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  • il y a 20 heures
L'invitée de 6h20 est Aurélie Catallo, directrice agriculture et alimentation France à l'IDDRI, au premier jour d'un événement dédié au monde agricole et à la souveraineté agricole française.

Retrouvez les invités de 6h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter

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Transcription
00:00Marché de Rungis accueille ce matin un événement baptisé le Grand Réveil Alimentaire.
00:05C'est le gouvernement qui en est à l'initiative.
00:07Le but est de faire le point sur toutes les productions agricoles, filière par filière,
00:11afin d'améliorer la souveraineté alimentaire de la France.
00:14La ministre de l'Agriculture, Annie Gennevar, trouve que nous sommes trop dépendants d'autres pays.
00:19Bonjour Aurélie Catalot.
00:21Bonjour.
00:21Vous avez été invitée à participer à cet événement.
00:23Vous travaillez à l'IDRI, c'est l'Institut du Développement Durable et des Relations Internationales.
00:28Vous dirigez le volet France du programme Agriculture et Alimentation.
00:32Alors à propos de notre souveraineté alimentaire, la ministre dit qu'il y a le feu dans la maison.
00:36C'est à ce point-là ? C'est grave ?
00:39On peut se préoccuper bien sûr de l'avenir des filières agricoles et alimentaires françaises.
00:43On sait qu'un des indicateurs qui compte beaucoup aux yeux des ministres de l'Agriculture,
00:47c'est-à-dire notre balance commerciale, a tendance à se détériorer.
00:50Même cette balance commerciale, ce que nous exportons en valeur vers les produits européens,
00:55sur notre marché commun, est maintenant négative.
00:57Et ça veut dire que la France n'est plus un grand pays agricole ?
00:59La France reste une grande puissance agricole à échelle européenne et à échelle internationale.
01:03Mais sa puissance agricole, elle repose surtout sur l'exportation de quelques produits,
01:08ce qui masque aussi derrière notre besoin d'en importer d'autres des produits,
01:12mais aussi d'importer des intrants nécessaires à la fabrication de ces produits.
01:16Est-ce que c'est un problème de répartition ?
01:17Imaginons si du jour au lendemain, on arrête d'exporter, on n'exporte plus rien.
01:21Est-ce que tout ce qui est produit en France suffit à nourrir la population ?
01:24Pas en l'état actuel de la production, puisqu'il faudrait que vous mangiez énormément de blé,
01:29par exemple, et pas beaucoup de fruits et légumes,
01:31ce qui ne correspond pas exactement aux recommandations nutritionnelles.
01:36La France a le potentiel de nourrir la France, ça c'est déjà une bonne nouvelle.
01:40Mais pour y parvenir, ça supposerait de réorganiser notre production agricole,
01:44et de produire certaines choses en plus, par exemple plus de fruits et légumes frais,
01:49et de produire certaines choses en moins, comme par exemple le blé.
01:52C'était l'exemple que j'ai donné.
01:53Quels sont les produits que nous importons le plus ?
01:55Donc vous dites les fruits et légumes, il y a quoi d'autre ?
01:57Alors sur les fruits et légumes tempérés, notamment ceux qui peuvent pousser en France,
02:00on n'est pas autosuffisant, loin de là.
02:02Ce qu'on va importer aussi, ce sont les protéines végétales
02:05qui sont nécessaires à l'alimentation des animaux d'élevage,
02:08donc typiquement le soja.
02:09Ce qu'on importe aussi pas mal, c'est le poulet,
02:12dont la consommation ces dernières années a explosé en France.
02:14Elle a pris quasiment 10% en une seule année, entre 2023 et 2024.
02:19On importe du poulet alors qu'on en exporte pourtant ?
02:22C'est difficilement compréhensible, ça semble paradoxal quand même.
02:24On exporte un petit peu de poulet, on n'en exporte pas énormément,
02:27et on exporte un certain type de poulet,
02:29qui est le poulet entier congelé essentiellement,
02:31à destination des marchés orientaux, Moyen-Orient.
02:34Mais ce qu'on importe correspond à des volumes bien supérieurs à ce qu'on exporte.
02:38Mais il y a tout un tas de situations comme ça,
02:40qui de l'extérieur sont étonnantes.
02:41Par exemple, la France est très largement autosuffisante en blé dur,
02:45c'est le type de blé qui sert à faire des pâtes.
02:49On n'en importe quasiment pas,
02:50mais par contre on importe énormément.
02:52Plus des deux tiers de nos pâtes sont importées.
02:55Et ça, ce que ça révèle, c'est qu'en fait nous n'avons pas les usines de fabrication.
02:58Et donc il y a plein d'éléments, de paramètres à prendre en considération
03:02quand on voit des chiffres,
03:03pour comprendre la réalité de notre souveraineté alimentaire.
03:06Alors ce que veut le gouvernement, lui, c'est produire davantage,
03:08si j'ai bien compris.
03:09Il y a déjà des objectifs chiffrés ou justement ce sera à l'issue de toutes ces conférences
03:12dont le coup d'envoi est donné ce matin à Rungis ?
03:15Il va y avoir un bilan, que ça va durer plusieurs semaines, plusieurs mois,
03:17il y a un bilan qui va être fait des besoins de la France,
03:20de l'état de la production aujourd'hui,
03:22pour après, là ce sera pour du plus long terme,
03:24d'ici dix ans, augmenter la production.
03:27Est-ce qu'il n'y a pas d'objectif chiffré pour le moment ?
03:28Alors, il y a eu un petit document qui a été mis à disposition du ministère
03:31et je n'arrive pas à savoir si les chiffres qui sont dedans sont des exemples
03:34ou des objectifs prédéterminés.
03:36En tout cas, dans ce document-là, on voit que tous les types de production
03:39sont indiqués en hausse, en besoin de hausse, entre plus 5 et plus 25%.
03:43Si c'est vraiment ça qui ressort du processus de conférence souveraineté alimentaire,
03:47on est en dehors des clous de la réalité biophysique de ce qui serait faisable en France.
03:51C'est-à-dire que ce n'est pas faisable techniquement ?
03:53Pour produire plus, il faut plus de bêtes, plus de terre, plus de bras, plus de main-d'œuvre ?
03:58C'est ça. En fait, il y a deux grandes options pour produire plus.
04:00Soit on augmente la surface agricole utile française, ce qui n'est pas possible.
04:04Pourquoi ?
04:05Parce qu'on ne va pas déforester, ce n'est pas bon du tout pour la biodiversité
04:09et on ne va pas empêcher les villes d'exister.
04:12Donc on fait avec les surfaces agricoles constantes.
04:14On ne va pas agrandir le territoire français non plus.
04:17Et donc la deuxième grande option, c'est d'augmenter les rendements en production végétale
04:20ou d'augmenter la quantité produite par animaux d'élevage.
04:25Donc ça, parfois, on a des tout petits gains marginaux qui sont encore possibles pour le faire.
04:29Mais ce n'est pas du tout le cas partout
04:31parce que la fertilité des sols a déjà pris un coup dans l'aile ces dernières années
04:35parce qu'on est dans un contexte de changement climatique.
04:37Et même dans le cas où c'est possible,
04:39ces quelques points ou dixièmes de points de rendement en plus
04:42se font nécessairement au détriment de la biodiversité et des ressources naturelles.
04:46Donc ce n'est pas forcément un objectif à avoir en soi
04:49si on arrive déjà à stabiliser les volumes de production
04:52dans un contexte de changement climatique, ce serait une grande performance.
04:55Donc ça veut dire que c'est voué à l'échec ?
04:57Alors ça veut dire que si le résultat, c'est une longue liste de doléances
05:01de toutes les filières qui veulent produire plus, c'est voué à l'échec.
05:03Par contre, on peut tout à fait envisager de manière consensuelle
05:06de produire certaines choses de plus
05:08comme par exemple les légumineuses,
05:10comme par exemple éventuellement un peu de poulet en plus.
05:12Mais dans ce cas-là, il faut se poser la question
05:14de quelles sont les productions végétales
05:15et les productions animales qu'on va faire en moins
05:17pour laisser de la place à celles-ci.
05:19Et puis il faut se poser la question aussi de savoir
05:20ce que l'on mange, ce qu'on a envie de manger, ce dont on a besoin aussi.
05:23Ça aussi, ça fait partie du débat ou pas ?
05:25Alors pour l'instant, telle que l'équation est posée
05:27par le ministère de l'Agriculture, non.
05:29J'ai l'impression qu'on regarde vraiment uniquement
05:31comment augmenter les volumes de production
05:32et on ne se pose ni la question de nos exportations,
05:35est-ce qu'on cherche à les maintenir ou pas,
05:37ni la question des régimes alimentaires.
05:39Et vous avez raison, c'est vraiment une lacune importante
05:41dans le cadrage de cet exercice, ça n'a pas de sens
05:44de se poser la question de ce qu'on se produit
05:47si on ne regarde pas en parallèle les niveaux de demande
05:50et qu'on se pose la question de leur durabilité ou pas.
05:53Alors ce matin, à l'événement qui est organisé à Rungis,
05:55il n'y aura aucun syndicat agricole
05:57et notamment le plus puissant d'entre eux, la FNSEA,
05:59qui refuse de participer, qui dénonce une opération de communication.
06:03Pourtant, à première vue, ils devraient être contents
06:04d'une stratégie qui consiste à produire plus.
06:06Pourquoi ils ne veulent pas y aller ?
06:07Alors je ne suis pas exactement dans les petits papiers de la FNSEA.
06:11Je pense que pour la FNSEA, il y a un enjeu
06:13à faire de la place vraiment aux représentants du monde agricole
06:17et faire un peu moins de place aux représentants
06:19des industries agroalimentaires
06:21ou de la grande distribution dans cet exercice.
06:24Donc voilà, c'est une considération politique.
06:27Mais globalement, oui, en général pour la FNSEA,
06:29se poser la question de est-ce qu'on peut produire plus en France,
06:32c'est quelque chose qui les intéresse.
06:34Néanmoins, eux-mêmes en interne ont des difficultés
06:36à faire les arbitrages sur si on produit quelque chose en plus,
06:39qu'est-ce qu'on produit en moins.
06:39Et est-ce que renforcer la souveraineté alimentaire,
06:42c'est compatible avec un modèle très ouvert,
06:44avec les accords de libre-échange, par exemple,
06:46comme le Mercosur ?
06:48Non, c'est difficile de voir la compatibilité.
06:53On peut avoir une bonne souveraineté alimentaire
06:56et rester un pays ouvert aux échanges,
06:58notamment sur le marché commun.
06:59Mais plus on va libéraliser le commerce
07:02de produits agricoles et alimentaires,
07:03plus on va quand même mettre en concurrence
07:05la production française avec des importations
07:07qui nous viennent d'ailleurs.
07:08Et donc, plus on va avoir du mal
07:10à justifier le respect de normes,
07:12notamment environnementales, chez nous.
07:14Le grand réveil alimentaire,
07:15c'est le nom de cette opération
07:16qui est lancée ce matin par le gouvernement
07:18et notamment par la ministre de l'Agriculture,
07:20Annie Gennevard,
07:21au marché de Rungis,
07:22pour restaurer la souveraineté alimentaire
07:24de la France, dit-elle.
07:26Merci Aurélie Catalot,
07:27experte donc agriculture et alimentation
07:30au sein de l'IDRI,
07:31l'Institut de développement durable
07:32et des relations internationales.
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