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00:00Europe 1 Soir, 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:0420h14, comment célébrer le réveillon de Noël mieux que derrière les fourneaux ?
00:11Vous avez peut-être quelques petites idées déjà pour demain, je vous emmène dans le très secret,
00:19le Saint Graal, le sacro-saint Guy Savoie qui nous ouvre les portes de sa cuisine,
00:26d'entretien enregistré il y a quelques jours au matin.
00:32Au sein du Graal, le Saint-Dessin, le restaurant Guy Savoie à la monnaie à Paris.
00:36Guy Savoie, bonjour.
00:37Bonjour.
00:38Merci de nous accueillir dans ces cuisines.
00:40Je suis ravi, je suis ravi de mettre un physique à une voix.
00:45On se connaît.
00:46Guy Savoie, qu'est-ce qu'on prépare ?
00:49Là, il est 10h25 précisément, cet entretien est enregistré bien sûr.
00:54Et nous allons passer pour le déjeuner, c'est ça ?
00:57Oui, tout à fait.
00:59Bon, mais alors, qu'il se passe encore ?
01:00On est dans ce qu'on appelle les avant-préparations, c'est pour ça.
01:04Venez, on va voir, il y a pas mal de marmites.
01:09Parce que pendant le service, on n'utilise que des petites casseroles.
01:12Et là, le matin, bon, là, vous avez vu, là, il y a un bouillon de volaille.
01:17Là, tu viens de blanchir le chou, c'est ça ?
01:20Parce qu'à côté des poulardes, on a une petite garniture avec un chou qui est farci de légumes.
01:26Donc là, il va blanchir les feuilles.
01:29Ça veut dire quoi, blanchir le chou ?
01:30C'est-à-dire qu'on va ramollir ses feuilles qui sont trop dures.
01:33Après, on va terminer la cuisson avec, une fois que ses feuilles seront farciées avec des légumes.
01:39Là, le bouillon de volaille, il cuit depuis combien de temps ?
01:42Il va faire en 5 minutes.
01:4345 minutes.
01:44Ça, c'est un bouillon de volaille. C'est très différent d'un bouillon Knorr ?
01:47Mais non, mais le bouillon de volaille a inspiré le bouillon Knorr.
01:52Oui, c'est la poulet l'œuf.
01:54Mais nous, c'est des carcasses, c'est des vraies carcasses de volaille.
01:57Donc on découpe le poulet, on fait les poitrines pour le manger et on laisse la carcasse pour le bouillon.
02:03Là, c'est les coffres de langoustine.
02:07Ah oui.
02:07Alors, vous imaginez la taille, vous avez la taille des coffres.
02:11Donc nous, on laisse tout ce qu'il y a dedans pour que...
02:14Ah oui. Il paraît que le meilleur, c'est la tête.
02:16Ben oui, justement.
02:17Justement, c'est pour ça que ça se transforme en bouillon.
02:19Et qu'est-ce que ça devient ?
02:20Là, après, ça devient une crème de légère, une crème légère de lentilles et langoustines.
02:24Où on a les queues qui sont entières et ce bouillon qui est très puissant, en fait, va être adouci.
02:33On va adoucir le goût et légèrement épaissir la consistance avec des lentilles.
02:40Et alors le monsieur, il fait un travail de scisif, là, parce qu'il a une petite coupelle dans laquelle il y a une petite écuelle qui fait 3 cm de circonférence.
02:49C'est un petit pochon.
02:50Et vous mettez combien de temps pour faire ça, monsieur ?
02:53J'enlève les impuretés qui sont à la surface après ébullition.
02:57Et donc, pour qu'il me reste assez de fumée, j'enlève vraiment que les impuretés à la surface.
03:01Enfin, les impuretés, tout ce qui est cette mousse, pour que le bouillon soit vraiment clair.
03:06Clair. Pourquoi ?
03:06Donc, si le bouillon est clair, on est...
03:11La soupe est bonne.
03:12On fait la soupe est bonne.
03:13Mais on fait surtout attention à la santé.
03:15Parce que, bon, là, on n'a pas de gras.
03:18Et par exemple, quand on fait un bouillon de volaille ou un truc comme ça,
03:21on enlève toujours ce qu'il y a dessus.
03:23Enfin, c'est à la fois les impuretés, comme l'a dit Laurent, et le gras, quoi.
03:29Et là, on enlève toutes les impuretés des coffres.
03:32Ça, le bouillon, à la fin, il sera translucide.
03:36Bon, alors ça, je sais faire.
03:37Il y a des petites rates.
03:38Là, on cuit des pommes de terre.
03:40Voilà, ça, je sais faire, ça.
03:41Voilà, c'est...
03:42Il y a une manière de faire, non ?
03:43Non, on démarre à froid, toujours, bien sûr.
03:47Ah bon ?
03:48Vous la prenez ?
03:48On ne planche jamais des pommes de terre dans une eau bouillante.
03:51Pourquoi ?
03:51Parce que ça durcit tout de suite la peau.
03:54Et que...
03:55Voilà, donc il faut démarrer à l'eau froide.
03:57Non, mais il me dit ça comme si c'était évident.
03:59Mais il n'y a rien d'évident, il se voit.
04:00Enfin, tout le monde n'a pas trois étoiles.
04:01J'explique pourquoi.
04:04Ici, le bouillon, là, Laurent, c'est lequel, celui-là, là ?
04:06C'est le bouillon de homard.
04:08Ah, c'est le bouillon de homard, celui-là.
04:09Alors là, on a enlevé les coffres et on le fait réduire pour amplifier le goût de homard.
04:18Là-dessous, il y a quoi ?
04:21Non, c'est de la purée, pour nous.
04:25Pour nous, c'est la truffe blanche.
04:27C'est pour la brigade ?
04:28C'est pour l'équipe.
04:30Elle a des truffes blanches.
04:31Tiens, les truffes blanches sont arrivées ce matin.
04:33On a joué avec une petite brosse.
04:36On enlève toutes les impuretés.
04:38On va écouter la brosse.
04:41Puis l'eau qui coule.
04:43Et on la tient pas sans arrêt sous l'eau.
04:46Juste parce que c'est comme tous les champignons, en fait.
04:50On travaille beaucoup à la brosse et très peu d'eau.
04:55Parce que le goût, le goût, le goût, le goût, le goût.
04:57On a peur que si on lave trop la truffe à l'eau, elle perde un peu de son goût.
05:04Très bien.
05:04Ça, c'est un menu de fête ou est-ce que la truffe, c'est toute l'année ?
05:08Non, là, la truffe blanche, c'est uniquement maintenant.
05:10Là, ça démarre autour du 15 octobre et ça va finir la fin décembre ou mi-janvier.
05:18Et le dérèglement climatique a rallongé un peu la période de truffe blanche.
05:27On est chez Burger King, ça ?
05:29Je vois des steaks hachés sur un plateau.
05:33Qu'est-ce que c'est ?
05:33C'est des burgers pour nous ce midi.
05:35Vous faites des burgers, Guy Savoie ?
05:36Absolument.
05:37Et alors, qu'est-ce qu'ils ont de plus ?
05:38Qu'est-ce qu'ils ont en accompagnement, là ?
05:41Loïc, qu'est-ce que c'est ?
05:41Attends, Loïc, Loïc, Loïc, Loïc a l'air très très renseigné.
05:44Ça va être des coquillettes, c'est ça ?
05:46Ça va être burger coquillettes à midi.
05:48Bon, très bien, parfait.
05:49On va pour le burger coquillettes.
05:52Ouh là, qu'est-ce que c'est que cette chose ?
05:52Lui vient de mettre une poularde de bresse dans une vessie de bof.
05:58Et on va la cuire dans cette vessie de bof.
06:00Mais qu'est-ce que c'est qu'une vessie de bof ?
06:02C'est la vessie, c'est la vessie du bof.
06:04On la retourne et on enferme la poularde dedans.
06:07Ah donc c'est une vraie vessie de bof ?
06:08Je pensais que c'était un canular.
06:10Non, non, pas du tout, c'est une vraie vessie de bof.
06:12Et voilà, et ce...
06:14Donc la poularde va cuire complètement, on va dire, à l'étouffée.
06:20Et ce qui va lui...
06:22C'est une manière de la pocher, tout en gardant tout son goût.
06:29Extraordinaire.
06:30Et alors qu'est-ce qu'on fait, pour ceux qui nous écoutent, cher Guy Savoie,
06:33qu'est-ce qu'on peut commencer à préparer pour les fêtes ?
06:36Parce qu'il y a les plats traditionnels, il y a quelques originalités,
06:39il y a quelques...
06:41Comment est-ce qu'on peut se faire plaisir ?
06:43Alors comment on peut se faire plaisir ?
06:47Déjà, il ne faut pas se lancer à faire des choses qu'on n'a jamais faites.
06:51Je dis toujours comme à l'armée, il faut faire un coup de sécurité.
06:54C'est-à-dire que si vous décidez de faire un plat qui n'est pas habituel pour vous,
06:58il est préférable d'essayer un peu avant.
06:59Mais après, bon, on peut rester dans les choses traditionnelles.
07:04Là, on va avoir une préparation d'huîtres, là.
07:07Ça, les huîtres, par exemple, c'est quelque chose d'assez facile.
07:10C'est un classique.
07:10Il ne faut juste pas se couper la main.
07:12Il ne faut juste pas se planter le couteau dans la main.
07:14Mais enfin, si on va très doucement, on ne risque rien.
07:18Alors là, ce sont des huîtres.
07:21Vous voyez, on a préparé, on a fait une gelée avec l'eau des huîtres.
07:26Et puis à côté, on a des huîtres qui sont concassées
07:30et qui sont assaisonnées avec un peu de poivre, d'huile d'olive et un tout petit peu de ciboulette.
07:36Voilà, ça, c'est une idée d'entrée.
07:39Non, c'est une idée d'entrée.
07:41L'huître, plutôt que de la servir entière, vous la coupez comme vous feriez un tartare d'huître.
07:46Et vous l'assaisonnez, surtout pas de sel, mais un peu de poivre et un tout petit peu de ciboulette et d'huile d'olive.
07:52Et vous remettez ce concassé d'huître dans les coquilles.
07:55Mais alors, votre gelée, elle est faite à base de quoi ?
07:56Elle est faite avec l'eau des huîtres.
07:58Ah, c'est avec l'eau des huîtres ?
07:59Voilà.
07:59Mais l'autre, la concassée, c'est beaucoup plus simple en fait.
08:04Oui, parce qu'on fait un petit tartare.
08:06Voilà, on se fait un petit tartare qui est juste assaisonné de poivre, d'huile d'olive et un tout petit peu de ciboulette.
08:12Et là, servi avec des petits croutons.
08:15C'est formidable.
08:16Autrement, la dinde, c'est une idée pour la dinde.
08:18On est obligé de la dinde ?
08:20Non, on n'est pas obligé, mais juste une idée, plutôt que de la faire rôtir.
08:24Et puis là, parfois, elle est un peu sèche.
08:27Vous la cuisez.
08:29Tu vends une dinde de 5 kilos, 2 heures.
08:32Vous la cuisez comme un poteau-feu, avec tous les légumes du poteau-feu.
08:36Et vous la servez avec une vinaigrette, dans laquelle vous pouvez mettre quelques lames de truffes noires.
08:43Vous avez vinaigrette pour de la dinde ?
08:46Une vinaigrette que vous faites, que vous détendez avec le bouillon de cuisson.
08:49Alors, attendez, je fais comment ?
08:51Vous cuisez votre dinde.
08:52Oui.
08:53Donc, comme un poteau-feu.
08:54Imaginez un poteau-feu, vous avez la dinde, tous les légumes.
08:56Et une fois que votre dinde est cuite, vous faites une vinaigrette.
09:00Avec vinaigre, moutarde, voilà, tout ça.
09:04Et puis après, vous détendez cette vinaigrette avec le bouillon de la dinde, le bouillon qui a cuit la dinde.
09:08Et qui sa voix, ça veut dire quoi ? Détendre.
09:10C'est-à-dire que vous avez une vinaigrette qui représente, admettons, le volume d'une tasse à café.
09:16Et bien, vous mettez une tasse à café de bouillon de dinde et vous avez cette vinaigrette qui devient chaude et que vous versez sur la dinde dans les assiettes.
09:28Et ça s'appelle détendre.
09:29Voilà, détendre.
09:30Et après, on est détendu.
09:31Après, on est détendu.
09:32Il est carrément détendu.
09:33Détendu, absolument.
09:34Et vous pouvez améliorer, puisque c'est Noël, avec quelques lames de truffe ou du jus de truffe.
09:40On trouve du jus de truffe.
09:41Est-ce que la truffe, c'est cher ? Alors, qu'est-ce qu'on peut dire à nos auditeurs ?
09:44Non, mais l'avantage de la truffe, c'est qu'il en faut très peu pour que ça parfume.
09:49Il ne faut pas regarder le prix au kilo.
09:51Il faut se dire qu'on en prend quelques grammes.
09:53Ou alors, on trouve du jus de truffe.
09:55Moi, je suis contre les arômes et contre tout ça.
09:58Mais vous trouvez du jus de truffe, qui est une infusion de truffe, en fait.
10:01Vous trouvez ça en petite boîte.
10:02Et si vous mettez ça dans votre vinaigrette détendue, on se détend avec la truffe.
10:09On se détend avec la truffe.
10:10On la détend avec du jus de truffe.
10:12Et vous la servez sur les morceaux de dinde et les légumes de la dinde aussi.
10:16Les légumes qu'on cuit.
10:17Alors, qu'est-ce qu'on fait comme dessert ?
10:19Qu'est-ce qu'on fait comme dessert ?
10:20Alors, il faut descendre pour les desserts.
10:21Oui, là, c'est en bas, c'est en fait ici.
10:24Les desserts, bon, bien sûr, le chocolat reste le dessert roi des fêtes, en fait.
10:32Que ce soit en bûche, que ce soit en mousse, que ce soit...
10:36Mais qu'est-ce que c'est que cette manie française de fête ?
10:37On joue des bûches.
10:39Ça vient d'où, cette histoire de bûche ?
10:40Ah, la bûche, la cheminée.
10:43Oui.
10:44Et puis, je pense que c'est l'origine.
10:47Mais, bon, la bûche, l'intérêt de la bûche, c'est qu'on peut avoir une multitude de parfums.
10:54Et surtout, la forme de la bûche permet de faire des parts très, à la fois très régulières.
11:02Quand vous avez un gros gâteau rond, assez compliqué.
11:06Il y en a qui se font avoir ?
11:07Il y en a qui se font avoir, absolument.
11:08Alors, après, bon, alors s'il est très gros, c'est le couper en...
11:11Comment dire ? En grand rectangle et après, tailler dedans.
11:15Mais bon, la bûche, au moins, vous êtes sûrs ?
11:17Puis ça permet de faire un décor de Noël sur la bûche.
11:19Oui, c'est bon.
11:20Vous plantez vos petits champignons.
11:22Et qu'est-ce qu'on boit avec tout ça ?
11:24Alors là, mais tout est possible.
11:29Est-ce que le champagne est obligatoire ?
11:31Ou est-ce qu'il y en a qui disent, tiens...
11:32Alors oui, moi, le champagne, je vais vous dire à quel moment je le prends pour ces moments de fête.
11:37Je le prends avec le fromage.
11:38Parce que ?
11:39Parce qu'à ce moment du repas, on a besoin...
11:43Moi, j'ai besoin de fraîcheur, aussi bien en température qu'en légèreté du vin.
11:50Et le champagne, comme ça, cette effervescence fait passer le gras du fromage.
11:57Donc j'aime bien le champagne à ce moment-là.
12:01À l'apéritif, si l'apéritif est vraiment en amont du repas, c'est-à-dire...
12:11Oui, on ne passe pas à table tout de suite.
12:13Je ne peux pas boire un verre de champagne et tout de suite passer à table.
12:16Il faut qu'on traîne à l'apéro.
12:17Et vous avez entendu, le four a des...
12:19Il a des musiques.
12:20Des musiques de Noël, oui.
12:22Vous voyez, ça, c'est pour qu'on soit vraiment dans l'ambiance de fête.
12:24Et dans le reste de l'année, c'est quoi ?
12:26Tu peux faire le 14 juillet, c'est à la Marseillaise.
12:31Laurent, on peut faire sonner le four, là, s'il vous plaît ?
12:34Attendez, on va s'approcher, parce que...
12:36On va s'accrocher.
12:36On va aller.
12:36Voilà, c'est le four.
12:49Alors, si on veut que ça s'arrête...
12:52Ah oui, il suffit d'ouvrir le four.
12:53Il suffit d'ouvrir le four, voilà.
12:55Ah, je vois que le déjeuner de ces messieurs est parti.
12:58C'est lancé.
12:59C'est lancé.
13:00Oui, c'est à 11 heures.
13:01Pour nous, le déjeuner est à 11 heures.
13:03Et le soir, à 18 heures.
13:07Voilà le déjeuner des cuistots de la brigade de Guy Savoie.
13:12Et on se retrouve avec Guy Savoie dans quelques minutes.
13:15À table, cette fois-ci.
13:17Il nous présentera son livre sur les écrivains et leur cuisine au 19e siècle.
13:23Europe 1 soir.
13:2419h21, Pierre de Villeneau.
13:27Après notre passage en cuisine, nous voilà à table avec Guy Savoie.
13:31Quel honneur, cher Guy Savoie, qui est signe Cuisine des écrivains au 19e siècle avec
13:38Anne Martinetti et Gilles Chénaud.
13:40Il faut les mentionner.
13:41C'est aux éditions Airshare.
13:43Alors, on a suivi les siècles avec vous, les uns après les autres.
13:46Nous voilà au 19e, qui est un siècle important parce que c'est à la fois, évidemment,
13:50la suite des écrivains et comment est-ce qu'ils vivent la gastronomie française.
13:55Mais c'est aussi, peu à peu, parce qu'entre-temps, il y a eu les révolutions et les hôtels particuliers
14:01de la noblesse française se sont pour certains fermés.
14:05C'est l'apparition des restaurants, c'est l'apparition des guinguettes.
14:08Ça, ça n'existait pas avant.
14:09Non.
14:09Alors, ça commence au 18e et c'est au 19e.
14:12On s'aperçoit que ce siècle, en fait, il est très proche du nôtre.
14:15On s'aperçoit que la cuisine, enfin, la table, l'art de vivre à la française prend de plus en plus d'importance.
14:24Et il y a des dîners qui sont courus.
14:25Par exemple, Zola, à Meudan, je crois que c'était tous les jeudis,
14:31ils faisaient des dîners qui étaient très courus.
14:34C'était bien d'être invité, c'était bien d'être là.
14:37On raconte les repas pentagruéliques, parce que cette formule, enfin, cette série a démarré au 16e siècle.
14:46Donc, on peut parler de pentagruel et de rabelais.
14:49Et là, on s'aperçoit que oui, il n'hésitait pas à finir les assiettes des convives qui étaient à côté de lui.
14:57Monsieur Zola ?
14:58Non, ça, je parlais après de Balzac.
15:01Mais monsieur Zola, c'est vrai que monsieur Zola aussi avait...
15:04Un appétit.
15:04Si dîners étaient très prisés, parce que je crois que c'était...
15:08En fait, c'était à la fois...
15:09D'ailleurs, c'est le reflet de la table d'aujourd'hui.
15:12Un dîner, ça doit être bien évidemment des mets de qualité, des vins également de qualité,
15:19et surtout une atmosphère joyeuse.
15:20Je veux dire, qu'est-ce qu'on célèbre autour d'une table ?
15:22C'est la gourmandise.
15:23C'est d'ailleurs le plus beau texte sur la gourmandise qu'il m'est arrivé de lire.
15:28C'est Guy de Maupassant qu'il écrit lors d'une chronique, dans un journal qui s'appelle Le Gaulois,
15:32où vraiment, ces mots sur la gourmandise sont extraordinaires.
15:38On devrait faire lire ça dans toutes les écoles.
15:41La table, c'est important par la nourriture, par la conversation, par l'ambiance.
15:47Mon cher papa dit souvent, il n'y a rien de plus triste à table qu'une demi-bouteille de vin.
15:51Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ?
15:52Moi, je suis plutôt un défenseur du magnum, oui.
15:57Enfin, si on est un certain nombre, et puis quand même avec modération.
15:59Mais c'est vrai que c'est... Je crois que la table, c'est déjà un lieu.
16:05C'est une atmosphère, c'est la compagnie.
16:10Je vais dire que c'est... D'ailleurs, en matière de goût, je me souviens d'un texte de Frédéric Dard sur Ikem, justement,
16:19où il ne parle pas de dégustation.
16:21Il dit, pour célébrer Ikem, il faut être trois, la bouteille, un ami, encore faut-il un ami, au grand millésime,
16:30sur le visage duquel on va lire nos propres sensations.
16:33Je trouve que c'est bien dit, quoi.
16:36C'est-à-dire que la bouteille, c'est pas avec quoi, c'est avec qui.
16:40Ikem, fameux vin de Sauterne, bien sûr, pour ceux qui découvrent.
16:44Honoré de Balzoc, Louis Scolet, Huyssemance, on a Alphonse Daudet, on a Guy de Maupassant.
16:51Alors, Guy de Maupassant a fait, je pense, le plus beau texte qui a été écrit sur la gourmandise.
16:57Vraiment, il dit que c'est... Enfin, pour être gourmand, c'est pas anodin d'être gourmand.
17:01Enfin, je vous laisserai le soin de découvrir ce texte qui est un bonheur absolu et qui me rassure de défendre deux fois par jour la gourmandise.
17:12Avec Guy de Maupassant, vous faites la sole à la diépoise.
17:15Alors, j'ai vu, c'est... C'est pas que c'est compliqué, mais il y a beaucoup de choses à préparer en avance.
17:22Oui, mais il y a des recettes bien plus faciles.
17:24Les radis au beurre de Fannes, c'est très facile.
17:28La crème légère de lentilles et langoustines.
17:31Mais c'est amusant à faire aussi, une sole à la diépoise.
17:33Bien sûr.
17:33Pourquoi la sole à la diépoise ? Pour Guy de Maupassant ?
17:35Quoi est-ce que vous faites pour associer ?
17:36Parce que là, par exemple, pour Balzac, vous avez les huîtres et légumes bouillons.
17:40On sait que Balzac, les huîtres, c'était un passionné d'huîtres.
17:43Et ils buvaient, je ne sais pas combien, de cafés par jour.
17:47Donc, la deuxième recette concernant Balzac, c'est une crème légère de lentilles et de langoustines
17:51qu'on a vues en cuisine tout à l'heure.
17:54Et je fais une râpée d'arabica dessus, donc de graines café.
17:57Parce que je trouvais que la lentille, la langoustine et le café fonctionnaient bien.
18:03Donc voilà, ça, c'est en hommage à Balzac.
18:07Et bon, Châteaubriand, on a mis Châteaubriand, bien sûr.
18:10Mais on le découvre, mais c'est vraiment venu avec lui, le steak un peu plus épais ?
18:15Oui, le cœur de filet de boeuf, qui est normalement pour deux personnes.
18:18Oui, je pense que c'est lui qui a, comment dire, lancé.
18:25Et il s'en servait beaucoup pour...
18:28C'est réussi. Est-ce que vous croyez qu'avec son nom, maintenant,
18:32parce qu'on va au fin fond des États-Unis, on demande un Châteaubriand.
18:35On vous sert un Châteaubriand.
18:37Et vous pensez que la personne sait qu'elle va lire les mémoires d'Outre-Tombe derrière ?
18:41Non, mais déjà, ça prouve que l'importance de la gastronomie,
18:49pour que tous ces grands écrivains en parlent, en fassent des chroniques, des descriptions et tout,
18:55ça prouve vraiment l'importance.
18:58Et puis, à travers tous ces écrits, sur ces quatre siècles, en fait,
19:01c'est qu'on sent l'évolution et on sent pourquoi on en est là aujourd'hui.
19:07Ça ne s'est pas fait de manière, je dirais, instantanée,
19:12même si la cuisine, c'est quelque chose de très instantané.
19:16Toute cette histoire de l'art de vivre à la française,
19:18parce qu'à travers tous ces écrits, on s'aperçoit aussi que ça ne s'arrête pas,
19:22d'ailleurs, on l'a déjà dit, ça ne s'arrête pas simplement à la cuisine.
19:26On parle d'atmosphère, on parle de lieux où il faut être.
19:29De conversation.
19:30De conversation, on parle de tout.
19:31Oui, de cet acte culturel, car c'est un acte culturel de passer à table.
19:37Oui, même Jacques Attal y a écrit un livre sur la conversation à table,
19:42comme quoi ce n'était pas utile, en réalité, de manger tout seul dans son coin
19:46avec sa demi-bouteille de vin, qu'il fallait justement partager un repas
19:49et que c'était là tout l'art presque de la civilisation, en fait.
19:53Oui, absolument, c'est notre art de vivre, c'est la singularité française
19:57que la planète entière nous envie.
20:00Et c'est vrai qu'à table, il se passe plein de choses.
20:03Il y a même, je sais que j'ai certains chefs d'entreprise
20:05qui font le recrutement des personnes importantes de la société
20:09lors d'un repas pour voir les attitudes,
20:13pour voir si déceler la gourmandise, parce que si on est gourmand...
20:18Et si on ne lèche pas son couteau ?
20:19On est gourmand.
20:20Mais vous rigolez, ça doit être pour ça aussi ?
20:23Oui, pour voir, bon, peut-être les bonnes manières,
20:25mais surtout pour voir la vraie personnalité.
20:28À table, au deuxième plat ou au dessert,
20:31on n'a plus de masque, quoi.
20:34Ça veut dire quoi, ça ?
20:36Il y a eu combien de magnums entre-temps ?
20:37On est soi-même.
20:37Non, non, mais je ne parle pas forcément des vins,
20:40parce que c'est toujours consommé avec modération.
20:42Mais non, l'effet...
20:43Monsieur les vins appréciera.
20:44Un repas désinhibe forcément tous les convives.
20:51Donc c'est ça qui est important, et voilà.
20:53Vous parlez de l'art de vivre à la française.
20:56Il y a une petite chose que nos auditeurs soit apprendront,
20:59soit confirmeront.
21:00Il y a le service à la française.
21:01Et il y avait le service aussi à la russe,
21:05qui est arrivé à une époque,
21:07c'est-à-dire où on servait à l'assiette.
21:08Le service à la française, c'est-à-dire que vous avez un...
21:10On présente le plat.
21:11On présente le plat.
21:11Le plat et chaque convive se serre.
21:12Et chacun se serre.
21:13Et chacun se convive se serre.
21:14Alors ça prend parfois un certain temps.
21:16Et surtout, on s'est rendu compte,
21:17je parle sous votre contrôle,
21:18qu'il y avait beaucoup de gâchis à une époque.
21:20Et donc du coup, on a inventé le service à l'assiette.
21:22Et puis oui, parce qu'on est très maladroit.
21:24Moi-même, je suis très emprunté
21:26lorsqu'il faut prendre les couverts pour me servir,
21:31je suis content d'avoir une assiette terminée devant moi.
21:35Et au moins, je sais qu'elle est appétissante,
21:38qu'elle est visuellement belle,
21:40parce que c'est le cuisinier qui assure la maîtrise.
21:42Alors lorsque vous vous servez,
21:44ça dépend quelle garniture il y a autour,
21:45vous n'avez pas forcément la manière de les installer dans l'assiette.
21:50Et je crois que ce service aujourd'hui à l'assiette,
21:53c'est quelque chose de...
21:54C'est rentré dans les mœurs.
21:57Et c'est tellement plus pratique.
22:00Et puis, lorsqu'on vous sert une assiette terminée,
22:04la conversation ne s'arrête pas.
22:06Il est difficile de vous servir et de continuer une conversation.
22:10Donc le fait que tout arrive vraiment terminé,
22:13ça n'altère pas du tout le rythme des conversations.
22:16Quelques mots de vos fournisseurs,
22:18nos amis les agriculteurs,
22:19qui ont une passe difficile en ce moment.
22:23Qu'est-ce qu'ils vous disent ?
22:24Comment est-ce qu'ils ressentent ce qui se passe en ce moment ?
22:28On les a vus ces derniers jours mobilisés, nuit et jour,
22:32pour défendre une situation qui est extrêmement compliquée.
22:37Je rappelle qu'il y a un agriculteur qui se suicide tous les deux jours.
22:41C'est une situation compliquée.
22:42Alors que je prends ce livre-là,
22:44mais comme beaucoup d'autres,
22:46on était en cuisine tout à l'heure,
22:48sans œufs...
22:49On n'existe pas.
22:50C'est vrai que sans eux, on n'existe pas.
22:52Et moi, je me souviens ce que nous, restaurateurs,
22:56on a ressenti quand on a fermé les restaurants
22:58lors du Covid.
23:01C'est un...
23:02Bon, c'est...
23:04Maintenant, bien sûr,
23:06c'est pas complètement comparable.
23:09Parce qu'on ferme le restaurant,
23:11on savait qu'un jour, on allait le rouvrir.
23:13Mais c'était quand même...
23:14Moi, je ne pouvais plus passer dans ce restaurant vide,
23:16dans ce restaurant inanimé.
23:18Mais là, quand on abat les cheptels d'infirmiers,
23:23c'est évident que le choc est terrible.
23:28Parce que...
23:29Bon, c'est la disparition déjà du travail.
23:32C'est la disparition de relations.
23:36Parce que ces gens ne font pas ce métier par hasard.
23:39Ils font ce métier parce qu'ils aiment leurs animaux.
23:42Et parce qu'ils y croient.
23:43Parce qu'ils y croient.
23:44Et qu'ils aiment leurs animaux.
23:45Ça passe...
23:46Les sensations et les relations qu'il y a avec leurs bêtes.
23:54Et moi, j'ai été très touché par ce paysan, en fait,
23:56qui avait...
23:57Ce dont le cheptel a été abattu.
23:59Et que ça a été...
24:00En Ariège.
24:01Oui, en Ariège.
24:02Ça a été le travail, je crois, sur deux générations.
24:04Pour justement avoir des bêtes exceptionnelles.
24:09Et si nous, si on n'a pas des gens qui font des choses exceptionnelles,
24:15en l'occurrence des bêtes, tout à l'heure on a vu les poules hardes de Bresse,
24:18c'est un peu la même chose si...
24:20Imaginez demain la Bresse envahie par la grippe aviaire.
24:23Ça devient...
24:24Nous, on a...
24:25La volaille de Bresse est quand même la reine des volailles.
24:28Si on n'a plus la possibilité d'avoir ce type de volaille,
24:32on altère un peu le paysage gastronomique.
24:34On a besoin.
24:34Et on a besoin des bovins.
24:36Déjà, le cheptel, je crois, est passé de 22 millions à 17 millions de têtes
24:40en quelques années.
24:42Si ça continue, bon, c'est...
24:47Ce sont des drames.
24:49Bien sûr, drames humains.
24:51Parce que...
24:52Des bêtes, mais c'est...
24:54Avec les bêtes, il y a des humains.
24:55Et puis un drame, ben, pour la filière.
24:58Et je crois que ça...
25:00Nous, on a besoin de toutes les filières pour assurer cette diversité.
25:04C'est la singularité de la gastronomie française.
25:06C'est d'avoir une diversité dans les produits
25:09et dans les produits exceptionnels.
25:11Donc, gardons ce paysage aussi bien fourni
25:14en produits de qualité.
25:17Et on continuera à défendre, nous, cette singularité
25:20que la planète entière nous envie.
25:22C'est important ce que vous dites sur la relation
25:24qu'a le paysan, l'éleveur, avec sa bête.
25:27Parce que c'est quelque chose que, je pense,
25:28dans une certaine frange,
25:30je pense à des associations,
25:32à des défenseurs des animaux.
25:36Là encore, comment est-ce qu'on défend les animaux ?
25:38C'est une question à poser.
25:40Mais certains se disent, ben non, en fait,
25:41ce sont des éleveurs.
25:43Ils ont un troupeau de bêtes
25:44qui n'ont pas de nom,
25:46qui ont des numéros les uns après les autres
25:47et qui vont à l'abattage.
25:49Là, ce que vous dites, c'est qu'il y a une relation
25:51entre la bête et l'éleveur.
25:53Et c'est important.
25:53Mais bien souvent, elles ont des noms.
25:55Moi, je connais plein d'éleveurs
25:56qui ont donné des noms à leurs bêtes.
26:00Et c'est vrai qu'il y a une relation qui se crée.
26:05Ça dure plusieurs mois.
26:06Donc, c'est évident.
26:08Il y a les comportements.
26:10Ils décèlent des comportements différents
26:12entre les bêtes et tout.
26:13Et moi, je suis proche du monde agricole.
26:16Donc, je sais bien comment ça se passe.
26:18Mais que ce soit pour les bovins,
26:20que ce soit pour des volailles,
26:22nous, il y a un souci permanent
26:25pour le bien-être animal.
26:28C'est évident.
26:29Les gens, les éleveurs ne font pas ce métier par hasard.
26:35Il y a quelque chose.
26:36Cette relation avec les animaux
26:39et leur attention pour le bien-être,
26:43ils savent que la qualité de leur viande
26:46passe par ce bien-être.
26:50Une viande, une bête qui est maltraitée
26:53Elle est stressée.
26:54Elle ne fera pas une bonne viande.
26:56C'est ça.
26:56Un veau qui souffre et tout.
26:59On fait écouter de la musique classique au Japon
27:01à certaines vaches, j'ai entendu dire.
27:03Oui, ils ont les masses.
27:04On les masse.
27:05On les masse aussi.
27:07Mais, par exemple, un veau qui a souffert
27:09pendant le transport
27:11n'a plus de riz de veau.
27:12Je veux dire, le bien-être
27:16et le comportement animal, heureusement,
27:19a pris de plus en plus d'importance
27:21et que, moi, j'imagine le désarroi
27:23lorsqu'on abat tout un cheptel.
27:26Un mot de l'Académie, c'est la consécration pour vous
27:28après toutes ces étoiles, macarons, distinctions ?
27:34Oui, on peut rêver aux assiettes, aux étoiles, au toc.
27:38On peut rêver à tout ça lorsqu'on est cuisinier.
27:40Mais être élu à l'Académie des Beaux-Arts,
27:43oui, c'est quelque chose de complètement...
27:46C'est nouveau, déjà.
27:47En quoi ça consiste, d'ailleurs ?
27:48Parce que je suis le premier cuisinier à rentrer à l'Académie.
27:52Ça veut dire déjà que les artistes considèrent
27:54que notre métier est artistique.
27:57Donc, rien que ça, moi, j'avais toujours un problème.
27:59Je disais toujours que je défendais le fait que j'étais un artisan.
28:02Maintenant, les artistes ont décidé que la cuisine était un art.
28:08Donc, c'est formidable.
28:09Alors, ça consiste...
28:10C'est la sauvegarde de tous les arts.
28:12D'ailleurs, on s'insurge, nous...
28:15On sert d'alerte.
28:16Et quand on entend que telle ou telle région supprime le budget culture
28:19et que la presse applaudit en disant que c'est courageux,
28:22je vois pas quel courage on a lorsqu'on enlève des budgets culture
28:26dans ce pays qui est quand même...
28:29Mais on est à l'os, M. Savoie.
28:31Donc, le budget qui trinque, le premier, c'est la culture.
28:35Ça a toujours été comme ça, même dans les entreprises.
28:38Ah bon ?
28:38Eh bien, alors, c'est une drôle de société, alors.
28:41Merci, Guy Savoie. Bon Noël.
28:43Merci.
28:43Bon Joyeux Noël.
28:44Joyeux Noël.
28:44Et puis, terminez bien l'année.
28:46Et on souhaite que l'année prochaine soit...
28:49Enfin, sereine.
28:50Guy Savoie, cuisine des écrivains, 19e siècle à lire chez Hercher.
28:56Merci à vous.
28:57Merci. Il y a un petit peu de foie gras.
28:59Voilà. Dans un instant, le rappel des titres de l'actualité.
29:02Et puis, on parlera aussi de bâtir des églises.
29:06Ça continue. C'est important.
29:08On en parle dans un instant.
29:09Sous-titrage Société Radio-Canada
29:10Sous-titrage Société Radio-Canada
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