Atroubissafsaf, bonjour en tout
00:27cas merci d'être là.
00:28On a beaucoup de choses à dire, c'est Parlons-en et c'est parti.
00:31Bonjour Ager Ben Boubaker, et bienvenue sur ce plateau, merci d'être là, vous êtes
00:46chercheuse spécialisée en musique du Maghreb et du Proche-Orient, documentariste radiophonique,
00:53journaliste du podcast Vintage Arab, qui est le premier podcast qui existe ici en France
00:59sur les musiques arabes podcast en français, et vous êtes aussi autrice de Barbès Blues
01:04qui est sorti au Seuil, Nadia Atroubissafsaf qui est scénariste et autrice de Oum Kalsoum,
01:10naissance d'une diva, sera avec nous, je l'espère, dans quelques minutes.
01:13Merci d'être là en tout cas pour ce lundi en musique et en mémoire, mémoire d'un jour
01:18noir en Égypte où ce 3 février marque les 50 ans de la disparition de la plus grande
01:24chanteuse de tous les temps, celle qu'on a successivement baptisée l'astre d'Orient,
01:28le rossignol du Nil, la dame, la quatrième pyramide, la mère de l'Égypte, Oum Kalsoum,
01:34immortelle Oum Kalsoum, c'est Héloïse Mélan qui nous commente quelques images d'abord
01:38pour nous rafraîchir la mémoire et les oreilles.
01:40Plus qu'une chanteuse, un symbole national en Égypte, 50 ans après sa mort, elle accompagne
01:51toujours les kérotes dans leur quotidien.
01:52La présence d'Oum Kalsoum ne se limite pas à ce café, elle est toujours là, dans toutes
01:59les rues et tous les cafés d'Égypte, c'est la coutume de déguster son verre en écoutant
02:04Oum Kalsoum, elle est partout.
02:07A l'extérieur du café, des figurines d'Oum Kalsoum sont partout, en foulard et lunettes
02:13de soleil emblématiques, cette allure connue dans tout le monde arabe, ce sont les meilleures
02:19ventes pour ce commerçant.
02:20Elle est toujours présente dans chaque coin de rue à travers ses chansons qui créent
02:24une ambiance agréable et donne à tous les Égyptiens un sentiment de chaleur et de sécurité.
02:28Un peu plus loin, une statue en bronze de la diva et de l'autre côté du Nil, un musée
02:35qui lui est entièrement dédié.
02:36Oum Kalsoum est né en 1898 dans une famille modeste du delta du Nil, très tôt, sa famille
02:44a reconnu son talent, mais elle se déguisa en garçon pour chanter, il était impensable
02:49pour une femme de se produire en public dans l'Égypte du début du 20ème siècle.
02:52Dans les années 1930, elle a révolutionné la musique arabe, mêlant poésie classique
02:59et grandes compositions orchestrales.
03:02Ces chansons sont ensuite devenues la bande-son d'un pays en pleine transformation, faisant
03:10écho au nationalisme égyptien après la révolution de 1952.
03:14Elle donnait des concerts inoubliables et les jeunes d'aujourd'hui sont encore habités
03:20par les rythmes de sa musique.
03:21J'aime beaucoup Oum Kalsoum parce que ses chansons véhiculent de nombreuses émotions.
03:27On peut réellement ressentir les paroles lorsqu'elle les chante.
03:31Ses chansons sont totalement différentes de tout ce qu'on écoute aujourd'hui.
03:36Celle que l'on surnommait la quatrième pyramide est morte au Caire le 3 février 1975.
03:41L'histoire d'Oum Kalsoum est sur le point de revenir sous les projecteurs avec un film
03:47retraçant sa vie, prévu pour 2025.
03:51Ager Ben Boubaker, puisqu'on commence par la fin, aujourd'hui marquant le 50ème anniversaire
03:57de la disparition d'Oum Kalsoum, les images des obsèques de la diva au Caire, je crois
04:02que c'est le surlendemain, le 5 février 1975, sont absolument dingues.
04:07On parle de 2 millions de personnes dans les rues du Caire avec une ferveur, quelque chose
04:11de difficilement explicable.
04:14C'est vrai que ces images, on ne voit pas les 2 millions de personnes mais on considère
04:19qu'il y a eu 2 millions de kérotes et même plus de personnes venant de toute l'Egypte
04:23pour assister aux funérailles, ce qui fait de ces funérailles les plus accompagnées,
04:29même plus que Nasser puisqu'on considère qu'il y a eu 1,5 million, 1 million de personnes.
04:34Et ça montre en fait l'attachement des Égyptiens à Oum Kalsoum qui représente au-delà même
04:40de sa musique d'être une chanteuse, qui représente un symbole de l'Égypte.
04:44Donc sa mort a été ressentie très fortement par ses auditeurs.
04:48Elle est morte à 76 ans je crois d'une inflammation du rein.
04:52Au moment de sa mort, qu'est-ce qu'elle représentait pour les Égyptiens ?
04:55Elle était déjà ce symbole de l'Égypte et elle le devient assez rapidement dans sa carrière.
04:59Mais c'est vrai que sur cette fin de carrière, elle est indétrônable et puis c'est admis par tous.
05:05Et donc c'est pour ça qu'en fait ce moment de ce décès est ressenti comme une perte nationale
05:11au-delà en fait juste des chansons puisqu'elle était aussi une personnalité très liée
05:16à l'histoire contemporaine de l'Égypte.
05:18On a l'habitude de dire dans le monde arabe qu'elle représente en elle-même
05:2450 ans d'histoire de l'Égypte et 50 ans aussi d'histoire des sociétés arabes en général
05:28puisqu'elle a la même place ailleurs.
05:31On va écouter parce que bien sûr cette émission va être jalonnée par la voix d'Oum Kalsoum.
05:35On va écouter l'un de ses tubes, Enta Oumri tu aimes ma vie,
05:39complainte mythique composée en 1964 par Mohamed Abdel Wahab
05:43et chantée donc par Oum Kalsoum. On l'écoute.
05:48Avant de te voir, j'ai perdu mon âme.
05:59Comment pourrais-je t'aider?
06:08Avant de te voir, j'ai perdu mon âme.
06:21Comment pourrais-je t'aider?
06:29Avant de te voir, j'ai perdu mon âme.
06:42Il y a quelque chose d'assez magique avec Oum Kalsoum, Ager Ben Boubaker,
06:46et c'est mon cas, même quand on ne parle pas arabe et qu'on ne le comprend pas,
06:49on est bouleversé par ce qu'on entend. Comment c'est possible?
06:52Parce qu'il y a une voix d'abord, c'est une voix assez unique
06:56et qui a évolué par ailleurs depuis le début de sa carrière.
07:01Elle commence très tôt, si on considère que le début de sa carrière,
07:04c'est dans les années 10, quand elle commence à chanter enfant.
07:06Et puis à partir des années 1923, quand elle enregistre ses premiers disques,
07:10qui vont d'ailleurs contribuer évidemment à sa popularité au niveau national
07:15et puis évidemment au niveau arabe.
07:17Et il y a cette capacité à moduler sa voix, à jouer sur l'improvisation
07:21qui fait que c'est une interprète unique.
07:23On considère que chaque interprétation de la même chanson est unique
07:28parce qu'elle ne va pas moduler sa voix, elle ne va pas faire les mêmes improvisations.
07:31On parle souvent aussi de la durée de ses chansons,
07:33puisqu'il y a une place hyper importante laissée à l'orchestre et laissée à la musique,
07:37mais aussi parce que justement, elle interprète à chaque fois de manière unique la chanson.
07:43Et donc même les fans de Mkhelfoum peuvent écouter différemment la même chanson
07:47parce que ça n'a pas été joué au même moment.
07:50C'est une chanson particulière, comme ce répertoire des années 60.
07:54C'est le répertoire le mieux connu dans le monde arabe
07:57parce que c'est le moment où il y a la radio,
07:59où elle fait le fameux concert retransmis en direct le 1er jeudi du mois
08:04qui est retransmis par les émetteurs égyptiens qui sont très puissants dans tout le monde arabe
08:08et qui constitue un moment collectif d'écoute.
08:10C'est-à-dire qu'il y a évidemment les gens qui sont dans la salle de l'Opéra du Caire,
08:13mais il y a des millions de personnes.
08:15Il y avait vraiment un moment, attention c'est jeudi, c'est Mkhelfoum, on s'arrête et on écoute.
08:19C'était le 1er jeudi du mois, on s'arrête, on écoute
08:23et puis en plus il y avait de toute façon à cette époque le transistor,
08:26donc on pouvait penser que les personnes pouvaient écouter ce concert seul.
08:28Il y avait vraiment coutume d'aller au café, de le vivre collectivement
08:32de la même manière que les personnes dans la salle
08:34et c'était en fait effectivement partagé du Maroc au Yémen.
08:37Et avec en plus des petites variantes selon les pays,
08:39par exemple la Tunisie retransmettait aussi ça le mercredi soir.
08:43Et donc elle accompagnait la vie de ces sociétés
08:47et c'est aussi ça qui fait que c'est un monument unique.
08:50Alors si on continue de remonter un petit peu dans le temps, on l'a évoqué dans le sujet.
08:53Alors il y a quand même un doute sur sa date de naissance précise entre 1898 et 1904
08:59parce qu'à l'époque on n'enregistrait pas à l'état civil les enfants comme ça.
09:03En tout cas ce qui est certain c'est que c'est la fille d'un imam.
09:06Mkhelfoum c'est une anomalie de son époque
09:09parce qu'elle n'aurait jamais dû se produire en public parce que c'était une fille.
09:12Oui tout à fait et à la fois c'était un moment particulier.
09:15C'est-à-dire que l'enregistrement sonore arrive,
09:18il y a une forme de professionnalisation des chanteurs
09:21qui est d'ailleurs la même partout dans le monde.
09:23C'est-à-dire que l'enregistrement sonore permet un marché,
09:26qui permet aussi de faire connaître des chanteurs, de créer une scène musicale.
09:30Et elle, elle arrive à ce moment-là.
09:32Mais effectivement elle n'est déjà pas urbaine dans le sens citadine.
09:35Elle vient du Delta du Nile, d'un petit village
09:37où elle n'aurait pas forcément dû être repérée.
09:39Or elle se fait repérer parce qu'elle interprète le Coran.
09:43Elle plasmodie le Coran avec son père.
09:45Travesti en garçon.
09:47Travesti en garçon puisqu'effectivement c'est communément un rôle dévolu aux hommes.
09:51Et en fait sa voix, quand elle plasmodie le Coran,
09:54la fait connaître déjà dans sa région.
09:56Elle se fait repérer même par les familles bourgeoises
10:00de cette région de l'Est du Delta du Nile
10:04où elle va commencer à aussi interpréter,
10:06déjà à plasmodier le Coran pour ses grandes familles,
10:08mais aussi à interpréter du chant religieux.
10:11Donc le film commence en fait dans une tradition qui est celle de sa famille.
10:14Plutôt d'une tradition de l'interprétation religieuse.
10:17Et elle est tellement repérée par justement ses grandes familles
10:20qui sont aussi à la fois les premiers auditeurs
10:22mais aussi les premiers financeurs
10:24puisqu'ils recrutent des chanteurs pour leur soirée.
10:27Elle va aller au Caire.
10:29Et au Caire, sa vie change parce qu'elle est tout de suite repérée
10:32aussi par le milieu musical de l'époque
10:34comme une exception, comme quelqu'un d'exceptionnel.
10:36Donc elle va être accompagnée dans ce début de carrière
10:40par des grands compositeurs comme Mohamed Kassabji
10:43ou des grands paroliers, Ahmed Rami.
10:46Et elle va en fait pouvoir se créer une place
10:49alors qu'effectivement, elle n'est pas citadine.
10:52Elle n'est pas issue d'une classe riche.
10:54Après, il faut savoir qu'à l'époque en Égypte,
10:57les chanteurs, les chanteuses, c'est pas bien vu.
11:00C'est pas pour la haute bourgeoisie.
11:02C'est d'abord les gens qui sont, disons,
11:05considérés comme marginaux par la société.
11:06Par exemple, les femmes qui interprétaient,
11:08qui chantaient ou qui dansaient,
11:09c'était souvent des femmes veuves, divorcées,
11:11fugueuses aussi.
11:13Or, elle ne correspond pas non plus à cette sociologie-là
11:17puisqu'elle est accompagnée de sa famille.
11:19Mais c'est aussi son talent et son travail.
11:21Parce que c'est quelqu'un qui va très rapidement,
11:23j'ai presque envie de dire,
11:24emmagasiner tout ce qui relève de la musique arabe classique
11:28alors qu'elle n'a pas été éduquée dans cette musique
11:31dès qu'elle arrive au Caire.
11:32Donc elle va évoluer.
11:33On le disait, elle a commencé par chanter Travesti en garçon.
11:37Au bout d'un moment, elle obtient de son père
11:39qu'il arrête de la forcer à se traverser,
11:40disant que c'est ridicule
11:41et que tout le monde a très bien compris
11:42qu'il s'agissait d'une fille.
11:44Et cette question des hommes,
11:46elle va revenir toute sa vie
11:47parce que Oum Kalsoum,
11:48elle va être dans un monde d'hommes,
11:50ses musiciens, ceux qui l'entourent.
11:54Et pour autant, c'est une icône féministe d'une certaine façon.
11:58Oum Kalsoum, vous me corrigez peut-être ce qu'il me trompe,
12:00mais elle s'est mariée à plus de 50 ans.
12:01Elle avait imposé à son mari,
12:03qui était un médecin,
12:04une clause de divorce.
12:05Elle n'a pas eu d'enfant.
12:06Elle a refusé,
12:07et c'est tenu notamment en son illustration,
12:10d'être un objet sexualisé.
12:12Et avec elle,
12:14elle a encouragé aussi une génération de femmes
12:16à prendre possession de leur destin.
12:19Alors je ne sais pas si elle,
12:20elle se considérait comme une icône féministe
12:22ou qu'elle ne se considérait pas.
12:24Je pense que c'est plus complexe
12:26si on parlait de son point de vue.
12:28Après, c'est sûr que la place qu'elle occupe
12:30et la capacité effectivement
12:32à s'imposer dans un milieu d'hommes,
12:34puisque la musique, alors,
12:35elle va le dominer très rapidement.
12:37Oum Kalsoum va devenir celle qui décide
12:39auprès de ses compositeurs,
12:40de ses paroliers,
12:41de son orchestre,
12:42des maisons de disques aussi.
12:43C'est hyper important.
12:44Elle va imposer des choses aux maisons de disques
12:46que d'autres n'arrivaient pas à faire
12:48par sa popularité et par son travail.
12:50Ce qui fait d'elle quand même quelqu'un
12:52qui a montré un exemple d'indépendance totale.
12:56Et c'est en ça qu'effectivement
12:58elle est ressentie par de nombreuses femmes
13:01comme un modèle.
13:03Et vraiment, c'est parce qu'elle a...
13:06Et je pense qu'on ne lui reconnaît pas assez
13:08cet aspect-là.
13:09On parle souvent de cette personnalité
13:10qui était une forte personnalité
13:12qui imposait,
13:13quitte à parfois paraître désagréable,
13:15parce qu'elle n'avait pas forcément la réputation
13:16d'être quelqu'un de très facile.
13:18Mais c'est vrai que c'est une femme
13:20qui s'est imposée par son travail
13:22et qui a imposé le respect par ce travail.
13:24C'était une très, très grande bosseuse.
13:26Et en même temps,
13:27elle n'a pas cédé à des injonctions
13:29qui étaient aussi des injonctions
13:30du milieu du spectacle en Égypte,
13:31du milieu de la musique.
13:32Typiquement, elle n'a jamais montré
13:34un seul bout de sa peau, presque.
13:35C'est-à-dire qu'elle n'est jamais
13:36été dans des tenues
13:38entre guillemets dénudées ou un peu sexy
13:40parce que ce n'était pas son caractère.
13:41Et qu'elle voulait qu'on se concentre
13:43sur sa musique.
13:44Donc ça fait quand même d'elle
13:45un exemple à part
13:47d'une certaine forme d'indépendance.
13:49Donc El Soum connaît bien sûr
13:50les tenues, ses robes.
13:51Et puis on peut peut-être dire
13:53un mot de ce foulard qu'elle a à la main.
13:55Enfin, ce n'est pas toujours le même,
13:56mais elle chante toujours avec un foulard.
13:58Pourquoi ?
13:59Alors, il y a plusieurs mythes
14:01et rumeurs sur cette...
14:02Alors, est-ce que c'est la vérité ?
14:04Alors, justement, moi, je ne le sais pas.
14:06Il n'y a pas de certitude.
14:08Ce qui est sûr, par contre,
14:09c'est qu'elle s'est inventé un style.
14:10C'est-à-dire que,
14:11quand on suit sa carrière
14:13à partir des années 40-50,
14:14elle a toujours ce style-là,
14:15la robe longue,
14:16souvent très ornée,
14:17souvent très féminine, en fait,
14:19avec ce mouchoir,
14:21les lunettes de soleil.
14:22Après, c'est sûr que,
14:23quand on connaît sa carrière avant,
14:24il y a d'autres photos d'Oncle Foum
14:26où elle a les cheveux lâchés.
14:29Elle avait, d'ailleurs,
14:30des très très longs cheveux.
14:31Mais à partir d'un moment,
14:32elle impose un style
14:34qui fait d'elle aussi
14:35quelqu'un de très reconnaissable.
14:36C'est-à-dire qu'on va,
14:38dès qu'on allume la télé,
14:41la télé arrive un peu tardivement,
14:42ou dès qu'on voit une image,
14:43savoir que c'est elle.
14:44C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
14:45même des personnes qui ne l'écoutent pas
14:47la reconnaissent.
14:48Et ça aussi, elle est très forte
14:49dans un sens.
14:50Elle a été très avant-gardiste
14:52et c'est aussi un symbole.
14:53On disait qu'elle était
14:54dans un univers masculin.
14:55On les voit derrière elle,
14:56ces musiciens extraordinaires
14:59dont on prête ce propos à l'un d'entre eux.
15:02Oum Kalsoum suit son idée
15:03et nous, on suit Oum Kalsoum.
15:04On va écouter une autre chanson,
15:06un autre tube.
15:07C'est la chanson « Mille Nuits ».
15:23La chanson « Mille Nuits » est l'une des chansons
15:25les plus chères de la chanson.
15:52On l'a évoquée brièvement,
15:54mais bien sûr, parmi les explications
15:56de l'immense succès d'Oum Kalsoum,
15:57il y a cette voix
15:59qui peut faire plusieurs octaves,
16:01qui a une puissance inouïe.
16:02On dit qu'elle a une capacité de modulation
16:04qui est quasiment extraterrestre.
16:06C'est ça ?
16:07En tout cas, c'est vrai qu'il y a des choses
16:08qui ne s'expliquent pas dans son talent.
16:10Effectivement, elle a ce don de la musique
16:13qui faisait que même Mariah Carey
16:14s'était en admiration devant cette voix.
16:16Et elle l'a beaucoup travaillée
16:18et elle l'a beaucoup fait aussi évoluer
16:21parce que, encore une fois,
16:22quand on regarde l'ensemble d'une carrière
16:24qui fait 50 ans, même plus,
16:26on voit des évolutions dans cette voix.
16:29Mais c'est sûr que ces octaves,
16:31cette voix très rock,
16:32mais en même temps, c'est très particulier.
16:34C'est-à-dire que des fois,
16:35sur la même chanson,
16:36je ne sais pas si c'est une femme ou un homme qui chante,
16:37c'est aussi ça,
16:38qui, à mon avis, joue dans le trouble
16:42qu'elle peut susciter chez les auditeurs.
16:45Après, je pense que,
16:46là je parle de mon interprétation,
16:47c'est aussi sa grande force,
16:48c'est que chacun interprète
16:50le ressenti de manière différente.
16:52Pour arriver à ce moment que nous,
16:54on appelle en arabe le Tarab,
16:55la trance en fait.
16:56Elle a cette capacité à mettre en trance,
16:59en tout cas à susciter une émotion si forte
17:02auprès des personnes qui l'écoutent
17:04qu'ils sont presque un peu perdus dans le son.
17:09Parce qu'on l'a dit tout à l'heure,
17:11pour ceux qui ne la connaissent pas,
17:12Oum Kelsoum,
17:13ces chansons,
17:14je ne sais même pas si on peut appeler ça des chansons,
17:17si ça porte le nom de chanson,
17:18pouvait durer plusieurs dizaines de minutes,
17:21voire plusieurs heures.
17:22Elle pouvait faire un concert
17:23en ne chantant que, je mets des guillemets,
17:25trois chansons.
17:26Et ça pouvait durer,
17:27effectivement,
17:28le concert pouvait durer des heures.
17:30Oui, c'est ça.
17:31D'où le sentiment de trance un peu.
17:33C'est ça, c'est qu'il y a vraiment
17:34l'installation d'une ambiance
17:37où on sait que quand on va écouter Oum Kelsoum,
17:39on ne va pas écouter une chanson de six minutes
17:40ni même de dix minutes.
17:41C'est-à-dire que déjà,
17:42rien que l'introduction,
17:43la place qui est accordée à l'orchestre,
17:45la place qui est accordée
17:46par les différents genres qu'elle interprète,
17:47laisse une place importante à la musique.
17:49Donc on est sûr,
17:50déjà les dix premières minutes,
17:51ça va être l'orchestre.
17:52Et effectivement, ça prend du temps.
17:55On considère que ça dure une heure,
17:5750 minutes.
17:58Donc c'est vrai qu'un concert,
17:59c'est trois chansons.
18:00Mais c'est trois chansons, encore une fois,
18:01comme je le disais au début,
18:02qui ne sont pas interprétées de la même manière.
18:04Et c'est pour ça que l'orchestre dit,
18:05elle décide et on la suit.
18:06C'est-à-dire que quand elle décide d'improviser,
18:08il faut que l'orchestre soit en capacité
18:09de suivre cette improvisation.
18:11Et c'est là où, en fait,
18:12elle s'est entourée des meilleurs musiciens d'Égypte.
18:14Puisque une chanson,
18:15on connaît la partition,
18:16on est censé savoir ce qui va se passer.
18:18Avec elle, ça ne se passe pas comme ça.
18:20Et donc, elle s'est entourée
18:21des meilleurs musiciens d'Égypte
18:22pour être en capacité d'improviser
18:25comme elle le souhaite.
18:26Et elle improvise parfois que sur un seul mot.
18:28C'est-à-dire un seul mot
18:29qu'elle va répéter, moduler.
18:30Et c'est ça aussi qui va amener
18:32au tarab, à la trance.
18:35En 1967,
18:36il se passe quelque chose d'essentiel
18:39dans l'histoire et dans la vie d'Oum Kelsoum.
18:42Non sans mal,
18:44le patron de l'Olympia à l'époque, Bruno Cocatrice,
18:46parvient à la convaincre
18:48de venir chanter à Paris.
18:50Elle va faire deux concerts.
18:52Ce seront, je crois,
18:53ses seuls concerts en dehors du monde arabe.
18:56Beaucoup de scepticisme
19:00quand Cocatrice a cette idée au départ.
19:03Elle n'est pas très connue par les Français.
19:05Mais alors, ces concerts
19:07deviennent l'un des plus grands événements
19:09de la musique du XXe siècle ?
19:11Tout à fait, parce qu'en fait,
19:13elle ne faisait pas de concerts en dehors du monde arabe.
19:15Et d'ailleurs, principalement,
19:16ses concerts avaient lieu en Égypte.
19:18Puis se produit quelque chose d'important,
19:20à la fois dans sa carrière
19:21et à la fois dans l'histoire politique du monde arabe.
19:23C'est la guerre de 67.
19:25La guerre de 67,
19:26qui est perdue par les armées arabes
19:27et qui, en fait,
19:28une partie du Sinaï est occupée.
19:30C'est une défaite très lourde
19:32pour l'État égyptien.
19:33Et Oum Kelsoum s'engage auprès de cet État égyptien
19:35aussi pour récolter de l'argent
19:37et pour soutenir, en fait,
19:39l'esprit national, on va dire.
19:41Et à la fois, c'est un moment particulier de sa carrière.
19:43C'est-à-dire que c'est un moment où
19:45il y a des détracteurs quand même en Égypte.
19:47On n'en parle pas souvent, mais c'est un moment où
19:49certains milieux intellectuels,
19:51notamment de gauche,
19:52après cette défaite,
19:53reprochent justement
19:54qu'on endorme le peuple
19:55avec le concert du jeudi,
19:57que ça prend beaucoup trop de place,
19:59que le jeudi, on ne vit que par Oum Kelsoum,
20:01alors qu'il y a d'autres priorités,
20:02que l'Égypte a perdu une guerre,
20:04une grosse crise politique.
20:05Il y a aussi une crise du nasserisme,
20:07c'est-à-dire que le nasser est remis en question
20:09et agit de manière répressive
20:12vis-à-vis de cette...
20:13On l'a toujours agit de manière répressive
20:14vis-à-vis de l'opposition,
20:15mais d'autant plus.
20:16Et donc, elle est dans un moment
20:18où elle est remise en question
20:19de rester un petit peu trop au Caire.
20:21Et à la fois, ce moment historique
20:23où il faut soutenir l'Égypte,
20:25où en tout cas, elle ressent le besoin
20:26de soutenir l'Égypte.
20:27Donc, la tournée, en fait,
20:28elle commence en Égypte.
20:29C'est-à-dire qu'elle va sortir
20:30de l'Opéra du Caire
20:31et refaire des concerts en province
20:33qui sont organisés avec le gouvernement égyptien,
20:36en fait, avec les gouvernorats,
20:38qui vont déjà ramener beaucoup d'argent.
20:40Parce que des personnes
20:41qui ne peuvent pas forcément se rendre au Caire
20:43vont aller l'écouter
20:45et ça va déjà être un événement
20:46et une première récolte d'argent.
20:47Et ensuite, elle va le faire
20:49dans tout le monde arabe.
20:50Elle va faire plusieurs concerts
20:51en Tunisie, au Maroc, au Soudan, en Syrie.
20:55Et là aussi, elle va lever beaucoup d'argent.
20:57Dans le but affiché
20:58de lever de l'argent
21:00pour l'armée égyptienne.
21:01Oui, pour l'État égyptien,
21:02pour justement aider à cet effort de soutien
21:05après la défaite militaire
21:07qui a coûté aussi beaucoup d'argent.
21:08Et c'est assez particulier
21:10parce qu'elle récolte de l'argent
21:12par la vente des places,
21:14mais aussi, il y a une incitation
21:15et en tout cas, une acceptation
21:17du fait que les femmes donnent leur or.
21:18Donc, en fait, on rajoute encore de l'argent.
21:20Les gens ont donné leur or.
21:21Les femmes ont donné de l'or à Oum Khelfoum
21:23qu'elle va donner à cette caisse de soutien.
21:26Et arrive la question d'aller
21:28à l'étranger et se pose la proposition de Paris.
21:31Et donc, c'est un événement.
21:33C'est la première fois qu'elle part ailleurs,
21:35à un endroit où il n'y a pas son public initial.
21:37Et c'est en même temps une possibilité
21:40de ramener, encore une fois, de l'argent.
21:42Quoi qu'elle demande 2 millions de francs,
21:43ce qui est pour l'époque exorbitant.
21:45Et c'est plus que ce que demandait à l'époque
21:47Edith Piaf qui était ici en France
21:49la star.
21:50Tout à fait.
21:51Puisqu'effectivement, à la fois,
21:53elle connaît sa valeur.
21:54Je pense qu'elle n'avait pas de doute
21:55du fait qu'elle allait remplir l'Olympia.
21:58Et à la fois, il y a cette tournée
22:01qui est quand même nationale, nationaliste.
22:03Et quand je dis ça, c'est dans le sens
22:05où elle a été considérée comme une ambassadrice.
22:07Elle était accompagnée d'une délégation officielle.
22:09Elle avait un passeport diplomatique.
22:11Et même dans les concerts dans le cadre du Monde Arabe,
22:13c'était la même chose.
22:14Donc en fait, c'est quand même une visite d'État.
22:16Et à une visite d'État, il faut mettre les moyens.
22:18Et effectivement, c'est vrai qu'il y a eu
22:20de la part de Bruno Cocatrice.
22:22Et c'est normal.
22:23Il n'avait pas forcément l'ampleur du phénomène
22:25qu'elle pouvait être
22:27pour plusieurs pays quand même.
22:29On parle d'une vingtaine de pays au moins,
22:31si ce n'est plus parce qu'il y a aussi des auditeurs
22:33qui sont en dehors de ce Monde Arabe,
22:35mais qui ont une sensibilité quand même à sa musique.
22:37Et c'est un succès plein.
22:39Alors déjà, quand on lit la presse de l'époque,
22:44il y a une population qu'on n'a pas l'habitude de voir
22:46devant l'Olympia.
22:47Il y a les ouvriers maghrébins, par exemple,
22:49qui ont économisé des mois pour se payer une place.
22:51Il y a tout le milieu, finalement, de la musique française.
22:55C'est-à-dire qu'on a Aznavour dans la salle,
22:57parce qu'Aznavour, il sait qui c'est Onkel Foum.
22:59Il y a Claude François,
23:01il y a Dalida,
23:03mais qui ont des racines égyptiennes, bien sûr.
23:05Si on est en Égypte, donc ils savent très bien.
23:07Donc en fait, il y a quand même tout le respect
23:09du milieu musical français reconnu.
23:12À la fois, il y a De Gaulle qui lui envoie un télégraphe.
23:14Elle est accueillie par les caméras
23:16et par les journalistes,
23:18parce que c'est vécu aussi par la presse française.
23:20Alors avec beaucoup de...
23:22parfois de préjugés dans les propos
23:24quand on lit la presse de l'époque,
23:26mais on a conscience qu'il y a une visite quasi étatique de l'Égypte.
23:28Et puis il y a donc ces gens
23:30qu'on n'a pas l'habitude de voir,
23:32comme cet ouvrier originaire de Biscra,
23:34qui va se jeter sur scène et presque la faire tomber,
23:36parce qu'il vit ce moment de trans de Tarab.
23:40Et à la fois, on a un homme originaire du Golfe
23:43qui va menacer avec un pistolet
23:45l'accueil de la biétrie,
23:48parce qu'il n'a pas de place,
23:50et on va lui mettre un tabouret pour éviter qu'il y ait un mort.
23:53Et à l'Olympia,
23:55on est au mois de novembre,
23:57c'est ça, novembre 67,
23:59elle chante les ruines.
24:01On va l'écouter.
24:19Oh, mon amour
24:24Oh, mon amour
24:33La nuit, le ciel, les nuages,
24:38le soleil, le soleil, le soleil
24:44Et toi et moi, mon amour,
24:49ma vie, mon cœur,
24:53nous tous, nous tous.
24:58Voilà, donc, précision,
25:00ce n'est pas les ruines qu'on a en fait entendues tout à l'heure,
25:03ça c'est une chanson qui s'appelle Mille Nuits, pour le coup.
25:05Elle fait l'Ela Oléla les mille et une nuits,
25:07puisque c'est un texte qui fait référence aussi à l'œuvre poétique,
25:13c'est une chanson assez importante,
25:15c'est une des plus connues avec Ntaramble,
25:17et c'est vraiment cette période de fin de carrière finalement pour elle,
25:19où je lui ai expliqué, c'est un moment où tout le monde peut l'écouter,
25:22il y a le transistor, il y a une production de vinyles
25:25qui est quand même largement consommée et distribuée,
25:29et c'est aussi le moment où elle collabore avec Mohamed Abdel Wahab,
25:33alors qu'elle avait toujours, qui est un grand compositeur égyptien,
25:36qui est aussi un monument de la musique égyptienne,
25:38alors qu'elle avait totalement refusé jusqu'à présent de collaborer avec lui,
25:41ils se connaissent depuis très longtemps,
25:42ils ont commencé à peu près au même moment,
25:44mais elle a toujours eu un peu de mépris, il faut dire les choses,
25:49pour toute forme de modernisation de la musique arabe,
25:52c'est-à-dire que pendant longtemps,
25:53Oum Kulthoum a refusé des instruments qui n'étaient pas
25:55des instruments traditionnels de l'orchestre arabe,
25:57elle a aussi longtemps refusé de chanter des styles musicaux
26:00qui ne soient pas des qasaid,
26:02donc un des styles, qasaid ça veut dire d'ailleurs poésie, poème,
26:07des poèmes, une forme de poésie qu'elle chantait,
26:10elle a toujours été très réfractaire à changer ce style,
26:14et Abdel Wahab, alors qu'il a aussi une formation classique indéniable,
26:18c'est un des plus grands, si ce n'est le plus grand compositeur égyptien,
26:21a toujours quand même eu,
26:24il a toujours apprécié de faire appel à d'autres formes de musicalité,
26:28on peut penser au jazz,
26:30on peut penser à certains instruments occidentaux,
26:32mais elle ne voulait pas bosser avec lui,
26:33et en fait il y a quelqu'un qui va intervenir,
26:35et c'est Nasser,
26:36c'est le président Nasser qui en fait presque les oblige,
26:39ou les incite à collaborer,
26:41et c'est comme ça que cette chanson est née,
26:42et on y entend de la guitare électrique notamment.
26:44Alors je voudrais qu'on revienne sur Nasser,
26:47mais je vais d'abord vous saluer,
26:48Nadia Troubissabsab, bonjour,
26:50merci d'être là, scénariste et autrice de Oum Kelsoum,
26:55naissance d'une diva,
26:57magnifique livre qui est sorti en 2023 chez Jean-Claude Lattès,
27:00qui nous raconte la vie,
27:01de celle dont on parle aujourd'hui,
27:03La quatrième pyramide,
27:04rédactrice en chef au magazine Le Courrier de l'Atlas,
27:07on était en train de parler de la dimension politique
27:10de l'oeuvre de Oum Kelsoum,
27:12de ses rapports avec Nasser justement,
27:14qui se mêlait des compositeurs avec lesquels elle devait travailler,
27:18mais auxquels elle a rendu hommage,
27:21ou en tout cas au courage de l'armée,
27:23elle a rendu hommage dans cette chanson,
27:24Les Ruines, en 1967,
27:26qu'elle a chantée lors de l'un de ses deux concerts à l'Olympia à Paris,
27:30l'occasion donc de rappeler qu'Oum Kelsoum,
27:32on avait largement déjà à la fin des années 60,
27:36a dépassé le mythe musical
27:38pour être vraiment une figure politique majeure,
27:41et géopolitique même, de son pays.
27:43Oui, mais on dit que Oum Kelsoum,
27:45c'est la voix du monde arabe,
27:48et elle a réussi quelque chose
27:49que nul autre chanteuse n'a réussi,
27:51c'est de créer une unité, en fait.
27:53Aujourd'hui, d'ailleurs,
27:55c'est un peu le vœu du panarabisme,
27:57quand on reprend la définition du panarabisme,
27:59c'est quoi ?
28:00C'est-à-dire que c'est un mouvement culturel,
28:02idéologique, politique,
28:03qui visait à unifier tous les Arabes,
28:05qu'ils soient sunnites, chiites et chrétiens,
28:09et donc elle a réussi à créer,
28:11aujourd'hui, dans le monde arabe,
28:12tout le monde, de Damas à Tchénise,
28:14tout le monde écoute Oum Kelsoum,
28:15et tout le monde a grandi avec Oum Kelsoum,
28:18et c'est drôle, parce qu'on le met dans la planche
28:21de notre BD avec Shadia,
28:24c'est qu'on nous a posé la question,
28:25à un moment donné, on voit quelqu'un avec une kippa,
28:27et on a fait exprès de montrer cette image,
28:29parce que Bruno Coquatrix est très étonné
28:31de voir des Juifs dans la salle,
28:34lors de son concert à Paris,
28:36mais ce qu'il ne comprend pas,
28:37c'est que c'est au-delà de la religion,
28:39c'est que quand ce sont des Juifs séfarades,
28:42ils écoutent Oum Kelsoum,
28:43ils se sont appropriés, eux aussi, Oum Kelsoum,
28:45donc Oum Kelsoum, elle dépasse les frontières,
28:47elle transcende les frontières,
28:48elle transcende les identités.
28:50C'est une voix du nationalisme égyptien,
28:53quoique on peut peut-être en redire un mot,
28:55et ça lui a été reproché,
28:57pas forcément linéaire,
28:58parce qu'au tout début, avant la Révolution,
29:01elle est plutôt proche de la famille royale,
29:03elle hésite un tout petit peu à soutenir Nasser,
29:05dont finalement, elle va être,
29:07que disait De Gaulle à son sujet,
29:08l'arme secrète jusqu'à la mort de Nasser en 1970.
29:11Mais voilà, il y a eu quand même aussi
29:12un peu une fluctuation au cours de l'eau,
29:14au fil de l'eau.
29:15Moi, je pense qu'elle n'a pas vraiment hésité.
29:18En fait, c'est quelqu'un qui a su s'adapter au milieu,
29:20à qui tenaient les rênes du pays,
29:22mais aussi qui tenaient les rênes
29:23du financement des artistes et du monde culturel.
29:26Et à l'époque du roi Farouk,
29:28et notamment aussi le roi précédent, Fouad,
29:30c'était des grands financeurs de la culture,
29:32les artistes, effectivement,
29:34s'interprétaient aussi au palais.
29:36Et elle, elle a juste fait comme les autres,
29:39mais c'est une des premières à soutenir, en fait,
29:41toute forme de révolte contre la situation en Égypte,
29:43à commencer par la révolution de 1919,
29:46contre les Britanniques,
29:47où on sait que la royauté n'était pas vraiment,
29:49en tout cas, à rejoindre le mouvement.
29:51Elle a chanté dans l'Eurotré, je crois,
29:52ça s'appelle, sa chanson.
29:53Effectivement, elle a chanté,
29:54elle s'est sentie très proche de ça,
29:57de Zarnoul, qui a été le monument,
30:00enfin, voilà, la figure de l'indépendance de l'Égypte en 1919,
30:03et du parti qui a mené à l'indépendance.
30:06Et de la même manière, quand il y a eu 52,
30:08c'est comme une fille du peuple.
30:10Donc elle a quand même des sentiments, on va dire,
30:12elle s'est vue aussi dans la figure de ces généraux
30:15qui, donc, faisaient le coup d'État,
30:17et notamment dans la figure de Nasser,
30:19qui, par ailleurs, il partage une origine régionale commune.
30:22Et c'est aussi quelqu'un qui ne vient pas
30:24d'un milieu privilégié à l'origine.
30:27Et ça, ça crée de l'intérêt pour sa pensée politique, d'une part,
30:30qu'elle partageait, et puis ça crée aussi,
30:32enfin, pour moi, elle n'a pas tant que ça hésité,
30:35au moment où elle rejoint, finalement,
30:38le côté de la révolution de 52.
30:41Et c'est aussi pour ça, je pense, qu'elle s'engage autant.
30:43C'est-à-dire que moi, je ne pense pas que ce soit juste
30:44une relation entre deux personnes.
30:45Il y a aussi un partage d'une idéologie commune,
30:47qui est le pan-arabisme.
30:48Oui, mais très vite, elle s'engage, justement,
30:53sur ce nationalisme.
30:54Très jeune, elle ressent cette colonisation anglaise, déjà.
30:58Et ensuite, quand, effectivement, Gamal Nasser prend le pouvoir,
31:02au début, on arrête de passer Oum Kaltoum à la radio.
31:05Et c'est Gamal Abdel Nasser qui va dire
31:08« Mais pourquoi elle ne passe plus à la radio ? »
31:10Et on va lui dire « Non, mais parce qu'elle chantait pour le roi. »
31:12Et là, il a une phrase qui est très connue, où il dit
31:15« Mais le soleil se levait aussi sous le roi Farouk,
31:18est-ce qu'on va l'empêcher de briller à nouveau aujourd'hui ? »
31:20Et c'est comme ça qu'elle repart à la radio.
31:24Oui, et j'ajouterais qu'en plus, il a une forme de...
31:27Enfin, il était fan, quoi.
31:29Et donc, il lui accorde aussi une place particulière qu'elle avait déjà.
31:34Mais il a été peut-être un peu plus dur avec d'autres
31:36qui, aussi, interprétaient des chansons pour le roi, etc.
31:39Et c'est intéressant, parce que Nasser, quand il arrive au pouvoir,
31:42il a aussi envie de moderniser, quand même, la vie culturelle.
31:44C'est un moment où d'autres chanteurs émergent.
31:46J'en pense, notamment, à Abdel Halim Hafez, ce qui est très important,
31:48à des actrices comme Sohra Trost.
31:50Il y a d'autres formes de musique qui représentent l'ère nasserienne.
31:53Et il en est heureux.
31:54Pour autant, il n'est pas question de remettre en question
31:56la place de celle qui est la plus importante pour lui.
31:58Et elle lui a bien rendu.
31:59On évoquait tout à l'heure, notamment, cette grande série de concerts
32:02qu'elle a fait pour remonter le moral de Nasser
32:06après la guerre des Six Jours,
32:08et contribuer à l'effort égyptien.
32:12Elle a aussi parlé de la cause palestinienne.
32:15Nadia Atrofissafsaf Oum Kelsoum, elle y était aussi sensible ?
32:19Oui, bien sûr.
32:20Et d'ailleurs, c'est une des raisons pour laquelle
32:22elle entame cette fameuse tournée.
32:24Paris, ce sera la seule ville occidentale dans sa tournée
32:27qui va l'emmener ensuite au Maroc, à Tunis.
32:29Elle va même aller jusqu'au Pakistan.
32:31Peu de gens le savent.
32:32Mais quand elle vient chanter à Paris,
32:34c'est pour renflouer les caisses de l'État.
32:36Et elle a demandé à avoir un cachet énorme,
32:39pas pour son propre profit,
32:42mais vraiment pour remplir les caisses de son pays.
32:44Et engager les femmes de la haute société kérote
32:48à donner leurs bijoux et à donner de l'argent.
32:51Cet esprit d'Oum Kelsoum n'est pas mort,
32:53on le disait tout à l'heure, 50 ans après sa disparition.
32:56Est-ce que, comme une férouse,
32:58l'autre grande diva,
33:00l'une des grandes divas qui est libanaise,
33:03qui est toujours en vie,
33:04est-ce que les chansons d'Oum Kelsoum
33:06sont toujours invoquées aujourd'hui pour les causes,
33:09pour la cause palestinienne notamment ?
33:12Oui, alors il y en a une en particulier
33:14qu'elle a interprétée,
33:16qui porte sur la Palestine et le peuple palestinien.
33:20Après Oum Kelsoum, c'est aussi quelqu'un
33:22qui accompagne de manière très quotidienne
33:25la vie des personnes.
33:28Je pense qu'il y a tout le leader
33:32à sa manière de vivre les moments politiques.
33:35Il y a d'autres chanteurs qui sont peut-être plus sollicités
33:37quand il s'agit de la cause palestinienne.
33:39Je pense notamment à des chanteurs plus tardifs
33:41comme Marcel Khalifa.
33:42Mais Oum Kelsoum a cette particularité,
33:44et je pense que Nadia le sait autant que moi
33:46parce qu'on le vit,
33:47c'est que c'est quelqu'un qu'on entend tout le temps.
33:49En fait, quand on va dans un pays arabe,
33:51il est très rare, voire ça n'arrive jamais,
33:53qu'on n'entende pas depuis un café,
33:54depuis la fenêtre d'une maison,
33:56quelqu'un qui l'écoute.
33:57Et c'est intéressant parce que, justement,
33:59cette écoute collective qui s'est créée
34:01avec ses concerts, qui s'est créée avec la radio,
34:03elle perdure encore aujourd'hui dans de nombreux pays.
34:06Moi, personnellement, je ne l'ai jamais pas entendue
34:08quelque part.
34:09Et pourtant, je l'ai fait pas mal de pays.
34:11Vous confirmez ?
34:12Elle est partout tout le temps ?
34:13D'ailleurs, moi, je disais que la VD avec Shadia,
34:15elle est née de notre traumatisme commun
34:17d'être obligée d'écouter Oum Kelsoum
34:19quand on était plus jeunes par nos papas.
34:21Et que donc, on avait voulu exorciser ce traumatisme
34:24en faisant cette VD.
34:26Mais il y a un proverbe égyptien
34:28qui me fait beaucoup rire
34:29et qui dit que quand on veut savoir comment...
34:31Vous demandez à un égyptien comment ça va,
34:33et qu'il vous dit, bah, trois jours de foot,
34:35trois jours d'Oum Kelsoum et un jour de viande.
34:38J'aime beaucoup cette anecdote.
34:42D'un mot, on peut peut-être évoquer Ferouz,
34:44donc, je le disais, l'autre grande diva arabe-libanaise.
34:47C'est vrai que la question qu'on a posée
34:49pour cette émission,
34:51qui était aussi un prétexte pour parler et entendre
34:53Oum Kelsoum, c'était diva d'hier,
34:55cause d'aujourd'hui.
34:56C'est vrai que la chanson, on va l'écouter,
34:58la chanson de Ferouz sur Beyrouth,
35:00on l'a beaucoup entendue après l'explosion
35:02au port de Beyrouth il y a quelques années.
35:04On l'a entendue à nouveau, là,
35:06pendant l'opération militaire israélienne.
35:08On va l'écouter et puis on va en parler après.
35:37Le visage d'un océan ancien
35:46Qui est-ce ?
35:50L'esprit du peuple, un vin
35:53Qui est-ce ?
35:57Son liquide
35:59C'est du vin et de l'eau
36:03Qui est-ce ?
36:09Voilà Nadia Atrofissa, vous me rappeliez qu'il y avait
36:12une autre chanson pour la cause palestinienne de Ferouz
36:14qui est aussi aujourd'hui partout.
36:17Qu'est-ce qui fait que ces chansons
36:19qui ont 40, 50 ans,
36:21elles sont toujours si fortes aujourd'hui ?
36:23Parce qu'elles sont émouvantes
36:25et qu'elles parlent au cœur, en fait.
36:27Et la musique, c'est ça qui est merveilleux,
36:29c'est que la musique, elle n'est pas intellectuelle,
36:31elle est dans l'émotion et qu'est-ce qu'elle réveille.
36:33Et quand elle chante, je peux vous assurer
36:35que dans tous les cortèges palestiniens,
36:37les gens s'arrêtent de parler, les gens écoutent,
36:39les gens reprennent en chœur
36:41et ça crée encore ce moment d'unité,
36:43comme on disait tout à l'heure au Mikeltoum.
36:45C'est singulier quand même que ce soit
36:47des femmes qui chantent ces chansons
36:49qui jalonnent l'histoire du monde arabe.
36:51Moi, je ne trouve pas non plus ça,
36:53dans le sens où, effectivement,
36:55elles ont eu...
36:57Déjà, ce sont des femmes très talentueuses
36:59et puis, comme le dit Nadia,
37:01ce sont des personnes qui ont su accompagner
37:03des moments politiques et des moments sociaux
37:05et l'évolution de la musique
37:07comme personne d'autre.
37:09Effectivement, Fayrouz, en l'occurrence,
37:11j'ai un peu honte de l'avoir oubliée de la cause palestinienne
37:13parce que c'est sans doute elle
37:15qui a le plus chanté les palestiniens
37:17dans les interprètes les plus écoutés.
37:19Il y a d'autres interprètes, d'autres registres,
37:21mais Fayrouz, très rapidement,
37:23avec Zahra tel Madaïn sur Jérusalem,
37:25avec Quds al-Aatir,
37:27énormément de chansons dans ce répertoire
37:29qui parlent directement des palestiniens
37:31au point que Mahmoud Darwish disait que c'était
37:33elle qui était la voix des palestiniens
37:35alors qu'elle est libanaise.
37:37Et je pense que c'est aussi des éléments
37:39de comment ces artistes se sont engagés
37:41dans la vie de leur pays
37:43et la place qu'elles ont acceptée de prendre
37:45ou qu'elles ont peut-être été parfois contraintes de prendre.
37:47C'est-à-dire que quelqu'un comme Fayrouz,
37:49c'est quelqu'un de très discrète,
37:51en fait, et qui a endossé
37:53par sa popularité
37:55la place
37:57de symbole de la nation,
37:59voire de maire de la nation,
38:01parce que je pense que c'est assez similaire
38:03à Om Kulthum.
38:05Sa popularité est aussi très populaire.
38:07On a l'habitude de dire qu'en arabe,
38:09on écoute Fayrouz le matin, Om Kulthum le soir,
38:11parce que ce n'est pas la même musique
38:13et ce n'est pas le même moment de la journée,
38:15donc elles sont chacune liées à un moment de la journée.
38:17Et pour le Liban, elle a été peut-être
38:19en tout cas l'une des choses les plus stables du pays.
38:21Et c'est fortement ressenti,
38:23c'est pour ça qu'on en arrive à des choses
38:25qui avaient été assez mal comprises par la presse française,
38:27je pense, au moment où ça s'est produit.
38:29Quand il y a eu la visite d'Emmanuel Macron au Liban,
38:31il part voir Fayrouz à un moment où
38:33il y a une instabilité politique telle au Liban
38:35qu'il n'a pas vraiment
38:37voulu ou pu rencontrer
38:39des personnalités du monde politique.
38:41Et c'est là où
38:43il fait cette demande,
38:45qui n'a pas été acceptée
38:47parce que c'est le président français,
38:49mais parce que le pays traversait une crise importante
38:51et qu'il fallait le représenter.
38:53Ça a pu lui être reproché, d'ailleurs, au Liban,
38:55par certains points de la société.
38:57Mais je pense qu'il y a cette forme d'engagement
38:59et d'acceptation d'une stature
39:01qui va au-delà de la musique.
39:03Vous êtes d'accord,
39:05Nadia et Troubisaf,
39:07ce sont des figures quasiment maternelles.
39:09Ce n'est pas réducteur
39:11de les ramener à ça ?
39:15C'est quand on y regarde,
39:17notre regard d'occidentaux,
39:19où je me situe entre
39:21ma partie occidentale et ma partie orientale.
39:23Mais ce qu'on a oublié
39:25de dire aussi, c'est que ce sont des femmes
39:27qui sont, aujourd'hui, on utilise beaucoup
39:29le qualificatif de femmes puissantes.
39:31Mais on oublie qu'Oum Kalthoum, c'était le chef de file
39:33de la musique arabe dans les années 30.
39:35Je pense que vous en avez parlé,
39:37la naissance de la radio et toutes ces nouvelles technologies
39:39qui arrivent.
39:41Et en fait, on a diminué leurs rôles.
39:43C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on les regarde
39:45avec nos lunettes 50 ans plus tard.
39:47Mais à l'époque, ce sont des femmes puissantes.
39:49Oum Kalthoum,
39:51quand vous n'aviez pas de passeport
39:53en Égypte,
39:55elle faisait à ses musiciens, elle écrivait
39:57sur un bout de papier,
39:59elle signait et ça valait
40:01pour passeport.
40:03Vous voyez la puissance de cette femme.
40:05Aujourd'hui, quel artiste pourrait faire ça ?
40:07Quel artiste pourrait se prévaloir de ces droits-là ?
40:09On a un peu,
40:11on regarde ça un peu de notre regard encore
40:13franco-français.
40:15Bien sûr, le monde a changé.
40:17Quel artiste aujourd'hui ?
40:19On sait que
40:21Beyoncé a samplé récemment
40:23Oum Kalthoum,
40:25que Michael Moore, qu'on écoutera tout à l'heure,
40:27a samplé Feroz. Mais quel artiste
40:29aujourd'hui se serait-il
40:31engagé politiquement en disant
40:33« moi je fais des concerts » et l'intégralité
40:35il est de bon ton que ça aille
40:37vers des associations, mais qui dirait aujourd'hui
40:39« moi mon concert que je fais payer
40:41rubis sur l'ongle ira
40:43dans les caisses d'un Etat
40:45qui vient de subir une défaite militaire
40:47compliqué à tenir comme position.
40:49En plus, je pense que
40:51c'est quand même la particularité de ces engagements
40:53en tout cas d'Oum Kalthoum et de Feroz
40:55c'est de qui a cette popularité déjà ?
40:57Qui a fait l'unanimité à ce point
40:59et donc pourrait s'engager ?
41:01Je pense qu'il y a quand même quelque chose de très fort dans le fait
41:03que ce sont les deux artistes
41:05les plus populaires du monde arabe
41:07qui s'engagent sur ces questions.
41:09Après, je pense qu'il y a d'autres artistes aujourd'hui
41:11qui font œuvre aussi de soutien
41:13à des causes en reversant leurs cachets
41:15sauf qu'on ne parle pas
41:17de personnes qui peuvent à ce point
41:19à la fois ramener de l'argent
41:21et puis qui sont aussi écoutées
41:23et moi je rejoins Nadia quand même sur ce qu'elle dit
41:25c'est-à-dire que moi je pense qu'on leur a
41:27souvent aussi enlevé le fait que c'était des grandes travailleuses
41:29c'était des femmes qui travaillaient
41:31beaucoup, qui ont consacré
41:33leur vie à cette œuvre
41:35musicale et c'est vrai qu'on parle
41:37d'un talent inné, etc.
41:39C'est sûr qu'il y a de l'ordre du talent
41:41mais on parle aussi de personnes qui travaillaient
41:43tous les jours leur voix, tous les jours leurs concerts
41:45qui étaient extrêmement exigeantes
41:47avec leurs équipes, avec les personnes
41:49qui travaillaient pour elles
41:51et dans un monde
41:53et ce n'est pas que dans le monde arabe où on accepte mal
41:55ça des femmes, c'est-à-dire de lider aussi
41:57leur carrière et je pense que
41:59c'est peut-être pour moi cet élément qu'on met
42:01le plus de côté depuis l'Europe
42:03c'est-à-dire que ce n'est pas juste tomber du ciel
42:05elles ont travaillé pour ce qu'elles ont obtenu.
42:07Il y aurait une chanteuse aujourd'hui qu'on pourrait citer
42:09la transition comme ça avec
42:11Wardah, c'est que Wardah
42:13aurait pu, si elle était encore vivante aujourd'hui
42:15elle aurait reversé son cachet.
42:17Redites-nous qui est Wardah.
42:19Je vais te laisser, tu en parles très bien dans ton livre
42:21parce qu'elle en parle très bien
42:23dans son livre Barbès Blues que j'ai dévoré
42:25et Wardah c'est une chanteuse
42:27qui est née à Paris
42:29en 1939 à Paris d'un père algérien
42:31et d'une mère libanaise
42:33et qui va faire carrière au départ
42:35dans le cabaret de son père, le Tamtam
42:37et qui va chanter le nationalisme arabe
42:39c'est-à-dire qu'elle va grandir
42:41avec cette idée de l'indépendance
42:43pour l'Algérie
42:45le café, le lieu de repère du FLN
42:47du Front National de Libération
42:49et donc elle va vraiment avoir cette
42:51identité algérienne
42:53et en même temps elle est très fière de son identité
42:55française et son identité libanaise
42:57et c'est une femme qui toute sa vie
42:59va utiliser ces trois identités
43:01mais en rappelant toujours
43:03son identité algérienne quand elle vivra
43:05plus tard au Liban et en Égypte
43:07mais aujourd'hui
43:09Wardah, je suis sûre qu'elle aurait
43:11fait un concert, elle aurait donné tout son cachet
43:13pour la...
43:15J'ai pas de doute non plus sur le fait que Wardah aurait
43:17fait ce choix, d'autant plus qu'elle a
43:19quand même effectivement une carrière qui
43:21elle nait en France
43:23d'un père algérien et d'une mère libanaise
43:25l'Algérie est encore colonisée
43:27son père s'engage politiquement
43:29pour l'indépendance de l'Algérie et elle s'engage
43:31très rapidement, très tôt, c'est-à-dire que
43:33très tôt elle est élevée dans l'idée d'une indépendance
43:35de l'Algérie et elle va d'ailleurs devenir
43:37connue dans le monde arabe par une chanson
43:39Jamila sur Jamila Bouhired
43:41donc la moujahédette algérienne
43:43la combattante algérienne et donc
43:45c'est vrai que sa carrière en plus est particulièrement
43:47liée à l'évolution de la vie politique
43:49et en même temps c'est quelqu'un qui a été éduqué
43:51par le cabaret de son père
43:53qui a été fréquenté par de grands artistes, notamment de
43:55grands artistes égyptiens, dans l'idée
43:57d'une nation arabe et dans l'idée aussi
43:59que la musique arabe
44:01valait le coup
44:03de faire carrière et parce que
44:05je rappelle, c'est vrai qu'elle a grandi dans le cinquième arrondissement
44:07elle aurait pu faire d'autres choix de vie
44:09et elle grandit, elle naît à Paris
44:11et devient star en Egypte
44:13L'Egypte, on y revient
44:15Egypte qui se souvient aujourd'hui
44:17on le disait tout à l'heure, 50 ans
44:19après la mort de l'un
44:21de ses soleils, Oum Kelsoum
44:23et on revoyait tout à l'heure ces photos
44:25très impressionnantes de son
44:27de son enterrement à plus fort que
44:29Nasser qui était mort 5 ans plus tôt
44:31encore plus de monde à l'enterrement d'Oum Kelsoum
44:33qu'à celui de Nasser
44:35merci beaucoup
44:37Nadia Atroubi-Safsaf
44:39on est désolée de ne vous avoir eu que quelques minutes
44:41mais merci beaucoup d'avoir
44:43bravé les bouchons pour venir jusqu'à nous
44:45je renvoie à ce livre magnifique
44:47Naissance d'une diva, chez Jean-Claude
44:49Lattès, qui nous raconte la vie d'Oum Kelsoum
44:51à Gerben Boubakar, merci beaucoup
44:53de nous avoir accompagné, de nous avoir partagé
44:55toutes ses connaissances barbès-blues au Seuil
44:57on vous écoute sur Vintage Arab
44:59et je rappelle que vous êtes spécialisée
45:01en musique du Maghreb et du Proche-Orient
45:03et que vous êtes chercheuse
45:05est-ce qu'on peut se quitter
45:07avec Enta Omri, comme ça on l'aura
45:09bien dans la tête pour toute la journée
45:11et c'est une merveille, après avoir écouté
45:13à nouveau Oum Kelsoum, ça sera le grand
45:15format de Parlons-en et on se retrouve pour faire
45:17un nouveau point sur l'actualité internationale
45:19à 11h, merci encore mesdames
45:21à tout à l'heure
45:25...
45:27...
45:29...
45:31...
45:33...
45:35...
45:37...
45:39...
45:41...
45:43...
45:45...
45:47...
45:49...
45:51...
45:53...
45:55...
45:57...