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  • il y a 4 mois
L'acteur François Cluzet est l'invité du Grand portrait pour le film “Fils de” de Carlos Abascal Peiró, en salles le 3 septembre. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10/le-grand-portrait-du-jeudi-28-aout-2025-2211344

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00:00Y a-t-il dans le cinéma français un comédien qui lève aussi bien les yeux au ciel que François Cluzet ?
00:08Un type qui maugrée, qui peste, qui soupire, qui grogne, qui marmonne, qui fulmine, qui bougonne,
00:14qui fait de la mauvaise humeur une zone de non-dit et de non-droit où se mêlent l'enfant et le vieux schnock, la noirceur et la tendresse.
00:22Il revient la semaine prochaine au cinéma dans une satire au dialogue super peaufiné.
00:27Plongé en piquet dans les 24 heures, au cœur de ces 24 heures qui précèdent la nomination d'un premier ministre,
00:33coup bas et coup de théâtre, un sénateur fatigué de la tambouille politique serait-il prêt à revenir aux affaires ?
00:40Le président le veut à Matignon et vous, et vous, vous voulez d'un François Cluzet pour succéder à un François Bayrou ?
00:49Oui, oui, flébiscite populaire évidemment, les bons râleurs cachent toujours de grands idéalistes.
00:55Portrait numéro 4.
01:00Bonjour François Cluzet.
01:02Bonjour.
01:02Fils 2 est le premier film d'un ancien journaliste politique, donc le gars, il sait de quoi il parle.
01:08Il est espagnol, la preuve que la politique est assez universelle parce qu'on le croirait bien de chez nous.
01:14Carlos Abascal Peyrou, c'est son nom.
01:16Les acteurs, c'est Jean Chevalier de la comédie française, formidable.
01:19C'est votre fils François Cluzet dans le film, il est attaché parlementaire.
01:24Il y a Karine Viard en conseillère à l'Elysée, redoutable.
01:28Alex Lutz en ignoble patron du renseignement qui fait tout pour devenir ministre de l'Intérieur.
01:33Nous sommes à la veille de l'investiture et nous ignorons qui sera à Matignon.
01:39Lionel Perrin, Lionel Perrin !
01:41Enfin, qui a eu une idée aussi débile, c'est toi ?
01:44Oh, c'est pas ça.
01:46Les marchés ne veulent pas de Perrin.
01:48La France ne veut pas de Perrin.
01:51Et moi, j'ai confiance en la France.
01:53Quel bordel.
01:54Comment ça s'appelle ces gens tout le temps persuadés d'avoir raison sur tout ?
01:56De gauche, les gens de gauche.
01:57Des petites répliques comme ça.
02:02Comment ça s'appelle ?
02:03Des gens persuadés d'avoir raison sur tout ?
02:04Des gens de gauche, Monsieur le Président, des gens de gauche.
02:07Il y en a plein, le film.
02:09François Cluzet, pourquoi faire de la comédie ?
02:11Et en fait, la question, c'est pourquoi refaire de la comédie ?
02:15Je pense par plaisir parce que, comme presque, en tout cas, beaucoup d'acteurs,
02:21on a toujours ce clown en nous, celui qui nous faisait jouer des personnages dans les cours de récréation.
02:26Et puis, l'époque, le mérite.
02:29Vous savez, on serait dans une société idéale.
02:32On aurait envie de drames, de faits divers, sanglants.
02:35On est dans une époque tellement étonnante, tellement agressive, délicate, difficile pour beaucoup.
02:41Clounesque.
02:42Clounesque aussi, farcesque, comme vous dites.
02:45Que finalement, il n'y a que le rire qui peut nous divertir.
02:48En tout cas, les situations intelligentes qui nous font prendre le recul nécessaire sur la réalité.
02:55Et vous, comment vous passez au burlesque ?
02:59Parce que vous jouez de tout, François Cluzet.
03:01Vous passez du rire aux larmes et des larmes au rire.
03:04Comment vous passez au burlesque ?
03:06Ce comique du corps, ces silhouettes malmenées, maladroites, qui perdent régulièrement leur dignité.
03:13Donc là, je le dis, par exemple, il y a Karine Viard qui chante tout le temps.
03:16Il fait beau à Mexico, comme ça.
03:18Il y a Alex Lutz avec un kiwi et une petite cuillère dans son kiwi du début à la fin du film.
03:23Comment vous passez au burlesque ?
03:24Je pense que c'est se moquer de soi-même, avoir envie d'être ridicule.
03:29Vous avez envie d'être ridicule ?
03:31Oui, au cinéma.
03:32Je dois l'être aussi dans la vie.
03:34Mais en tout cas, au cinéma, c'est un grand plaisir.
03:36D'abord parce que ça chasse l'ego.
03:38Et puis ensuite, parce que c'est notre boulot à nous d'être ridicule aussi.
03:42On ne peut pas jouer que James Bond.
03:43D'ailleurs, entre parenthèses, les héros sont plutôt assez chiants à jouer puisqu'ils n'ont aucun défaut.
03:48C'est pour ça que vous n'avez jamais joué James Bond ?
03:50Oui, je n'ai pas non plus les épaules pour le jouer.
03:52Mais disons que finalement, il faudrait, pour être un peu près de la réalité, que James Bond soit radin ou qu'il soit sale ou qu'il louche.
04:01Ce qui n'est pas le cas du héros parfait.
04:03Alors nous aussi, on a envie, Karine Viard, une parfaite illustration, d'être ridicule.
04:08Et ça, c'est le clown en nous qui nous fait rire d'être ridicule.
04:12Mais ce qui est amusant, c'est que ce sénateur breton, un peu retiré des affaires, qui est votre personnage,
04:17ce Lionel Perrin, dont le président a envie, mais personne d'autre n'a envie de lui, à Matignon,
04:23il est un peu plus âgé que les autres, il est un peu plus désabusé, il est un peu plus lent.
04:29Et vous êtes drôle parce que vous êtes lent.
04:31Vous êtes drôle parce que vous êtes en décalage.
04:34Et j'ai repensé à Intouchable et je me suis dit, en fait, c'est incroyable.
04:39François Cluzet est le seul acteur au monde à avoir fait du burlesque assis.
04:43Ah, c'est drôle que vous dites ça.
04:44Sans bouger.
04:47Parce que le burlesque, c'est le mouvement perpétuel.
04:49Oui, mais les yeux peuvent être en mouvement.
04:51Enfin, moi, j'apprécie que vous dites ça.
04:53Au monde, j'ai l'impression que vous exagérez un peu parce qu'il y en a d'autres.
04:56Mais en tout cas, c'est vrai que c'est toujours le regard sur les autres et sur soi-même, si vous voulez.
05:00Dès lors que vous vous dévalorisez, est-ce que ça vous fait rire ou pas ?
05:03Moi, j'ai connu des acteurs qui n'acceptaient pas d'être ridicule dans un tout petit bout de scène.
05:08Et d'autres qui, au contraire, dès lors qu'ils ont compris qu'ils sont dans une comédie,
05:11faire rire, c'est aussi avoir l'air bête.
05:15Parce que finalement, c'est humain.
05:17C'est aussi avoir l'air ridicule, c'est d'être gauche.
05:20Et ça, nous, ça nous fait rire.
05:22On aime bien ça.
05:23Ça fait partie de notre métier.
05:24Vous savez, souvent aussi, quand on joue les imbéciles,
05:27les enfants aussi, des fois, ils n'aiment pas jouer que le gendarme, ni le voleur.
05:31Ils aiment bien jouer les imbéciles.
05:33Et bien, nous, c'est notre grand plaisir.
05:35Se dévaloriser.
05:36Je ne peux plus me présenter dans la caméra.
05:40Je ne peux plus.
05:41Elle voit trop de choses que j'essaie de cacher.
05:44Je ne peux plus supporter ma tête.
05:47Mais je veux la vieillesse.
05:49Je me trouve, je me trouve empatté.
05:52Je me trouve gros.
05:56C'est devenu un supplice pour moi.
05:59Et puis rester des heures, des heures à attendre pour refaire 30 fois la même chose.
06:06Qu'est-ce qui m'a pris ?
06:08Pourquoi ?
06:08Je ne m'en suis pas rendu compte il y a 40 ans.
06:10Donc, je pense à tout ça quand je tourne.
06:14Le documentaire d'Alban Terley et de Thierry Demézère, Vincent Lindon, cœur sanglant.
06:19Vous êtes à peu près de la même génération, Lindon et vous.
06:23Vous n'avez probablement pas les mêmes névroses.
06:25De toute façon, c'est difficile d'avoir les mêmes névroses que celles de Vincent Lindon.
06:30Mais cet épuisement-là de soi-même qu'il décrit, est-ce que vous le ressentez parfois ?
06:37Quand, après 30, 40 ans de carrière, on se voit encore sur le combo ?
06:41D'abord, je ne vais pas voir sur le combo.
06:43C'est la différence avec Vincent.
06:44Ensuite, moi, je chasse l'ego.
06:47Je ne suis pas du tout égocentrique.
06:49Je n'ai pas un nombril englué dans mon ignorance et dans ma prétention.
06:54Pourquoi ? Parce que j'ai été élevé comme ça.
06:56J'ai le souci d'être pareil que les autres.
06:58Même si je suis bien obligé, parce que les autres me le font remarquer, que je suis singulier.
07:03Ça ne veut pas dire unique.
07:04Mais en tout cas, je n'aime pas me mesurer.
07:07J'ai l'impression que je suis fait pareil.
07:10Et pourtant, on me le dit sans ordre.
07:11Ah ben non, tu n'as rien à voir avec les autres.
07:12Tu n'as rien à voir.
07:13Enfin, je reste un mammifère.
07:14On est tous des mammifères.
07:16Le drame, c'est l'égocentrisme et le narcissisme.
07:19Tous les acteurs qui ont dévissé, ont des acteurs soit qui sont devenus des stars très jeunes
07:24et qui ont pété un boulon, soit ceux qui sont devenus amoureux d'eux-mêmes
07:28en étant tellement égocentriques qu'ils seraient présidents de la République.
07:33Et là, ça fait peur.
07:35Parce qu'on se dit, mais le type ou la nénette ne se rend pas compte à quel point elle est en train d'appuyer sur le revolver.
07:43De la douleur.
07:44Et c'est ce qu'on entend chez Vincent, mais chez un tas d'autres.
07:47Moi, ce que j'aime, c'est de ne jamais jouer le même personnage.
07:50Je n'ai jamais joué le même personnage.
07:52Et puis, la chance que j'ai eue, ce n'est pas la sienne, mais c'est la mienne,
07:56c'est de passer du drame à la comédie.
07:58C'est-à-dire que soit un choix ridicule...
07:59C'est un choix.
08:00Oui, c'est un choix, mais vous savez, nous...
08:02Le petit bruit que vous entendez, là, c'est François Cusé qui tripote son stylobique.
08:06Le choix aussi, vous savez, nous, on est des interprètes.
08:09Le choix, c'est la chance du metteur en scène qui nous choisit.
08:13J'aimerais faire une comédie avec...
08:14Oui, Daniel Auteuil a refusé Intouchables.
08:16C'est des choix.
08:17Dans la vie, c'est des choix.
08:18Oui, mais Daniel, qui est certainement le meilleur acteur de cette génération,
08:24et même de toutes les générations.
08:25La carrière de Daniel, elle est exemplaire.
08:27Moi, j'aime beaucoup, beaucoup, beaucoup Daniel Auteuil.
08:30Mais on fait un des choix.
08:31Un acteur fait des choix.
08:32Alors, non, mais pourquoi il aurait refusé les ch'tis ou Intouchables ?
08:35C'est parce qu'il est devenu metteur en scène.
08:37Et vous savez, comme disait Jeanne Moreau, j'ai obéi pendant 50 ans.
08:41Maintenant, c'est à moi qu'on va obéir !
08:43Et alors, je pensais, quand vous parliez de l'indon, de cette manière d'être habité de soi-même,
08:50je pensais à Claude Chabrol, qui a été votre maître,
08:52qui a été le maître de tant d'autres dans le cinéma français,
08:55et qui avait une phrase absolument géniale.
08:57Il disait, tous les gens avec qui je m'entends bien,
09:00sont des gens qui ne se prennent pas au tragique.
09:03Oui, bien sûr.
09:04Vous ne vous prenez pas au tragique.
09:05J'essaye, si vous voulez, parce que la vie est trop courte.
09:08Oui, c'est vrai.
09:10C'est trop court, c'est trop court.
09:12Vous savez, quand mon père avait 70 ans, je lui dis,
09:14papa, est-ce que ça passe vite ?
09:15Il me dit, ça passe en 5 minutes.
09:16J'en avais 37, je me suis dit, bon, il me reste 2 minutes et demie à vivre.
09:20Et je m'en rends compte tous les jours.
09:22Je crois que tout le monde s'en rends compte.
09:23Comment se prendre au sérieux avec une vie de fourmi ?
09:25Enfin, ça passe tellement vite dans l'espace-temps.
09:28Et puis ensuite, c'est le meilleur moyen de se faire des ennemis,
09:30de se prendre au sérieux.
09:31Parce que c'est chiant comme la pluie, quelqu'un qui se prend au sérieux.
09:36François Bayrou ?
09:38Un danger immédiat pèse sur nous, auquel nous devons faire face.
09:44C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au président de la République
09:46de convoquer le Parlement en session extraordinaire le lundi 8 septembre.
09:51J'engagerai ce jour-là la responsabilité du gouvernement
09:54sur une déclaration de politique générale
09:56conformément à l'article 49 alinéa 1er de notre Constitution.
10:01François Cluzet, c'est vous qui avez suggéré un vote de confiance
10:05à François Bayrou, Premier ministre,
10:07pour faire tomber le gouvernement
10:09et mettre la France exactement en l'état de vivre
10:13ce que vous, vous allez faire au cinéma la semaine prochaine dans Fils 2 ?
10:17Oui, c'est vrai.
10:18Non, mais la coïncidence est incroyable.
10:21Incroyable.
10:21Non pas qu'on vive dans un climat d'instabilité politique
10:25qui aurait pu laisser penser que...
10:27Mais enfin, quand même, c'est ce qui va se passer.
10:29Le film va sortir et on va chercher un Premier ministre.
10:32Ce qui est sûr, c'est que je préfère être acteur comme politique
10:35parce que moi, je ne crois pas beaucoup à la corruption des hommes politiques.
10:39Je crois à leur bonne volonté.
10:41Mais hélas, regardez de quoi il hérite.
10:43Si demain matin, vous faites du parachute et qu'il y a plein de trous dans le parachute,
10:46est-ce que vous êtes sûr d'arriver au sol ?
10:48Si demain matin, vous prenez un avion à qui il manque une aile,
10:51est-ce que vous êtes sûr ?
10:52Alors la France manque d'une aile, ni de droite ni de gauche,
10:56mais c'est un avion qui n'a qu'une seule aile en ce moment.
10:58C'est terrible d'en être arrivé là.
11:00Moi, j'ai 70 ans, j'ai connu dans les années 60 la France.
11:04Bon, c'est pas Louis XIV, mais on était quand même, on était fiers.
11:08Je veux dire, on avait toute joie.
11:11Le monde entier nous admirait pour notre culture,
11:13mais aussi pour notre économie, nos peu de dettes et tout ça.
11:16Regardez ce qui s'est passé.
11:17Moi, je ne crois pas que ce soit vraiment la faute des politiques.
11:20Je pense que c'est la faute de la façon dont le monde a avancé.
11:25Et puis c'est normal, finalement, le Portugal était le meilleur du monde.
11:30Il fut un temps.
11:31Puis regardez, aujourd'hui, la France est en train de se dégringoler.
11:34Alors, fils d'eux, c'est un peu le baron noir.
11:37Oui.
11:38Version comédie complètement allumée, mais pas que.
11:40Il y a quand même des traits extrêmement justes, très grossis, mais qui tapent dans le mille.
11:45Répondez-moi par oui ou non.
11:46Donc, ce sénateur, Lionel Perrin, que vous incarnez, c'est un vieux mec de gauche, comme vous ?
11:53Ah !
11:53Vous jouez dans une comédie politique, forcément.
11:58Oui, c'est vrai, je dois être un vieux mec de gauche.
12:01Qui a aimé la provoque, comme vous ?
12:03J'ai adoré la provoque, adoré ça.
12:05J'avais l'impression que c'était ma manière de prendre des risques.
12:08D'ailleurs, les cicatrices que j'ai sur le visage sont là pour le prouver.
12:12Parce que comme je ne sais pas te battre, à chaque fois que je provoquais, si je tombais,
12:15ça m'est arrivé un jour de tomber sur un rugbyman néo-zélandais qui n'a pas trop aimé mes blagues.
12:21Et vraiment, ça s'est mal fini pour moi.
12:23Lionel Perrin a beaucoup joué avec le feu, comme vous.
12:26Oui, oui, oui, oui, c'est vrai, oui, oui, oui, mais si vous voulez, j'avais 20 ans, on se fait chier à 20 ans.
12:34Il faut prendre tous les risques, donc j'ai tout pris.
12:35Posé ce stylo ?
12:36Oui, c'est vrai, merde.
12:37J'ai tout pris, j'avais envie de tout connaître, de tout voir.
12:41Et ceux qui ne le font pas, le regrette, je pense.
12:43Vous arrivez la veille de votre mort qui dit « Ah merde, tiens, j'ai jamais fait ça.
12:47Oh merde, j'aurais dû essayer ça. »
12:49A tout point de vue.
12:49Lionel Perrin s'est calmé, comme vous ?
12:52Non, moi je ne me calmerai pas, moi aussi un jour, je vais finir par me calmer, mais je suis révolté.
12:58Il y a une phrase que j'aime beaucoup qui dit « Ce qui vous effleure me déchire. »
13:03Je pense que cette histoire d'hypersensibilité, elle ne fait pas de nous des héros.
13:07C'est simplement que notre métier exige de nous qu'on soit vulnérable, fragile.
13:12C'est comme si on était prédisposé aux émotions.
13:15Et si vous êtes un rock, mais vous ne pouvez pas vivre les émotions.
13:20Alors vous êtes comme lui, au fond, c'est-à-dire que vous avez encore envie, mais vous n'êtes pas prêt à vous commettre.
13:25À me ?
13:26Commettre.
13:28À vous compromettre.
13:30Moi, je suis trop privilégié, qu'est-ce que vous voulez que je fasse pour me compromettre ?
13:33J'ai tout maintenant.
13:35Je lui raconte souvent un truc trivial, j'avais les toilettes dans la cour de l'immeuble, j'avais très peur.
13:41Oui, c'est comme on dit, est-ce que c'est du travail ?
13:43Moi, je livrais des journaux à 6 ans, ça c'était du travail, à 8 ans, ça c'était du travail.
13:48Aujourd'hui, faire du cinéma, ça n'a jamais été du travail.
13:51Poser ce stylo !
13:53Mais c'est vous qui me l'avez vu dans les pattes !
13:55Extrait !
13:56Je ne sais pas ce que Chalamon t'a promis, mais je te dis un truc, si je me retrouve à Matignon, tu ne feras jamais partie du gouvernement.
14:03Un, parce que c'est du népotisme pur, il ne peut y avoir qu'un seul Périn sur le marché.
14:08Deux, parce que tu n'auras jamais ce qu'il faut.
14:13Fils 2, ce film très réussi, c'est surtout un film sur une relation père-fils, abîmée.
14:20Un père qui ne prend pas soin de son fils, qui ne l'épaule pas, qui ne lui parle pas, qui ne lui témoigne pas d'affection.
14:26Et d'un fils qui a beau avoir changé de nom, mais enfin, quand il a fallu choisir, qu'est-ce qu'il a fait ?
14:32De la politique, probablement pour que son père le voit, pour que son père le regarde.
14:38Et vous, quand vous choisissez d'être acteur, vous voulez que qui vous regarde, que qui vous voit ?
14:44Je dirais qu'avec le recul, quand je me vois acteur, quand je vois mes départs, quand je vois cet égoïsme nécessité de cette carrière,
14:52d'être toujours disponible, qu'un rôle vous appelle plus que de passer des vacances avec vos enfants,
14:58je n'ai que ce regret-là, de me dire que j'ai dû leur manquer.
15:02En tout cas, j'ai manqué d'influence auprès d'eux.
15:05Mais ça, si vous voulez, c'est comme ça.
15:09Vous savez, être acteur, c'est, je ne sais pas, c'est un truc trop personnel, c'est un truc de d'influence.
15:17C'est moi d'abord ?
15:19Oui, c'est tout le temps moi d'abord.
15:21Et ça, c'est épouvantable à vivre pour les enfants, pour les maris comme pour les femmes.
15:28Mais parce que vous avez eu un père et une mère qui, dans leur vie, ont été tout le temps moi d'abord ?
15:33Ah, mais vous lisez dans les boules de cristal.
15:37Non, mais oui, c'est la vérité.
15:39En tout cas, ma mère, oui, ma mère a pensé à elle d'abord.
15:41Je n'en ai jamais voulu parce que c'était pour des raisons très importantes.
15:45C'était quoi, ces raisons ?
15:47Son plaisir.
15:48Son orgasme.
15:50Son orgasme ? Un plaisir sexuel ?
15:53Oui, découvrir l'orgasme.
15:54Vous savez, on peut vivre, on peut survivre, mais si on veut exister, une femme a besoin de connaître l'orgasme.
16:01Oui, bien sûr qu'elle a besoin de connaître l'orgasme une femme.
16:04Alors, si elle ne le connaît pas à 40 ans, elle s'en va si jamais elle a la chance de le découvrir avec un autre.
16:10Parce que je n'en ai jamais voulu.
16:12Enfin, voulu, on n'avait jamais voulu.
16:14Est-ce que, quand on vieillit, on comprend, on accepte ?
16:21Est-ce qu'on pardonne ?
16:22Parce que comprendre, accepter et pardonner, ce n'est pas exactement la même chose.
16:25Quand vous étiez petit, vous lui en vouliez d'être parti ?
16:28Je vais vous raconter une histoire un peu intime.
16:30Comme ma maman est partie il y a six mois, elle ne m'en voudra pas.
16:34Elle vient juste de mourir ?
16:36Oui.
16:36J'ai dit à ma mère, pourquoi tu es partie ?
16:39Elle m'a dit, j'avais huit ans.
16:41Elle m'a dit, je te le dirai quand tu seras grand.
16:44Et puis, quand j'ai eu 13 ans, je suis retourné la voir.
16:47Et je lui ai dit, pourquoi tu es partie ?
16:49Elle m'a dit, parce que ton père est un lapin.
16:51Et mon frère qui était plus grand que moi, je suis allé le voir, je lui ai dit, mais c'est dément.
16:55Tu sais ce que ma maman m'a dit ?
16:56Elle est partie parce que papa est un lapin.
16:58Et il a éclaté de rire.
16:59Il m'a expliqué après ce que ça voulait dire.
17:02Et je n'en ai jamais voulu parce que je suis un homme et j'ai pu très bien comprendre ce que c'est qu'une femme qui cherche de plaisir.
17:09On peut survivre, vivre ou exister.
17:11Mais on ne peut pas passer à côté de ce qui nous permet d'exister.
17:15C'est quand même une grande chance de jouir, non ?
17:17Ceux qui passent à côté sont très handicapés par le manque de bonheur de la vie.
17:21Merde !
17:22Merde ! Comme vous dites, merde !
17:25Est-ce que vous avez envie de parler de Marie Trintignant, qui est morte au début des années 2000, du fils que vous avez eu avec elle,
17:35et de ce documentaire sur Netflix consacré à Bertrand Cantat, l'homme qu'il a assassiné,
17:41qui a eu un retentissement immense ces dernières semaines, François Cluzet ?
17:45Marie fait partie de ma vie.
17:48Pour moi, c'est évidemment bouleversant de penser à Marie, parce que je l'ai aimée, qu'elle m'a aimée, qu'on a ce fils.
17:54Mais un jour, mon fils m'a dit, et il devait avoir déjà 30 ans,
17:57« Papa, s'il te plaît, ne parle plus jamais de Marie à la télé ou à la radio,
18:01parce que si tu savais, comme à chaque fois, ça nous redonne un coup de poignard. »
18:07Ce jour-là, je lui ai promis, je n'en parlerai plus jamais.
18:10Est-ce que moi, je peux vous dire quelque chose ?
18:12Bien sûr !
18:13Alors moi, je fais partie des millions de gens qui ont vu cette enquête documentaire diffusée sur Netflix.
18:19Et je ne vous parlerai pas de Bertrand Cantat, il y a un procureur à Bordeaux qui viendrait ouvrir une enquête, etc.
18:24Je ne vous parlerai pas de ça.
18:25Je voudrais juste vous dire que je pense qu'on est des millions à avoir vu ce film
18:29et avoir compris la solitude dans laquelle vous avez pu être, vous qui l'avez aimée,
18:35en 2003 quand elle est morte.
18:38Parce que de revoir ses extraits de télé, aujourd'hui, c'est insupportable.
18:42De voir ces journalistes qui font leur mea culpa dire
18:46« on n'était pas capable d'en parler comme il fallait »
18:49et en fait, Marie Trintignon, on l'a effacée, on l'a tuée une deuxième fois.
18:53Donc on est très nombreux, je pense, à avoir pensé à vous.
18:55Ce qui était dingue, c'était que c'était plus votre histoire que la nôtre.
19:00Cette incompréhension ?
19:01On nous parlait d'une histoire qui était notre intimité.
19:05C'est complètement dingue, tout le monde parlait de cette histoire sans parler de nous.
19:10Et quand je dis de nous, pour moi, ce sont les enfants.
19:13C'est les enfants.
19:14Et c'est pour ça, je comprends qu'à chaque fois qu'on...
19:17Si l'un de nous, les pères ou qui que ce soit, les faux amis,
19:21disent à quel point ils ont tellement bien connu,
19:23ça nous fait rire parce que nous, nous étions vraiment proches.
19:26Moi, j'étais séparé avec Marie, mais on riait comme Pazin.
19:29On a fait des films ensemble, on se connaissait bien,
19:32on s'appréciait énormément.
19:36Voilà, je comprends pour les enfants ce coup de poignard.
19:40Merci François Cluzet.
19:41Moi aussi, j'étais vachement heureux de venir et de vous écouter.
19:45Revenez si vous voulez, je vous offre le stylo bic
19:48avec lequel vous avez tant joué pendant...
19:50C'est tellement privilégié que le mien est quasiment en or,
19:53mais je le prends quand même.
19:54Allez voir Fils 2 la semaine prochaine.
19:56C'est absolument formidable et ça m'a fait mourir de rire.
19:59Merci mille fois.
20:00A très bientôt François Cluzet.
20:01Merci beaucoup.
20:01Merci.
20:01Merci.
20:02Merci.
20:02Merci.
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