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  • 18/03/2024

Du lundi au jeudi, Hélène Zelany reçoit un invité au centre de l'actualité.
Retrouvez "L'invité actu" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu

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00:00 19h20, Hélène Zellanier.
00:03 Et à 19h36, on parle de la Russie, c'est tout sauf une surprise, Vladimir Poutine a donc été officiellement réélu à la tête du pays avec plus de 87% des suffrages.
00:14 A 71 ans, il va donc passer 6 ans de plus au Kremlin.
00:18 On en parle avec vous, Nicolas Tonev, rédacteur en chef européen et spécialiste de la Russie.
00:23 On en parle aussi avec le général Dominique Trinquant. Bonsoir.
00:27 Bonsoir.
00:28 Vous êtes ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU.
00:32 On l'a vu tout à l'heure, Vladimir Poutine a réussi sa démonstration de force en se rendant sur la scène du concert sur la place rouge ce soir, une place qui était noire de monde, général Trinquant.
00:45 Oui, enfin, noire de monde, on sait comment ça se passe en Russie.
00:49 Il y avait un certain nombre d'étudiants qui avaient été amenés par leurs universités.
00:52 Il y avait sûrement des gens qui étaient contents d'être là derrière Poutine, mais c'est une organisation complète.
01:01 Et c'est vrai qu'il est l'homme fort, entouré de ses trois concurrents qui en fait l'ont bien aidé pour être élu, puisque aucun ne le contestait.
01:10 Des faux concurrents.
01:11 Oui, des faux concurrents, exactement.
01:13 Et ça lui permet maintenant d'entamer une nouvelle phase qu'il a annoncée.
01:18 Et je pense que la nouvelle phase, c'est essentiellement le renforcement de son pouvoir en Russie.
01:22 Alors, juste, je voulais revenir sur cette image, parce qu'elle était impressionnante.
01:25 Alors, vous le dites, c'est évidemment une illusion d'affluence et de légitimité.
01:34 Est-ce que selon vous, ce sont des images qui sont destinées aux Russes ou plutôt au monde extérieur, à tous ceux qui voudraient contester cette élection ?
01:42 Je pense que les deux, d'abord personne ne contestera l'élection, ce n'est pas une élection, donc elle n'a pas besoin d'être contestée.
01:50 C'est un processus administratif qui a nommé le successeur du président Poutine, c'est-à-dire Poutine lui-même.
01:56 Mais ce que je pense, c'est que c'est d'abord pour la population russe, et puis aussi pour donner l'illusion d'un processus aboutissant à la désignation d'un chef de l'État.
02:10 Mais je pense que c'est d'abord pour la population russe, pour essayer de marquer le pouvoir du président Poutine et la fermeté de son pouvoir.
02:20 Alors justement, vous parlez de la population russe, Nicolas Tonev, je sais que la question est toujours assez difficile.
02:26 Est-ce qu'on a une idée de l'ampleur du soutien réel des Russes à Vladimir Poutine ?
02:31 C'est toujours très compliqué à estimer, puisque le principe de base de la population russe depuis des centaines d'années, c'est la survie.
02:40 Et pour survivre, il ne faut pas montrer ce que l'on pense, et il ne faut pas dire ce que l'on pense.
02:44 Donc en principe, on s'efforce toujours de se protéger, donc se protéger, ça veut dire exprimer le soutien au pouvoir.
02:53 On a pu voir que ce soutien se lézardait, hier c'était très intéressant, l'opération Vote à Midi.
03:01 Alors évidemment, ce n'était pas des dizaines de millions de personnes, mais on a pu voir quand même que beaucoup de gens dans la région de Moscou et de Saint-Pétersbourg ont répondu à cet appel.
03:10 Et pour moi, c'était vraiment une des premières fois que l'on avait en quelque sorte un sondage vérité sur ce que pensent les Russes.
03:18 À savoir qu'en se montrant, ils ont montré aussi leur opposition.
03:23 Et donc elle existe, cette opposition.
03:25 Et justement, cette opposition, est-ce qu'elle est peut-être plus développée chez les jeunes qui ont peut-être davantage accès au monde extérieur via les réseaux sociaux ?
03:32 Alors on a vu beaucoup de jeunes effectivement dans les files d'attente, y compris dans les régions très éloignées, Vladivostok, Irkoutsk.
03:40 Donc ça c'est extrêmement positif pour l'opposition.
03:43 Et d'ailleurs, une des personnes qui travaille pour le comité Navalny se disait que finalement, il fallait peut-être arrêter le principe de tenter des petits meetings cosmétiques,
03:56 "kosmichest" comme il disait, ça veut vraiment dire de tout petits meetings, et peut-être aller vers plus de manifestations de ce genre qui respectent la loi.
04:04 Donc ça c'est très très important.
04:06 Si l'opposition veut que les gens sortent dans la rue, il faut impérativement que ça se passe dans un cadre légal, comme là.
04:13 Vous êtes juste allé voter, c'est tout.
04:15 Il se trouve que c'était pour exprimer votre opposition, mais vous êtes juste allé voter.
04:19 Et le cadre légal est très important afin que les gens n'aient pas peur de s'exprimer.
04:23 Général Trinquant, on parlait à l'instant d'Alexei Navalny, pour la première fois de sa vie, c'est quand même important,
04:30 Vladimir Poutine a prononcé le nom d'Alexei Navalny, qui on le rappelle est mort en prison à la mi-février,
04:36 il a dit "c'est la vie", et puis il a quand même confirmé qu'un échange de prisonniers était prévu avant sa mort.
04:41 Est-ce qu'on peut imaginer qu'autour d'Alexei Navalny, il y ait une forme d'opposition qui puisse exister à terme en Russie ?
04:51 Alors écoutez, le premier point c'est que le président russe en parle après sa mort et après l'élection.
04:56 C'est-à-dire qu'en grand vainqueur, magnanime, il daigne parler de son opposant, annoncer qu'il aurait pu l'échanger,
05:04 c'est une vaste rigolade si vous voulez, de dire ça une fois qu'il est mort, il aurait pu le faire depuis longtemps.
05:11 Voilà, c'est le premier point. Le deuxième point c'est que l'opposition en Russie, je crois que vous avez parfaitement raison,
05:18 il faut que ça prenne un aspect légal, sinon malheureusement les gens vont en prison et donc ça éteint l'opposition.
05:25 Mais moi je crois fermement que le pouvoir russe va se renforcer et va essayer d'éteindre toute opposition.
05:33 Et même si les gens ont simplement fait la queue pour aller voter, ils ont été identifiés et vont probablement être,
05:40 non pas poursuivis, mais on va voir la prochaine fois qu'ils apparaissent quelque part et finir par les embêter pour un processus administratif quelconque.
05:50 Donc je pense que le pouvoir de Poutine va s'organiser, il a organisé ça autour de la guerre et de la pression que la guerre fait sur la société russe.
05:59 Alors évidemment c'est l'opération spéciale pour lui, mais aussi bien dans l'économie, en organisant l'économie de guerre,
06:05 qu'en interdisant de prononcer un certain nombre de mots. Donc il a besoin de continuer cette pression et c'est pour ça qu'à mon avis la guerre va continuer
06:14 et va lui permettre de raffermir son pouvoir à l'intérieur de la Russie.
06:18 Justement Nicolas Tonev, on aurait pu imaginer que ce conflit en Ukraine, toutes ces familles qui perdent leurs jeunes, ça aurait pu le desservir
06:27 et finalement il réussit à capitaliser sur ce conflit.
06:30 Là encore moi je serais un petit peu plus réservé parce que finalement on voit une espèce d'enthousiasme,
06:37 mais est-ce que cet enthousiasme vu sur les télévisions reflète la réalité ?
06:43 On a quand même vu dans les républiques du Bashkortostan, en Bourgiatie, des protestations assez massives.
06:49 Il y a quand même beaucoup d'hommes qui meurent, beaucoup de femmes qui se retrouvent seules.
06:53 Donc moi je ne serais pas aussi affirmatif.
06:56 Les sanctions fonctionnent aussi tout de même en Russie, touchent également réellement les porte-monnaie des Russes.
07:02 Il y a des produits alimentaires qui ont énormément augmenté.
07:07 Et puis il y a des choses que l'on peut remarquer également sur les télévisions.
07:11 Quand je regarde le soir derrière les envoyés spéciaux, je vois la circulation à Moscou.
07:16 On voit qu'il y a beaucoup moins de circulation qu'avant.
07:18 Normalement Moscou est une ville qui est vraiment mais pleine de bouchons jour et nuit.
07:22 Là on voit beaucoup moins de voitures.
07:24 J'ai des amis russes qui me disent qu'en fait l'économie ne va pas très bien
07:28 à tel point que par exemple qu'il y a plus de jours fériés, qu'il y a plus de jours d'après-fête.
07:33 Et cela sert à dissimuler en quelque sorte le chômage ou les difficultés économiques.
07:39 Merci beaucoup Nicolas Tonev.
07:41 On aimerait continuer à parler de ce sujet qui est vraiment passionnant.
07:43 On va bien sûr aussi y revenir.
07:46 Un grand merci d'avoir été en direct dans ce studio.
07:48 Un grand merci à vous Général Trincant, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU.

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