00:00Bonjour et bienvenue en Tête à Tête sur France 24.
00:13Notre invité cette semaine est Martin Fayoulou, c'est un opposant congolais.
00:17Il est à la tête du parti L'Engagement pour la Citoyenneté et le Développement.
00:20Il est avec nous depuis Kinshasa.
00:22Merci beaucoup Martin Fayoulou.
00:25Bonjour Marc Pelleman.
00:27Alors à peine l'encre de l'accord historique signé à Washington devant le président Trump par Paul Kagame et Félix Tshisekedi était-elle sèche
00:37que les combats ont repris de plus belles, notamment dans la région du Sud Kivu, frontalière avec le Rwanda et le Burundi.
00:43Les rebelles de l'AFC M23, soutenus par le Rwandois, ont repris notamment la ville stratégique d'Ouvira.
00:50Alors Kigali et Kinshasa s'accusent mutuellement d'avoir violé l'accord.
00:55D'après vous, est-ce un accident que l'action militaire a repris dès l'accord de paix signé ?
01:03Non, ce n'est pas un accident, c'était prévisible.
01:07L'accord était un piège que M. Kagame a tendu à M. Félix Tshisekedi.
01:12Donc c'était prévisible. M. Kagame, voyant les sanctions européennes, les sanctions américaines depuis début janvier et la résolution 2773,
01:25donc il a voulu essayer de se sortir de toutes ces sanctions et de cette résolution des Nations Unies.
01:34Donc il a poussé Tshisekedi à un accord qu'il ne pensait pas et qu'il n'avait pas, comment dire, dans sa tête.
01:45Et aujourd'hui, on le voit qu'il préparait la guerre depuis.
01:51Il a un objectif bien précis parce que cette guerre-là, vous le savez, c'est une guerre économique et une guerre des terres.
01:59Vous dites que Paul Kagame avait madigancé cela, mais il y a un autre acteur qui a quand même joué un rôle, c'est Donald Trump.
02:05On sait à quel point l'administration américaine a mis la pression et sur le Rwanda et sur la RDC.
02:11Est-ce que vous diriez à ce moment-là que Donald Trump a été naïf ou est-ce que, d'une certaine façon, il a été complice ?
02:17Non, je ne dirais pas qu'il est complice, il a été complice.
02:21Je dirais simplement que Donald Trump voulait signer son accord de partenariat stratégique RDC-USA et ça, il l'a eu.
02:31Et il voulait certainement faire avancer les choses, mais il n'est pas dans le cœur de M. Kagame
02:38parce que la crise que nous qualifions de crise sous-régionale, parce que cette crise est une crise internationale,
02:47cette crise comprend plusieurs pays, il y a le Congo, notre pays, il y a le Rwanda, il y a l'Ouganda, il y a les Burundis,
02:56on pourra dire même qu'il y a la Tanzanie.
02:59Donc c'est une crise sous-régionale et M. Trump, le président Trump, a certainement eu la bonne volonté de faire arrêter les choses,
03:10mais M. Kagame, dans son hégémonie, ne pensait pas comme les autres.
03:16Est-ce que, d'après vous, c'est le Rwanda qui est coupable ou est-ce que vous accusez aussi, Félix Tshisekedi,
03:24peut-être aussi de ne pas avoir eu l'intention de respecter cet accord, ou alors est-ce que vous pensez qu'il était de bonne foi ?
03:31Non, le Rwanda est coupable, Félix Tshisekedi est coupable, il y a beaucoup de coupables.
03:36Tous sont coupables d'abord depuis qu'ils ont saboté la vérité des jaunes, la voix du peuple.
03:44Ce que le peuple a demandé en 2018-2019, ils n'ont pas accepté ça, ça c'était la complicité de M. Kabila, M. Kagame,
03:54et M. Félix Tshisekedi. Donc tous ils sont coupables, mais aujourd'hui, si on fait fi de ce qui s'est passé,
04:01aujourd'hui, si les gens veulent la paix dans la région, tout le monde doit respecter les engagements.
04:07Cet accord, pour nous, c'est un accord déséquilibré, à l'avantage du Rwanda.
04:11Même à l'avantage du Rwanda, M. Kagame n'accepte pas.
04:16Donc j'accuse M. Kagame pour ne pas avoir respecté l'accord et pour sa volonté de prendre les localités du Congo,
04:27les ressources du Congo, et j'accuse Félix Tshisekedi simplement parce que lui ne veut pas une cohésion interne,
04:34une cohésion nationale à l'interne. Nous avons dit à M. Félix Tshisekedi, ce qu'il nous faut,
04:40c'est les dialogues nationaux inclusifs pour que tous les enfants du Congo parlent le même langage
04:47et voir comment affronter cette crise ensemble.
04:52D'après vous, quel est l'objectif que vous assignez à Paul Kagame ?
04:58On a parlé des Kivu, certains parlent du Katanga. Est-ce que vous craignez, Martin Fayoulou, une partition de la RDC ?
05:06Est-ce qu'aujourd'hui, ça devient quelque chose de plausible ?
05:10Non, mais c'est depuis longtemps que j'ai écrit et j'ai dit à tout celui qui veut m'entendre
05:16que l'objectif est la balkanisation du Congo.
05:21M. Kagame ne viendrait peut-être pas partout, n'ira peut-être pas partout, mais il a besoin des Kivu
05:28et peut-être Mousséveni va s'occuper des Litoris et les autres vont s'occuper d'autres contrées.
05:36Donc, ce qu'il y a là, c'est l'intégrité territoriale du Congo qui est menacée.
05:44Donc, il faut arrêter. Et c'est pour cela que je demande à la communauté internationale.
05:48Elle, elle peut arrêter ça. Je demande au président Trump, lui, peut arrêter,
05:53c'est-à-dire de reprendre les sanctions contre M. Kagame et le Rwanda
05:58et de dire à tout le monde que la résolution 2773 doit être strictement appliquée.
06:07Cette résolution est claire. Donc, on demande au Rwanda de cesser tout soutien au M23 et AFC.
06:15On demande à l'AFC et M23 de quitter toutes les positions qu'ils ont conquises depuis Goma, Bukavu et tout le reste.
06:25Donc, c'est très simple. Si le monde, si les Nations Unies veulent aider à pacifier la région, à résoudre cette crise,
06:36je crois qu'il n'y a pas de trans-solution. La solution, c'est la résolution 2773.
06:40La solution, c'est les sanctions à Kagame et à l'interne ici, parce que nous avons aussi notre responsabilité.
06:48C'est la cohésion nationale.
06:50Allons au dialogue.
06:51Félix Tisekedi et les évêques et les pasteurs doivent convoquer la réunion pour ces dialogues nationaux inclusifs.
07:01Est-ce que, d'après vous, parce qu'il y a un autre processus, le processus de Doha, par lequel l'AFC M23 discute avec le gouvernement de Kinshasa,
07:11est-ce que, d'après vous, c'était une erreur et qu'aujourd'hui, il faut abandonner ce processus de Doha ?
07:17Tout à fait. Nous avons dit que c'était une erreur, mais comme on dit « le vin est tiré, il faut le boire »,
07:23nous avons dit que le processus de Doha n'avait qu'un objectif.
07:28Comment avoir laissé le feu ?
07:32Deux, comment mettre en application la résolution 2773 ?
07:38Si les belligérants s'étaient entendus pour arriver à cela, on ne pourrait pas dire que c'est un échec.
07:47Mais aujourd'hui, je ne vois pas la nécessité de ce processus de Doha.
07:53Nous avons dit qu'il nous faut un processus le plus important.
07:58C'est le processus de Kinshasa.
08:00Parce qu'aujourd'hui, on fait comme s'il n'y avait pas de Congolais.
08:04Le peuple congolais est complètement oublié.
08:07Il y a 10 millions de morts qui sont morts.
08:09Le président Trump l'a dit.
08:11Il y a plusieurs millions de Congolais qui sont déplacés, qui sont réfugiés, qui meurent comme ça.
08:18Donc, il faut que les Congolais qui sont au Congo, qui n'ont pas pris des armes,
08:24qui ont un mot à dire, doivent quand même participer à la résolution de cette crise.
08:31Et c'est pour cela que nous disons tous, et les belligérants, et les tenants du pouvoir aujourd'hui,
08:36et ceux qui ne sont pas au pouvoir, ceux congolais de la société civile, des partis politiques,
08:45nous devons tous nous rencontrer, asseoir autour d'une table et voir quelles sont les causes profondes de cette crise,
08:54qui est une crise régionale, mais dont le drame se déroule sur le sol congolais.
08:59Il faut trouver une solution.
09:01Alors, cet appel au dialogue, vous le lancez vers Félix Tshisekedi, j'imagine vers d'autres hommes politiques,
09:08quid de Joseph Kabila ?
09:10Après des années de brouilles, vous avez signé une déclaration commune avec lui le 1er mai.
09:14Mais depuis le 30 septembre, il a été condamné à mort pour trahison et crime de guerre.
09:23D'après vous, est-ce que Joseph Kabila peut faire partie de la solution,
09:27ou est-ce qu'il fait partie du problème, le pouvoir l'accuse,
09:30d'être avec Paul Kagame dans une tentative de déstabilisation ?
09:34Nous disons le dialogue national inclusif.
09:39Donc, toute personne, tout Congolais, Kabila a géré ce pays pendant 18 ans.
09:45Il a une responsabilité.
09:48Kabila a fait que le pays n'ait pas d'armée.
09:51Pourquoi ? Il faut qu'il vienne.
09:53Quand on va parler des causes profondes de cette crise,
09:56pourquoi les Congos n'est pas capables de répondre militairement aux attaques du Rwanda ?
10:02Pourquoi ? Donc, Kabila doit être là.
10:04Tout le monde.
10:05Nanga aussi doit être là.
10:07Nanga, c'est un Congolais.
10:09Donc, il doit nous dire pourquoi il a pris des armes.
10:12Il a certainement des raisons.
10:13On lui dit d'arrêter.
10:15Ici, il s'agit de trouver une solution pérenne
10:19pour que les Congos ou les Congolais puissent retrouver la paix.
10:24Et c'est comme ça que j'ai lancé cette idée des camps de la patrie.
10:30Les camps de la patrie se dérivent de l'article 63 de notre Constitution qui est très clair.
10:37Tout Congolais a les droits et les devoirs sacrés de défendre le pays et son intégrité en cas de menace ou d'agression extérieure.
10:45On ne peut pas isoler, on ne peut pas écarter un Congolais.
10:50Il faut qu'il vienne.
10:51Les condamnations ou la condamnation, ça, je crois qu'au cours du dialogue ou avant les dialogues, on pourra trouver une solution.
10:59Moi, j'ai participé à la conférence nationale souveraine sous Mobutu.
11:04Il y avait des gens qui ne pouvaient pas venir au Congo, mais on a trouvé des solutions.
11:09Ils sont venus et ils ont participé à la conférence nationale souveraine.
11:13En conclusion, très rapidement, Martin Fayou, est-ce que vous craignez que votre pays s'effondre ?
11:18Il y a des raisons de craindre l'effondrement, la balkanisation et la dislocation du Congo.
11:28Je crois que si Kagame est un proxy, on lui a donné cette mission.
11:36Oui, ça, c'est une crainte naturelle que j'ai en tant que Congolais, mais dans les têtes des Congolais, dans l'esprit des Congolais, non.
11:45Les Congolais doivent demeurer unis, indivisibles, et c'est pour cela que nous demandons cette cohésion nationale.
11:51Il y a la cohésion ici entre les Congolais.
11:54Il y a un sentiment de vivre ensemble, des Goma à Mwanda, des Kasumbalesa à Kinshasa et de partout.
12:04Les gens veulent être ensemble en tant que Congolais, dans nos frontières, héritées de nos ancêtres, de la colonisation et de l'indépendance de notre pays.
12:15Martin Fayoulou, merci beaucoup d'avoir répondu aux questions de France 24 depuis Kinshasa.
12:21Et merci à vous d'avoir regardé cette émission sur nos antennes.
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