00:00Alors, de mon point de vue, je pense que ça fait partie de nos métiers.
00:05Je pense que ça fait partie des choses qu'il faut intégrer à nos métiers.
00:09Mais peut-être encore plus que l'édition scientifique, c'est quelque chose qui est compliqué à faire rentrer dans les cases
00:14et à faire rentrer dans les bouts de travail dont Étienne parlait aussi au début de l'entretien.
00:21Je pense que c'est un enjeu démocratique, là encore, justement pour que la recherche publique,
00:28financée par l'argent public, sorte du cadre purement universitaire et puisse être utilisée.
00:36Mais au-delà de ça, qui sont un peu des considérations très générales et bateaux,
00:39mais je pense que l'enjeu derrière ça, c'est surtout depuis quelques années,
00:45c'est surtout d'essayer d'éviter le discours qui soit descendant.
00:50Ce qui est quelque chose d'extrêmement compliqué à faire,
00:53mais ça rejoint aussi des enjeux de l'édition scientifique.
00:56Je vais essayer d'expliquer pourquoi je pense que ça rejoint tout ça.
01:00En fait, quand on parle à nos collègues, on ne produit pas forcément un discours descendant.
01:05Justement, quand on parle à nos collègues, on essaye de les convaincre,
01:07on fait une argumentaire, on essaye de leur expliquer comment est-ce qu'on est arrivé à telle ou telle chose.
01:13C'est le principe d'un travail scientifique, c'est de faire en sorte qu'ils puissent être vérifiables,
01:18qu'ils puissent être discutés, etc.
01:20C'est une discussion scientifique.
01:23Et en fait, je pense que ce type de discours-là peut aussi être transposé pour un public beaucoup plus large
01:29et en fait aurait une efficacité beaucoup plus grande,
01:32plutôt qu'un discours d'experts descendant où, voilà, moi j'ai cette position d'universitaire,
01:37et donc je vais vous expliquer ce que c'est l'histoire.
01:38Et donc, il me semble qu'en ce moment, dans plein d'initiatives diverses que vous avez citées,
01:46les podcasts, les chaînes YouTube, aussi les initiatives d'histoire publique, d'histoire vivante,
01:54toutes ces initiatives-là contribuent à essayer d'expliquer ce que c'est l'histoire
02:00d'un point de vue de méthode, en fait,
02:03et qui, à mon avis, d'un point de vue politique, aurait un sens beaucoup plus grand
02:08et permettrait aux gens de s'approprier véritablement l'histoire, leur histoire ou les histoires, je ne sais pas.
02:17Et du coup, en fait, je pense que ça rejoint un certain nombre d'enjeux aussi de l'édition scientifique,
02:23parce qu'en réalité, il faudrait juste transposer pour un autre public des pratiques qu'on aurait déjà avec nos pères.
02:30Oui, tu dis transposer, je pense que c'est très vrai, c'est-à-dire que c'est quelque chose de l'ordre de la transposition
02:36ou de la traduction plutôt que de la vulgarisation ou de la simplification.
02:42Ce n'est pas du tout ça, je pense, l'enjeu.
02:43C'est effectivement de traduire dans une autre langue, dans un autre registre de partage des savoirs,
02:51des choses qu'on produit dans un monde scientifique,
02:52mais qui peuvent avoir un intérêt beaucoup plus large et qui, par ailleurs, ont une importance d'autant plus cruciale
03:01qu'on est entré depuis un certain temps dans un moment de réinvestissement politique, idéologique, imaginaire de l'histoire.
03:09D'un certain nombre d'autres savoirs, pas le seul, on pourrait aussi discuter de la sociologie, du rôle idéologique de l'économie.
03:16Et disons que toutes ces sciences humaines et sociales, elles font l'objet d'appropriations vernaculaires
03:24qu'on ne peut pas éviter et qui sont saines, y compris quand elles nous choquent ou quand elles nous prennent de front,
03:31et vis-à-vis desquelles on a le droit de se positionner pour dire, voilà, pour nous, faire notre métier,
03:37ça n'est pas tel ou tel rapport à l'histoire, c'est un rapport à l'histoire qu'on peut essayer de vous expliquer
03:43d'une certaine manière et de le traduire, et je dirais que non seulement il y a une dimension politique,
03:51mais il y a aussi une dimension théorique en retour qui est liée à l'effort de se couler dans d'autres cadres
04:00que ceux auxquels on est habitué.
04:03C'est-à-dire que choisir d'autres formes, ça a aussi des effets sur la manière dont on conçoit notre discipline.
04:09Par exemple, je vais prendre l'exemple de la bande dessinée, puisque j'ai participé à plusieurs projets liés à la bande dessinée.
04:16Faire une bande dessinée historique, c'est à la fois un travail de traduction,
04:20mais c'est aussi un travail de réinterrogation de la manière dont on peut construire un discours historique,
04:26un raisonnement historique, dont on peut mettre en image un certain nombre de problèmes historiques
04:31et de vraies problématiques au sens scientifique à travers un média comme la bande dessinée.
04:37Donc cette espèce de moment de confrontation formelle,
04:42et je pense que le théâtre, le cinéma, les formats radio en présentent d'autres exemples,
04:49et même le genre d'échange qu'on a là avec vous,
04:51c'est un cadre qui déplace un peu par rapport à une salle de classe,
04:55par rapport à un texte qu'on écrirait,
04:58et qui pose des questions, disons le dispositif oblige à se poser des questions
05:03sur la manière dont on parle de son métier,
05:06et donc sur les effets que peuvent produire les recherches historiques.