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  • il y a 2 ans
Etablir le contact avec autrui, guérir ou jouer de la musique, nos mains semblent parfois nous guider plus que nous ne les contrôlons notamment dans les gestes habituels ou artistiques... C'est en tout cas ce que défend notre invité, un neurochirurgien qui a décidé d'écrire sur le pouvoir des mains.

Retrouvez "La question qui" de Maïa Mazaurette sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out

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😹
Amusant
Transcription
00:00 Je te mâche, je te vila, devinez ce qu'on peut faire.
00:04 Je te mâche, je te vila, avec ces deux mains.
00:09 Doit-on en venir aux mains ?
00:11 Quand on formule les choses de cette manière, les mains sont dangereuses, synonymes de bagarre et d'agression.
00:15 Pourtant, en venir aux mains, c'est moins une question de bagarre que de réparation.
00:19 Depuis des décennies, la science enchaîne les études sur le pouvoir de soin de nos mains.
00:22 Être touché réduit la douleur physique, la douleur émotionnelle, le stress, le niveau de cortisol, la solitude.
00:27 C'est la quinte flush du bien-être. Et puis pas besoin de se lancer dans une surproduction tactile.
00:31 Il suffit de 5 minutes d'un massage de la main pour amoindrir le sentiment de fatigue et d'anxiété.
00:36 Et d'ailleurs, ça marche même si on ne reçoit pas le massage, mais si on le prodigue à quelqu'un d'autre.
00:40 Du coup, si quelqu'un a besoin de se déstresser ici, je me porte volontaire pour recevoir un massage.
00:45 Benoît, vous avez envie ?
00:46 Ah ben voilà, Marine, t'entendras mieux faire un massage de la main. Cette émission est vraiment merveilleuse.
00:50 Si vous ne voulez pas me masser, moi, et si je ne suis pas avec vous devant votre radio à la maison,
00:55 vous pouvez toujours caresser un chien, un cheval, un lapin ou une tortue.
00:59 Ne me demandez pas comment on caresse une tortue.
01:01 Selon la science, toucher un animal est un antistress tout à fait décent, à condition que ce soit un vrai animal et pas une peluche.
01:06 J'aurais tellement adoré participer à ce genre d'expérience.
01:09 Et vous avez peut-être remarqué que je n'ai pas mentionné les chats.
01:12 Peut-être parce que les chats, c'est difficile à mettre en laboratoire, mais peut-être aussi parce que les chats
01:15 étaient trop occupés à réduire en lambeaux les blouses des chercheurs.
01:18 Et puisqu'on parle de toucher des créatures qui n'appartiennent pas à notre espèce,
01:21 sachez que les bénéfices fonctionnent même en dehors du règne du vivant.
01:24 En 2021, une étude allemande a montré que les humains réagissent positivement au contact des robots,
01:28 ce qui ouvrirait potentiellement la voie à une robot-thérapie spécifique.
01:32 Mieux encore, si le robot nous demande quelque chose, il y a plus de chances qu'on accepte s'il nous touche la main en même temps.
01:37 Il faut croire que ce contact-là, avec la main, nous rend coopératifs.
01:40 En venir aux mains, ce n'est donc pas forcément une menace, ça peut être une ouverture.
01:43 Et alors pour aller plus loin dans l'ouverture, Maya, aujourd'hui tu reçois Dorian Chauvet.
01:47 Bonjour Dorian Chauvet.
01:48 Bonjour à tous.
01:49 Vous êtes neurochirurgien à l'hôpital Fondation Rothschild de Paris.
01:52 Vous avez publié en octobre « Histoire de nos mains » au ChercheMidi, un livre vraiment magnifique,
01:56 dans lequel 90 personnes de métiers très différents racontent leurs relations à la main.
02:00 Pourquoi vous avez voulu travailler là-dessus en particulier ?
02:03 On va dire qu'il y a deux raisons.
02:04 L'une très pragmatique, c'est que malgré mon étiquette de neurochirurgien, je ne peux pas percer les mystères du cerveau.
02:09 C'est quelque chose qui sera uniquement réservé, je pense, aux neuroscientifiques et pas du tout aux chirurgiens.
02:14 Donc il m'était peut-être plus simple de me tourner vers la main.
02:17 Et puis l'autre raison, c'est que mon métier, j'aime à le décrire comme très manuel.
02:23 Même s'il implique une somme de connaissances avec beaucoup d'années d'études, etc.
02:29 À la fin, ce que le patient est en droit de demander à son chirurgien, c'est un temps condensé efficace
02:36 qui se situe entre l'incision de la peau et la fermeture de la peau.
02:39 Et dans ce temps condensé, c'est là que les mains du chirurgien parlent.
02:42 Et c'est là que j'ai pris mon accroche pour ce sujet sans fin.
02:46 Sans fin, justement, d'ailleurs, quand on compuse ce livre,
02:49 on s'aperçoit que vous partez quasiment de l'évolution darwinienne de notre espèce
02:52 pour aller jusqu'à notre destin avec la chiromancie.
02:55 Pour vous, c'était un sujet transcendant, la main ?
02:58 Disons qu'il m'était facile au début, puisque tout est né d'un binôme avec un luthier,
03:03 de rebondir d'abord sur les métiers très manuels, que sont ceux de l'artisanat, les musiciens.
03:08 Et en fait, à chaque rencontre, toutes les personnes me faisaient rebondir sur une nouvelle idée.
03:13 Et ces nouvelles idées m'ont amené vers des chemins complètement inattendus,
03:18 puisque, comme vous le dites, il y a eu un chirurgien ancien, il y a eu un astronaute, pilote de chasse,
03:23 magicien, architecte, écrivain et autres.
03:26 Et ce qui est fou, c'est qu'on n'y pense pas forcément.
03:28 D'ailleurs, vous dites que des fois on oublie, vous dites même que parfois les mains agissent
03:32 sans qu'on s'en rende compte et qu'elles prennent leur indépendance.
03:34 Oui, j'ai remarqué ça, surtout avec beaucoup d'artisans qui font des gestes très répétés
03:39 et qui sont en fait complètement capables de faire marcher leurs mains sans la moindre conscience de ce qu'ils font.
03:45 Tout ça parce que les gestes ont été répétés des milliers de fois, ils ont été modelés, ingurgités.
03:53 Bien sûr, c'est le cerveau qui travaille dans tout ça,
03:55 mais c'était intéressant d'interroger cette forme d'autonomie de la main par rapport au cerveau.
04:00 Puisqu'on est dans le cerveau, il y a aussi tout un aspect émotionnel.
04:02 Vous dites que des fois les mains nous trahissent.
04:04 Oui, elles nous trahissent parce que j'en ai discuté avec la pianiste Shani Lilluca.
04:08 On s'est mis d'accord sur le fait que quand moi j'opère, je pense que mes mains trahissent ma façon d'être.
04:13 Et c'est la même chose pour un joueur de musique.
04:16 Nos mains, on voit dans la gestuelle ceux qui sont craintifs, ceux qui sont aventuriers,
04:21 ceux qui sont peureux, ceux qui sont audacieux.
04:23 Donc si vous regardez nos mains, vous pouvez un peu savoir qui on est, c'est ça ?
04:26 Je les vois travailler.
04:28 Ah ben nous on tape comme des bourrines sur nos raviers toute la journée.
04:31 Vous n'avez mis aucune personnalité politique dans votre livre.
04:34 C'est un choix ou c'est un oubli ?
04:35 C'est ni un ni l'autre. J'avais contacté quelques hommes politiques.
04:39 L'aventure ne s'est pas concrétisée, mais je suis sûr qu'il y a eu des choses à dire.
04:43 En effet, ce sur quoi vous avez rebondi, c'est-à-dire la poignée de main,
04:47 mais même tout bêtement, tous ces contrats signés, ce stylo.
04:51 Vous lui poseriez quoi comme question à Benoît Hamon tant que vous l'avez sous la main pour un addendum de votre livre ?
04:56 Même s'il n'a pas été président de la République,
04:58 est-ce que vous pensez qu'il y a un vrai bouton rouge pour l'arme nucléaire sur lequel le président peut appuyer ?
05:03 - De son doigt ? - Exactement.
05:06 - Je pensais que j'essayais de... D'abord, regardez, vous avez de belles mains.
05:11 - Merci. - C'est toi le temps de regarder.
05:15 Je pense qu'à ces moments où les mains trahissent l'émotion, en tout cas en politique,
05:21 ça peut arriver, c'est quand on tient un discours et que le stress est tellement puissant.
05:25 Mais ça peut arriver à un comédien, j'imagine que finalement...
05:28 - Ça tremble. - Oui, ça tremble.
05:31 En fait, les mains trahissent l'émotion de l'orateur ou de l'oratrice en espèce.
05:39 - Sans oublier la moiteur des mains, bien sûr, où dans une première rencontre,
05:43 il y a un texte dans le livre d'Emilien Gray, écrivain,
05:46 qui s'amuse à décrire les mains dans une relation naissante entre un homme et une femme,
05:51 deux hommes, deux femmes, peu importe.
05:53 Et il y a toute une gestuelle qui s'associe à ça, tout un comportement manuel intéressant.
05:58 - On a eu très peur de plus toucher lors de la pandémie de Covid.
06:01 Vous estimez qu'on est revenu à un niveau normal et acceptable de toucher ?
06:05 - Je doute de ça, non. Je suis très content que Benoît Hamon me serre la main en arrivant dans le studio.
06:10 Mais non, non, on n'est pas revenu avant. C'est encore peut-être un peu craintif.
06:14 Et c'est bien dommage parce que dans une poignée de mains, et je rejoins tout à fait ce qui a été dit,
06:18 on peut percevoir une part de la personne.
06:21 Moi, ça se traduit en consultation, bien sûr, mais j'avais le même discours d'un boucher
06:26 quand il serre la main de quelqu'un, il sent comme s'il sentait la viande tout de suite
06:31 si la personne est surdelle, timide, craintive, etc.
06:37 - Eh bien, ça fait envie. Prenons un petit peu de temps pour sentir la viande les uns des autres.
06:41 Merci beaucoup Dorian Chauvet. Je rappelle que vous êtes neurochirurgien à l'hôpital Fondation Rothschild de Paris.
06:46 Vous avez publié « Histoire de nos mains » en 90 portraits étonnés,
06:50 dont Guy Savoie, Carla Bruni ou Arthur Dreyfus aux Cherches Midi.
06:53 Et vraiment, c'est un excellent cadeau de Noël, c'est très beau.

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