Avec l'accélération du développement des véhicules électriques, les fabricants de pneus doivent aussi innover et s'adapter. Augmenter l'autonomie de la batterie et la durée de vie des pneus, réduire le poids, et plus encore, tous ces éléments sont à prendre en compte dans la R&D. Des alternatives plus écoresponsables sont à trouver afin de réduire l'impact environnemental des pneus et s'inscrire dans une démarche écologique.
00:08 - Vous êtes responsable technique chez Bridgestone.
00:11 Je vais vous faire un aveu en préparant l'émission.
00:15 Je me suis dit, on va parler des véhicules électriques.
00:17 Puis après, je me suis dit, ça ne change rien le véhicule électrique pour un fabricant de pneus.
00:21 Et pourtant, qu'est-ce que ça change ?
00:24 En quoi le passage généralisé aux véhicules électriques, c'est aussi un défi pour Bridgestone ?
00:29 - C'est vrai que pour les véhicules électriques, aujourd'hui, ça représente seulement 14% des véhicules neufs.
00:35 Mais à l'avenir, ça va représenter beaucoup plus.
00:38 Les véhicules électriques sont souvent plus lourds. Le couple est plus important. Ils sont silencieux.
00:43 Et donc, au niveau des pneumatiques, c'est là où on va avoir un impact, où on va devoir réagir à tous ces éléments.
00:51 - Donc sur le poids, par exemple, c'est un premier défi ?
00:53 - Oui. Oui, oui. On va vraiment tenter de réduire le poids de nos pneumatiques.
00:58 Avoir une carcasse plus légère, mais tout aussi résistante, qui va permettre de réduire le poids et notamment la résistance au roulement de nos pneumatiques.
01:08 Ça va permettre aussi d'augmenter l'autonomie des batteries.
01:11 - Donc plus léger pour plus d'autonomie. Est-ce qu'il y a aussi un défi d'augmentation de la durée de vie des pneus ?
01:17 - Oui. Oui, oui. Bien sûr. Alors avec le couple notamment plus important des véhicules électriques,
01:22 aujourd'hui, les pneumatiques standards ont tendance à s'user plus rapidement.
01:28 Et donc voilà, avec notre stratégie EV Ready, on fait vraiment, on crée un pneumatique qui va être aussi bien,
01:38 qui va répondre aussi bien aux exigences générales de l'ensemble des véhicules, mais aussi aux exigences spécifiques des pneumatiques, des véhicules électriques.
01:47 - Donc première idée reçue qu'on balaye, il y a besoin de pneus spécifiques pour des véhicules électriques.
01:52 Est-ce qu'il faut d'une certaine... Je sais que Bridgestone s'engage pour promouvoir l'éco-conduite. Est-ce qu'il faut apprendre à conduire électrique ?
01:58 - Alors c'est sûr que c'est important. Au début, on a tendance à s'amuser plus qu'autre chose avec un véhicule électrique, grâce notamment au couple qui est tout de suite présent.
02:07 Mais c'est sûr que l'éco-conduite va favoriser rapidement une grande autonomie et aussi la durabilité des pneumatiques, notamment.
02:15 - Ça consiste en quoi, le programme de Bridgestone pour l'éco-conduite, justement ?
02:19 - Pour l'éco-conduite, là, ça va être vraiment d'accompagner et de faciliter le choix du client pour le pneumatique.
02:31 Donc ça va permettre de favoriser vraiment son choix final sur un pneumatique qui va être adapté aussi bien à tous les trajets et à tous ses besoins.
02:47 - Objectif de Bridgestone qui vise des pneus faits à 40% de matériaux durables en 2030. On va se concentrer sur ce chiffre et sur ces objectifs.
02:58 Alors déjà, on va repartir à la base. Un pneu, c'est quoi ? C'est fait de quoi ? Il y a du caoutchouc, forcément. Il y a des matériaux issus de l'énergie fossile. Un pneu, c'est quoi aujourd'hui ?
03:08 - Oui. Alors aujourd'hui, il y a deux types de caoutchouc déjà. Il y a du caoutchouc naturel et du caoutchouc synthétique.
03:14 Il y a tout ce qui est aussi fibre, donc fibre textile, fibre métallique en fonction des catégories de pneumatiques.
03:21 Et bien sûr, tout ce qui est produit plus ou moins chimique qui vont permettre de faire, de permettre l'adhésion des autres éléments.
03:30 - Alors quand on dit un pneu fait à 40% de matériaux durables en 2030, déjà, vous en êtes où aujourd'hui ? Et puis, ça représente quoi comme défi ?
03:38 - Alors c'est vrai que c'est un défi important, surtout que notre défi à terme en 2050, c'est d'atteindre des produits 100%,
03:46 créer à 100% d'éléments recyclables, renouvelables. Donc aujourd'hui, on intègre petit à petit des éléments recyclables, renouvelables dans nos pneumatiques.
03:58 Et par exemple, on cherche aussi des alternatives, notamment au caoutchouc naturel qui vient de l'EVA.
04:06 - Mais je repose la question, 40% de matériaux durables en 2030, aujourd'hui, vous en êtes à quoi ? Plutôt 10%, 20%, déjà 30% ?
04:14 Pour prendre conscience de ce que ça représente comme défi à très court terme, 2030, c'est demain.
04:19 - Alors tout dépend des catégories produits. On va avancer plus ou moins vite en fonction des catégories.
04:26 Donc sur les véhicules légers et sur les poids lourds, on va être aux alentours des 10-15%.
04:31 Et tandis que sur les autres qui vont demander beaucoup plus de précision et beaucoup plus d'innovation, on va être un peu moins.
04:40 - D'accord. Donc il y a encore pas mal de chemin à parcourir.
04:44 Ké, vous avez un peu répondu à la question, mais pour faire des pneus plus durables, il faut se débarrasser.
04:50 On va reparler de l'alternative à l'EVA, mais sur la part énergie fossile, c'est-à-dire ce qui vient de l'énergie fossile dans un pneu.
04:58 Il y a ce qu'on appelle le noir de carbone, notamment. C'est quoi le noir de carbone ?
05:02 - Le noir de carbone, c'est une sorte de masse qui va permettre d'obtenir aussi cette couleur noire du pneumatique,
05:14 mais qui va permettre aussi d'assurer toutes les performances du pneumatique en contribution, bien sûr, avec d'autres éléments chimiques.
05:22 Ce noir de carbone, il est issu des produits pétroliers. Et donc c'est là-dessus aussi où on va chercher et on va chercher à innover pour le remplacer.
05:32 - Quelles alternatives ?
05:34 - Aujourd'hui, c'est compliqué à expliquer. On est encore en pleine recherche et on investit énormément tous les ans sur ces domaines.
05:45 - On va parler du caoutchouc. Qui dit caoutchouc dit EVA. C'est la plante qui est principalement utilisée.
05:52 J'ai appris en préparant l'émission que, notamment au Bréjeune, vous travaillez sur une alternative qui s'appelle le goyule.
06:00 Je ne connaissais pas le goyule. Je vous l'avoue. C'est quoi le goyule et quels sont ses avantages ?
06:04 - Le goyule, c'est un petit arbuste qui vit en zone aride, originaire du Mexique, mais aujourd'hui qu'on cultive en Arizona.
06:13 On peut en extraire aussi du caoutchouc naturel. Par broyage, ça va permettre d'obtenir le même caoutchouc naturel que l'EVA
06:24 et de pouvoir le réinjecter et l'utiliser dans l'hypnomatique.
06:27 - Quels sont ses avantages par rapport à l'EVA en termes de durabilité, en termes de bilan carbone pour une entreprise comme la vôtre ?
06:34 - En termes de bilan carbone, c'est au niveau de la culture. Il va demander 40% de moins d'eau par rapport à un EVA.
06:41 Et il va pouvoir se cultiver un peu partout dans les zones arides. C'est vraiment dans des zones où on a de plus en plus de besoin de culture.
06:50 C'est vraiment un bon élément, contrairement à l'EVA, qui va se cultiver énormément en Asie.
06:55 - Oui. Et puis, il y a aussi le synonyme de déforestation. C'est une des raisons pour lesquelles il faut évidemment remplacer l'EVA.
07:03 Vous parliez de recherche et développement. On voit bien qu'il y a différentes pistes.
07:07 C'est quel budget ? C'est combien d'années de recherche et développement, par exemple, pour remplacer l'EVA par le goyule ?
07:14 - Alors, en recherche et développement, on investit chaque année 600 millions d'euros à l'échelle mondiale.
07:21 On a un centre technique au Japon avec 2 500 ingénieurs et un centre technique à Rome pour les marchés européens avec à peu près 600 ingénieurs
07:31 qui travaillent sur des nouvelles fonctions et des nouveaux développements pour économiser les ressources.
07:40 Et là-dessus, notamment, on a tout ce qui est développement digital, virtuel des pneumatiques.
07:48 - C'est-à-dire ? - Là, en fait, on va créer un jumeau numérique du pneumatique pour pouvoir prédire ses performances,
07:58 mais sans le produire et sans le conduire. Donc, on va économiser des ressources en termes de CO2.
08:04 Pour un pneu d'équipement d'origine, par exemple, c'est 60 % de matière première en moins, mais c'est aussi 200 pneus prototypes en moins.
08:13 Donc, c'est vraiment énorme et ça favorise aussi une mise sur le marché beaucoup plus rapide.
08:17 - Alors, justement, quand on parle de recherche et développement, d'innovation, il y a souvent un lien avec la course automobile.
08:25 Est-ce qu'il y a certains de ces pneus nouvelle génération qui sont déjà utilisés dans certaines courses auto ?
08:30 - Oui, oui, oui. Notamment ceux fabriqués à partir de Goyul. Aujourd'hui, c'est vraiment une spécificité aux États-Unis.
08:39 Et on les teste sur les courses IndyCar. Et donc, les pneumatiques Firestone, qui appartient au groupe Bridgestone, sont utilisées sur ces véhicules.
08:48 - Donc, ils ont prouvé leur efficacité en course, c'est ça, en quelque sorte ? - C'est ça, oui.
08:52 - Il y a aussi une autre compétition automobile qui s'appelle le World Solar Challenge. C'est traverser l'Australie sur 3 000 km, quand même.
08:59 Donc, là aussi, c'est quoi ? C'est une espèce de laboratoire à ciel ouvert ou de test à ciel ouvert ?
09:04 - Oui, oui, oui. On va vraiment rechercher une très faible résistance au roulement pour toujours plus augmenter les autonomies de batterie
09:13 et puis les réduire petit à petit parce qu'aujourd'hui, l'ennemi numéro 1 pour les véhicules, c'est le poids.
09:17 Et donc, si on peut réduire les volumes des batteries grâce à la faible résistance des pneumatiques, c'est gagnant pour tout le monde.
09:24 - On voit que c'est une chaîne, évidemment, un écosystème. Merci beaucoup, Mathieu Petitjean. Et à bientôt sur Bismarck.
09:29 On passe à notre débat. La santé en retard dans sa révolution verte.