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Transcription
00:00Est-ce que c'est à cause de l'immigration qu'il y a autant de violence en France ?
00:06Eh bien, je pense que si on regarde de manière honnête la situation, oui c'est problématique.
00:12Confondre, corrélation et causalité, c'est fabriquer un faux coupable.
00:17Comme nous l'avons vu, il y a un passage, une séquence d'Alex Hitchin,
00:21où il répond à une question sur la violence et l'immigration.
00:25Il conclut une chose très claire, très simple.
00:27Pour lui, oui, l'immigration noire et arabe est problématique.
00:31Et le vrai problème, ce serait nous-mêmes.
00:34Le réel problème, c'est nous.
00:36Et tant que nous n'arriverons pas à admettre que le réel problème, c'est nous, les choses n'évolueront pas.
00:40Ce discours, en réalité, comme vous le voyez, paraît honnête.
00:43Il paraît même courageux.
00:45Mais il repose sur des erreurs majeures d'analyse.
00:48Et surtout, il détente complètement la question des causes réelles.
00:52Dire que plus il y a de monde, plus il y a de violence, ce n'est pas une explication.
01:01C'est une tautologie.
01:02Ok.
01:03Alors, sans même parler d'immigration, déjà pour commencer, s'il y a une augmentation démographique,
01:07techniquement, la violence augmente.
01:08C'est-à-dire que si on est de plus en plus quelque part, logiquement, la violence augmente.
01:12Oui, mécaniquement, plus une population augmente, plus le nombre brut, je parle bien de brut, d'événements, peut augmenter.
01:20Mais ça ne dit absolument rien sur pourquoi ces violences existent.
01:24Sinon, il faudrait expliquer pourquoi Tokyo, l'une des villes les plus denses au monde, est l'une des plus sûres.
01:30La violence ne n'est pas du nombre, elle n'est des conditions sociales.
01:35Quand on commence à dire, on ne parle pas de toute l'immigration, on parle des Noirs et des Arabes, on ne fait plus de sociologie ici.
01:45Maintenant, est-ce que ta question, ce ne serait pas plutôt, est-ce que l'immigration, une certaine immigration d'une certaine zone, n'est pas problématique
01:52et n'aurait pas une plus haute tendance à commettre des crimes ou des vols, donc à faire des actes de violence ?
01:58Là, à ce sujet-là, je te répondrais que malheureusement, étant donné que je suis noir, tu vois, je vais être obligé d'admettre certaines choses.
02:04Oui, l'immigration, l'immigration comme on l'entend, parce qu'on parle rarement d'immigration côté Asie, n'est-ce pas ?
02:09On parle rarement d'immigration côté Afrique du Sud, Amérique du Sud, on parle de Noirs et d'Arabes.
02:15Toute personne honnête dirait simplement, que pensent-ils les Noirs et les Arabes ?
02:19On parle de l'ethnicisation d'un problème social.
02:23On parle plus de pauvreté, plus de ségrégation urbaine, plus de chômage structurel, plus de politique publique.
02:30Non, on parle de groupes racialisés. Et ça, historiquement, on sait exactement où ça nous mène.
02:39De ce fait, comparer l'immigration noire et arabe à l'immigration indienne ou asiatique, comme tu le dis,
02:45même si, je le rappelle quand même, l'Inde est en Asie, sans comparer leur histoire, c'est une faute intellectuelle majeure.
02:52Pourquoi ? Parce que ces populations n'ont pas la même relation à l'État français.
02:57Elles n'ont pas été colonisées de la même manière. Elles n'ont pas été esclavisées par la France.
03:02Elles ne sont pas assignées au même territoire. Elles ne subissent pas le même contrôle policier.
03:09Et elles ne sont pas soupçonnées de la même façon.
03:12On ne peut pas comparer des trajectoires sans comparer les structures qui les encadrent.
03:16Dire maintenant que les Indiens ou les Asiatiques, comme tu le dis, sont discriminés et que, donc, la discrimination ne compte pas ?
03:27Moi, ce que je fais généralement comme exercice, c'est prendre un comparatif.
03:31Donc, je vais prendre, par exemple, l'immigration noire, arabe, peu importe, et je vais la comparer à d'autres types d'immigration.
03:36Est-ce qu'on rencontre les mêmes problèmes chez les autres immigrés ?
03:40C'est ça, la question que je me pose. Tu prends les Indiens.
03:43Les Indiens ont une immigration relativement pauvre.
03:45Les Indiens, je pense que tout le monde peut en témoigner.
03:47Il y a le quartier juste derrière, d'ailleurs, le quartier indien, juste derrière Gare du Nord.
03:51Est-ce que, réellement, tu as souvent entendu des problèmes avec les Indiens ?
03:55Non.
03:56Ok. On peut s'accorder déjà sur ce point.
03:58Maintenant, on va m'avancer à un autre argument, pour ne pas justifier du coup.
04:01Oui, mais c'est parce qu'ils sont pauvres et ils manquent d'argent.
04:04C'est, oui, mais ils sont discriminés.
04:06C'est-à-dire que les Asiatiques ont moins de difficultés ou les Indiens, parce qu'ils sont moins discriminés.
04:11Je te répondais déjà, les Indiens, au niveau de discrimination, ils sont plutôt pas mal.
04:14Parce que même nous, Noirs, Ara, peu importe ce que tu veux, on est les premiers à critiquer les Indiens.
04:17Ce n'est pas comprendre ce qu'est une discrimination systémique.
04:21Toutes les discriminations ne produisent pas les mêmes effets sociaux.
04:24C'est important de le comprendre.
04:26Être moqué ou stéréotypé n'a pas le même impact que d'être perçu comme une menace sécuritaire permanente.
04:33Tu vois ?
04:34Le manque d'accès apparemment à l'éducation, même si au final tout le monde va à l'école et l'école est gratuite.
04:41Donc je ne comprends pas réellement.
04:42Bref.
04:43Maintenant, dire tout le monde va à l'école donc je ne comprends pas, c'est ignorer presque 40 ans de recherche en sociologie.
04:50L'école, pour être très clair, ne corrige pas les inégalités.
04:53Elle les reproduit même très souvent.
04:55On parle d'orientation subie, on parle d'attente plus basse, de stigmatisation, de ségrégation scolaire.
05:02L'égalité formelle n'est pas l'égalité réelle.
05:09Maintenant, passons à ce mot, victimisation.
05:12Ce mot revient constamment dans ce type de discours.
05:13Pourquoi ?
05:15Parce que c'est un mot qui paraît raisonnable, presque sain encore une fois.
05:17Quand on dit à des populations entières, arrêtez de vous victimiser, on fait passer une idée très précise en réalité.
05:25On fait croire que nommer une injustice, c'est refuser toute responsabilité.
05:30Que décrire une réalité sociale, c'est chercher des excuses.
05:36Pause.
05:36Mais ça c'est faux.
05:38Et surtout, c'est extrêmement dangereux.
05:40Je pense que se victimiser n'est pas la bonne manière d'évoluer.
05:44Je pense que trouver des excuses constamment, parce qu'au final c'est ça l'exercice auquel ils se prêtent,
05:48c'est trouver des excuses constamment pour toutes ces minorités, ça ne va pas nous permettre de pouvoir évoluer.
05:52Venir dire aux Noirs que vous n'êtes pas responsable de tous les crimes que vous allez commettre
05:55parce que de votre côté vous êtes discriminé ou bien vous manquez d'argent,
05:58ce ne sera pas dans le bon sens selon moi pour pouvoir avancer.
06:02Reconnaître qu'un groupe subit des discriminations structurelles, ce n'est pas nier les responsabilités individuelles.
06:07Ce n'est pas dire on n'y peut rien.
06:09Non, c'est dire avant de juger les comportements, regardons le terrain où ils apparaissent.
06:15Le mot victimisation est souvent utilisé pour couper court à toute analyse systémique.
06:20Dès que tu parles de racisme structurel, de ségrégation urbaine, de discrimination à l'embauche,
06:25de contrôle policier répété, on te répond arrête de te victimiser.
06:29Autrement dit, ne parle pas du système, ne parle pas du contexte, parle uniquement des individus.
06:35Mais un individu n'évolue jamais dans le vide.
06:38Ce raisonnement est absurde dans tous les autres domaines.
06:41Quand nous parlons de violences conjugales, personne ne dit aux femmes, arrêtez de vous victimiser.
06:45Prenez simplement vos responsabilités.
06:47Quand on parle maintenant d'accident du travail, on ne dit pas aux ouvriers, c'est votre faute.
06:51Vous n'aviez qu'à être plus prudent.
06:53Pourquoi ? Parce qu'on comprend instinctivement que les structures comptent.
06:58Mais dès qu'il s'agit des quartiers populaires, dès qu'il s'agit des Noirs et des Arabes, comme tu le dis,
07:03tout à coup, le système disparaît.
07:05Il ne resterait plus que des comportements déviants.
07:08Dire arrêtez de vous victimiser, ce n'est pas responsabiliser, c'est isoler.
07:14C'est transformer un problème collectif en une faute morale individuelle.
07:18Et le plus grave dedans, c'est que ce discours finit toujours par produire l'effet inverse.
07:24A force de nier les causes structurelles, on empêche toute solution réelle.
07:28On ne corrige pas, pour être très concret, une injustice qu'on refuse de nommer.
07:33La vraie maturité politique, ce n'est pas de dire c'est toujours la faute du système.
07:37Non, du tout.
07:38Mais, ce n'est pas non plus de dire le système n'existe pas, débrouillez-vous.
07:43La vraie maturité, c'est de comprendre une chose très simple.
07:47On peut demander des responsabilités individuelles sans jamais effacer les responsabilités collectives.
07:52Tant que le mot victimisation sera utilisé comme une arme pour faire taire,
07:58plutôt que comme un signal d'alerte, on tournera en rond.
08:00Parce que, refuser de voir les victimes d'un système n'a jamais produit autre chose que plus de dégâts.
08:07Je dis honnêtement, j'ai rarement vu, tu vois, dans une cité où, peu importe,
08:16les habitants qui, à un moment donné, se mettent à manifester contre justement les mêmes membres de cette cité.
08:21Je t'explique.
08:22Dans un quartier, tu as 90%, 95% des gens qui veulent réellement évoluer,
08:26et tu as une petite minorité qui ne veut pas évoluer.
08:29Au bout d'un moment, les problèmes, il faut les régler en interne.
08:31Désormais, dire que les quartiers doivent régler seuls leurs problèmes, c'est oublier qui décide réellement.
08:37Les habitants ne décident pas de l'urbanisme, de l'emploi, des transports, ni même des politiques de sécurité.
08:43On demande aux conséquences de réparer les causes.
08:46Ça n'a aucun sens.
08:47Ce type de discours a un effet très clair, encore une fois.
08:51Il déplace la responsabilité.
08:53On ne parle plus de politique publique, comme je le disais en introduction.
08:55On ne parle plus de choix économiques.
08:57On ne parle plus de ségrégation.
08:59On parle de comportement ethnique.
09:01Est-ce que tu vois le glissement ?
09:02Et ça, ce n'est pas une solution.
09:04C'est une impasse.
09:05Le problème, ce n'est pas nous.
09:08Le problème, c'est un système qui fabrique des inégalités et cherche ensuite des coupables.
09:14Tant qu'on confondra causes sociales et origines ethniques, rien n'évoluera.
09:18Si tu veux avancer, commence par analyser correctement.
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