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  • 14/07/2024
Né à Paris en juin 1968 « au moment où tout bascule », comme il le dit lui-même en contemporain lucide de sa propre histoire, François Bousquet est un de ces intellectuels à la fois éclectiques et enracinés qui sont faits pour bâtir patiemment une œuvre. Fils de deux parents d’abord paysans dans le Rouergue avant de « monter à Paris », il installe sa vie parmi les livres, au point de devenir libraire, critique littéraire et philosophe, par dessus tout essayiste toujours confiant dans le force impérissable de l'archaïque français et européen. Très tôt il trouve ses marques dans la « Nouvelle Droite », européenne et différentialiste ( qui insiste sur les différences entre les genres, les sexes, les espèces, les peuples etc…),et plonge notamment dans l’oeuvre d’Alain de Benoist, dont il devient une sorte de bras droit, au point de diriger la revue phare du mouvement, « Eléments », Doté d'un grande ( et rare) faculté d’admirer, il sait comprendre, accompagner et prolonger quelques grands personnages auxquels il s’attache : voici évoquées les figures de l’éditeur Vladimir Dimitrijevic, du "génial bouffon" Jean-Edern Hallier, de l’avocat solaire Jacques Verges et du désormais incontournable Patrick Buisson. Le voici prêt à écrire la grande Archéologie de l’Europe dont il a l'intuition que, face à la déculturation et à l’invasion qui en découle, elle reste notre meilleure arme pour sauver l'avenir..

Catégorie

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Éducation
Transcription
00:00:00Combien de temps va-t-on encore accepter ?
00:00:02Combien de temps encore va-t-on accepter
00:00:05que la caste médiatique au pouvoir façonne les élections, les opinions ?
00:00:09Laissons aux politiques la critique des désistements,
00:00:11des impréparations, de la démocratie confisquée
00:00:14ou le procès en non-représentativité de l'Assemblée.
00:00:18La première grande conclusion de l'épisode électoral passé
00:00:21est que la caste médiatique a œuvré pour instrumentaliser le vote des Français.
00:00:27De toutes ses forces et par tous les moyens,
00:00:30le parti des médias, quelques exceptions notables,
00:00:33a fait le boulot pour sauver le système en place.
00:00:36L'évidence est donc sous nos yeux.
00:00:37Le préalable à tout changement en profondeur de ces méthodes totalitaires
00:00:41est le renforcement de la presse libre et indépendante,
00:00:45la presse alternative dont TV Liberté, TVL et le vaisseau Amiral.
00:00:50TVL parle déjà à des millions de Français en France.
00:00:53Il faut dorénavant que TVL soit entendu par des dizaines de millions de Français.
00:00:58TVL n'aura jamais l'argent de l'État, des banques ou des puissants.
00:01:02Il faut donc que TVL puise sa force auprès des téléspectateurs
00:01:07devenus donateurs et membres d'une communauté solide,
00:01:10soudée, combative, les amis de TV Liberté.
00:01:14TVL doit donc franchir dans les mois et les années à venir
00:01:16des étapes nouvelles pour que tout change enfin.
00:01:20Faire le parti des médias n'est pas un vain mot ou un souhait illusoire.
00:01:23Nous avons la possibilité de réduire son action néfaste et nuisible
00:01:28à une seule condition, votre soutien.
00:01:30Ce soutien n'est pas pour les mois ou les années à venir, lui, il est pour maintenant.
00:01:34Car c'est maintenant que nous essayons, et non sans inquiétude,
00:01:37de boucler notre budget pour que dès septembre nous soyons au rendez-vous.
00:01:41Alors ensemble, poursuivons ce chemin pour se libérer des chaînes.
00:01:50Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
00:02:20Chers amis, chers habitués de nos conversations,
00:02:33qui, je le dis une fois encore, sont des conversations,
00:02:36ce ne sont pas des interviews, donc la parole est très libre,
00:02:38nous allons suivre aujourd'hui le parcours d'un homme
00:02:41pour qui j'ai beaucoup d'admiration, jeune encore,
00:02:46relativement jeune, François Bousquet,
00:02:48un des piliers de ce qu'on appelle la Nouvelle Droite,
00:02:51et notamment rédacteur en chef ou directeur de la rédaction de la revue Éléments,
00:02:59grande exégète de l'œuvre ardue et abondante, notamment d'Alain de Benoît.
00:03:06Son parcours est passionnant et je suis heureux de cette conversation
00:03:09parce que, comme je crois l'avoir dit, mais il vaut mieux répéter,
00:03:13je récuse, comme le faisait Patrick Buisson,
00:03:15dont nous allons parler avec François Bousquet,
00:03:19je récuse la stupide typologie des trois droites,
00:03:32la droite légitimiste, la droite orléaniste et la droite bonapartiste de René Rémond.
00:03:40René Rémond a l'air de penser que la droite bonapartiste est une droite,
00:03:43c'est un centre, un syncrétisme.
00:03:46La droite orléaniste aussi, c'est un syncrétisme.
00:03:50Et il y a principalement dans sa trilogie la droite légitimiste incarnée,
00:03:56celle qui est un peu la nôtre au nouveau conservateur,
00:03:59celle qui a été très instruite au XXe siècle par l'action française et le gaullisme.
00:04:08Mais il y a d'autres droites.
00:04:10Il y a la droite européenne, qui est moins chrétienne que la précédente,
00:04:16qui est moins nationale que la précédente.
00:04:20Et puis il y a la droite américaine, qui gagne du terrain
00:04:24parce qu'elle a les faveurs des médias et elle est très financée.
00:04:28Inutile de mettre des noms, chacun va les retrouver.
00:04:31Il apporte qu'il y ait un lien étroit, à mon avis, entre les deux autres droites,
00:04:36la droite européenne et la droite nationale, si on peut dire,
00:04:39notamment face à la droite américaine.
00:04:43Et il importe donc que nous écoutions, nous autres, au nouveau conservateur,
00:04:48et réciproquement, les principales figures de ces deux droites,
00:04:54qui ne sont d'ailleurs pas hermétiques,
00:04:56et qui ont tous les cas en commun, avec beaucoup de porosité entre elles, bien sûr,
00:05:01et notamment chez François Pousquet, comme vous allez le voir.
00:05:05En tous les cas, elles ont quelque chose en commun,
00:05:07c'est qu'elles ne désespèrent pas de l'archaïque,
00:05:10c'est-à-dire du fondement de nos civilisations,
00:05:15la civilisation française, les civilisations européennes,
00:05:18ou la civilisation européenne.
00:05:20Vous allez le voir, François Pousquet croit, comme nous croyons aussi,
00:05:25que même si on a l'impression qu'après la fin d'un monde,
00:05:31comme dit toujours Patrick Buisson, ce sera la fin du monde,
00:05:35nous pensons qu'il y a des résurgences archaïques,
00:05:38et qu'elles sont toujours possibles.
00:05:40Alors, François Pousquet, bonjour, ou bonsoir.
00:05:44– Bonsoir Paul-Marie.
00:05:46– Bien entendu, je suis ravi de vous voir,
00:05:49il y a longtemps que je voulais que vous soyez une de mes victimes.
00:05:53– Avec plaisir.
00:05:55– Vos parents sont nés l'un et l'autre dans le Rouergue.
00:05:57– Voilà, oui.
00:05:58– Ils étaient paysans dans le Rouergue.
00:06:00Et ils sont partis justement de cette vague de l'exode rurale
00:06:04dans les années 50-60.
00:06:06Ils s'installent à Paris, vous êtes nés à Paris.
00:06:08– Moi je suis né à Paris.
00:06:09– Mais vos deux parents sont nés dans le Rouergue.
00:06:11– Mon père est paysan jusqu'à 25 ans et il sera cotisant
00:06:14à la mutuelle agricole jusqu'à sa retraite.
00:06:17Mon père était fermier, là encore c'est des paradoxes,
00:06:20c'est un fermier, il y avait de l'argent,
00:06:22et ma mère était paysanne, propriétaire, par ses parents,
00:06:25c'était trois sœurs, sur un petit lopin de terre.
00:06:27– Ils auraient pu rester ?
00:06:28– Il y avait 5 hectares.
00:06:29– C'est pas assez.
00:06:30– Donc on était sur un modèle agricole qui touchait néanmoins ses limites.
00:06:33– C'est pas assez.
00:06:34– L'appel de la ville, l'appel du progrès,
00:06:36là encore les jeunes générations ne se rendent pas compte.
00:06:38Mais les commodités, moi chez mes grands-parents
00:06:40où je passais toutes mes vacances, il n'y avait pas de toilette.
00:06:42On allait faire ses besoins dans la cour, dans le jardin, avec les chèvres.
00:06:46– Au fond du jardin.
00:06:47– Au fond du jardin, il y avait le pot dans la chambre.
00:06:49Il n'y avait pas d'eau, l'eau courante.
00:06:51Chez mes grands-parents maternels, il n'y avait pas d'eau courante.
00:06:53– Où étais-tu dans le Rouergue ? C'est vers Rodez, je crois.
00:06:55– Il y a près de Rodez pour mes grands-parents paternels.
00:06:57Et maternelle, c'est la commune de Moïrazès qui n'est pas très loin de Rodez.
00:07:01– Moïra ? Comment ça s'appelle ?
00:07:03– Moïrazès.
00:07:04Mais c'est des petits villages et des petits lieux dits.
00:07:06Ce sont des petites communes.
00:07:07– Toujours autour de Rodez ?
00:07:08– Toujours autour de Rodez.
00:07:09La Veyron est un département enclavé, très très enclavé.
00:07:11– Un département très…
00:07:12– Mais c'est un des plus enclavés parce que, paradoxe,
00:07:15la révolution n'a pas cassé la Veyron.
00:07:17Les frontières du Rouergue, donc la région d'Ancien Régime,
00:07:20recoupent les nouvelles frontières de la révolution.
00:07:22Donc c'est un monde agricole…
00:07:24– C'est le cas du Quercy voisin et du Lot.
00:07:26– Voilà, donc c'est des vallées encaissées.
00:07:28– C'est ça.
00:07:29– Et des plateaux, quand on monte vers le nord de la Veyron,
00:07:31c'est les contreforts, c'est l'Aubrac, c'est…
00:07:34– C'est l'un des plus beaux endroits de France.
00:07:36– Oui, c'est des endroits ravissants.
00:07:38Simplement pauvres, à l'époque, pauvres.
00:07:40Donc les paysans en assistent à une hémorragie, une hémorragie agricole.
00:07:46Vont en ville, vont à Paris.
00:07:48Et du reste, à Paris, il y a une communauté aveyronnaise
00:07:51qui a fait mainmise sur la limonade,
00:07:54ce qu'on appelait autrefois la limonade.
00:07:56Et qui contient, qui conserve aujourd'hui
00:07:58les plus beaux restaurants et les plus belles brasseries de Paris.
00:08:01– Vous portez une veste wehrgeiz, non ?
00:08:03– Voilà, oui, c'est en hommage, c'est une veste de maquignon.
00:08:06Sauf que les maquignons, c'était une blouse.
00:08:08En Aveyron, il y a un des plus grands marchés de bestiaux de France,
00:08:11le marché de l'Essac.
00:08:12Et dans ma jeunesse, quand j'y allais avec mes cousins
00:08:14et mes oncles, les maquignons avaient des vestes noires en moleskine.
00:08:18Désormais portées par LFI et Mélenchon, ce que je regrette.
00:08:23Mais autrefois, c'était l'habit du marchand, du marchand de bestiaux.
00:08:28Et mon père se fournissait de sa blouse chez Jeannot, loup paysan.
00:08:32– Alors vous n'avez absolument rien gardé dans le wehrge,
00:08:35la famille, vos grands-parents ?
00:08:37– Non, mais le premier modèle, c'est la figure du père.
00:08:41Le modèle le plus déterminant, en tout cas chez moi.
00:08:44Et mon père était à la fois petit bourgeois, fils de paysan,
00:08:48et lui-même petit travailleur indépendant.
00:08:51Je l'ai toujours vu en blouse noire, tout au long de ma vie,
00:08:54jusqu'à ses retraites, c'est-à-dire jusqu'à ses 70 ans.
00:08:57– La blouse que vous portez, ce n'est pas une blouse de votre père ?
00:08:59– Non, c'est une veste. Mais mon père, c'était une blouse noire.
00:09:02Et donc c'est le modèle qui… c'était la goire de mon père, si vous voulez.
00:09:06Donc la goire de mon père s'habillait en moleskine, en blouse moleskine noire.
00:09:10– Et vos parents décident de monter à Paris.
00:09:12– Voilà.
00:09:13– Et vous venez à Paris quelques années plus tard.
00:09:15– Et je venais à Paris en 68, en juin, juste après les événements,
00:09:17et la bascule du monde, mais qui avait été enclenchée beaucoup plus tôt.
00:09:20– Mais avec, alors, quand même, d'abord, chez vous, une nostalgie de la campagne,
00:09:24puisque vous vivez dans un village de Lyon.
00:09:28– Oui, mais c'est un village champéysant.
00:09:30Enfin, si, il y en a deux, mais ce sont des céréaliers.
00:09:32Et là, c'est une nouvelle agriculture qui a pris le relais.
00:09:35Alors, ce sont de superbes travailleurs, la question n'est pas là,
00:09:38mais on est sur l'exploitation de 400 hectares, 500 hectares.
00:09:41Pour nous, moi, quand j'ai passé mes vacances en avion,
00:09:44c'était inconcevable, on était sur 10, 15 hectares.
00:09:47Les gros paysans avaient 50 vaches.
00:09:49– Qu'est-ce qui vous a pris de, vous, parisien, finalement,
00:09:52avec des origines oeuvrieuses ?
00:09:54– Pour la proximité.
00:09:55– De partir dans Lyon.
00:09:56– La France.
00:09:57– Puis votre femme, je crois, aussi, est contente de venir.
00:09:59– Oui, oui, mais on n'est pas sortis…
00:10:00– Hors de Paris.
00:10:01– On n'est pas sortis du bouquin, vous savez, d'après-guerre,
00:10:03Paris, le désert français.
00:10:04Moi, je pense que c'est vraiment le malheur français qui vient de là,
00:10:08l'expression de Gaucher.
00:10:09Paris a tout absorbé.
00:10:11Donc, moi, si je veux avoir du travail, il faut que je ne sois pas trop loin de Paris.
00:10:16– Il a surtout absorbé, et j'incrimine beaucoup la Révolution, pardon,
00:10:20il a beaucoup absorbé, surtout Paris, la paysannerie.
00:10:25Il était un des trois piliers dans mon esprit.
00:10:28Il y avait Dieu, le roi et les paysans.
00:10:30C'est ça qu'ont fait la France, pour moi.
00:10:32Et la République a bousillé les trois, dans mon esprit.
00:10:36– Pour vous conforter, pour recouper ce que vous dites,
00:10:40toutes les grandes révoltes populaires étaient portées par ce qu'on appelait l'église,
00:10:44le curé du village, le château et la ferme.
00:10:46– Oui, oui, ça c'est ça.
00:10:48– C'est assez transclassiste.
00:10:49– On a vu ça d'ailleurs, vous savez quand ?
00:10:52Pendant l'affaire des Gilets jaunes, j'étais en Charente,
00:10:57il y avait des paysans, la petite bourgeoisie rurale,
00:11:02mais enfin, ils avaient tous des emplois qui Angoulême,
00:11:05petite bourgeoisie, celle qui fait vivre la France, comme vous l'avez rappelé.
00:11:09– Ce qui est fascinant avec les Gilets jaunes,
00:11:12c'est que ça s'inscrit dans une histoire au temps long, très très long.
00:11:15Ça ressemble étonnamment aux révoltes d'Ancien Régime.
00:11:18C'est un continent colossal, la révolte de l'Ancien Régime.
00:11:21Il y en a des dizaines, des centaines, des milliers.
00:11:24Elles ont toutes pour particularité qu'elles échouent systématiquement,
00:11:27comme les Gilets jaunes, point commun entre l'un et l'autre.
00:11:30Et elles aussi réunissaient les trois ordres, le tiers état, le clergé et le château,
00:11:35puisqu'on les retrouvait tous les trois liés, pas contre le roi,
00:11:38parce que le roi était une figure épargnée, une figure sainte.
00:11:41– C'est le protecteur de la nation.
00:11:44– Et des pauvres et des faibles contre les corps intermédiaires,
00:11:48les grands féodaux par exemple, mais aussi les agents du fisc.
00:11:52– Les agents du fisc qui n'étaient jamais que l'émanation du pouvoir royal
00:11:55ou des fermiers généraux que sais-je.
00:11:57Donc on retrouve, c'est fascinant de voir la continuité de la révolte.
00:12:01Moi c'est quelque chose qui me fascine, la continuité d'histoire française.
00:12:05J'aimerais écrire une contre-histoire de France,
00:12:09depuis les voyages de Strabon, depuis la guerre des Gaules.
00:12:12– En mettant en exergue les continuités.
00:12:14– En mettant en exergue les continuités.
00:12:15– C'est un peu ce qu'a fait Jacques Mainville, mais sur la strate politique.
00:12:19– Avec une vision politique, diplomatique, géopolitique.
00:12:22Là moi je voudrais rentrer plutôt à la Buisson justement.
00:12:26L'histoire des comportements, l'histoire des mentalités.
00:12:30C'est vraiment fascinant de voir la continuité de l'histoire de France.
00:12:34– Ce qui est fascinant.
00:12:35– C'est un des rares, c'est un très moins arrêté je trouve,
00:12:38un des rares qui est à la fois un grand historien et un grand littéraire.
00:12:41C'est assez rare la réunion des deux, c'est Thènes.
00:12:43Thènes a des passages dans son La Fontaine phénoménales
00:12:46sur ce qu'il appelle l'esprit gaulois.
00:12:49Il dit que c'est le réservoir primitif.
00:12:51Et qu'il est vieux de 2000 ans.
00:12:53Et il montre une continuité.
00:12:54Alors peut-être qu'elle est en train de s'interrompre et de s'assécher.
00:12:56Mais je crois qu'il y a vraiment une contre-histoire à faire.
00:12:58Et qui n'a pas vraiment été faite.
00:13:00– Et la grande rupture dont nous parlions, c'est pas la fin de ce monde-là ?
00:13:04– Si, si.
00:13:05– Parce que les continuités, on les perd.
00:13:07– Si, je pense un peu partout.
00:13:09– C'est à feu.
00:13:10Ou peut-être pas.
00:13:11La question est de savoir si on peut parier sur l'archaïque
00:13:13et si le fil d'eau disparaît sous terre.
00:13:18Mais vous savez, il devient une source un peu plus tard.
00:13:21C'est toujours possible.
00:13:22– Il faut le souhaiter.
00:13:23– C'est la grande question.
00:13:24– Il ne faut pas se laisser peut-être dominer.
00:13:28– Parce qu'on a le nez dessus.
00:13:30– Exact.
00:13:31Parce que si ça a survécu aussi longtemps.
00:13:33Parce que vraiment, les premiers voyageurs grecs, c'est les géographes grecs.
00:13:36Leur témoignage a été recueilli.
00:13:38Ça nous ramène au premier siècle.
00:13:40– Sur les Gaulois.
00:13:41– Un siècle quasiment.
00:13:43En notre ère.
00:13:44On est vraiment frappés par la permanence des tempéraments.
00:13:47C'est-à-dire que les stéréotypes d'Astérix, revus par Goscinny,
00:13:51ne sont pas des stéréotypes.
00:13:53– C'est vrai.
00:13:54– On les retrouve chez Strabon, chez César.
00:13:56L'Hercule gaulois, qui se distingue de l'Hercule grec.
00:14:00Pourquoi ?
00:14:01Parce qu'il conjugue à la fois la force, mais également l'éloquence.
00:14:05Les passages de Caton l'Ancien sur les Gaulois.
00:14:09Vraiment, il y a une permanence.
00:14:11Et ce que Thènes dit, c'est que ce qui distingue les Gaulois,
00:14:14on le voit au XIIe siècle.
00:14:15On est le seul peuple, avec les Flamands, à la limite les Alsaciens,
00:14:20parce que c'est des régions bordures, à avoir des fabliaux.
00:14:24– Les pays du Nord aussi.
00:14:26– Les pays du Nord, non.
00:14:27Les pays du Nord, ils ont des grandes sagas.
00:14:29C'est ce que dit Thènes.
00:14:30– Je parlais des Scandinaves.
00:14:32– Les Scandinaves ont des sagas.
00:14:33Les Allemands, les Tudesques et les Germains ont des magnifiques…
00:14:37– Quelle différence faites-vous entre l'un et l'autre ?
00:14:39– Alors, c'est ce que dit Thènes, c'est des fabliaux.
00:14:41C'est la farce de Maître Patelin.
00:14:43C'est ce que dit Thènes.
00:14:44Il dit, qu'est-ce qui émerge en France ?
00:14:46Ça va vous surprendre et peut-être vous irriter, Paul-Marie.
00:14:48Qu'est-ce qu'on voit émerger ?
00:14:49C'est la classe paysanne et les roturiers.
00:14:52C'est eux qui inventent la littérature.
00:14:53Même Chrétien de Troyes dit-il…
00:14:55– À quoi ça mérite ?
00:14:56– Et Chrétien de Troyes, oui, c'est le légendaire celte, évidemment.
00:15:00Mais la cour dont parle Chrétien de Troyes, c'est la cour de Champagne.
00:15:05– Oui, c'est des cours.
00:15:06– Donc, simplement, moi j'aimerais bien, c'est une obsession chez moi,
00:15:09de décrire cette contre-histoire, parce que c'est toujours Paris, Versailles,
00:15:13Philippe le Bel, les légistes, etc.
00:15:16Oui, évidemment, c'est aussi ça la France.
00:15:18Mais ça, c'est la France vue quasiment depuis un bateau mouche.
00:15:20C'est Paris.
00:15:21C'est Paris avec les grands monuments, etc.
00:15:23Les grands musées.
00:15:24Non, il y a également une autre histoire de France,
00:15:26souterraine, qui va alimenter…
00:15:28– Bah, rurale.
00:15:29– Rurale, petite bourgeoise, épicière, boutiquière.
00:15:33– Artisanale.
00:15:34– Artisanale, oui, c'est la France qui a la culture de la contestation,
00:15:37des émotions populaires dont je parlais.
00:15:39On les voit du XIIe, XIIIe siècle jusqu'au gilet jaune.
00:15:43– Ah, les corporations.
00:15:44– Les corporations.
00:15:45Donc, c'est une autre France qui s'inscrit vraiment dans le temps très très long.
00:15:50– Mais François Mousquet, vous pouvez très bien, vous avez le temps,
00:15:52vous avez une cinquantaine d'années.
00:15:54– Ah non, mais ça viendra, ça viendra.
00:15:56– Vous avez le temps, c'est un énorme travail.
00:15:58Le problème, alors, laissez-moi dire cela, pour vous présenter,
00:16:01bien que tout le monde vous connaisse, vous êtes un peu de tout.
00:16:04Vous êtes journaliste, directeur d'Eléments,
00:16:06c'est la grande revue sur laquelle nous reviendrons.
00:16:09Vous pointez la main à quelques films à l'occasion.
00:16:13Vous avez fondé une librairie.
00:16:15Vous avez beaucoup œuvré dans une autre librairie,
00:16:18la librairie de l'âge d'homme, avec Vladimir Dimitrovitch.
00:16:21Nous y reviendrons.
00:16:22Et puis, vous êtes aussi essayiste.
00:16:25Nous y reviendrons aussi.
00:16:27Mais donc, vous n'avez certainement pas beaucoup de temps,
00:16:30mais assez peut-être pour écrire cette grande histoire
00:16:32des congénités sociales de la France.
00:16:34C'est réel.
00:16:35– J'espère, j'espère.
00:16:36Alors, il faut du temps.
00:16:37Il faut beaucoup de lecture, en effet.
00:16:38C'est beaucoup de lecture.
00:16:39Normalement, il faut passer beaucoup de temps en bibliothèque.
00:16:41– Je ne vous l'ai pas impressionné.
00:16:42Parce qu'après, on n'entre pas à les grands travaux,
00:16:44quand on rentre au travail.
00:16:46– Toutes prétentions mises à part.
00:16:49– Il faut foncer.
00:16:50– C'est le petit bourgeois en moi, le lecteur de Louis Ferdinand Céline,
00:16:53qui se sent un peu frustré par l'histoire officielle.
00:16:57Je pense qu'il y a aussi une contre-histoire,
00:16:59qu'il y a une histoire off, une histoire populaire,
00:17:03qui a été faite, mais qui a été faite dans des périodes très courtes.
00:17:07Pas dans ce fil de...
00:17:08Parce que les historiens, aujourd'hui, détestent.
00:17:12Parce qu'il y a une présomption de...
00:17:15– De xénophobie.
00:17:16– Détestent.
00:17:17– Et d'élitisme.
00:17:18– Et de ?
00:17:19– Et d'élitisme.
00:17:20– Et d'élitisme.
00:17:21Détestent ce qu'on a pu appeler par le passé la psychologie des peuples.
00:17:24Parce qu'il n'y a pas de psychologie des peuples.
00:17:26Il n'y a pas de peuple.
00:17:27– Gustave Le Bon.
00:17:28– Voilà, Gustave Le Bon et d'autres.
00:17:29Il y a ça en France, en Allemagne.
00:17:30– Ni l'existence de l'âme d'un peuple.
00:17:32– L'âme d'un peuple.
00:17:33– L'identité, même.
00:17:34Le mot l'a fait frémir.
00:17:36– Voilà, il y a forcément des identités au pluriel, pas une identité au singulier.
00:17:40Donc c'est un monde que l'histoire, en tout cas l'histoire officielle,
00:17:45l'histoire académique, déserte depuis un demi-siècle.
00:17:48– Propre à la France, alors ?
00:17:49– Oh, je pense propre à l'Occident, propre à l'Europe,
00:17:52mais aussi à l'Europe élargie, Occident inclus, Etats-Unis.
00:17:55– Ça va de Vancouver jusqu'à Vladivostok, l'Occident.
00:17:59– L'Occident, c'est quoi votre Occident ?
00:18:01J'ai jamais compris ce qu'on mettait sous le nom d'Occident.
00:18:04Ah, ça inclut le Canada, les Etats-Unis, la Russie.
00:18:07– Voilà, non, hors-Russie, c'est tous les pays d'Occident.
00:18:09– Ça inclut les Etats-Unis mais pas la Russie.
00:18:11Donc ça n'a plus rien à voir avec l'Europe.
00:18:12– Non, c'est pour montrer que c'est une maladie qui n'affecte pas que l'Europe.
00:18:16Si elle n'affectait que l'Europe, ce serait inquiétant pour nous, bien sûr,
00:18:20mais que pour nous.
00:18:21C'est une maladie qui affecte l'espace occidental,
00:18:23c'est-à-dire les pays de l'OCDE, en gros,
00:18:26parce que pèsent sur eux ce que Renaud Camus a appelé
00:18:29la seconde carrière d'Adolf Hitler.
00:18:31C'est-à-dire que Hitler est beaucoup plus important dans nos consciences,
00:18:35mort que vivant.
00:18:36C'est un astre noir qui commande nos comportements et nous interdit.
00:18:40Et on ne s'approche pas sans terreur de la psychologie des peuples.
00:18:44Alors la France que j'évoque, c'est la France qui est évoquée
00:18:48par César dans la guerre des Gaules, par Strabon et d'autres voyageurs grecs
00:18:51dont les noms m'échappent.
00:18:53C'est une France qui ressemble étonnamment à celle d'Astérix et d'Obélix,
00:18:56qui est intrépide, qui est inconséquente.
00:18:58– Un peu guerrière.
00:18:59– Qui est guerrière.
00:19:00– Un peu naïve.
00:19:01– Qui est naïve.
00:19:02Et ce sont des traits que vous retrouvez dans, précisément, les fabliaux,
00:19:05la littérature des fabliaux.
00:19:07Maître Renard, Goupil le Renard, il est malin, c'est plutôt paillard,
00:19:13c'est plutôt gaillard.
00:19:15Les hommes sont régulièrement cocus.
00:19:17C'est pour ça qu'en assez loin de De Gaulle, de Péguy et de Bernanos,
00:19:20les femmes ont de belles poitrines.
00:19:23Les curés, souvent ils couchent.
00:19:28– On les aime, on les préfère comme ça.
00:19:31– On les préfère comme ça, en tout cas pour ce qui me concerne.
00:19:35Donc oui, c'est un monde, on le retrouve chez Montaigne.
00:19:38Montaigne parle de la gailleté française, en français moyen, pour la gaieté.
00:19:44Quand Nietzsche fait le guet savoir, le guet savoir c'est Montaigne.
00:19:48Et on retrouve la même chose chez Montesquieu.
00:19:50Vous le retrouvez dans le roman comique de Scarron.
00:19:52Un de mes auteurs fétiches, dont je pense qu'il incarne le génie français,
00:19:56c'est Molière, on le retrouve chez Molière.
00:19:59C'est un scepticisme enjoué.
00:20:00– C'est formidable, votre retour sur Astérix,
00:20:04parce que ce sont d'abord des résistants, justement.
00:20:07Qu'est-ce que c'est Astérix et le village gaulois ?
00:20:10– Oui, des résistants.
00:20:11– Qui est d'ailleurs dans le nord de la Bretagne, du côté de l'Agnon.
00:20:13– Oui, et puis inventé par un juif polonais.
00:20:16– Eh oui, avec l'intuition, quoi.
00:20:19– Parce qu'il est nourri de latins.
00:20:22Parce qu'il a eu la guerre des Gaules.
00:20:24– C'est ça dans les années 60, justement,
00:20:26où la France redevient gauloise un peu.
00:20:28– Voilà, et puis c'est la France encore de De Gaulle.
00:20:31C'est très marrant, c'est très curieux, cette coexistence de deux Frances.
00:20:34Celle de 68 que nous évoquions, et celle encore…
00:20:37– De la Gaulle qui persiste.
00:20:40J'évoque, vous évoquez Astérix et Obélix, l'inséparable couple,
00:20:46en disant que ce sont des guerriers.
00:20:48Parce qu'il y a aussi autre chose.
00:20:50Paillard, bon vivant, rusé, mais très bon guerrier.
00:20:55Au point que ces Gaulois vont jusqu'à détruire Rome en grande partie.
00:20:59Enfin, le saccager, je crois, au IIIe siècle.
00:21:02– En temps de Drénus, ça.
00:21:04– Oui, c'est toujours ça.
00:21:07– Et du reste, la grande peur romaine, avant…
00:21:11La première des grandes peurs romaines, c'était les invasions gauloises.
00:21:15– Ah oui, les peurs des Gaulois, oui.
00:21:17Alors justement, parce qu'il y a aussi,
00:21:19et c'est là où je voudrais vous gourmander votre référence à Céline,
00:21:22que vous avez l'air de bien aimer, que vous aimez beaucoup,
00:21:26d'ailleurs on le voit quand on vous lit, moi beaucoup moins,
00:21:29parce que ça élargit un peu le champ.
00:21:33Je crois qu'il y a eu aussi un basculement après la guerre de 14.
00:21:36En tout cas, j'ai beaucoup d'écrivains devenus pacifistes.
00:21:39Jean Céline, qui ne cultive plus le héros,
00:21:46qui a été pendant des siècles, et on peut dire d'ailleurs jusqu'à De Gaulle,
00:21:51jusqu'en 68, le dernier héros des Boulonnais,
00:21:5579-70, il meurt.
00:21:57Et au culte du héros, je lisais un article,
00:22:00je ne sais plus qui là-dessus récemment, mais c'est passionnant,
00:22:03au culte du héros succède le culte de la victime.
00:22:06Mais ça c'est antérieur.
00:22:08Et chez Céline, Céline travaille à ça.
00:22:12Et l'auteur que j'ai oublié fait remarquer quelque chose
00:22:16qui moi me passionne, à Dôme,
00:22:18un petit village près de Sarlat, dans le Périgord noir,
00:22:22pas très loin du Quercy, puis derrière du Rougue,
00:22:29il y a deux monuments aux morts,
00:22:32un monument aux morts de 14-18,
00:22:36à la gloire des combattants héroïques tombés pour la France,
00:22:40et un autre monument aux morts dix mètres plus loin,
00:22:43à la mémoire des victimes de la Deuxième Guerre mondiale.
00:22:47Parmi les victimes, il y a évidemment les déportés,
00:22:51les résistants, et puis il y a même les combattants,
00:22:54parce qu'il y a eu beaucoup de combattants qui sont morts en mai, juin 40.
00:22:58Et ceux-là étaient réputés victimes.
00:23:01Et Beltrame, d'ailleurs, il fait aussi observer
00:23:05que la plaque de Trèbes, en l'honneur du colonel Beltrame,
00:23:10on dit qu'il est tombé victime de son héroïsme.
00:23:16C'est extraordinaire.
00:23:18Et ça, je pense que déjà entre les Deux Guerres,
00:23:21et c'est là-dessus que je calme Céline,
00:23:25il y a un refus de l'héroïsme,
00:23:27et il y a une exaltation de la victime qui ne me plaît pas beaucoup.
00:23:30Bon, là, c'est un débat entre nous sur Céline.
00:23:32Mais non, mais sur Céline, le petit bourgeois en moi,
00:23:36évidemment, c'est la rencontre avec le voyage,
00:23:39mais évidemment, c'est la première rencontre avec Céline.
00:23:41Le voyage au bout de la nuit.
00:23:42Le voyage au bout de la nuit, il y a deux auteurs,
00:23:44pour moi en tout cas, qui, au sortir de l'adolescence,
00:23:47vous réorientent votre vie à 180 degrés.
00:23:52C'est Nietzsche, moi venant d'un univers avec des références chrétiennes.
00:23:5615 ans, 16 ans, 17 ans ?
00:23:5817 ans, 18 ans.
00:24:00Et puis après, Céline, bien sûr, le voyage.
00:24:02Ce qui est le premier choc.
00:24:04Mais le grand livre pour moi, c'est quand même « Mort à crédit »,
00:24:06qui est le livre le plus autobiographique.
00:24:08Alors évidemment, c'est une autofiction fantasmée de Céline par Céline,
00:24:11où il réinvente sa jeunesse, le passage Choiseul.
00:24:14C'est un petit bourgeois.
00:24:16Et là, il tire son autobiographie et sa confession vers le côté plébéien.
00:24:22Pour le coup, c'est un petit bourgeois.
00:24:25Je vous réponds, Paul-Marie.
00:24:28Il y a 14-18.
00:24:3114-18, évidemment, que la question de l'héroïsme se pose,
00:24:36pour tous les anciens combattants.
00:24:38Elle devient souffrante.
00:24:40C'est la tombe du soldat inconnu.
00:24:42Le héros n'est pas inconnu. Le héros porte un nom.
00:24:44Le héros a une généalogie. Il n'en a plus.
00:24:46Comme le disait Heidegger, et c'est tout à fait ça dans « Voyage au bout de la nuit »,
00:24:50c'est l'expérience de la dérélection.
00:24:5214-18, c'est l'expérience de la dérélection pendant 5 ans.
00:24:55Je pense que ce changement de régime de la sensibilité européenne est très antérieur.
00:25:00Je pense qu'il est un des produits du XVIIIe siècle et des Lumières.
00:25:04Il va mettre 150 ans.
00:25:06150 ans à devenir.
00:25:08Pourquoi ? Parce qu'il y a la Révolution. Il y a les soldats de l'an II.
00:25:10Pourquoi ? Parce qu'après, il y a Napoléon.
00:25:12Il y a la campagne d'Italie. Il y a la campagne de Russie.
00:25:15Après, il y a le Second Empire.
00:25:17Après, la Troisième République.
00:25:19La Troisième République, c'est à l'appel aux soldats.
00:25:21C'est à l'appel aux soldats pour reprendre le deuxième volet de la trilogie de Barrès
00:25:26sur le roman de l'énergie nationale.
00:25:28C'est l'appel aux soldats, en l'occurrence boulangers, mais qu'importe.
00:25:31Toutes les guerres, toutes les révolutions vont repousser ce changement de régime de la sensibilité
00:25:36qu'on voit très bien chez Bernardin de Saint-Pierre, chez Rousseau.
00:25:39Alain de Benoist prépare un livre sur Rousseau. J'adore Rousseau.
00:25:42Néanmoins, il y a quand même les Confessions.
00:25:44Rousseau a écrit les Confessions, qui est un livre de plaintes,
00:25:47qui est le livre d'une victime.
00:25:49C'est la victime, à la différence de Saint-Augustin.
00:25:52Saint-Augustin fait des Confessions.
00:25:54Rousseau, c'est une martyrologie qu'il invente.
00:25:58Et tout ça a été repoussé parce que, je le redis, révolution, guerre, révolution, guerre...
00:26:03Qui déferle en ce moment.
00:26:04Et ça déferle, et ça déferle surtout.
00:26:06François Azouvi vient de sortir un livre remarquable sur le sujet.
00:26:09Azouvi qui a...
00:26:12Ah, mais je crois que c'est lui l'auteur.
00:26:13C'est François Azouvi qui est, je crois, un ancien patron chez Stock, je crois.
00:26:17Et qui vient de sortir une histoire de la victime,
00:26:19et qui montre que cette bascule ne se fait même pas en 1945.
00:26:23Parce que ce qu'il dit, Azouvi, en 1945, les résistants...
00:26:27On revient. Il y a un archaïque qui revient.
00:26:29Oui, les résistants, même les déportés, sont encore des héros.
00:26:33Contrairement à ce qu'on nous dit, il n'y a pas de mythe du grand silence.
00:26:36Azouvi l'a montré dès 1944.
00:26:38On est au courant de tout.
00:26:40Les chrétiens catholiques et protestants parlent de ce qui s'est passé en Allemagne de 1941 à 1944.
00:26:45Donc on en parle.
00:26:47Simplement, on n'en parle pas comme des victimes.
00:26:49Je ne parle pas seulement des résistants.
00:26:51Pas encore.
00:26:52Je parle des déportés. Les déportés sont vus comme des héros.
00:26:55Et le changement va se produire aux années 1950, 1960, 1970.
00:26:59Beaucoup dans les années 1970.
00:27:011970, avec ce que Paul Lionnet appelait un phénomène de rétro-satanisation.
00:27:06Plus on s'éloigne de l'événement, plus cet événement nous culpabilise.
00:27:10Ce qui en est fascinant. C'est fascinant.
00:27:12Mon père me racontait l'expérience de la guerre.
00:27:15On est très loin de ce qu'on me raconte.
00:27:17De ce qu'on raconte maintenant.
00:27:18Mes grands-parents...
00:27:19Presque tout est faux.
00:27:20Tout est faux. Tout est amplifié, tout est exagéré.
00:27:23Et on a l'impression que c'est...
00:27:24Oui, tout est idéologisé aussi.
00:27:26Plus on s'en éloigne, plus ça devient hyper négatif.
00:27:30Mais vous disiez à l'instant que d'abord vous revendiquez l'appartenance petite bourgeoise.
00:27:34Vous dites qu'elle a été le substrat de la France pendant longtemps.
00:27:39Y compris la Troisième République.
00:27:42À fond.
00:27:43Et vous venez de glisser quelque chose d'éducation chrétienne.
00:27:47Parce que j'ai découvert que vous avez fait vos études à Paris, donc.
00:27:51Chez les frères des écoles chrétiennes.
00:27:53Chez les frères des écoles chrétiennes.
00:27:55À l'époque où il y avait encore des frères.
00:27:57Maintenant il n'y en a plus. Dans le privé sous contrat.
00:27:59Et puis j'ai une famille qui est très pieuse.
00:28:01Ils ont abandonné la terre.
00:28:03Mais ils n'ont pas abandonné la foi.
00:28:05Ah non, non, non.
00:28:07La foi, moi je l'ai perdue.
00:28:09Ou je m'en suis séparé.
00:28:11Qu'est-ce qui s'est passé d'ailleurs ?
00:28:13Je voudrais revenir sur l'histoire.
00:28:15Sur l'histoire du Rouergue.
00:28:17Le Rouergue est le département qui a produit le plus de berbes blancs.
00:28:20Plus que la Bretagne.
00:28:22Parce que l'enclavement.
00:28:23Parce que l'omniprésence du clergé.
00:28:25Du petit séminaire, du grand séminaire.
00:28:27Mon grand-père paternel.
00:28:31Ses trois cousins étaient des trois curés.
00:28:35Et la sœur a servi les curés.
00:28:37Ah c'est toute la famille qui est très gâteau.
00:28:39Voilà, toute la famille.
00:28:41Du reste c'est la famille Bousquet.
00:28:43Il y avait un archéologue, Louis Bousquet.
00:28:45Il y a un curé, un curé ouvrier, Adrien Bousquet.
00:28:47Qui a fait une étrie conservatoire.
00:28:49Donc c'était un pays de curés.
00:28:51L'Aveyron est un pays de curés.
00:28:53Qui est en train de se déchristianiser.
00:28:55Elle était très à droite d'ailleurs.
00:28:57Étonnamment, elle bascule. Elle était très à droite.
00:28:59Quand la France était à gauche.
00:29:01Et quand la France est à droite, elle redevient à gauche.
00:29:03Donc l'univers familial est un univers très très pieux.
00:29:05Alors moi je pense que je suis détaché.
00:29:07Mais oui, j'ai vécu avec des références chrétiennes.
00:29:09Toute mon enfance et ma adolescence.
00:29:11Ce qui fait que sans croire,
00:29:13je connais l'histoire de l'Ancien Testament, du Nouveau Testament.
00:29:15Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?
00:29:17Vous n'allez pas me dire que ce n'est pas anticléricaliste.
00:29:19Que vous avez perdu la foi quand même.
00:29:21Si vous l'avez vraiment eue d'ailleurs.
00:29:23Non, je pense que je ne l'ai jamais eue.
00:29:25Beaucoup de gens la perdent sans l'avoir eue jamais.
00:29:27Non, je pense que je ne l'ai jamais eue.
00:29:29Je pense qu'à 12-13 ans.
00:29:31C'est vraiment une corvée la messe.
00:29:33C'est là où j'ai appris à jouer au baby-foot.
00:29:35Mon père dormait pendant la messe.
00:29:37Et j'allais jouer au baby-foot.
00:29:39Il fallait rapporter la foi à la messe.
00:29:41Mais ça n'explique pas
00:29:43que vous avez perdu la foi.
00:29:45Non, vous avez touché le point sensible.
00:29:47Je ne l'ai jamais eue, je crois.
00:29:51Je n'en éprouve pas le besoin.
00:29:53Il y a des gens qui n'ont pas de tête spirituelle,
00:29:55de métaphysique.
00:29:57Pas derrière monde, comme dit Nietzsche.
00:29:59C'est comme ça.
00:30:01J'allais presque m'en excuser.
00:30:03Mais je n'ai pas en aimé m'excuser.
00:30:05Je vais vous absoudre.
00:30:07Faites l'aveu tout de même.
00:30:09Non, mais c'est que
00:30:11les auteurs auxquels je suis sensible...
00:30:13Non, mais les auteurs auxquels je suis sensible...
00:30:15Je vais parler de Molière.
00:30:17Molière,
00:30:19qui est vraiment le génie français pour moi.
00:30:21On pourrait dire
00:30:23que c'est un chrétien sociologique.
00:30:25Mais on sent qu'il n'a pas la foi,
00:30:27que ça n'intéresse pas,
00:30:29que c'est l'absence de métaphysique.
00:30:31Et pourtant, c'est l'esprit français
00:30:33qui l'a capté mieux qu'un autre.
00:30:35Parce que je crois qu'on n'a pas la tête religieuse.
00:30:37Parce que Pascal n'est pas un français.
00:30:39Pour un Pascal, c'est un extraterrestre.
00:30:41On n'a pas la tête métaphysique.
00:30:43On n'a pas la tête métaphysique, je crois.
00:30:45Je parle pour la famille d'auteurs
00:30:47à laquelle je me rattache.
00:30:49Chez Céline,
00:30:51il y a une noirceur
00:30:53qui m'est totalement étrangère.
00:30:55Il y a une noirceur totale
00:30:57chez Céline.
00:30:59Il y a une vision
00:31:01noire, sombre,
00:31:03désespérée de l'être humain.
00:31:05On est condamné
00:31:07à agir, à se débattre dans la nuit.
00:31:09C'est un voyage au bout de la nuit.
00:31:11Mais il n'y a pas d'aube.
00:31:13Il n'y a pas d'aube.
00:31:15Je déteste ce personnage.
00:31:17Je vais me faire des amis.
00:31:19Alors revenons à vous.
00:31:21Par petite touche, on voit votre enfance parisienne.
00:31:23Jusqu'au baccalauréat,
00:31:25au lycée aussi,
00:31:27vous êtes très bon élève.
00:31:29Non, élève médiocre.
00:31:31Chez les pères, toujours.
00:31:33Il y en avait beaucoup.
00:31:35C'était les frères.
00:31:37Il fallait pas qu'il y ait encore des frères.
00:31:39C'était encore un privé sous contrat,
00:31:41donc c'est vieux de 40 ans,
00:31:43qui n'était pas aussi
00:31:45uniforme sociologiquement
00:31:47qu'il est devenu aujourd'hui.
00:31:49En tout cas à Paris,
00:31:51il était grand bourgeois dans le 4e arrondissement,
00:31:53qui est aujourd'hui un lycée mixte,
00:31:55collège, école, lycée,
00:31:57parce qu'il n'était pas le cas par le passé,
00:31:59et surtout qui remplissait sa mission chrétienne.
00:32:01En l'occurrence,
00:32:03pouvoir scolariser
00:32:05ce qu'avait fait l'Église avant l'éducation nationale,
00:32:07pouvoir scolariser
00:32:09des enfants dont les parents
00:32:11n'avaient aucun moyen.
00:32:13Oui, ce n'était pas du tout l'élitisme.
00:32:15Ou alors comme dirait Camus,
00:32:17c'était un accès égalitaire à l'inégalité.
00:32:19Quel est l'état de vos admirations ?
00:32:21J'aime beaucoup.
00:32:23Il vous aime beaucoup d'ailleurs.
00:32:25De vous avec lui.
00:32:27Appelez-le.
00:32:29Le jeune homme de 18 ou 20 ans
00:32:31qui a son baccalauréat en poche,
00:32:3385, 86,
00:32:35quel est son avenir pour lui ?
00:32:37Qu'est-ce qu'il veut faire plus tard ?
00:32:39Il ne sait pas ce qu'il veut faire.
00:32:41Je travaillais dans la boutique de mon père
00:32:43qui était droguiste quincaillé,
00:32:45donc parchant de couleur,
00:32:47petit bourgeois.
00:32:49Au Faubourg du Temple ?
00:32:51Non, Paris XIe.
00:32:53Non loin du Faubourg Saint-Antoine
00:32:55et de la rue Saint-Antoine
00:32:57des Francs-Bourgeois.
00:32:59Non, c'est la littérature.
00:33:01Je tombe dans la littérature
00:33:03à 16, 17 ans.
00:33:05Est-ce que vous écrivez un slave ?
00:33:07Non, ça c'est bien après.
00:33:09Je ne sais pas ce que je veux faire
00:33:11jusqu'à ce que je lise les grands livres.
00:33:13Alors, c'est quoi les grands livres ?
00:33:15C'est Céline, c'est Nietzsche.
00:33:17Après, ils ouvrent des portes.
00:33:19C'est à ce moment-là que je sais
00:33:21que le livre m'a choisi,
00:33:23que ma vie va tourner autour du livre.
00:33:25Depuis mes 20 ans, j'ai toujours fait en sorte
00:33:27de ne travailler que dans les univers
00:33:29où il y avait des livres,
00:33:31c'est-à-dire librairie, édition, journalisme.
00:33:33Je comprends mieux. Pourquoi ?
00:33:35Je n'ai jamais gravité
00:33:37dans d'autres univers que le papier imprimé.
00:33:39La rencontre avec le livre
00:33:41m'a commotionné,
00:33:43m'a foudroyé, a réorienté ma vie.
00:33:45Je suis un homme livre.
00:33:47Je suis devenu par défi...
00:33:49Un homme livre ?
00:33:51Un homme livre, ivre de livres,
00:33:53comme de Benoît, à beaucoup d'égards.
00:33:55Donc, c'est le livre.
00:33:57Le livre m'a aspiré.
00:33:59On dirait un peu du Alain de Benoît, ça.
00:34:01Chez de Benoît, c'est des essais,
00:34:03de la philo, de la socio.
00:34:05Moi, c'est d'abord la littérature.
00:34:07Vous me parlez de Nietzsche
00:34:09et vous me parlez de Céline.
00:34:11Nietzsche aussi, bien sûr.
00:34:13C'est un immense poète.
00:34:15Plus qu'un philosophe.
00:34:17Les deux.
00:34:19Et un immense moraliste.
00:34:21Le plus français
00:34:23des philosophes allemands.
00:34:27C'est pas compte.
00:34:29Évidemment, quand vous venez
00:34:31d'un univers chrétien
00:34:33où les références sont solides...
00:34:35Nietzsche fait la révolution.
00:34:37Nietzsche, c'est pas une brèche.
00:34:39C'est un cataclysme.
00:34:41Le mot est juste.
00:34:43C'est un cataclysme.
00:34:45Et puis, il y a une euphorie chez Nietzsche.
00:34:47La vitalité n'est pas que dans le fond.
00:34:49La vitalité est aussi dans la forme.
00:34:51Et cette vitalité
00:34:53insuffle du sang
00:34:55chez l'adolescent.
00:34:57De l'énergie, du feu.
00:34:59Alors, d'autres livres
00:35:01dans ces années
00:35:03de jeunesse.
00:35:05Au début, on lit
00:35:07dans tous les sens.
00:35:09Après, je fais des études de lettres
00:35:11qui ne servent à rien, sauf à ouvrir des portes
00:35:13et à vous faire découvrir des auteurs.
00:35:15Ça sert donc à beaucoup de choses.
00:35:17Il est impossible
00:35:19de dire... Pour moi,
00:35:21les deux grands auteurs, c'est Molière et Balzac.
00:35:23Je peux dire pourquoi.
00:35:25Mais après, il y a tout le continent slave.
00:35:27Comme disait Drieu Larochelle,
00:35:29les Russes, en particulier, ont jeté
00:35:31dans leur littérature, en 50 ans...
00:35:33En tout cas, si je m'en tiens aux grands auteurs
00:35:35de romans, de philosophie
00:35:37que la Russie a produit
00:35:39à la fin du XIXe, au début du XXe,
00:35:41avant la Révolution.
00:35:43Je dis qu'il y a eu les Pères de l'Église.
00:35:45Les Russes ont inventé les Frères de l'Église
00:35:47avec un F majuscule, comme les Pères de l'Église ont un P majuscule.
00:35:49Je pense à Tolstoy,
00:35:51bien sûr, à Dostoevsky,
00:35:53mais également à toute sa littérature,
00:35:55à Mikhail Bulgakov, au père Florensky,
00:35:57au père Serge Bulgakov.
00:35:59C'est si dérangeant...
00:36:01Nicolas Gogol.
00:36:03On devine et on pressant
00:36:05qu'il va y avoir quelque chose,
00:36:07une révolution,
00:36:09parce que les fondations tremblent.
00:36:11Elles tremblent d'abord dans les livres.
00:36:13On n'occupe pas ce monde du livre.
00:36:15Et pour vous répondre,
00:36:17Berdiaev, Shestov,
00:36:19quand on tire le fil, il y en a une telle quantité.
00:36:21Les Français ne connaissent
00:36:23comme disait un grand critique russe-blanc,
00:36:25Vladimir Veillé, qui a écrit un livre génial
00:36:27qui s'appelle « Les abeilles d'Aristée ».
00:36:29Il disait que les Français ne connaissent que Anna Karamazov,
00:36:31et non pas Anna Karenina,
00:36:33il est parti à Mazov, de Tolstoy-Vesky.
00:36:35Il réunissait de Tolstoy-Vesky.
00:36:37Mais on connaît d'autres...
00:36:39Il connaît Chekhov.
00:36:41Voilà, Chekhov,
00:36:43qui est un peu le Balzac.
00:36:45Le compagnon Balzac.
00:36:47Parce que les nouvelles de Chekhov,
00:36:49c'est la comédie humaine russe.
00:36:51Pas seulement son théâtre, mais ses nouvelles.
00:36:53Normalement, la littérature ne nourrit pas son homme.
00:36:55Et j'en ai pas fait mon deuil.
00:36:57La littérature, je le réserve,
00:36:59comme disait Montaigne
00:37:01dans les périodes de temps troubles,
00:37:03à la cuisine, à l'arrière-cuisine,
00:37:05aux arrières-salles.
00:37:07Mais la politique nous requiert,
00:37:09dans ces temps...
00:37:11— Vous n'en faites pas, à ce moment-là ?
00:37:13— Non, mais de la métapolitique, tout le temps.
00:37:15À l'âge d'homme, on faisait beaucoup de métapolitique.
00:37:17— Alors, justement, affection pour l'attirance
00:37:19pour la littérature
00:37:21russe ou slave,
00:37:23et c'est celle qui vous permet,
00:37:25malgré tout, de rencontrer
00:37:27le premier Dimitrievitch, qui joue un grand rôle.
00:37:29Parlons-en quelques minutes.
00:37:31Il a une librairie, d'abord à Lausanne.
00:37:33C'est un Serbe.
00:37:35— Oui, c'est un Serbe.
00:37:37Alors qu'il est en Macédoine, à Scopier.
00:37:39Et qui s'est installé en...
00:37:41— Non, c'est pas tout à fait un Serbe,
00:37:43mais bon, c'est un...
00:37:45— Lui, vous direz, c'est un Valak.
00:37:47Les Valaks, c'est un peu un peuple marchand.
00:37:49C'est un peuple marchand qui a très largement contribué
00:37:51à l'émergence d'un phénomène nationaliste
00:37:53en Serbie, au cours du 19e siècle,
00:37:55parce que c'était une classe marchande
00:37:57alphabétisée, ce qui n'était pas le cas
00:37:59de toute la paysannerie serbe.
00:38:01Donc il a joué un rôle central
00:38:03dans l'émancipation et l'avènement de la Serbie
00:38:05sur la scène européenne.
00:38:07— Alors quand même, il fuit Tito.
00:38:09— Il fuit Tito.
00:38:11— Il s'installe à Lausanne.
00:38:13— Où il devient libraire et il crée une édition
00:38:15qui s'appelle L'Âge d'homme.
00:38:17— Et L'Âge d'homme, il la transporte à Paris,
00:38:19Place Saint-Sulpice, rue Ferroux,
00:38:21à l'ombre de la vaste église magnifique.
00:38:23Et c'est là que vous le rencontrez.
00:38:25— Oui, je le rencontre...
00:38:27D'abord, je le découvre par les auteurs
00:38:29qu'il a édités.
00:38:31Un des livres qui a changé ma vie à beaucoup d'égards,
00:38:33c'est Maîtres et complices de Gabriel Masneff.
00:38:35— Ah, de Masneff !
00:38:37— Masneff, dans ce livre-là, Maîtres et complices,
00:38:39parle de tous les grands auteurs
00:38:41de son panthéon.
00:38:43Et dans ses auteurs, il y a Léon Thieff,
00:38:45Berdiaeff, Chestoff,
00:38:47Otto Wenninger,
00:38:49et quantité d'autres.
00:38:51Et je...
00:38:53De curiosité, je m'intéresse à ces auteurs,
00:38:55et je vois qu'ils sont édités par l'âge d'homme,
00:38:57par Vladimir Dimitrievitch.
00:38:59Et je lui écris les deux seules lettres
00:39:01de motivation que j'ai pu écrire dans ma vie,
00:39:03c'est à Philippe Tesson,
00:39:05parce que j'aimais bien le quotidien de Paris à l'époque.
00:39:07Il m'a pas répondu.
00:39:09Et à Dimitrievitch, il m'a répondu.
00:39:11Et on s'est rencontrés,
00:39:13et puis on a fait un bout de chemin,
00:39:157 à 8 ans ensemble.
00:39:17— Vous devenez son bras droit.
00:39:19— Oui, avec Soledad Despot,
00:39:21de l'Antipresse.
00:39:23On est un petit peu...
00:39:25Et Pierre-Guillaume aussi.
00:39:27— L'Antipresse, ça vient après.
00:39:29Il a une maison d'édition, lui aussi,
00:39:31en Suisse, Xenia.
00:39:33— Il a eu Xenia, et désormais,
00:39:35il est à la tête de l'Antipresse,
00:39:37mais également Pierre-Guillaume Deroux.
00:39:39Parce que tout ce monde-là est un petit monde.
00:39:41Quand Dominique Deroux, le père de Pierre-Guillaume Deroux,
00:39:43crée ses cahiers en exil,
00:39:45et je crois même
00:39:47une maison d'édition,
00:39:49il n'a plus de place en France.
00:39:51Déjà, la France est verroulée.
00:39:53Et il s'installe en Suisse,
00:39:55qui était le dernier pays libre pour lui à l'époque.
00:39:57Il rencontre Dimitrievitch.
00:39:59Donc c'est un petit monde.
00:40:01Dimitrievitch, Pierre-Guillaume Deroux, Dominique Deroux,
00:40:03Soledad Despot, moi-même, et quelques autres,
00:40:05Gérard Cognon, des grands traducteurs,
00:40:07Jacques Niva, Cato...
00:40:09— Georges Niva.
00:40:11— Jacques Cato, pardon.
00:40:13— C'est le père d'une certaine Niva
00:40:15qui, idéologiquement, n'a rien à voir avec son père.
00:40:17— Non, mais c'est quand même
00:40:19un bon reporter, sa fille.
00:40:21Elle a fait des choses.
00:40:23Évidemment, c'est sur la Tchétchénie.
00:40:25Très hostile à Poutine.
00:40:27Mais elle a fait des bons reportages, néanmoins.
00:40:29Donc c'est tout un univers qui est la galaxie islave.
00:40:31Il se trouve que je rentre à l'âge d'homme
00:40:33pendant les guerres de l'ex-Yougoslavie.
00:40:35Donc oui, il y a une partie politique
00:40:37et métapolitique.
00:40:39C'est à ce moment-là que nous éditons
00:40:41quelqu'un qui vous est cher, je crois,
00:40:43et d'autres gens.
00:40:45Donc oui, on fait de la politique.
00:40:47On fait beaucoup de politique.
00:40:49Avant d'être caillassés
00:40:51et nos vitrines brisées par les antifas,
00:40:53rue de Médicis, dans le cadre de la Nouvelle Librairie,
00:40:55nous étions attaqués, rue Ferroux,
00:40:57à l'âge d'homme.
00:40:59— Place Saint-Sulpice, pratiquement.
00:41:01— Place Saint-Sulpice.
00:41:03On était attaqués pour un serbisme.
00:41:05« Serbo-bolchevisme », disait-on à l'époque.
00:41:07Alors qu'au contraire,
00:41:09c'était précisément la résistance
00:41:11de l'Empire, la résistance aux néo-conservateurs
00:41:13que nous étions en train
00:41:15de mettre sur pied en France,
00:41:17dans le volet français, avec Galois,
00:41:19Volkoff et beaucoup d'autres.
00:41:21— Là, vous glissez un peu vers la politique, quand même.
00:41:23— On fait de la politique.
00:41:25À l'époque, je pense qu'on fait de la politique, oui, bien sûr.
00:41:27— Et vous êtes en même temps journaliste
00:41:29à Valeurs actuelles et au Spectacle du monde, non ?
00:41:31— C'est après, une fois que...
00:41:33— Après Dimitri.
00:41:35— Après que j'ai quitté l'âge d'homme,
00:41:37je rentre à VA et à Dimitriévitch,
00:41:39mais aussi au Choc du mois.
00:41:41Et puis je commence à écrire dans Elements.
00:41:43Le premier canard dans lequel j'ai écrit, c'est Elements.
00:41:45Mais Elements...
00:41:47Ne payez pas, c'est rédacteur.
00:41:49— Vous savez pas qu'un jour, vous en dirigeriez, Elements ?
00:41:51— Le premier canard dans lequel j'ai écrit...
00:41:53— Dans les années 90, alors.
00:41:55— C'est toute fin des années 90.
00:41:57— Et ça avait un rapport
00:41:59avec les guerres ?
00:42:01— Non, la littérature.
00:42:03— Quel était cet article, au fond ?
00:42:05— Le premier, c'est sur un auteur qui a disparu des écrans radars.
00:42:07Je le regrette énormément,
00:42:09parce que je pense qu'il est fantastique.
00:42:11C'est un mélange de Céline et d'Heidegger.
00:42:13Je suis pas sûr que ce soit l'univers romanesque
00:42:15auquel vous êtes le plus sensible.
00:42:17C'est Jean-Claude Alberveille,
00:42:19qui avait écrit une trilogie qui est géniale
00:42:21qui s'appelle Europien, Franchoupien,
00:42:23Sibéria, autrement dit l'Altermonde,
00:42:25où il imagine que Hitler
00:42:27a gagné la guerre
00:42:29parce que Franco
00:42:31lui a ouvert les portes de l'Espagne.
00:42:33Il a pu contourner les Anglais
00:42:35dans l'Europe. Après, l'Europe était nazifiée, etc.
00:42:37— Posteriori, ça rend hommage à l'armistice
00:42:39qui a fermé l'Espagne, justement, à Hitler.
00:42:41— Oui, oui. Mais allez expliquer ça aux...
00:42:43— Attention ! Pourtant, c'est vrai.
00:42:45— Mais allez expliquer ça aux gens, aujourd'hui, qui font du procès.
00:42:47— Mais je vais le faire. Le prochain numéro du Nouveau Conservateur
00:42:49m'a donné l'occasion de faire une page publicitaire
00:42:51et consacrer justement aux effets bénéfiques de l'armistice.
00:42:53— Voilà. Mais donc Alberveille
00:42:55prend le pari inverse. C'est une Uchronie.
00:42:57Et surtout, il imagine...
00:42:59— Il a gagné la guerre, parce qu'il passe
00:43:01par l'Espagne, l'Afrique du Nord.
00:43:05— Voilà. Il y a un accès direct.
00:43:07— Et à se perdre en Russie. Voilà, oui.
00:43:09— Et puis même à la fin, il y a une dénazification dans ce roman.
00:43:11Et puis un grand empire,
00:43:13d'abord franco-allemand, cargolingien,
00:43:15et puis ensuite euro-sibérien qui se met sur pied.
00:43:17Le livre est vraiment génial. Mais bon...
00:43:19— Alors déjà, à cette époque-là,
00:43:21vous rêviez plus d'Europe que de France ?
00:43:23— Les deux. Les deux ne seront pas antinomiques.
00:43:25— Ah bah certes pas.
00:43:27Justement, ce que les faux européens
00:43:29pensent, c'est qu'il faut supprimer
00:43:31les nations
00:43:33pour la gloire de l'Europe.
00:43:35C'est pas ça, quand même.
00:43:37— Non, non, non.
00:43:39Moi, je pense que le mot de de Gaulle, de toute façon,
00:43:41est imparable. On ne fait pas d'omelette avec des œufs durs.
00:43:43On ne fera jamais des États-Unis d'Europe
00:43:45parce qu'on a des vieilles nations
00:43:47qui sont là depuis 500 ans, 1 000 ans, 1 500 ans.
00:43:49Pour nous, Français...
00:43:51— Les Vaulois.
00:43:53— Elle a une ancestralité considérable.
00:43:55Donc non, simplement...
00:43:57Oui, comme un pôle de civilisation,
00:43:59c'est de toute évidence.
00:44:01— On a une position avec les souverainistes
00:44:03qui ne se focalisent que sur la question
00:44:05de la souveraineté.
00:44:07Il me semble que la dimension identitaire
00:44:09y est centrale. Si on l'évacue, si on l'occulte,
00:44:11on parle de quelque chose d'autre.
00:44:13— Vous partagez la passion de Dimitri.
00:44:15Dimitri Evitch
00:44:17pour la cause serbe.
00:44:19C'est d'ailleurs comme ça, à ce moment-là,
00:44:21que nous nous rencontrerons, d'ailleurs.
00:44:23On a dû se croiser chez Rufferou,
00:44:25qui était véritablement un salon
00:44:27aux bons causes, surtout l'été,
00:44:29d'abord. C'était un point de ralliement.
00:44:31J'habitais de l'autre côté de la place Saint-Sulpice.
00:44:33— Comme à la Nouvelle Librairie, on faisait des soirées régulières.
00:44:35— J'habitais à 50 mètres.
00:44:37Il y avait des très belles soirées.
00:44:39On a dû... On s'est croisés à ce moment-là.
00:44:41Belles années pour vous.
00:44:43Un peu militante, déjà.
00:44:45— Oui, oui, militante.
00:44:47Pas totalement,
00:44:49puisque je suis d'abord un littéraire,
00:44:51un lecteur de romans, de poésie,
00:44:53de théâtre, de nouvelles,
00:44:55de problèmes épiques.
00:44:57D'abord un lecteur. Vraiment, je suis un homo lector.
00:44:59C'est comme ça.
00:45:01Mais oui, il y a un pied dans la politique.
00:45:03J'ai toujours eu un pied dans la politique,
00:45:05mais pas militant.
00:45:07— Comme éditeur, en fait.
00:45:09— Comme éditeur, comme intellectuel,
00:45:11comme journaliste, disons plutôt.
00:45:13Comme journaliste, oui.
00:45:15Comme dit Pascal,
00:45:17nous sommes embarqués.
00:45:19On peut pas faire semblant. On peut pas se réfugier
00:45:21comme Alceste et le misanthrope.
00:45:23Fuir la sociabilité,
00:45:25fuir le monde.
00:45:27Tout ça, c'est un politique.
00:45:29— Il y a beaucoup de suites dans les idées.
00:45:31Les livres, les livres.
00:45:33Éditeur, vous l'êtes.
00:45:35Libraire, vous l'êtes.
00:45:37Vous fondez la nouvelle librairie un peu par nostalgie
00:45:39de ce qu'a été l'âge d'homme.
00:45:41— Non, non, non.
00:45:43C'est un projet collectif et communautaire.
00:45:45— Tout près, d'ailleurs, rue Médicis.
00:45:47— Non, c'est encore...
00:45:49On est à 300, 400 mètres de la rue Ferrous.
00:45:51500 mètres à tout casser.
00:45:53C'est à l'ouverture de la librairie FACTA d'Emmanuel Rattier
00:45:55que des proches d'Emmanuel Rattier
00:45:57me sollicitent.
00:45:59Deux concerts, à plusieurs,
00:46:01à quatre, en réalité.
00:46:03On cofonde la nouvelle librairie
00:46:05dans une perspective beaucoup plus politique.
00:46:07Parce que le compte à rebours
00:46:09est enclenché.
00:46:11Ce qui n'était pas le cas...
00:46:13— C'était quelle année, ça ?
00:46:15— C'était en 2018. Il y a 6 ans, jour pour jour, quasi.
00:46:17La nouvelle librairie va fermer
00:46:19physiquement en espérant
00:46:21qu'ils vont aménager ailleurs.
00:46:23Mais les éditions, qui est le projet central,
00:46:25vont perdurer et poursuivre.
00:46:27Là, c'est...
00:46:29— Les éditions de la nouvelle librairie.
00:46:31— Voilà. Mais là, ce sont des éditions politiques.
00:46:33Parce que l'urgence des temps n'est plus du même ordre.
00:46:35Tout s'est accéléré.
00:46:37Tout s'est emballé.
00:46:39Le phénomène migratoire s'est emballé.
00:46:41La mort de Dominique Wehner,
00:46:43désormais, moi, j'ai en tête,
00:46:45m'a marqué.
00:46:47Je n'étais pas un proche de Wehner.
00:46:49Je l'ai rencontré 3 fois dans la NRH.
00:46:51— 2013.
00:46:53— Wehner était en mai 2013.
00:46:55— Il a écrit à la Nouvelle Revue d'Histoire.
00:46:57— Voilà. Moi, je faisais des portraits littéraires.
00:46:59Mais bon, on n'a pas collaboré longuement
00:47:01parce qu'il était assez tâtillon
00:47:03dans ses exigences éditoriales et journalistiques.
00:47:05— Il était assez glaçant.
00:47:07— Mais il n'empêche, quand il meurt,
00:47:09Alain de Benoît me demande de faire
00:47:11le papier dans L'Élément.
00:47:13Je me replonge dans cette œuvre.
00:47:15Le suicide à Notre-Dame.
00:47:17Je suis parisien encore.
00:47:19Non, je ne suis plus parisien,
00:47:21mais je suis régulièrement à Paris.
00:47:23Je passe souvent devant Notre-Dame
00:47:25puisque je partage mon droit
00:47:27entre le 5e et le 6e et la Rive-Droite.
00:47:29Tout ça conjugué fait que
00:47:31l'œuvre de Wehner me pénètre
00:47:33de plus en plus.
00:47:35Alors que, je le redis,
00:47:37je connaissais l'œuvre,
00:47:39mais je connaissais assez peu l'homme.
00:47:41Je l'ai vu 3, 4 fois.
00:47:43Je l'ai dîné une seule fois avec lui.
00:47:45Je n'étais pas un intime.
00:47:47Je n'étais pas un proche, disons.
00:47:49Raspail, Camus...
00:47:51Je n'ai même pas besoin,
00:47:53en réalité, de m'appuyer
00:47:55sur ces autorités-là.
00:47:57Raspail, Wehner, Camus,
00:47:59d'autres de Benoît.
00:48:01Il suffit de se promener dans Paris.
00:48:03— Grand lecteur, éditeur,
00:48:05libraire, vous ne pouvez pas
00:48:07ne pas les rencontrer.
00:48:09Et plutôt porté vers la droite,
00:48:11quand même, non ?
00:48:13— Oui, oui, oui, oui.
00:48:15Simplement, comme dit Camus,
00:48:17c'est notre regard sur le monde.
00:48:19Les rues parisiennes,
00:48:21les rues de nos banlieues,
00:48:23les rues de nos grandes villes,
00:48:25désormais de nos campagnes
00:48:27se métamorphosent,
00:48:29s'accélèrent, s'emballent.
00:48:31Donc c'est de plus en plus criant.
00:48:33Moi, quand je suis né en 68,
00:48:35ma rencontre scolaire
00:48:37avec l'immigration,
00:48:39c'est en terminale.
00:48:41Aujourd'hui, la rencontre scolaire
00:48:43avec l'immigration,
00:48:45c'est au cours préparatoire.
00:48:47Donc oui, la question
00:48:49du remplacement de population,
00:48:51de substitution de population
00:48:53de l'une par l'autre
00:48:55fait que la question politique,
00:48:57l'urgence de la question politique
00:48:59s'est imposée à moi
00:49:01comme elle s'impose à vous,
00:49:03comme elle s'impose
00:49:05à beaucoup d'entre nous.
00:49:07C'est dans les centres
00:49:09d'accouchement, en fait.
00:49:11Il y a de partout la question de l'immigration.
00:49:13Parlons-en un peu.
00:49:15Ça forme quelque chose pour vous.
00:49:17Simplement pour expliquer, à mon grand regret,
00:49:19j'aurais adoré lire mon écrivain préféré
00:49:21toute ma vie. Je pense que je pourrais
00:49:23me repaître de la comédie humaine
00:49:25et la relire indéfiniment
00:49:27de Balzac. Je ne m'en lasserai jamais
00:49:29de lire Balzac.
00:49:31Et puis de lire d'autres, Nietzsche, Céline,
00:49:33on a dit 10 auteurs, 100 auteurs.
00:49:35Je suis d'abord un lecteur.
00:49:37Mais on me prive de la lecture.
00:49:39Le monde qui est en train
00:49:41d'advenir, la violence,
00:49:43la sauvagerie,
00:49:45la conflictualité
00:49:47du monde qui est en train d'advenir
00:49:49m'interdit de lire. Dans tous les cas,
00:49:51elle m'interdit de lire parce qu'on viendra me chercher
00:49:53chez moi. Je pourrais me réfugier au bout du monde,
00:49:55dans Lyon, si c'est le cas. Dans Lyon,
00:49:57l'immigration vient me chercher,
00:49:59vient se rappeler qu'elle est là.
00:50:01Donc oui, la politique...
00:50:03C'est la question du jour.
00:50:05La personne,
00:50:07les fins de mois, vous direz que non.
00:50:09Parce qu'ils ont raison. Les fins de mois ont raison.
00:50:11Quand la fin de mois
00:50:13se présente le 20,
00:50:15ils ne pensent qu'à boucler le mois.
00:50:17Ça vous dévore,
00:50:19ça occupe vos rêves,
00:50:21vos nuits.
00:50:23Mais une fois que cette question-là est résolue,
00:50:25oui, c'est la question centrale.
00:50:27C'est la question centrale
00:50:29qui se pose à nous.
00:50:31L'immigration.
00:50:33Ça a été longtemps l'immigration,
00:50:35puis ensuite l'immigration de masse.
00:50:37Mais à partir d'une
00:50:39certaine mesure, je pense qu'il faut
00:50:41parler d'invasion.
00:50:43Oui, de submersion. On a eu des ministres
00:50:45qui ont parlé de submersion.
00:50:47Un président de la République,
00:50:49sur le tard, s'est mis à parler d'invasion.
00:50:51On parlait de VGE, de Giscard,
00:50:53de Giscard d'Estaing.
00:50:55Il se passe quelque chose.
00:50:57Quand vous avez des millions de personnes
00:50:59dont une partie que vous voulez faire fuir
00:51:01et que vous n'avez pas à reconduire à la frontière,
00:51:03ça s'appelle une invasion.
00:51:05Les ordres de grandeur, Paul-Marie.
00:51:07Donc oui, pour moi, c'est la question,
00:51:09comme pour Camus, comme pour vous,
00:51:11puisque la question économique
00:51:13pour ce qui me concerne est résolue.
00:51:15Je ne sais pas si c'est la première question pour moi.
00:51:17Mais pour moi, oui.
00:51:19C'est plutôt l'américanisation qui est, à mon avis, la source de tous les mots,
00:51:21y compris de l'absence de réflexe
00:51:23de défense dans le peuple français qui essaie d'envahir
00:51:25parce qu'il a déjà perdu l'image de lui-même.
00:51:27J'ose espérer,
00:51:29comme vous me faisiez remarquer tout à l'heure,
00:51:31en nuançant
00:51:33les perspectives un peu sombres
00:51:35qui se présentent
00:51:37à la permanence, à la continuité
00:51:39de l'égoire française,
00:51:41que certains réflexes
00:51:43pourront ressurgir,
00:51:45aujourd'hui souterrains, aujourd'hui enfouis.
00:51:47L'archaïque.
00:51:49L'archaïque pourra revenir.
00:51:51Le changement de peuple, non.
00:51:53Là, on rentre dans l'inexorable,
00:51:55l'inéluctable.
00:51:57On est au cœur des questions
00:51:59existentielles, de survie.
00:52:01Aucun peuple
00:52:03n'aura accepté ce que nous acceptons.
00:52:05Ça n'existe pas sur Terre.
00:52:07Le grand lecteur de Lévi-Strauss, Lévi-Strauss vous apprend,
00:52:09surtout le second Lévi-Strauss, de races et cultures,
00:52:11que tout
00:52:13peuple se défend,
00:52:15que les frontières sont nécessaires, sont indispensables,
00:52:17que tout peuple est suprématiste, ce que dit Lévi-Strauss.
00:52:19L'État est fait pour défendre son peuple
00:52:21contre ce qui n'est pas son peuple.
00:52:23Et tout peuple pense qu'il est supérieur à l'autre,
00:52:25par définition.
00:52:27C'est ce que dit Lévi-Strauss.
00:52:29Supérieur, non, mais préféré.
00:52:31Quand Lévi-Strauss rappelle
00:52:33que les communautés indiennes,
00:52:35amérindiennes,
00:52:37s'auto-appellent, s'auto-désignent
00:52:39la communauté des hommes,
00:52:41je crois que c'est les Comanches
00:52:43qui sont les hommes, mais beaucoup d'autres.
00:52:45C'est parce qu'ils se pensent qu'ils sont les hommes par définition,
00:52:47par excellence.
00:52:49L'attribut se définit comme étant l'humanité
00:52:51par excellence, à l'exclusion des autres,
00:52:53de l'attribut voisine, etc.
00:52:55Mais qu'importe.
00:52:57Vous voyez bien qu'il s'est passé quelque chose en amont,
00:52:59et que l'imaginaire
00:53:01a déjà été éradiqué avant même
00:53:03l'immigration,
00:53:05puis l'immigration de masse,
00:53:07puis l'invasion.
00:53:09Si c'est si rare qu'un peuple ne se défende pas,
00:53:11c'est qu'il n'ait plus
00:53:13senti
00:53:15en lui-même comme un peuple singulier,
00:53:17avec un imaginaire,
00:53:19parce qu'il a été coupé, cet imaginaire,
00:53:21dans mon esprit, entre les deux guerres,
00:53:23par l'américanisation qui se prolonge jusqu'en 1900.
00:53:25J'ajouterais une autre chose.
00:53:27Vous avez raison.
00:53:29Le préalable,
00:53:31c'est ce qu'on appelle en sociologie la déculturation.
00:53:33C'est pas la culturation,
00:53:35d'abord la déculturation.
00:53:37C'est-à-dire que votre univers
00:53:39de référence, votre univers
00:53:41de représentation, vos croyances,
00:53:43votre culture populaire, vos mythes,
00:53:45votre front légendaire,
00:53:47de plus en plus,
00:53:49c'est mis de côté,
00:53:51fini par être oublié,
00:53:53et vient se greffer là-dessus ce qu'on appelle en sociologie la culturation,
00:53:55c'est-à-dire une culture dominante.
00:53:57Les romains qui arrivent en Gaule,
00:53:59donc il y a les gallo-romains,
00:54:01les américains qui arrivent en Gaule, en France en l'occurrence,
00:54:03et comme dit Régis Debré, pour le coup il a raison,
00:54:05les gallo-ricains,
00:54:07font que nous devenons
00:54:09de plus en plus américains,
00:54:11et une des conditions
00:54:13pour que cette fabrique d'amnésie
00:54:15soit opératoire,
00:54:17c'est le remplacement de la culture populaire
00:54:19par la culture de masse.
00:54:21Et là c'est fait.
00:54:23Et c'est pas seulement fait en France,
00:54:25c'est fait dans le monde, je crois.
00:54:27On voit partout les fêtes de villages qui disparaissent,
00:54:29qui sont en train de disparaître.
00:54:31Vous savez, il y a cette phrase terrible dans Hugo Barth,
00:54:33qui est vraie, De Gaulle s'est fait une certaine idée de la France
00:54:35pendant que les français se faisaient une certaine idée de l'Amérique.
00:54:37Oui, très juste.
00:54:39C'est terrible cette phrase.
00:54:41Alors la question
00:54:43qui se pose à nous...
00:54:45Je la cite souvent, pardon si je radote,
00:54:47mais elle me hante.
00:54:49La question simplement qu'on doit
00:54:51se poser,
00:54:53c'est
00:54:55est-ce que cette accumulation est définitive ?
00:54:57Moi j'ai tendance à penser que non.
00:54:59Si je m'en tiens à la France périphérique,
00:55:01la France périphérique, donc une France
00:55:03plutôt populaire, ouvrière,
00:55:05employée, petite bourgeoise,
00:55:07vraiment interclassiste,
00:55:09mais parce que ce sont des catégories sociales plutôt inférieures,
00:55:11ou populaires.
00:55:13Les prénoms, la sociologie des prénoms,
00:55:15pour se démarquer, des bourgeois,
00:55:17où il y a un revival médiéval,
00:55:19gothique, etc.,
00:55:21et résolument américaine.
00:55:23Résolument américaine, c'est la France des kévins,
00:55:25la malédiction des kévins. Il y avait même eu un bouquin il y a 20 ans là-dessus.
00:55:27Et désormais les kévins
00:55:29sont numéro 2 du Front National,
00:55:31Jordan Bardella. Vivant au cœur
00:55:33de la France périphérique,
00:55:35en réalité, moi je serais
00:55:37bien en peine d'écrire
00:55:39la plupart des prénoms qui sont dans la classe de ma fille.
00:55:41Les prénoms, je les connais,
00:55:43je m'entends. Simplement, l'orthographe
00:55:45est modifiée. C'est qu'on peut mettre, je sais pas,
00:55:47Jimmy avec un H, ou un Y,
00:55:49ou pas Y.
00:55:51C'est pas comme Henri ou Simone.
00:55:53Mais jusqu'à l'orthographe des prénoms
00:55:55américanisés, mais pas seulement, parce qu'il y a
00:55:57le phénomène manga, donc il y a beaucoup de prénoms japonais aussi.
00:55:59Occidentalisés,
00:56:01mais quand même des prénoms japonais.
00:56:03L'orthographe
00:56:05est
00:56:07personnalisée, pour ainsi dire.
00:56:09Il n'y a pas d'orthographe canonique.
00:56:11Il n'y a pas de...
00:56:13Donc je suis un peu perdu
00:56:15quand je regarde tous ces enfants avec
00:56:17des prénoms exotiques, en réalité.
00:56:19Alors qu'ils ne sont pas exotiques, pour le coup.
00:56:21– Vous dites ça avec un sourire,
00:56:23mais ça vous fait beaucoup de chagrin. – Ce sont des bourguignons.
00:56:25Oui, mais c'est parce qu'il y a eu un changement
00:56:27du monde, voilà. Il y a eu un changement du monde
00:56:29dont nous devons acter.
00:56:31Le monde a changé, le monde a basculé
00:56:33dans un autre régime
00:56:35culturel, qui est la culture de masse.
00:56:37Pour autant, dans cette France-là,
00:56:39et ça devrait vous faire plaisir,
00:56:41Paul-Marie, c'est dans cette France-là que le réflexe
00:56:43patriotique me semble le plus fort.
00:56:45Alors il est
00:56:47hybride.
00:56:49Nos villages
00:56:51dans le Lyon,
00:56:53je pense que c'est la plupart des villages français
00:56:55sont à la même enseigne. – Qui est près d'Auxerre.
00:56:57– Au sud d'Auxerre, à 30 kilomètres au sud d'Auxerre.
00:56:59Quand la France
00:57:01gagne la Coupe du Monde, moi je n'aurai jamais l'esprit de football.
00:57:03Si ça avait été le cas en rugby,
00:57:05oui, mais pas en football.
00:57:07De
00:57:09pavoiser le village et les pavillons
00:57:11avec des drapeaux tricolores.
00:57:13On a
00:57:15une équipe plutôt black-black-black, comme disait
00:57:17Alain Finkielkraut, très non plus
00:57:19black-bomber.
00:57:21Mais peu importe, cette France périphérique qui est votre marine
00:57:23a encore un attachement aux symboles
00:57:25nationaux. Mais ce sont des symboles
00:57:27nationaux défigurés.
00:57:29À travers la sociologie des prénoms.
00:57:31– La culture populaire derrière.
00:57:33– On a remplacé la culture populaire par la culture de masse.
00:57:35– Alors, tout ça est un peu juste crâne,
00:57:37mon cher
00:57:39François Bousquet.
00:57:41Mais tout à fait passionnant.
00:57:43Revenons à vous.
00:57:45Vous commencez une carrière de journaliste
00:57:47à Spectacle du Monde, je crois.
00:57:49– Spectacle. – Ça c'est quand vous avez
00:57:51un peu plus de 30 ans, ou 40 ans.
00:57:53– Ah oui, c'est… – Aux alentours de l'an 2000.
00:57:55– 2000,
00:57:572000,
00:57:59est-ce que je suis déjà encore à l'âge d'homme ?
00:58:01Oui, 2002, 2003, que je commence à écrire.
00:58:03– Les 35 ans. – À l'initiative de
00:58:05Christian Ambrosio, dans Spectacle du Monde,
00:58:07qui nous offrait,
00:58:09c'était un magazine de luxe,
00:58:11qui n'était vendu que par abonnement,
00:58:13qui était la formule mensuelle de Valeurs Actuelles,
00:58:15et qui nous permettait de faire des dossiers,
00:58:17à mon sens, formidables,
00:58:19sur quantité de sujets,
00:58:21de traités de la culture,
00:58:23avec beaucoup d'espace, beaucoup de place,
00:58:25parce qu'on avait plus de 100 pages.
00:58:27Et donc je travaille là,
00:58:29et aussi à Valeurs Actuelles,
00:58:31mais en même temps, au Choc du Moi.
00:58:33C'est une presse beaucoup plus militante,
00:58:35beaucoup plus politique, le Choc du Moi.
00:58:37C'était un journal assez musclé,
00:58:39assez punchy, et bien sûr,
00:58:41à éléments, parallèlement.
00:58:43Donc oui, je deviens journaliste,
00:58:45après avoir été éditeur, je deviens journaliste,
00:58:47mais toujours gravitant dans l'univers
00:58:49de la chose imprimée, du livre,
00:58:51du papier, de l'imprimerie.
00:58:53– Ça vous fait plaisir, ça ?
00:58:55– Ça renforce l'univers livresque qui est le vôtre,
00:58:59et en même temps, ça vous permet d'écrire,
00:59:01parce qu'un éditeur…
00:59:03– Voilà, et bien moi…
00:59:05– Chez Dimitri, vous n'écriviez pas.
00:59:07– Non, je n'écrivais pas,
00:59:09et j'ai commencé à écrire à l'âge de 35 ans,
00:59:11donc assez tardivement, parce que je pensais
00:59:13être éditeur jusqu'au bout,
00:59:15à la Dimitriévitch, d'abord être un éditeur.
00:59:17– Il est mort en 2000…
00:59:19– Il est mort d'un accident de la route en 2012.
00:59:21– Terrible accident de la route.
00:59:23– La camionnette…
00:59:25– La camionnette emboutie par un tracteur,
00:59:27mais c'est un homme de la route,
00:59:29à cheval entre la France et la Suisse.
00:59:31Les Vallachs, c'est un peuple de marchands,
00:59:33de navigateurs…
00:59:35– En bouge.
00:59:37– Donc ils bougeaient dans les Balkans,
00:59:39et ils bougeaient également entre la France et l'Espagne.
00:59:41– Pourquoi le spectacle du Monde a disparu ?
00:59:43C'était un magnifique mensuel.
00:59:45– C'était un mensuel…
00:59:47– C'était un mensuel…
00:59:49Alors, j'ai ma grille de lecture
00:59:51sur le spectacle du Monde.
00:59:53Moi, je pense que c'était un canard.
00:59:55De la même manière que Match Monde a disparu,
00:59:57ce n'est pas les mêmes journaux,
00:59:59mais Match Monde, c'était une formule mensuelle de match.
01:00:01Elle n'était pas intéressante pour les annonceurs.
01:00:03Je pense que le spectacle du Monde
01:00:05n'était pas intéressant pour les annonceurs.
01:00:07À l'époque, le groupe Val-le-Monde avait beaucoup d'annonceurs,
01:00:09parce que la ligne politique était beaucoup moins affirmée.
01:00:11Donc il y avait des gros annonceurs,
01:00:13comme dans Le Point, L'Observateur, etc.
01:00:15On trouvait des pubs pour les grandes marques automobiles.
01:00:17– Il y avait des publicitaires parce qu'on n'était pas trop vers.
01:00:19– Ce qui est devenu le spectacle du Monde.
01:00:21– Le spectacle du Monde nous permettait d'aller au fond des choses.
01:00:29Vraiment d'aller au fond des choses.
01:00:31Je pense que ça n'était pas intéressant pour les annonceurs.
01:00:33Et je le redis, à l'époque, il y avait des annonceurs,
01:00:35parce que les couvres de VA étaient beaucoup moins clivantes.
01:00:37– Ils font la loi.
01:00:39– Ils font la loi, et c'est un public mal,
01:00:41plutôt âgé, plutôt provincial,
01:00:43et qui présentait très peu d'attrait pour la publicité.
01:00:47Donc il a été sacrifié.
01:00:49Aujourd'hui, le spectacle du Monde revit, me semble-t-il,
01:00:53sous une formule un peu nouvelle.
01:00:57Mais VA a beaucoup changé.
01:00:59C'est Valeurs Actuelles qui a beaucoup changé.
01:01:01J'ai également pas mal écrit dans VA.
01:01:03Je dois dire néanmoins que les couvres de Geoffroy Lejeune
01:01:05m'ont séduit, parce que précisément, elles étaient clivantes.
01:01:07Parce qu'elles faisaient de la politique.
01:01:09Moi, le VA d'il y a 20 ans,
01:01:11les gens l'ont peut-être oublié,
01:01:13mais c'est que, je ne sais pas,
01:01:15une fois par mois, il y avait des besoins de retraite,
01:01:17une fois tous les six mois, il y avait des hôpitaux.
01:01:19Je n'en ai rien à foutre, moi, des hôpitaux ou du prix d'immobilier.
01:01:21Ce qui m'intéresse, c'est la politique.
01:01:23Donc Lejeune a donné un coup de barre politique à ce journal,
01:01:25et bien sûr, les annonceurs ont quitté.
01:01:27– Il y avait eu du temps de branca.
01:01:29C'était de très bonnes factures, quand même.
01:01:33Bon, il y a le problème d'Orsival,
01:01:35mais passons là-dessus, sur le personnage.
01:01:39Le fait est qu'il y a un peu foutu Valeurs Actuelles
01:01:41et le spectacle du Monde en l'air,
01:01:43disons-le tout carrément.
01:01:45C'est moi qui le dis.
01:01:47Mais alors, c'est à ce moment-là
01:01:49que vous investissez du coup davantage
01:01:51dans Elements et de ce qu'on appelle
01:01:53la Nouvelle Droite.
01:01:55Comment vous y entrez à ce moment-là ?
01:01:57Vous étiez déjà un pied dedans ?
01:01:59– Non, ça fait longtemps.
01:02:01Moi, je suis à Elements, c'est le premier canard,
01:02:03le premier journal dans lequel j'écris des articles.
01:02:05Je connais de Benoît depuis 1998-1999.
01:02:07Je le rencontre, pas par Elements d'ailleurs,
01:02:09je le rencontre en tant qu'éditeur à l'âge d'homme.
01:02:11Parce que lui qui était édité par Albert Michel,
01:02:13Edgar Nallier et d'autres maisons dans les années 80,
01:02:15n'a plus beaucoup d'éditeurs.
01:02:17Aujourd'hui, il commence à en avoir de nouveaux
01:02:19et tant mieux, mais à l'époque,
01:02:21il n'a pas d'éditeur.
01:02:23Il frappe à la porte de l'âge d'homme
01:02:25avec un livre qui m'a bouleversé,
01:02:27qui m'a permis de découvrir un personnage de Benoît.
01:02:29C'est un journalier de Benoît,
01:02:31lui qui se met très peu en avant par pudeur.
01:02:33Il avait écrit un livre qui s'appelle
01:02:35« Dernière année »,
01:02:37note pour conclure le siècle,
01:02:39et il l'avait soumis à l'âge d'homme.
01:02:41Dimitri m'avait confié la lecture
01:02:43et le soin de travailler ce texte.
01:02:45Moi, je le découvre de Benoît à cette époque-là.
01:02:47– Vous l'éditez ? – On l'édite et on sympathise.
01:02:49J'écris dans Elements
01:02:51grâce à Marmain et de Benoît.
01:02:53J'assiste à toutes les conférences de rédac' d'Elements
01:02:55depuis la nuit des temps,
01:02:57j'ai presque envie de dire.
01:02:59– Et vous devenez ami de Benoît ?
01:03:01À l'époque, on l'appelle Fabrice ?
01:03:03– Les proches l'appellent toujours Fabrice Laroche,
01:03:05qui est son pseudonyme le plus connu
01:03:07et la plus militante.
01:03:09– Vous ne l'appelez pas Alain ?
01:03:11– Au départ, on le vous voit et on l'appelle Alain.
01:03:13Mais à force, dès la seconde conférence de rédaction,
01:03:15quand tout le monde le tutoie, il appelle Fabrice.
01:03:17À un moment donné, quand on dit Alain,
01:03:19les gens sursautent.
01:03:21Donc voilà,
01:03:23c'est pour des questions de commodité.
01:03:25– Très proche, avec connivence intellectuelle, ce « nous ».
01:03:27– Voilà,
01:03:29à telle enseigne que
01:03:31je l'assiste,
01:03:33vraiment, parce qu'il fait tout tout seul,
01:03:35pour la rédaction de « Mémoires vives »,
01:03:37qui est son livre,
01:03:39qui est son autobiographie, son chemin de pensée.
01:03:41– Si on veut connaître l'œuvre d'Alain Deloy,
01:03:43il faut lire ce magnifique ouvrage
01:03:45« Mémoires vives »,
01:03:47une série d'entretiens,
01:03:49alors c'est très dense,
01:03:51c'est pas des entretiens de journaliste.
01:03:53Il synthétise sa pensée,
01:03:55et vous le guidez, de sorte qu'il synthétise
01:03:57chapitre après chapitre
01:03:59l'immensité des domaines
01:04:01qu'il a touchés.
01:04:03– La géopolitique, la sociologie,
01:04:05l'histoire, l'anthropologie.
01:04:07– Oui.
01:04:09– Vous êtes fasciné par le personnage,
01:04:11c'est un océan.
01:04:13– C'est un océan de livres,
01:04:15de savoirs, de curiosités,
01:04:17pluridisciplinaires.
01:04:19« Pic de l'ami Randol »,
01:04:21on abuse communément et trop souvent
01:04:23de l'expression, parce que...
01:04:25– T'as lu que la La Pauve, elle est justifiée.
01:04:27– Néanmoins, j'ai pris l'habitude de dire
01:04:29« Pic de l'ami Randol », 16e siècle,
01:04:31dans sa bibliothèque, il y a 1 600 références.
01:04:33Ce qui est énorme, à l'époque,
01:04:35c'était énorme, 1 600 références.
01:04:37– Nous avons fait des entretiens,
01:04:39des conversations avec Alain de Benoît,
01:04:41et notamment une, c'était la première de la série,
01:04:43en 2016,
01:04:45dans sa bibliothèque,
01:04:47au Chéné, sous-sol de son maison.
01:04:49– C'est un labyrinthe.
01:04:51– C'est un labyrinthe époustouflant.
01:04:53Et vous dites d'ailleurs que pour écrire sur Alain de Benoît,
01:04:55il faudrait lire tout ce qu'il a lu, mais c'est impossible.
01:04:57– Presque, oui, parce que c'est impossible,
01:04:59il n'a pas lu les 100 000 livres,
01:05:01il y en a plus en réalité,
01:05:03il s'est délesté de beaucoup de livres
01:05:05ces dix dernières années,
01:05:07mais aujourd'hui il reste aux 100 000 livres.
01:05:09Il ne les a pas tous lus, certes,
01:05:11mais il en a lu beaucoup,
01:05:13ligne après ligne, ou alors en diagonale.
01:05:15Mais oui, c'est un homme-livre de Benoît,
01:05:17c'est même un homme-bibliothèque.
01:05:19– Putain, le cirque !
01:05:21– Donc si on veut vraiment rentrer
01:05:23dans le cœur de sa pensée,
01:05:25suivre ses évolutions,
01:05:27la manière dont il s'est construit,
01:05:29dont sa vision du monde s'est consolidée,
01:05:31il faut passer par ses lectures.
01:05:33Simplement, on ne peut pas lire tout ce qu'il a lu,
01:05:35donc on synthétise,
01:05:37ou alors on le lit,
01:05:39parce qu'il est aussi journaliste de Benoît.
01:05:41C'est un intellectuel, c'est un philosophe,
01:05:43c'est un historien, mais c'est aussi un journaliste.
01:05:45Et souvent les intellectuels,
01:05:47les philosophes, les historiens,
01:05:49oublient une chose,
01:05:51c'est qu'il s'adresse à un lecteur.
01:05:53Le lecteur a besoin d'être situé
01:05:55dans l'univers des idées aussi,
01:05:57pas seulement dans la…
01:05:59– Et alors,
01:06:01de tous les hommes qui vous ont marqué,
01:06:03c'est certainement,
01:06:05on peut dire, votre maître, non ?
01:06:07– Oui, alors même s'il récuserait l'étiquette,
01:06:09parce qu'il n'entretient pas
01:06:11de relation de maître à disciple,
01:06:13mais de fait, oui,
01:06:15c'est ma vision du monde.
01:06:17Alors j'ai rencontré
01:06:19de Benoît tardivement,
01:06:21c'est la trentaine passée,
01:06:23j'ai rencontré Dimitriévitch
01:06:25de l'âge d'homme à la vingtaine,
01:06:27donc la quête de père,
01:06:29de tuteur en tout cas.
01:06:31Et le besoin de tuteur est plus important
01:06:33dans l'adolescence,
01:06:35au sortir de l'adolescence, que dans l'âge adulte,
01:06:37ce qui était le cas quand j'ai rencontré Benoît.
01:06:39Mais sur la vision du monde, oui,
01:06:41on ne peut pas faire l'économie de la nouvelle droite
01:06:43et de la pensée de Benoît.
01:06:45Je lui ai consacré un livre,
01:06:47Alain Benoît à l'endroit, pour reprendre le titre d'un de ses livres,
01:06:49ou avec un chapitre
01:06:51sur la nouvelle droite,
01:06:53donc en l'occurrence,
01:06:55c'est la question du christianisme.
01:06:57Je pense qu'on se trompe, nous, nouvelle droite,
01:06:59à occulter la dimension chrétienne.
01:07:01On ne peut pas concevoir l'Europe,
01:07:03qui est quand même
01:07:05le cœur de notre pensée,
01:07:07sans passer par le christianisme.
01:07:09Il n'y a pas d'Europe avant le christianisme.
01:07:11Comme civilisation, toujours,
01:07:13pas comme transcendance.
01:07:15Oui, comme civilisation, pas comme transcendance.
01:07:17Mais oui, la écriture en Jésus,
01:07:19on ferait dire que c'est comme le Renan,
01:07:21le Jésus de Renan.
01:07:23C'est mille pages.
01:07:25Douze cents.
01:07:27C'est trente ans de travail.
01:07:29C'est trente ans de lecture,
01:07:31trente ans de réflexion.
01:07:33Jésus, qui n'est pas...
01:07:35Il est très critique, bien sûr,
01:07:37mais sans la âme qu'il a pu avoir
01:07:39du temps où il était le disciple de Rouget.
01:07:41Voilà, mais ça nous ramène
01:07:43quarante ans en arrière.
01:07:45Bon, enfin, Alain Benoît,
01:07:47donc lisons-le,
01:07:49et regardons d'ailleurs les conversations
01:07:51qu'il nous a accordées.
01:07:53Il m'a promis d'en faire encore une ou deux.
01:07:55Quelques années plus tard, presque dix ans
01:07:57après la première, parce que le personnage évolue,
01:07:59il atteint un âge...
01:08:01Il a eu 80 ans l'an dernier,
01:08:03à la fin de l'an dernier,
01:08:05en décembre 2023.
01:08:07Il avait eu le personnage d'une chaleur...
01:08:09Une élégance d'âme,
01:08:11d'une générosité.
01:08:13C'est un grand aristocrate.
01:08:15Il est commandé par le noblesse oblige.
01:08:17Moi, je lui dois beaucoup.
01:08:19J'ai voulu, à travers Alain Benoît,
01:08:21qui est un demi-siècle
01:08:23d'histoire de la Nouvelle-Droite,
01:08:25lui rendre hommage,
01:08:27parce qu'il y a une conjuration
01:08:29à la fois du silence et de la malveillance
01:08:31pour ce qui le concerne.
01:08:33Je pense que ce n'est pas
01:08:35un des grands intellectuels français
01:08:37du dernier demi-siècle.
01:08:39Je pense que c'est le plus grand,
01:08:41et je m'explique pourquoi.
01:08:43Si on prend tous nos grandes figures intellectuelles
01:08:45depuis 50 ans,
01:08:47ce sont des intellectuels individuels
01:08:49qui produisent une intelligence individuelle.
01:08:51Dans leur coin, un peu.
01:08:53Benoît a créé son œuvre.
01:08:55Un énorme mouvement.
01:08:57Éléments est venu après.
01:08:59Il y a eu Nouvelle École,
01:09:01qui était la première revue
01:09:03de la Nouvelle-Droite
01:09:05dans les années 60.
01:09:07Fin des années 60.
01:09:09Éléments, c'est en 1973.
01:09:11Et Crézis, je crois que c'est en...
01:09:1350 ans.
01:09:15Voir les années 80.
01:09:17C'est à la fois un intellectuel individuel
01:09:19et un intellectuel collectif.
01:09:21Il n'y a pas d'équivalent.
01:09:23Je le compare souvent à Maurras et à l'action française,
01:09:25en dépit des différences doctrinales
01:09:27qui sont considérables.
01:09:29Mais néanmoins,
01:09:31la Nouvelle-Droite,
01:09:33par son inscription
01:09:35dans la durée d'un demi-siècle d'histoire,
01:09:37ce n'est pas rien pour un courant de pensée un demi-siècle,
01:09:39comme l'action française.
01:09:41Sa capacité à attirer
01:09:43des intellectuels organiques,
01:09:45des économistes organiques, des biologistes organiques,
01:09:47bref, une famille d'intellectuels,
01:09:49à la structurer autour
01:09:51d'un noyau commun,
01:09:53qui est le corps doctrinal de l'AND,
01:09:55mais qui n'est pas une secte.
01:09:57La Nouvelle-Droite...
01:09:59Oui, ce n'est pas une secte, parce qu'il n'y a pas de frontières.
01:10:01C'est une appartenance très souple, la Nouvelle-Droite.
01:10:03Oui, simplement.
01:10:05Nous partageons une vision du monde
01:10:07commune.
01:10:09Résolument européenne.
01:10:11Européenne, différentialiste, d'abord différentialiste.
01:10:13Et en tous les cas, il a fait école.
01:10:15Il a fait école,
01:10:17et c'est pour me faire comprendre.
01:10:19Il a fait école, et c'est un courant de pensée
01:10:21qui est plus que jamais là,
01:10:23qui est vivant, qui agrège
01:10:25de jeunes talents, de jeunes plumes.
01:10:27Une de mes obsessions,
01:10:29c'est qu'on ne nourrisse pas
01:10:31sur notre flanc, comme l'action française,
01:10:33des dissidents,
01:10:35des dissidents de l'action française.
01:10:37Donc j'essaie d'élargir le plus possible
01:10:39la rédaction d'éléments, sans renoncer
01:10:41à notre ADN, l'expression
01:10:43malencontreuse.
01:10:45Et combien vous tirez ? C'est un énorme tirage.
01:10:47Le tirage est assez important.
01:10:49Ça ne se dit pas.
01:10:51C'est pourtant un éloge.
01:10:53Oui, les ventes,
01:10:55on tourne plus ou moins
01:10:57en fonction des numéros, à 10 000 exemplaires,
01:10:59plus 10 000, un peu plus, un peu moins.
01:11:01Vendu en kiosque ?
01:11:03Kiosque et abonnés.
01:11:05Et surtout, c'est une revue
01:11:07qui est lue par un public
01:11:09qui est très exigeant, si je puis dire.
01:11:11C'est une revue intellectuelle.
01:11:13Elle foisonne.
01:11:15Comment diriger ce...
01:11:17Ce n'est pas l'échelle du nouveau conservateur.
01:11:19Les outils, désormais,
01:11:21les outils des réseaux sociaux
01:11:23nous permettent d'aller très vite
01:11:25de Paris à la France,
01:11:27de la France à la Suisse, à la Belgique,
01:11:29voire à d'autres pays.
01:11:31Donc, c'est assez facile.
01:11:33Et puis, la machine est lancée
01:11:35depuis 50 ans.
01:11:37Donc, l'objectif est de continuer
01:11:39à l'accompagner de son développement.
01:11:41Un très grand succès.
01:11:43J'incite tout le monde à lire Éléments.
01:11:45D'ailleurs, je répète toujours la même chose.
01:11:47Si l'on veut faire quelque chose
01:11:49pour son pays, il faut d'abord détruire les mensonges,
01:11:51c'est-à-dire chercher des vérités,
01:11:53c'est-à-dire lire, et lire des livres,
01:11:55et lire des revues, principalement,
01:11:57ou écouter quelques émissions,
01:11:59notamment sur TV Liberté.
01:12:01On peut parler de Radio Contoisie.
01:12:03Et si l'on veut militer
01:12:05ardemment, il faut les financer,
01:12:07au moins pour les journaux, les acheter,
01:12:09les lire et les faire connaître.
01:12:11Donc, bravo pour votre réussite.
01:12:13Et alors, au milieu de tout ça,
01:12:15bon, ça vous occupe beaucoup,
01:12:17c'est assez remarquable
01:12:19d'intrépidité,
01:12:21à quel moment
01:12:23rencontrez-vous deux autres personnages
01:12:25qui vous marquent beaucoup, même trois ?
01:12:27On va passer un peu vite sur le premier,
01:12:29parce que je l'ai connu, il ne m'a jamais beaucoup
01:12:31impressionné, c'est Jean Hédernallier,
01:12:33et racontez-nous, Jean Hédernallier,
01:12:35puis Jacques Vergès,
01:12:37et puis ensuite, parlons un peu
01:12:39de quelqu'un que vous avez très bien connu
01:12:41et que nous pleurons tous, puisqu'il est mort récemment,
01:12:45Patrick Buisson,
01:12:47sur lequel vous avez écrit, d'ailleurs.
01:12:49Oui, j'ai écrit sur les trois.
01:12:51Sur les trois, en réalité, j'ai écrit
01:12:53un livre sur Jean Hédern, le narcissique parfait,
01:12:55chez Albain Michel, dans une autre vie.
01:12:57Je ne l'ai pas lu, mais que veut dire
01:12:59le narcissique parfait ? Ça veut dire
01:13:01que c'est critique, quand même. Non, parce que
01:13:03c'est un pamphlet amoureux, si vous voulez.
01:13:05C'est un parfait qui n'est pas ironique.
01:13:07Oui, c'était un pamphlet à certains égards,
01:13:09mais il était beaucoup plus amoureux
01:13:11que critique, parce que Jean Hédern
01:13:13était phénoménal, c'était un fou d'exception.
01:13:15La jeune génération ne sait plus
01:13:17ce que ça peut être, une tarée folie.
01:13:19Il avait fait plastiquer
01:13:21l'appartement de Régis Debré,
01:13:23la moitié de l'immeuble, rue de Seine,
01:13:25pas très loin d'ici, dans le 6e.
01:13:27La moitié de l'immeuble avait été démolie.
01:13:29C'était rue de Seine, à l'époque,
01:13:31en 82.
01:13:33Il avait
01:13:35jeté un cocktail Molotov
01:13:37dans l'appartement de Françoise Maléjoris,
01:13:39qui était la présidente du jury Goncourt.
01:13:41Il s'est lui-même enlevé,
01:13:43parce qu'il avait organisé
01:13:45son propre enlèvement pendant dix jours.
01:13:47C'est un fils de général,
01:13:49un petit-fils de général.
01:13:51Et en même temps, breton,
01:13:53avec une partie alsacienne,
01:13:55je crois, dans la famille,
01:13:57avec un château en Bretagne.
01:13:59C'était un valet de comédie,
01:14:01une fourberie de scapins.
01:14:03Mitterrand a eu son scapin.
01:14:05Quand Hégal dit que le journal,
01:14:07c'est la prière du matin,
01:14:09parce qu'au XIXe siècle,
01:14:11il y a l'âge d'or des journaux,
01:14:13de la presse papier,
01:14:15de la presse quotidienne,
01:14:17j'ai fait l'expérience,
01:14:19j'ai fait mon lettre,
01:14:21le mercredi matin,
01:14:23l'achat de l'idiot international
01:14:25de Jean-Édernalier,
01:14:27c'était la prière du matin.
01:14:29Parce qu'il y avait une équipe,
01:14:31c'était l'équipe B
01:14:33de la camédie française,
01:14:35mais une camédie française
01:14:37insolente, impertinente.
01:14:39Il y avait Marc-Edouard Nab,
01:14:41Maznev a dû écrire,
01:14:43de Benoît il a écrit,
01:14:45il y avait Alain Soral,
01:14:47c'était un journal fantastique,
01:14:49où Jean-Édern grillait tous les faux rouges,
01:14:51à 180 à l'heure.
01:14:53Il était terrible.
01:14:55Vous oubliez un de ses hauts faits d'armes,
01:14:57je le note de façon immodeste,
01:14:59parce que j'ai été un de ses agents,
01:15:01il était furieux contre l'euro-Disneyland.
01:15:03Oui, comme la Nouvelle-Droite.
01:15:05Je me rappelle qu'à l'époque,
01:15:07en 1993, les deux canards
01:15:09qui avaient le plus mitraillé,
01:15:11les trahisons des socialistes.
01:15:13C'était Chirac,
01:15:15alors, au Disneyland.
01:15:17C'était la première cohabitation
01:15:19entre 1986 et 1988.
01:15:21Les socialistes avaient lancé le truc.
01:15:23C'était Fabius qui avait lancé.
01:15:25C'était Jean-Édern.
01:15:27Un pont d'or à Disney pour faire,
01:15:29en France,
01:15:31Disney faisait semblant de vouloir
01:15:33ouvrir un Disneyland en Espagne
01:15:35pour faire monter les enchères,
01:15:37et le gouvernement, d'abord socialiste,
01:15:39mais Chirac avait continué,
01:15:41avait fait des exceptions aux droits sociaux.
01:15:43Terrible !
01:15:45Quand ça se créait,
01:15:47il y avait des papiers fantastiques,
01:15:49il y avait des dessinateurs de presse énormes.
01:15:51Les deux meilleurs pour moi, c'était Gébet,
01:15:53le génie de la gauche,
01:15:55et Conk, le génie de la droite.
01:15:57Les deux équivalents de l'idiot.
01:15:59On nous bassine
01:16:01avec le Canard Enchaîné,
01:16:03qui est un journal de fonctionnaires
01:16:05ou de chauffeurs de bus de la RATP,
01:16:07avec Charlie Hebdo,
01:16:09qui n'est rien du tout,
01:16:11c'est un journal de Philippe Val.
01:16:13L'idiot était 100 fois au-dessus.
01:16:15C'était une bombe, ce journal.
01:16:17Cher François, vous me coupez beaucoup.
01:16:19Jean Héderne m'avait
01:16:21demandé de l'argent,
01:16:23j'étais à leur directeur de cabinet
01:16:25de Philippe de Saint-Robert,
01:16:27dont les positions étaient nettement connues
01:16:29contre les facilités
01:16:31données alors au Disneyland,
01:16:33notamment qu'il s'affranchissait
01:16:35justement de tout respect
01:16:37de la culture et de la langue française.
01:16:39Ce qu'il faut faire,
01:16:41mais ça coûterait trop cher,
01:16:43c'est acheter les clous.
01:16:45Vous n'avez pas un peu d'argent, me dit-il,
01:16:47dans votre service ? Là, c'était un service pour les visites.
01:16:49J'étais directeur de cabinet
01:16:51du commissaire général de la langue française.
01:16:53Vous n'avez pas un peu d'argent
01:16:55pour acheter les clous ?
01:16:57On avait dit ça en poustille,
01:16:59je me souviens,
01:17:01quand tu l'avais un peu bu,
01:17:03c'était un personnage presque encombrant.
01:17:05C'était presque toujours le cas.
01:17:07Bref.
01:17:09Et je lui ai dit, chiche,
01:17:11j'en m'éterne,
01:17:13j'ai trouvé,
01:17:15je vais peut-être me faire poursuivre,
01:17:17il y a d'ailleurs prescription,
01:17:19on est en 1986, je crois,
01:17:21je suis allé voir
01:17:23d'autres furieux
01:17:25qui étaient les forains, le patron des forains,
01:17:27Marcel Campion, déjà à l'époque.
01:17:29Il était jeune, mais il était le patron des forains.
01:17:31Je lui ai dit, écoutez, moi,
01:17:33je peux vous fournir des tonnes de clous
01:17:35à condition,
01:17:37moi, je n'ai pas les services
01:17:39pour les répandre,
01:17:41sur la route qui allait de Paris
01:17:43à Marne-la-Vallée,
01:17:45où l'on inaugurait
01:17:47le lendemain, je crois,
01:17:49en grande pompe,
01:17:51alors avec tous les officiers, je crois même qu'il y avait Chirac,
01:17:53l'Euro Disneyland.
01:17:55Et dans la nuit précédente,
01:17:57les forains...
01:17:59C'est pas plus tard ?
01:18:01Ah non, c'est 86 ou 87 peut-être, mais c'est pas plus.
01:18:03Chirac était Premier ministre.
01:18:05Je me souviens, j'étais
01:18:07encore à Matignon,
01:18:09auprès de Philippe de Saint-Rompert,
01:18:11et j'avais trouvé une association,
01:18:13on avait maquillé une dépense,
01:18:15c'est absolument interdit,
01:18:17une association
01:18:19qui défend la langue française
01:18:21qui avait acheté vraiment
01:18:23des taubourreaux de clous
01:18:25que Marcel Campion et ses amis forains
01:18:27avaient déversés sur la route
01:18:29pour bousiller le lendemain matin.
01:18:31Ça marchait d'ailleurs.
01:18:33Il y avait tellement de clous, d'énormes clous,
01:18:35que les voitures creusées,
01:18:37les voitures officielles creusées,
01:18:39ils faisaient changer les roues, etc.
01:18:41C'était un peu dérisoire comme résistance.
01:18:43Mais un peu à la Tintin
01:18:45ou à l'Astérix.
01:18:47Ou à l'agent Éderne.
01:18:49C'est un personnage en effet charmant,
01:18:51mais quand même pas grand sérieux.
01:18:53C'est un bouffon.
01:18:55C'est difficile,
01:18:57le bouffon du roi.
01:18:59C'est un bouffon.
01:19:01C'est un valet de comédie.
01:19:03Et à un moment donné,
01:19:05c'est très difficile d'assumer le statut de bouffon
01:19:07jusqu'au bout.
01:19:09On l'a tué,
01:19:11Jean Éderne.
01:19:13On l'a tué, je ne m'entends pas.
01:19:15On l'a tué métaphoriquement,
01:19:17contrairement à ce que pensent certains proches.
01:19:19C'était une équipe de pirates,
01:19:21de flibustiers, de corsaires,
01:19:23phénoménales.
01:19:25On en a besoin.
01:19:27C'est la dérision de la révolution qui n'arrive pas à devenir.
01:19:29Son journal, quand même,
01:19:31l'idiot, pendant quelques années...
01:19:33Mais mon affection pour la dérision, c'est comme Céline.
01:19:35Mais quand même, de 1989 à 1993,
01:19:37l'idiot a tenu
01:19:39tant bien que mal
01:19:41en repoussant la périodicité
01:19:43de plus en plus élastique
01:19:45au rythme des procès
01:19:47auxquels Jean Éderne devait faire face.
01:19:49Et qui perdait mécaniquement.
01:19:51Puisqu'il recourait
01:19:53à une liberté de ton
01:19:55et de langage
01:19:57ordurières, très polémiques,
01:19:59très pamphlétaires,
01:20:01qu'il conduisait à tous les coups au tribunal.
01:20:03Il y a eu la loi Pleven entre-temps.
01:20:05Avant la loi Pleven, il n'aurait pas été condamné
01:20:07pour racisme à 2-3 reprises.
01:20:09Mais oui, il a été phénoménal.
01:20:11C'était l'époque...
01:20:13Rappelez-vous, Paul-Marie, c'est la première
01:20:15guerre du Golfe.
01:20:17Alors, il y a un autre personnage que vous rencontrez
01:20:19chez Mafezan, mais je ne sais pas
01:20:21où ni comment vous allez nous le dire.
01:20:23Vous travaillez pour Jacques Vergès ?
01:20:25Oui, je travaille.
01:20:27A quel moment ça se situe, ça ?
01:20:29Ça doit être dans les années...
01:20:31Alors, un grand avocat,
01:20:33communiste,
01:20:35proto-communiste...
01:20:37Oh, il était communiste, mais il était
01:20:39surtout nationaliste.
01:20:41Au point d'avoir défendu
01:20:43le FLN.
01:20:45C'est par nationalisme.
01:20:47D'abord,
01:20:49ce sont pour lui des guerres d'indépendance.
01:20:51Oui, c'était un monarchiste
01:20:53à l'origine, et pour le monarchiste,
01:20:55il faut défendre toutes les nations du monde.
01:20:57Les monarchistes ne sont pas colonialistes.
01:20:59Mais même chose, pour être
01:21:01en époque commun, il était très sensible
01:21:03à la Nouvelle Droite et à la vision
01:21:05différentialiste que nous portons.
01:21:07C'est par Michel Marmin,
01:21:09qui est...
01:21:11Un des proches d'Alain Benoît.
01:21:13Oui, puis un des rédacteurs historiques
01:21:15de la Revue Éléments, même centrale,
01:21:17avec Benoît et Jean-Claude Vallat,
01:21:19parce qu'il a dirigé de très nombreuses années,
01:21:21que je rencontre Vergès, et Vergès, oui,
01:21:23est fascinant. Vergès disait souvent,
01:21:25moi, il me disait toujours, je suis un bâtard.
01:21:27À la fois asiatique
01:21:29et européen, d'origine basque.
01:21:31Né à la Réunion, mais d'origine basque.
01:21:33Un regard
01:21:35fantastique, Vergès. Le regard,
01:21:37l'insolence rimbaldienne du regard de Vergès.
01:21:39Le regard...
01:21:41Il n'avait même pas à parler.
01:21:43Le regard de défi, au-delà du pétillant.
01:21:45C'était du défi. C'était un défi.
01:21:47Il vous défiait,
01:21:49j'imagine, comme Rimbaud, défiait
01:21:51les bourgeois de Charleville-Mézières
01:21:53quand il avait 15 ans,
01:21:55et puis les poètes maudits
01:21:57parisiens quand il avait 18 ans.
01:21:59Le regard de Vergès, c'était fascinant.
01:22:01L'avocat de la terreur, comme l'a dit
01:22:03Barbet Schroeder, son bureau était
01:22:05une merveille. Il y avait des pièces, des jeux d'échecs
01:22:07en ivoire. Il avait un bureau
01:22:09massif, énorme,
01:22:11en bois de fer, qui est un bois
01:22:13qui est très dur à ouvrager.
01:22:15Et vous recevez là,
01:22:17en vous disant, si devant Bousquet,
01:22:19ou citoyen Bousquet,
01:22:21n'étant pas un aristocrate, je disais
01:22:23citoyen Bousquet, cher maître,
01:22:25et puis la conversation s'engageait.
01:22:27Et oui, il était chemin faisant,
01:22:29comme c'était avant tout
01:22:31un affranchi,
01:22:33avant tout
01:22:35un profil
01:22:37hors normes, hors champs, hors cadre.
01:22:39Je disais bâtard.
01:22:41Oui, bâtard, parce que c'était sa dimension monarchique.
01:22:43Oui, bâtard du roi.
01:22:45Fils d'Européens et d'Asiatiques.
01:22:49À l'aise avec les princes et les voyous.
01:22:51Et aussi en lui,
01:22:53entre les princes et les voyous, c'est deux vies.
01:22:55Le film de Barbet Schroeder, même s'il y a
01:22:57quelques critiques, évidemment, parce que
01:22:59c'est une perspective critique, c'est un film à charge.
01:23:01Néanmoins, le personnage est plus grand
01:23:03que son réalisateur,
01:23:05et le débord de toutes parts. Donc oui,
01:23:07Vergès, c'était un spectacle.
01:23:09On avait la chance d'être au premier moment.
01:23:11Il paraît qu'on allait au spectacle
01:23:13quand on allait voir Vergès plaider.
01:23:15Alors moi, comme avocat, je le vois,
01:23:17bien sûr, il y a eu le procès Barbie.
01:23:19La stratégie de la rupture.
01:23:21La stratégie de la rupture est fantastique.
01:23:23Récusant le tribunal.
01:23:25On passe par-dessus le tribunal pour s'adresser à l'opinion.
01:23:27On récuse la légitimité du tribunal.
01:23:29Parce que ça se fait beaucoup aujourd'hui
01:23:31de dépasser le tribunal pour s'adresser à l'opinion.
01:23:33Le wokisme marche comme ça.
01:23:35Oui, oui, mais c'était sans
01:23:37l'afro-avoyance de Vergès.
01:23:39C'est le principe.
01:23:41Je le redis, il était assez peu communiste, Vergès.
01:23:43C'était un aristocrate.
01:23:45Sa vision du monde était fondamentalement aristocratique.
01:23:47Vraiment fondamentalement.
01:23:49Son communisme était nationaliste.
01:23:51Comme chez les Russes.
01:23:53L'élément étranger du nationalisme russe,
01:23:55c'est le communisme.
01:23:57C'est l'élément parasite. Pas étranger, parasite.
01:23:59Greffé.
01:24:01Raison pour laquelle, je crois,
01:24:03qu'il nous appréciait autant.
01:24:05Nous, gens de droite.
01:24:07Et qu'il nous recevait aussi généreusement
01:24:09dans son hôtel particulier.
01:24:11Qu'il louait.
01:24:13Dans le 9e arrondissement.
01:24:15Oui, dans le 9e, loin de la place Kichy.
01:24:17Donc oui, c'était un personnage fascinant,
01:24:19Vergès. Flamboyant.
01:24:21Incandescent.
01:24:23On n'a pas le temps d'en parler davantage.
01:24:25Vous éditez un de ses livres, qui est presque
01:24:27un livre testament, je crois.
01:24:29Malheureusement,
01:24:31il n'a pas fait de biographie.
01:24:33Il n'y a pas d'autobiographie.
01:24:35Il n'a pas fait d'entretien. Beaucoup.
01:24:37Il y a un autre livre, d'ailleurs, de Vergès,
01:24:39qu'il faut lire. C'est un livre d'entretien
01:24:41avec un des fils de Bré,
01:24:43je crois que c'était Bernard de Bré,
01:24:45qui s'appelle Le Suicide de la France.
01:24:47Vous voyez, c'est plus ancien que
01:24:49Le Suicide français de Zemmour.
01:24:51C'est un livre absolument ravageur.
01:24:53Le personnage était ravageur.
01:24:55Il allait droit au fait.
01:24:57Droit au fait. Avec panache.
01:24:59Et là encore, comme Jean-Édouard.
01:25:01Anti-impérialiste pur sucre.
01:25:03À fond.
01:25:05L'ennemi américain
01:25:07chez Vergès.
01:25:09Et toujours comme Jean-Éderne,
01:25:11du panache.
01:25:13Deux personnages différents.
01:25:15Jean-Éderne, c'est un valet de comédie.
01:25:17Vergès, c'est un fils de roi.
01:25:19C'est un calendaire.
01:25:21Vous lui consacrez un livre ?
01:25:23Une très longue préface.
01:25:25Mais sur Jean-Éderne, oui, un livre.
01:25:27Sur Jean-Éderne d'abord.
01:25:29Et puis Jacques Vergès.
01:25:31C'est mon premier livre, je me trompe ?
01:25:33Oui, exact.
01:25:35C'est vieux, ça nous ramène...
01:25:37Vos livres vous annoncez toujours une personnalité.
01:25:39Souvent. C'est des rencontres.
01:25:41Un livre qui m'a le plus marqué de vous,
01:25:43si on veut commencer par lire vos ouvrages,
01:25:45il y en a de nombreux déjà.
01:25:47Je conseille
01:25:49un diatribe,
01:25:51un pamphlet très dur
01:25:53contre un des destructeurs du temps
01:25:55qui est Foucault.
01:25:57Michel Foucault.
01:25:59Foucault, archéologie d'un fétiche.
01:26:01C'est un fétiche.
01:26:03C'est l'auteur français le plus étudié dans le monde.
01:26:05C'est assez facile désormais
01:26:07de pouvoir mesurer
01:26:09ce genre de...
01:26:11Les moteurs de recherche nous permettent d'indexer un nom.
01:26:13C'est l'auteur français
01:26:15le plus recherché sur Internet.
01:26:17C'est le plus étudié
01:26:19par les étudiants
01:26:21en mémoire, en doctorat, en thèse.
01:26:23Son influence est considérable.
01:26:25Ça déborde
01:26:27très largement
01:26:29du champ de la sociologie.
01:26:31Ça concerne l'histoire, la déconstruction,
01:26:33la littérature.
01:26:35C'est une œuvre néfaste
01:26:37puisqu'il a renversé l'appareil normatif européen.
01:26:39Je n'ose dire occidental,
01:26:41mais en l'occurrence, c'est l'appareil normatif occidental.
01:26:43C'est cette fameuse French Theory
01:26:45qui a été introduite aux Etats-Unis
01:26:47et qui nous prend dans la figure.
01:26:49Ça, je l'ai compris en vous lisant.
01:26:51J'avais pas compris ça avant.
01:26:53L'homme et la femme.
01:26:55Le genre.
01:26:57La destruction.
01:26:59La norme et la pathologie.
01:27:01En réalité, le coeur du livre,
01:27:03c'est comment les pathologies sont devenues
01:27:05nos normes et les normes ont été
01:27:07pathologisées.
01:27:09Donc oui, l'œuvre de Foucault,
01:27:11dans la génalogie,
01:27:13la déconstruction.
01:27:15C'est pas qu'elle est centrale.
01:27:17Elle en est presque le dispositif premier.
01:27:19Pour finir,
01:27:21j'aimerais que nous arrêtions
01:27:23sur un dernier personnage
01:27:25qui nous a beaucoup influencés,
01:27:27dont nous parlions au début de cette conversation,
01:27:31qui est Patrick Buisson.
01:27:35Vous le rencontrez.
01:27:37A quelle période ?
01:27:39Non, il est à l'Élysée quand je le rencontre.
01:27:41Et il sort les années érotiques.
01:27:43Ça doit être 2007-2008.
01:27:452008, oui.
01:27:47Il est conseiller de Nicolas Sarkozy.
01:27:49Il travaille pour Sarkozy à l'Élysée.
01:27:51Je l'ai rencontré à ce moment-là.
01:27:53Sans sympathiser, d'ailleurs.
01:27:55Je suis fasciné.
01:27:57C'est son chef-d'œuvre.
01:27:59C'était pas un homme sympa.
01:28:01Il avait son charme.
01:28:03Le sympa, c'est affreux.
01:28:05Il y a rien de pire que les gens sympas.
01:28:07Il est très bon camarade.
01:28:09Il échappait à cette critique.
01:28:11Je vous en parle au présent.
01:28:13Il était très bon camarade.
01:28:15Il jouait pas un sport personnel.
01:28:17Il jouait un sport collectif.
01:28:19Une fois qu'on rentrait dans son univers amical,
01:28:21la porte était ouverte.
01:28:23Il fallait y rentrer, bien sûr, au préalable.
01:28:25Oui, peut-être qu'il y avait une certaine austérité,
01:28:27une certaine froideur,
01:28:29au premier abord,
01:28:31qui pouvait laisser à penser.
01:28:33En réalité, il entretenait la distance
01:28:35pour éloigner les cons.
01:28:37Pour le dire rapidement.
01:28:39Et moi, je découvre,
01:28:41je découvre Buisson.
01:28:43Je l'écorne.
01:28:45Avant de le découvrir,
01:28:47je l'écorne dans le choc du mois,
01:28:49dont je m'occupe.
01:28:51Je m'étonne que quelqu'un
01:28:53qui a passé par Minutes,
01:28:55Le Crapouillot,
01:28:57qui a commencé avec Philippe Edhui,
01:28:59qui est un lecteur
01:29:01de Pierre Boutang,
01:29:03d'Arièze,
01:29:05de quantité de gens que j'aime beaucoup,
01:29:07d'historiens que j'aime beaucoup.
01:29:09Je m'étonne qu'il rejoigne Sarkozy.
01:29:11Je l'écorne d'abord.
01:29:13Sarkozy, c'était pas donné.
01:29:15Moi, je pense que je le flingue Buisson
01:29:17en 2005, avant de le rencontrer.
01:29:19Ou 2006, quand le nom
01:29:21commence à sortir.
01:29:23En gros, pendant la campagne.
01:29:25Mais je tombe sur les années érotiques.
01:29:27C'est un choc. Pour moi, c'est son chef-d'oeuvre.
01:29:29C'est un historien des mœurs
01:29:31exceptionnel.
01:29:33C'est une relecture...
01:29:35Une relecture vertigineuse
01:29:37de 1939-1945.
01:29:39Vraiment vertigineuse.
01:29:41Une somme de lectures, comme tous ses livres,
01:29:43comme « Décadence »,
01:29:45D-A-N-S-E.
01:29:47Les deux maîtres ouvrages
01:29:49qui concluent son œuvre.
01:29:51« La cause du peuple », également.
01:29:53Il y a « La cause du peuple », en 2015 ou 2016.
01:29:55Ensuite, d'autres.
01:29:57« La fin d'un monde ».
01:29:59Et puis, l'an 2023,
01:30:01l'an dernier, au printemps,
01:30:03quelques mois avant sa mort,
01:30:05« Décadence », qui est le tome 2 de « La fin d'un monde »,
01:30:07et qui aborde ce que vous évoquiez
01:30:09et ce que nous évoquions au début de l'émission.
01:30:11La période 1950-1960,
01:30:13le moment où
01:30:15il y a la bascule.
01:30:17Il y a même un renversement du monde,
01:30:19un renversement de l'ordre du monde,
01:30:21ou même du désordre du monde, pour parler comme Bisson.
01:30:23Donc ça, il travaille là-dessus.
01:30:25Et là, de nouveau, vous faites un livre sur lui,
01:30:27« L'école visionnaire ».
01:30:29Alors, oui, on sympathise.
01:30:31On sympathise.
01:30:33Il y a l'affaire
01:30:35des enregistrements, où il est sali,
01:30:37vraiment sali, traqué par la presse.
01:30:39J'ai jamais autant vu qu'à ce moment-là,
01:30:41parce qu'il était isolé.
01:30:43Isolé, seul.
01:30:45Et nous, à l'époque, on est déjà amis, proches.
01:30:47Tout ce qui est dit sur lui,
01:30:49en parlant avec lui,
01:30:51je crois que
01:30:53j'aurais des choses à faire.
01:30:5550 pages, comme pour Debenois.
01:30:57C'est souvent comme ça que ça se passe.
01:30:59Debenois, je fais une postface
01:31:01à un de ses livres, et puis la postface
01:31:03ouvre des bouches sur un livre.
01:31:05Et puis en parlant avec Bisson,
01:31:07il me dit qu'il faut qu'on allume des contrefeux.
01:31:09C'était absolument délirant.
01:31:11C'était les injures continuelles
01:31:13sur Buisson.
01:31:15Et donc,
01:31:17il m'a donné accès à ses archives.
01:31:21Et puis j'ai pu faire un livre sur lui.
01:31:23À la fois une biographie...
01:31:25« L'école buissonnière ».
01:31:27La droite buissonnière.
01:31:29Pour essayer de définir
01:31:31sa vision du monde.
01:31:33On en parlait beaucoup à l'époque.
01:31:35Cette droite orpheline,
01:31:37à laquelle on avait mis un nom,
01:31:39qui était la droite Orlémiure,
01:31:41et qui ne se retrouvait pas
01:31:43dans l'UMP,
01:31:45ce qui est devenu ELR,
01:31:47dans l'EFN, qui est devenu l'ERN.
01:31:49Il n'y avait pas encore Zemmour.
01:31:51Zemmour, à certains égards,
01:31:53je dis bien à certains égards,
01:31:55comme il est associé à cette droite Orlémiure,
01:31:57il y avait Villiers, Zemmour et Buisson.
01:31:59C'est pour la photo.
01:32:01Les journalistes ont besoin d'avoir une photo,
01:32:03mais le vrai personnage
01:32:05de cette droite Orlémiure, c'est Buisson.
01:32:07Villiers, Zemmour, beaucoup moins.
01:32:09Buisson, vraiment, c'est la droite Orlémiure.
01:32:11Bref, c'est la droite légitimiste.
01:32:13— Exactement, c'est la droite légitimiste.
01:32:15— Assez chouane. Il était un chouan.
01:32:17— Justement.
01:32:19— Qui ne se retrouvait nulle part.
01:32:21J'ai éprouvé le besoin
01:32:23de faire un bouquin là-dessus
01:32:25pour essayer de capter une droite
01:32:27qui n'était pas maurassienne,
01:32:29parce qu'il n'est pas exactement maurassien, Buisson,
01:32:31mais il est du roi. Il est royaliste, certes.
01:32:33— Oui, tout à fait.
01:32:35— Le lecteur de Maurras.
01:32:37— Dans la ligne de l'action française,
01:32:39de l'école de l'action française.
01:32:41— Mais pas que.
01:32:43Parce que le cœur doctrinal,
01:32:45c'est vraiment la doctrine sociale de l'Église.
01:32:47Et un petit reproche que j'ai pu adresser à Buisson
01:32:49dans ses derniers livres,
01:32:51« La fin d'un monde et des cadences »,
01:32:53c'est que cette doctrine sociale de l'Église,
01:32:55dont il était très proche,
01:32:57qu'il avait nourri tous les grands auteurs
01:32:59de l'Église, bien, mais engagé dans la cité,
01:33:01eh bien, cette doctrine sociale
01:33:03devenait de plus en plus
01:33:05une doctrine sociétale,
01:33:07coïncidant avec la nouvelle sociologie du christianisme.
01:33:09— Ah, vous lui aviez adressé cette critique.
01:33:11— Oui, oui.
01:33:13— Oui, mais c'était son métier, l'émeuse,
01:33:15et la société.
01:33:17— Oui, oui, oui. J'en dis ce qu'on vient pas.
01:33:19— Il insiste sur l'avortement.
01:33:21— Simplement, il y a une différence.
01:33:23— La chute de la démographie.
01:33:25— Mais il y a beaucoup de Buisson.
01:33:27— C'était son domaine.
01:33:29Et ça fait une trame extraordinaire des deux derniers ouvrages.
01:33:31— Ah oui, mais de toute façon, ce sont...
01:33:33— Ils sont incontournables.
01:33:35— Et « La cause du peuple ».
01:33:37— « La cause du peuple », elle est plus...
01:33:39C'est très amusant à lire. C'est une critique incroyable.
01:33:41— Voilà, mais de l'intérieur.
01:33:43— De l'Élysée, du temps où j'étais...
01:33:45— Voilà. Nous, on est au balcon, grâce à lui.
01:33:47Et puis on voit ce qui se passe
01:33:49à l'Élysée avec Sarkozy.
01:33:51— Alors, on vient de le voir, vous décrivez beaucoup
01:33:53ceux des hommes qui vous ont marqués.
01:33:55Vous lisez beaucoup.
01:33:57Mais je crois qu'il y a une œuvre en vous.
01:33:59Et il faut que vous la fassiez.
01:34:03Ce que vous disiez tout à l'heure, c'est formidable.
01:34:05Dans mon vocabulaire,
01:34:07c'est la permanence de l'archaïque.
01:34:09De l'archaïque français,
01:34:11de l'archaïque gaulois,
01:34:13de l'archaïque européen.
01:34:17Non pas vus en termes politiques,
01:34:19mais en termes sociaux ou sociétaux
01:34:21à la Buisson.
01:34:23— Oui, les mentalités.
01:34:25— Les mentalités. Ce vieux fond
01:34:27que vous cernez
01:34:29à travers l'histoire...
01:34:31J'ai eu peur tout à l'heure. Vous m'avez dit
01:34:33que ça m'a demandé trop de travail. Non.
01:34:35— Non, non, non, mais il faudra le faire.
01:34:37— Parce que sinon, on le fait pas.
01:34:39Ne vous laissez pas impressionner.
01:34:41Faites votre œuvre.
01:34:43C'est très bien un élément que vous dirigez
01:34:45de m'admettre. Ça doit déjà
01:34:47prendre 3 vies.
01:34:49— Non, on trouve toujours le temps.
01:34:51— On trouve toujours le temps.
01:34:53Je sais pas si vous avez une énergie admirable.
01:34:55C'est très bien les ouvrages,
01:34:57non pas de circonstance, mais enfin des ouvrages
01:34:59qui se rapportent à des gens
01:35:01que c'est tout à votre honneur, d'ailleurs,
01:35:03que vous allez défendre, au fond.
01:35:05C'est très bien la librairie.
01:35:07Bref, tout ce que vous faites est très bien.
01:35:09Mais on a besoin de vous.
01:35:11Nous n'appartenons pas,
01:35:13comme je le disais dans le préambule
01:35:15à cette conversation, tout à fait à la même droite.
01:35:17La mienne est plus légitimiste,
01:35:19mais aussi un peu plus nationale
01:35:21qu'européenne,
01:35:23sans nier que la culture européenne
01:35:25ou la civilisation européenne,
01:35:27en mettant de côté
01:35:29les questions des langues,
01:35:31qui, quand même, empêchent, à mon avis,
01:35:33de parler vraiment de civilisation européenne.
01:35:35— Et la question politique, aussi.
01:35:37— En tous les cas,
01:35:39il faut, à mon avis,
01:35:41défendre l'Europe,
01:35:43notamment contre l'Occident,
01:35:45parce que je crois que l'Occident n'est pas sauvable.
01:35:47— Il ne faut pas sauver l'Occident.
01:35:49Est-ce qu'il faut sauver l'Occident ?
01:35:51— Non, non, nous sommes d'accord.
01:35:53Ce sont deux choses différentes.
01:35:55Simplement, des fois,
01:35:57par des commodités de langage,
01:35:59et comme certaines pathologies
01:36:01touchent tout un espace
01:36:03qui excède l'espace européen,
01:36:05on recourt à la notion d'Occident.
01:36:07Mais c'est pour des commodités de langage,
01:36:09en ce qui me concerne.
01:36:11Ce sont deux choses distinctes et différentes.
01:36:13On a toujours pris soin, à l'élément,
01:36:15à bien distinguer l'un de l'autre.
01:36:17— En tous les cas,
01:36:19la grande figure que vous êtes,
01:36:21avec Alain de Benoît et quelques autres,
01:36:23de la nouvelle droite,
01:36:25est tout à fait indispensable,
01:36:27y compris pour ceux qui seraient
01:36:29plus d'une droite chrétienne et nationale,
01:36:31version monarchiste,
01:36:33comme moi.
01:36:35Il faut que nous marchions la main dans la main.
01:36:37— Oui, mais c'est le cas, je crois.
01:36:39— C'est le cas.
01:36:41Merci de collaborer au Nouveau Conservateur.
01:36:43Merci de le vendre.
01:36:45Merci d'être si chaleureux.
01:36:47Oecuménique, parce que vous êtes
01:36:49très oecuménique, en fait.
01:36:51Il n'y a aucun sectarisme chez vous.
01:36:53C'est incroyable.
01:36:55Il faudrait que nous soyons un peu plus sectaires
01:36:57vis-à-vis de la troisième droite,
01:36:59la droite américaine.
01:37:01— Non, pour le coup, comme de Benoît,
01:37:03vraiment pas de sectarisme,
01:37:05en une nature un peu plus polémique,
01:37:07pour ce qui me concerne,
01:37:09parce que je ne suis pas un intello,
01:37:11qui, depuis 25 ans qu'il sévisse,
01:37:13attaque de manière
01:37:15construite, régulière,
01:37:17les néocons, c'est nous.
01:37:19Le premier grand numéro sur l'Amérique-Monde,
01:37:21la culture de masse,
01:37:23ces nouvelles écoles.
01:37:25— Les néocons ont des réseaux en France,
01:37:27parmi la droite.
01:37:29— Je sais bien, mais pas chez nous.
01:37:31— Donc liguons-nous.
01:37:33— C'est déjà le cas.
01:37:35— Faites votre oeuvre, mon cher François.
01:37:37François Bousquet, je suis ravi de cette conversation.
01:37:39— De votre invitation.
01:37:41— Elle a été très longue et très riche,
01:37:43à l'image de votre propre richesse intérieure
01:37:45et de celle qui va venir,
01:37:47car nous attendons beaucoup de vous.
01:37:49Merci beaucoup, François Bousquet.
01:37:51— Merci, Paul-Marie.

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