- il y a 2 jours
Pour ce nouvel épisode de "Chocs du monde", le magazine des crises et de la prospective internationale de TVL, Edouard Chanot reçoit le géopolitologue Pierre-Emmanuel Thomann.
Donald Trump est encore déçu par Volodymyr Zelensky. Selon le président américain dimanche, le dirigeant ukrainien n'aurait même pas lu sa dernière proposition de paix. Washington a aussi publié une nouvelle stratégie de sécurité nationale et ses trois pages sur l'Europe de Bruxelles valent le détour. D'autant plus qu'en même temps, Elon Musk a lancé une attaque numérique en règle contre l'Union européenne.
Donald Trump est encore déçu par Volodymyr Zelensky. Selon le président américain dimanche, le dirigeant ukrainien n'aurait même pas lu sa dernière proposition de paix. Washington a aussi publié une nouvelle stratégie de sécurité nationale et ses trois pages sur l'Europe de Bruxelles valent le détour. D'autant plus qu'en même temps, Elon Musk a lancé une attaque numérique en règle contre l'Union européenne.
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00:40Et pourtant, d'année en année, nos décryptages se vérifient
00:43et ils sont confirmés par la réalité.
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00:54Ce que nous avons, c'est un devoir d'intégrité et d'exemplarité vis-à-vis de vous.
01:00Mais pour continuer notre mission,
01:02pour sortir la tête de l'eau après cette censure bancaire,
01:05mais aussi pour y poster,
01:07pour rendre coup pour coup au système,
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01:54Bonjour à tous et bienvenue dans Choc du Monde,
01:56le magazine des crises de la prospective internationale de TVL.
02:00Donald Trump est encore déçu par Volodymyr Zelensky.
02:03Selon le président américain dimanche,
02:05le dirigeant ukrainien n'aurait même pas lu sa dernière proposition de paix.
02:10Et puis la nouvelle stratégie américaine de sécurité nationale a été publiée.
02:15Ses pages sur l'Europe valent le détour.
02:17Ses trois pages d'ailleurs sur l'Europe valent le détour.
02:20Alors d'autant plus qu'en même temps,
02:21Elon Musk, allié de Donald Trump,
02:23a lancé une attaque numérique en règle
02:26contre l'Union européenne et ses dirigeants
02:28avec quelques tweets qui ont au moins le mérite de faire rire.
02:32Nous allons en parler.
02:32Nous allons parler de tout ça avec Pierre-Emmanuel Thomann,
02:35docteur en géopolitique, enseignant en géopolitique.
02:38Bonjour Pierre-Emmanuel Thomann.
02:39Bonjour.
02:39Merci beaucoup d'avoir répondu présent à l'appel de Choc du Monde.
02:43Vous pouvez retrouver les analyses de notre invité et ses cartes sur le site eurocontinent.eu.
02:50Alors concrètement, Pierre-Emmanuel Thomann,
02:52Zelensky refuse la cession de territoire que ses troupes tiennent encore.
02:57Il a déclaré dimanche que l'Ukraine mérite une dixit paix digne.
03:01De son côté, le dirigeant russe Vladimir Poutine a déclaré que l'armée russe libérerait l'ensemble du Donbass
03:09si les soldats ukrainiens refusaient d'évacuer.
03:11Alors ma question, les Européens veulent faire bloc derrière Volodymyr Zelensky.
03:17Kiev veut encore négocier, mais peuvent-ils, Zelensky et les Européens,
03:22peuvent-ils encore obtenir une paix digne comme le demande encore Volodymyr Zelensky ?
03:28Je pense que c'est impossible.
03:29C'est un objectif inatteignable selon la nouvelle configuration géopolitique.
03:35C'est-à-dire les Européens de l'OTAN pro-Kyèf,
03:40parce que les Européens sont divisés en réalité,
03:42mais les capitales en pointe pour soutenir Kiev,
03:46cherchent à prolonger le conflit.
03:49Je pense qu'ils ont compris que ce conflit était perdu,
03:54mais ils essaient de camoufler leur propre humiliation
03:58et cette défaite en cherchant à soutenir à bout de bras Kiev
04:03pour obtenir peut-être une posture un tout petit peu plus favorable
04:08et espérer éventuellement un durcissement de la posture de Donald Trump vis-à-vis de la Russie.
04:16Mais là aussi, on voit que c'est de moins en moins crédible.
04:21Et en fait, ils essayent de gagner du temps parce qu'ils savent qu'on va leur demander des comptes
04:28après ce désastre géopolitique de tout l'axe Washington-OTAN-UE-Kyèf.
04:33alors même que Washington et Donald Trump ont réalisé,
04:38ont compris que la défaite était inéluctable,
04:41essayent de se désengager, de se bourbier,
04:44et en fait refiler la patate chaude aux Européens et à Kiev.
04:49Vous dites qu'il y a eu une évolution dans la compréhension de Donald Trump
04:54et de son administration vis-à-vis du conflit, vis-à-vis de la Russie.
04:57Vous pensez qu'il y a eu un tournant à un moment ?
05:00Oui, je pense que par rapport au premier mandat de Donald Trump,
05:05Donald Trump, il faut rappeler qu'il avait approuvé l'envoi d'armes létales
05:10au régime de Kiev contre la Russie.
05:13Lors de son deuxième mandat, il a promis de se désengager de ce conflit,
05:20d'arriver à la paix, et donc il fait ce qu'il a promis,
05:25mais il ne le fait pas à n'importe quelles conditions,
05:28c'est-à-dire qu'il le fait en essayant de camoufler cette défaite
05:33de l'axe Washington-OTAN-UE-Kyèf,
05:37en disant que c'est Biden qui a provoqué ce conflit,
05:43ce n'est pas moi, et je cherche à me désengager de ce conflit.
05:48Mais c'est ambigu, parce que s'il voulait vraiment le faire de manière plus abrupte,
05:55il aurait tout de suite arrêté la livraison d'armes, d'informations,
06:00non seulement à Kiev, mais de faire pression aux Européens
06:02pour qu'ils ne continuent pas à soutenir Kiev,
06:05et en réalité, les Etats-Unis augmentent leur exportation d'armes aux Européens
06:11qui transmettent les armes à Kiev.
06:13Donc il y a une posture ambiguë des Etats-Unis
06:16qui ont introduit une nouvelle doctrine de sous-traitance géopolitique
06:21de leurs propres intérêts.
06:23D'ailleurs, dans ce qui est inscrit noir sur blanc,
06:27dans la nouvelle stratégie de sécurité,
06:29avec les Européens qui s'occupent de leurs propres problèmes,
06:34en Asie aussi.
06:35Qui essaient de s'occuper de leurs propres problèmes.
06:37Voilà.
06:38Mais en fait, c'est une manière de dire,
06:43en vous vend les armes, vous endiguez la Russie,
06:46et puis le Japon et les pays d'Asie, vous endiguez la Chine,
06:49on vous fournit les armes,
06:50et nous, on donne des grandes priorités géopolitiques,
06:54on préserve la suprématie américaine dans le monde.
06:56Alors, vous avez évoqué le fait que les Européens, Kiev,
07:00essaient d'éviter l'humiliation.
07:03Alors, je vais jouer quand même un peu l'avocat du diable,
07:04Pierre-Emmanuel Thomann.
07:05On sait que les défaites humiliantes sont souvent la cause d'une nouvelle guerre.
07:10Évidemment, il y a ce cas d'école de la guerre de 1914 après la guerre de 1970.
07:14La Russie et Washington ne devraient-ils pas éviter une humiliation ukrainienne ?
07:20Alors, c'est ce que Washington a compris avec l'élection de Donald Trump,
07:24qu'en fait, ils ne sont pas arrivés à infliger une défaite stratégique contre la Russie.
07:31L'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine est impossible, de facto.
07:35La Russie, de son côté, n'a peut-être pas encore atteint tous ses objectifs géostratégiques,
07:44mais par contre, elle a réussi à cristalliser, à imposer l'évolution du monde
07:51vers un ordre plus multipolaire et à torpiller toute prétention unipolaire de la part des...
08:00Pour préciser, alors quels sont en fait les échecs de la Russie depuis trois ans ?
08:06Alors, du point de vue de la Russie, l'échec a été de...
08:13Ils n'ont pas réussi à imposer une négociation préalable à l'intervention.
08:19C'est ce qu'ils avaient, le plan A, c'était une négociation entre les Etats-Unis en décembre 2021
08:25pour une nouvelle architecture européenne de sécurité,
08:28avec non-élargissement de l'OTAN et l'inscrire dans de nouveaux traités
08:31qui introduisent un nouvel ordre spatial et géopolitique.
08:34Les Etats-Unis ont refusé.
08:35Les Etats-Unis, sous la présence de Joe Biden, en même temps soutenaient Kiev,
08:42armaient Kiev et ils ont craint une nouvelle offensive de Kiev sur le Donbass
08:49et ils ont décidé d'intervenir.
08:51À ce moment-là, ils ont cherché aussi à imposer une négociation à Kiev
08:58et en réalité, Kiev a été soutenu par les Occidentaux
09:03pour poursuivre le conflit jusqu'à la situation actuelle.
09:07On évoque souvent le voyage de Boris Johnson.
09:09Exactement.
09:10En effet.
09:12J'ai évoqué, vous avez évoqué la publication de la nouvelle stratégie de sécurité nationale américaine,
09:17donc publiée par Washington, par la Maison Blanche, le 6 décembre dernier.
09:21Ce n'est pas très long d'ailleurs, ça vaut le détour.
09:23Il faut le lire, ce document.
09:25Mais je vous propose, en attendant quand même, un résumé.
09:28Corriger l'erreur du mondialisme, du libre-échange destructeur et des alliances déséquilibrées,
09:34c'est ainsi que Donald Trump veut restaurer la puissance américaine.
09:38Depuis la fin de la guerre froide, les élites américaines ont commis l'erreur
09:41de financer simultanément l'État-providence et un complexe militaro-diplomatique non moins considérable.
09:48Trump veut renouer avec l'Amérique d'abord, revendique soutenir ses travailleurs
09:52et un partage des charges avec les alliés.
09:54« Les affaires des autres pays ne nous concernent que si leurs activités menacent directement nos intérêts », est-il écrit.
10:01Plus d'interventionnisme militaire débridé donc, la paix par la dissuasion militaro-économique doit primer.
10:07Mais le document enchaîne en revendiquant la prééminence de Washington sur tout le continent américain,
10:12jusqu'à empêcher les concurrents non-hémisphériques de s'y positionner.
10:16Si l'administration Trump revendique la vigilance pour prévenir un conflit avec Pékin,
10:20elle tire surtout à boulet rouge sur l'Europe, rappelant son effacement civilisationnel.
10:26L'Union européenne s'appelle les souverainetés nationales,
10:29les politiques migratoires transforment le continent,
10:31la censure s'attaque à la liberté d'expression selon le document.
10:35Si les tendances actuelles se poursuivent,
10:37le continent sera méconnaissable d'ici 20 ans ou moins, fustige-t-il.
10:41Donc au-delà, Washington souligne que l'Europe considère la Russie comme un ennemi existentiel,
10:51et semble évidemment le regretter,
10:52et que la gestion des relations entre l'Europe et la Russie, je cite,
10:56« nécessitera un engagement diplomatique important de la part de la puissance américaine
11:01pour rétablir les conditions d'une stabilité stratégique
11:04et atteigner le risque de conflit entre la Russie et les États européens ».
11:08Donc on parle vraiment de rétablir les conditions de stabilité en Europe
11:11et la stabilité stratégique avec la Russie, selon ce document de la Maison-Blanche.
11:16Donc si je vous comprends bien, Pierre-Magnol Thoman,
11:18il y a d'un côté le besoin de la part de Washington de se désengager,
11:24mais de surveiller l'Europe dans sa relation avec la Russie.
11:27Exactement.
11:28D'un côté, les États-Unis veulent empêcher une aggravation du conflit
11:38qui les mettrait en perte à faux et qui les obligerait à intervenir
11:42pour, soi-disant, le principe de solidarité au sein de l'OTAN avec l'article 5.
11:50D'ailleurs, l'OTAN, dans ce document, est toujours présent en fait
11:56pour devenir une plateforme pour vendre du matériel américain aux Européens.
12:01Mais les États-Unis, évidemment, ont l'objectif de torpiller
12:06toute tentative de rapprochement continental sur l'axe Paris-Berlin-Moscou.
12:12Il ne s'agit absolument pas, dans ce document,
12:16d'octroyer une indépendance stratégique des Européens,
12:20mais de sous-traiter leurs priorités géopolitiques,
12:24de dire aux Européens, vous vous occupez de l'endiguement de la Russie
12:29en renforçant vos propres défenses,
12:31mais évidemment en achetant non seulement des armes américaines,
12:35mais aussi de l'énergie et du gaz et du pétrole américains.
12:39Et donc, les États-Unis préservent leur hégémonie géopolitique
12:45sur l'Europe de l'Ouest et d'Europe centrale et orientale.
12:49Vous écriviez d'ailleurs sur votre site,
12:51quelques jours avant la publication de ce document américain,
12:54que la stratégie américaine en fait est un traquenard pour les Européens.
12:58Exactement, c'est une vassalisation intégrale des Européens qui est proposée.
13:03Il n'y a pas de changement entre ce qu'a fait l'Amérique depuis 1945
13:08et Donald Trump qui est isolationniste,
13:11qui clame haut et fort depuis quelques années America First, etc.
13:15Vous ne percevez pas une...
13:16Alors, il y a une modification des doctrines,
13:21une modification tactique des objectifs,
13:24mais je dirais l'objectif America First,
13:28il a toujours été présent et il est maintenu.
13:32Mais aujourd'hui, il est explicitement inscrit dans leur stratégie.
13:38Auparavant, il ne disait pas America First.
13:41Les États-Unis voulaient inscrire leur domination au travers du multilatéralisme,
13:45au travers du soutien de l'OTAN, de l'Union Européenne,
13:49et des organisations multilatérales en exportant la démocratie libérale
13:53d'inspiration américaine.
13:56Et aujourd'hui, la doctrine est modifiée,
14:01c'est-à-dire il y a le principe de sous-traitance géopolitique
14:09par les Européens sur la question russe,
14:13et les États-Unis veulent préserver en fait la civilisation européenne
14:18et, je dirais, se considérer responsable de l'avenir de l'Europe
14:25du point de vue civilisationnel.
14:27Et donc, cela veut dire qu'ils n'exporteront plus le wokisme
14:30ou la démocratie libérale d'inspiration américaine,
14:33mais par contre, ils vont exporter le conservatisme,
14:36le trumpisme, qui est un conservatisme américain, vers l'Europe.
14:42Donc, l'Europe reste en fait vassalisée aux États-Unis
14:47parce qu'évidemment, il ne sera pas permis aux Européens,
14:51par exemple, d'avoir une géopolitique totalement alternative,
14:55par exemple, eurasienne, sur l'axe, comme je l'ai précisé auparavant,
14:59d'inspiration gaullienne, l'Europe de l'Atlantique à l'oral,
15:03enfin, un axe Paris-Berlin-Moscou.
15:04Ce n'est pas prévu dans ce plan du tout.
15:07Donc, oui, c'est assez ambigu.
15:09C'est-à-dire que, bon, explicitement, je cite,
15:11l'Europe reste stratégiquement et culturellement vitale pour les États-Unis.
15:14Donc, il y a un fond de bienveillance dans ce document.
15:17Ils veulent un renouveau européen, si l'on veut.
15:19Mais en même temps, l'administration Trump veut, je cite encore,
15:24permettre à l'Europe de voler de ses propres ailes
15:26et de fonctionner comme un groupe de nations souveraines alignées,
15:29mais avec, évidemment, des nations souveraines
15:33qui seraient plus proches, selon l'administration de Washington,
15:37que ne peut l'être Bruxelles actuellement.
15:39Exactement.
15:40Alors, ça, c'est l'idéologie qui change.
15:43C'est-à-dire, les États-Unis sont toujours dans une posture hégémonique en Europe,
15:48mais ils changent de doctrine idéologique.
15:52Ce n'est plus, comme je l'ai dit, l'exportation du wokisme, par exemple,
15:55et du multilatéralisme qu'ils dominaient de toute façon auparavant,
16:00c'est de remettre l'Europe sur la base de l'Europe des nations conservatrice
16:10et donc qui serait plus proche, évidemment, de la posture américaine et du trumpisme.
16:19Et donc, je pense que leur diagnostic, là, est juste.
16:22C'est-à-dire, ils font le diagnostic qu'avec l'immigration de masse,
16:25l'Europe est en train de disparaître civilisationnellement.
16:28C'est la réalité géopolitique.
16:31Et donc, ils font le constat que la vraie menace pour l'Europe, ce n'est pas la Russie,
16:36mais cette immigration de masse qui change totalement la culture et la civilisation européenne.
16:42Et ils se portent garant, en fait, de la préservation de cette civilisation européenne.
16:47Mais ce qui veut dire que l'Europe reste sous tutelle quand même,
16:50parce que le conservatisme américain...
16:52Concrètement, ils veulent 27 Orban et Mélanie dans l'Union européenne.
16:56À vrai dire, n'est-ce pas aussi une possibilité pour nous, Européens ?
17:00Bien sûr, c'est une énorme opportunité pour les Européens de réorienter ce projet européen
17:08porté par l'Union européenne qui est obsolète.
17:10Parce que l'Union européenne, en fait, avec son idéologie, je dirais,
17:17basée sur la société ouverte de libre circulation des migrants, des capitaux, du commerce,
17:23affaiblit les nations européennes.
17:24C'est un mélange de, je dirais, de national-globalisme
17:31avec une Europe qui se veut géopolitique contre la Russie
17:35et qui ne peut pas gagner ce conflit contre la Russie
17:38parce que les États membres, en réalité, sont divisés
17:42et puis on ne gagne pas qu'en puissance nucléaire.
17:45Et en même temps, ils portent toujours ce projet de post-national
17:51de dépasser les États-nations.
17:55Et donc, cette synthèse, je dirais,
17:57ce monstre à deux têtes qu'est de l'Union européenne
17:59est obsolète, affaiblit les nations européennes.
18:01Et donc, que les États-Unis, à nouveau, fassent la promotion des États-nations,
18:07c'est une énorme perche envoyée aux Européens
18:09qui pourrait affirmer leur propre souveraineté
18:13et reconstruire une alliance dans le cadre d'une alliance d'États-nations souverains
18:19comme le général de Gaulle considérait le projet européen
18:26en opposition avec l'Europe intégrée de Jean Monnet.
18:29Alors, bon, parce que du général de Gaulle,
18:32Elon Musk semble dire la même chose dans des termes beaucoup plus contemporains.
18:35Elon Musk, donc le patron de Tesla, a trollé, comme on dit aujourd'hui,
18:38à notre époque.
18:40Il a trollé l'Union européenne et ses dirigeants depuis plusieurs jours
18:43en toile de fond une amende de 120 millions d'euros contre X,
18:46sa plateforme X, pour violation des lois numériques draconiennes
18:50qui fixent donc des normes de responsabilité et de modération de contenu.
18:54Alors, Musk a, depuis 48 heures, appelé à abolir l'Union européenne,
18:58ni plus ni moins.
18:59Il a comparé la belle Europe à l'affreuse et obèse Union européenne.
19:02L'Union européenne, encore une fois, n'est pas une démocratie selon lui,
19:05mais une bureaucratie.
19:07Il a ironisé sur le fait que Bruxelles voulait punir le réseau social
19:10le plus populaire, le sien évidemment, X, au sein donc de l'Union.
19:14Il a évidemment ajouté des propos, pour le moins ironiques,
19:18sur l'insatisfaction des Européens face à l'Union européenne,
19:21tout en ajoutant au passage que la ré-immigration était une position modérée et non extrême.
19:26On en revient donc au discours de l'administration Trump sur l'immigration de masse
19:31qui change le visage de l'Europe.
19:33Alors, Pierre-Emmanuel Thoman, face à cette polémique,
19:37êtes-vous plutôt Elon Musk ou Ursula von der Leyen ?
19:39Alors, c'est ambigu parce que, évidemment, Elon Musk a fait le constat
19:47qui est valable, qui est juste, de cette Union européenne
19:54qui fait la promotion d'un espèce de totalitarisme néoconservateur et européiste
20:00en voulant contrôler, évidemment, les réseaux sociaux
20:05au profit des narratifs pro-européens.
20:08Et donc, il y a une vraie censure qui s'installe.
20:11Mais d'un autre côté, Elon Musk, évidemment,
20:14en dénonçant cette censure européiste,
20:20évidemment, lui a pour intérêt à exporter l'impérialisme digital américain.
20:27Donc, les peuples européens sont pris entre deux feux,
20:30entre deux impérialismes européistes et américains.
20:33Et c'est ça, un petit peu, le problème de l'Union européenne.
20:38Et pour conclure, je dirais que, lorsque l'on regarde une carte géopolitique,
20:46avec cette nouvelle doctrine américaine vis-à-vis du monde,
20:52il y a donc la promotion des États-nations.
20:56La suprématie américaine, justement, on en parlait,
21:00dans les domaines de l'intelligence artificielle et du numérique.
21:06Donc, ça, c'est un piège à toutes les autres puissances
21:09dans ce monde de plus en plus multipolaire,
21:12parce qu'ils veulent garder la primauté.
21:14Et ils établissent une hiérarchie dans les espaces géopolitiques
21:17d'intérêt prioritaire pour les États-Unis.
21:19D'abord, le territoire américain,
21:21rentre sur les frontières,
21:23l'immigration de masse est totalement...
21:26Enfin, ils ont l'objectif de stopper l'immigration de masse aux États-Unis.
21:31Deuxième objectif, l'hémisphère occidental.
21:34Du Groenland-Canada jusqu'en Argentine,
21:37là, c'est la domination américaine.
21:38Vous êtes en effet géographe, donc vous comprenez bien.
21:41Pour nos spectateurs français,
21:43l'hémisphère occidental, pour les Américains,
21:46correspond en fait aux Amériques.
21:48Voilà, c'est ça.
21:49Donc, pan-américanisme,
21:51l'hégémonie américaine sur cet espace pan-américain.
21:57Ensuite, il y a l'Asie,
21:59la priorité Asie en numéro 2.
22:03Et donc, endiguer la puissance chinoise,
22:07même s'il ne nomme plus la Chine,
22:09d'ailleurs comme adversaire stratégique,
22:12c'est fait de manière indirecte.
22:13Le document est assez neutre,
22:16vis-à-vis de la Chine, c'est assez étonnant.
22:18Oui, c'est pour laisser la porte ouverte
22:20aux négociations entre grandes puissances.
22:22Donc, il n'est pas du tout guerrier.
22:25Donc, c'est pour la stabilité stratégique,
22:27même s'il y a une rivalité entre grandes puissances.
22:29La troisième priorité, c'est l'Europe,
22:31où la doctrine géopolitique de sous-traitance
22:34des Européens qui s'occupent d'endiguer la Russie
22:37en achetant des armes américaines
22:39et en revenant au modèle des États-nations.
22:44Et ensuite, il y a le Proche-Orient
22:45comme la priorité suivante.
22:49Et en dernier, il y a l'Afrique.
22:53Alors, ce qui est...
22:55J'ai dit Proche-Orient, le Moyen-Orient,
22:56parce que Proche-Orient, c'est une perception française.
22:59Et alors, ce qui est très intéressant,
23:00c'est qu'en fait, il y a une nouvelle hiérarchie géopolitique
23:02qui est mise en œuvre.
23:03Il y a un resserrement géopolitique sur les États-Unis
23:07et une hégémonie américaine, pan-américaine,
23:11avec une nouvelle doctrine Monroe
23:13revisitée par Donald Trump.
23:15Explicitement évoquée dans le document.
23:17Qui est explicite dans le document.
23:19Et l'Asie et l'Europe, en fait,
23:22les États-Unis sous-traitent leurs propres priorités
23:26et promettent, en fait,
23:28d'établir un équilibre géopolitique.
23:31C'est-à-dire qu'ils veulent empêcher toute puissance rivale,
23:35c'est-à-dire sous-entendue,
23:37qui n'est pas citée dans le document,
23:38sous-entendue Chine ou Russie,
23:40soit de dominer l'Europe,
23:42soit la Chine de dominer l'Asie.
23:44Mais cela veut dire qu'il y a bien une hiérarchie.
23:46C'est-à-dire que les États-Unis sont hégémoniques en Amérique,
23:49mais ils n'acceptent pas d'hégémonie alternative,
23:53ni en Europe, ni en Asie.
23:55Et je dirais que les priorités géopolitiques anglo-saxonnes
23:58d'encerclement de leur Asie,
23:59avec le contrôle de l'Europe
24:01et l'endiguement de la Chine en Asie,
24:03correspondent encore aux géopoliticiens anglo-saxons
24:07de division de leur Asie,
24:10avec en complémentarité
24:12la réaffirmation des États-Unis
24:14comme puissance maritime
24:15pour préserver,
24:16notamment en Asie,
24:18les grands corridors maritimes
24:19pour le commerce.
24:22Et donc, ça, c'est Mahan,
24:23l'héritage de doctrine Mahan.
24:28Et donc, je dirais,
24:31les États-Unis,
24:31America first,
24:33priorité des États-Unis
24:36imposée à leurs alliés,
24:40mais début d'acceptation
24:42de ce monde multicentré.
24:44Ça, c'est important ce que vous dites.
24:46Vous pensez qu'il y a quand même
24:47une évolution dans le discours,
24:49dans la stratégie américaine,
24:50il y a un début d'acceptation
24:52de cette multipolarité ?
24:54Exactement,
24:54puisque même si les États-Unis
24:56veulent rester la première puissance
24:57dans tous les domaines militaires,
24:59énergétiques,
24:59intelligence artificielle,
25:01ils acceptent qu'il y ait
25:02d'autres centres de pouvoir
25:04avec qui ils négocient en priorité
25:06sans une espèce de grand concert
25:09des nations mondiales,
25:11mais sans,
25:13en évitant à ces grandes puissances
25:15d'imposer en fait
25:17un monde multipolaire
25:19selon la vision de la Chine
25:22ou de la Russie,
25:23c'est-à-dire il n'est pas question
25:24pour les États-Unis d'accepter
25:26en fait,
25:29dans l'ONU,
25:29puisqu'ils se détachent
25:33de toute doctrine multilatérale,
25:38ils ne cherchent pas
25:40à mettre sur le même plan d'égalité
25:42Russie, Chine,
25:45États-Unis,
25:46Inde,
25:46mais ils cherchent
25:49à préserver une hiérarchie
25:51entre ces puissances
25:52tout en acceptant,
25:54en imposant la stabilité
25:56en Europe et en Asie
25:58pour ne pas laisser la Chine
26:00ou la Russie déborder
26:01de leur zone d'influence.
26:03Vous dites que les États-Unis
26:04perçoivent une forme de hiérarchie
26:06donc entre les puissances,
26:07il y a quand même un fond très réaliste
26:08dans cette analyse.
26:10Oui, exactement,
26:11mais c'est le début d'acceptation
26:13d'un monde plus multicentré
26:14qui ne pourrait aboutir
26:16à un monde multipolaire idéal
26:18selon la vision russe et chinoise
26:20que si on inscrivait
26:22cette nouvelle multipolarité
26:25dans le droit international,
26:27c'est-à-dire
26:27de signer de nouveaux traités
26:29qui spécifient
26:30le non-élargissement de l'OTAN,
26:32la reconnaissance
26:33de nouvelles frontières,
26:35les zones rouges
26:35à ne pas dépasser,
26:37et là,
26:37il n'en est rien
26:38puisque les États-Unis
26:39ne mentionnent même pas
26:41les Nations Unies
26:41dans ce document.
26:43Donc,
26:43ils évacuent
26:44toute vision multilatérale.
26:48Tout à fait.
26:48Alors,
26:49vous avez le sentiment
26:50que,
26:50je vous ai demandé
26:51si la doctrine stratégique
26:53américaine
26:53a évolué
26:54en quelques années,
26:55même entre les présidences Trump,
26:56est-ce que vous avez le sentiment
26:57que donc
26:59la Maison-Blanche,
27:00Donald Trump,
27:01a intériorisé
27:02une des grandes critiques
27:03qui avait été formulée
27:04contre les États-Unis
27:05à la suite du conflit ukrainien,
27:06à savoir que
27:07l'interventionnisme américain
27:08en Ukraine
27:09avait rapproché
27:10la Russie de la Chine
27:11et que maintenant,
27:12c'est totalement compris
27:13par Donald Trump.
27:15Alors,
27:15il n'est pas
27:16exprimé dans le document
27:18de manière explicite,
27:20mais évidemment,
27:22en fait,
27:22il a réalisé,
27:24enfin,
27:24ses conseillers,
27:25parce que je ne sais pas
27:26si Donald Trump lui-même
27:27est un fervent lecteur
27:29d'ouvrages en géopolitique,
27:32mais il a
27:33un feeling
27:35de la politique internationale
27:37qui est assez intéressant.
27:38et ils ont compris
27:40que les doctrines
27:41géopolitiques
27:42anglo-saxonnes,
27:43même si elles sont
27:44encore maintenues
27:45jusqu'à un certain point
27:46pour encercler l'Eurasie
27:48avec l'Europe
27:49et l'Asie
27:49où il ne veut pas
27:50d'hégémonie
27:51de puissance adverse,
27:53ils ont compris
27:53qu'elles ont aussi
27:54amené
27:55à un rapprochement
27:56russo-chinois
27:57qui,
27:59en fait,
27:59contredit même
28:00leurs objectifs
28:01géopolitiques
28:03globaux.
28:04et donc
28:06il y a
28:07une modification
28:07tactique
28:08de ces doctrines
28:10en essayant
28:10sans doute
28:11d'arriver
28:13à une stabilité
28:14stratégique
28:14avec la Russie
28:15pour empêcher
28:16un rapprochement
28:17trop important.
28:18Mais il faut bien voir
28:19que je pense
28:19du côté russe,
28:21la Russie
28:21n'ouvrira jamais
28:22de front
28:22contre la Chine
28:23car,
28:25et la Chine
28:25d'ailleurs
28:26n'accepterait
28:26pas non plus
28:27que la Russie
28:29s'allie
28:29avec ce grand
28:31Occident
28:31dominé par les Etats-Unis
28:32parce que de facto
28:33elle se retrouverait
28:34encerclée
28:35et donc
28:37il faut voir aussi
28:39dans ce document
28:40comment il va être
28:41mis en oeuvre
28:41parce que ce sont
28:42des grandes annonces
28:43de documents
28:44très intéressants
28:45du point de géopolitique
28:46et il faut voir
28:46dans la mise en oeuvre
28:48concrète
28:49comment cela
28:51va se dérouler.
28:52Comment cela va se dérouler ?
28:54Eh bien,
28:54affaire à suivre donc.
28:55Pierre-Emmanuel Thomas,
28:56merci infiniment
28:57d'avoir répondu présent
28:58à l'appel
28:59de Choc du Monde.
28:59Je rappelle
29:00que vous pouvez suivre
29:01les analyses
29:02de Pierre-Emmanuel Thomas
29:03sur le site
29:03eurocontinent.eu
29:05Merci à tous
29:06d'avoir suivi cet épisode
29:07de Choc du Monde
29:07surtout n'oubliez pas
29:08de le commenter
29:09et de le partager.
29:10Merci à tous
29:10et bonne soirée.
29:11Sous-titrage Société Radio-Canada
29:16Sous-titrage Société Radio-Canada
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