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Anne Fulda reçoit Anca Visdei pour son livre «Orson Welles : vérités et mensonges» dans #HDLivres

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00:01Bienvenue à l'heure des livres en Kavis Dei.
00:03Alors vous avez été journaliste, vous êtes auteur, metteur en scène,
00:08vous avez écrit une trentaine de pièces de théâtre,
00:09vous avez écrit des livres, des biographies sur des personnages divers et variés,
00:14toujours intéressants, Jean Hanouil, Giacometti, mais aussi sur Thurane,
00:19un livre Thurane où le guet des espoirs paru à l'archipel
00:22qui vous a valu le prix Goncourt de la biographie Edmond de Charleroux, tout de même.
00:26Et là, vous vous attaquez à un autre mot du mur,
00:28puisque vous venez de publier le livre, un livre qui s'appelle Orson Welles,
00:32Vérité et mensonge, c'est paru aux éditions l'archipel, pardon, j'ai eu un trou.
00:41Et c'est un livre absolument passionnant, écrit de manière vivante,
00:44qui revient sur cette légende du cinéma que l'on connaît évidemment
00:49à travers ses films les plus connus, Citizen Kane, La Dame de Shanghai,
00:54La Splendeur des Amberson.
00:55C'est passionnant, c'est documenté.
00:58Et alors avant tout, pourquoi et comment, pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
01:02Est-ce que c'est un personnage qui vous a toujours fasciné ?
01:04Vous avez aimé son cinéma avant de vous intéresser à l'homme ?
01:08Votre présentation est excellente parce qu'au fond,
01:11elle me sert sur un plateau doré la réponse.
01:14Vous avez parlé de ma carrière théâtrale qui fut quand même assez émaillée,
01:19une trentaine de pièces, dont certains étaient joués quand même,
01:22comme écrivait la langue française, à Broadway, ce qui est quand même assez rarissime.
01:27Donc je pense que c'est la raison profonde.
01:29Orson Welles et son travail m'ont fasciné depuis pratiquement l'adolescence.
01:34Je n'ai trouvé qu'en écrivant ce livre la raison réelle.
01:38C'est qu'il a su faire, dans son travail de cinéaste,
01:42la synthèse parfaite entre le théâtre, dont il est un peu issu,
01:47il dirigeait des spectacles shakespeariens quand il était adolescent,
01:52et entre ce nouveau média qui était le cinéma,
01:56et un des drames de sa vie, le plus grand peut-être,
01:59c'est qu'il a commencé à faire du cinéma avec Judson Kane.
02:03Il avait seulement 24 ans, il était né en 1915, vous voyez.
02:06C'était le dernier moment où le cinéma était un art, le septième art.
02:12Et lors de ses prochains films, et aussi dans le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui,
02:17le cinéma est devenu de plus en plus un produit,
02:20ce qui n'empêche pas quelques grands résistants cinéastes de faire de l'art dans le film.
02:25Donc j'ai trouvé formidable que ce type qui a fait un chef-d'oeuvre du cinéma en art,
02:31et qui, après à continuer son travail, nous est donné la meilleure version théâtrale que puisse faire le cinéma.
02:39Et je n'en cite qu'un exemple, c'est son Falstaff avec, entre autres, Jambord.
02:43Oui. Alors ce travail que vous avez effectué, c'est assez considérable, presque titanesque.
02:50Comment avez-vous travaillé ? J'ai vu au début que, par exemple, vous avez choisi d'interviewer ce qui n'est pas courant,
02:56et ce qui est une bonne idée, des techniciens, des techniciens de plateau.
03:00Parce que vous dites, ce qui n'est pas faux d'ailleurs, que les acteurs, la plupart du temps,
03:03enfin les témoignages qu'on a d'eux, ils sont liés à la promotion d'un film,
03:07donc obligatoirement un petit peu biaisés.
03:09Alors, de façon générale, comment, au-delà de ces témoignages que vous avez recueillis,
03:15comment avez-vous travaillé ?
03:17Je suis partie de cette idée précise, qui d'ailleurs m'aide beaucoup à ne pas m'ennuyer,
03:22quand j'écris une biographie.
03:23Si je passe une année avec un personnage aussi célèbre soit-il,
03:27il faut que moi aussi, je ne m'ennuie pas.
03:29Et du coup, le lecteur ne va pas s'ennuyer.
03:31Et j'ai constaté une chose, il était surtout, s'il y a une chose à dire pour définir cet homme,
03:36cet homme, pas seulement l'artiste, un travailleur acharné.
03:39Une journée où il ne travaillait pas, il tombait malade.
03:42Il travaillait 14 à 15 heures par jour.
03:44Alors, qui vous fréquentez ?
03:45Si vous êtes dans le cinéma ou le théâtre,
03:48qui vous fréquentez quand vous travaillez tout le temps ?
03:50Vous travaillez ce qu'on appelle les petites mains,
03:52qui sont la costumière, le décorateur, le maçon qui fait du décor,
03:58bref, des artisans.
03:59Plus des artisans que des artistes.
04:01Et je suis arrivée à l'idée qu'il fallait voir, en plus avec le cinéma,
04:04c'était servi sur un plateau parce que les équipes techniques sont immenses.
04:08Donc du coup, j'ai interviewé d'un côté tous ceux qui étaient des techniciens
04:12parce qu'eux, ils voient les choses de l'intérieur et ils passent beaucoup de temps.
04:16Devant eux, l'artiste ne pose pas.
04:18L'artiste demande des choses bien précises ici.
04:21Et la deuxième partie, et là j'en suis assez fière, c'est la partie de l'homme.
04:26J'ai rencontré Oyakodar, qui est sa dernière compagne.
04:28Donc j'ai vu la partie très affective.
04:31Elle a passé 20 années à travailler et à vivre avec lui.
04:35C'est encore aujourd'hui une très belle jeune femme.
04:37Et dans toute sa maison, il y a des petits mots de Wells.
04:40Donc j'ai privilégié les artisans et la vie privée.
04:43Alors, celui que vous appelez le Minotaur, c'était un être, un joli surnom, un être complexe.
04:54On l'a souvent présenté comme un génie, en tout cas un personnage hors norme,
04:59bigger than life, comme disent les Américains, comme vous l'écrivez.
05:02Et il avait une particularité, c'est qu'il entretenait d'une certaine façon sa propre légende.
05:07Il jouait avec la vérité et c'était un peu un charmeur, un peu un manipulateur aussi.
05:14Il aimait ça.
05:15Ça faisait partie de son personnage.
05:18Complètement.
05:18Mais je pense qu'il est très amusant.
05:20Je pense que ça ne vient pas d'un égo surdimensionné, ce qui serait trop facile à dire.
05:25Mais vous savez de quoi ça vient ?
05:27À mon avis, ça vient, et je l'ai bien étudié à fond, ça vient encore du désir de travail.
05:32C'est le fait de se présenter parfaitement devant son public.
05:38Et son public, quelque part, parfois, s'il est perdu, si vous avez autant de talent que lui,
05:43c'est-à-dire que vous êtes à la fois dessinateur, vous êtes acteur de théâtre, vous êtes auteur de livres et tout ça,
05:50il faut quelque part diriger un peu le public pour ne pas qu'il se perde.
05:53C'est encore du travail.
05:55Et l'image qu'il donnait de lui, c'était l'image d'une silhouette.
05:59C'est un peu comme Hitchcock, mais un peu plus complexe.
06:01Et moi, je trouve que loin d'être un problème d'égo, c'est vraiment un respect du public qui allait jusqu'aux petits détails.
06:09Ce n'est pas par hasard qu'il aimait les techniciens et que sa compagne était sculptrice.
06:15Donc, ce que je trouve extraordinaire, c'est que dans le moindre détail, et je donnerai qu'un seul exemple,
06:19à la fin, il pesait 130 kilos.
06:22C'était difficile pour lui de s'asseoir.
06:23Et bien, pour ne pas agresser, j'en suis persuadée, pour ne pas agresser le public,
06:29avec cette silhouette surdimensionnée, il avait trouvé un look qui était bien parfait,
06:34qui allait du chapeau noir, qui était un peu messier sur les yeux,
06:37la barbe, la mâchoire étaient parfaites, ça il le sait, et une grande cape noire.
06:42Et je trouve ça, c'est encore une politesse envers le public,
06:45encore un acte artistique, se présenter pour son mieux.
06:49Je respecte beaucoup cette manière de respecter son public.
06:53Alors, le grand public a retient de lui le cinéaste, mais il n'a pas fait que ça,
06:58c'était un homme de théâtre, qui a été journaliste, un homme de radio.
07:02Oui, oui.
07:03Il était connu.
07:06La guerre des mondes et la grande panique, il s'en suivit.
07:08Voilà.
07:10Il a été comédien aussi.
07:13En fait, il a eu mille vies.
07:15Il a eu mille vies et il avait mille talents.
07:18Et je pense que c'est un des problèmes de sa vie, c'est la multiplicité de dons qu'il avait.
07:22Mais il avait un tel charisme et un tel rayonnement.
07:25Et je suis quand même très contente que ça vienne aussi du travail.
07:28Pas seulement du talent et des dons, mais du travail.
07:30Mais regardez, je vais vous donner un seul exemple qui est génial.
07:33Le troisième homme.
07:34Ce film merveilleux de Sir Carl Reid.
07:37Tout le monde croit que c'est un film de Wells.
07:39Wells apparaît au bout d'une heure de film.
07:42Il a, en gros, cinq minutes de prestation.
07:47Et tout le monde ne se souvient que de lui.
07:49Et même la musique de Citarne est associée.
07:52Il est associé à son personnage.
07:53Tout le monde est persuadé, moi comprise, avant d'écrire le livre,
07:56que c'est lui qui l'avait fait.
07:57Il incarne.
07:58Il incarne nos rêves.
08:00Et ça, c'est bien.
08:01Alors, vous revenez, on ne peut en parler que rapidement,
08:04mais c'est important sur son enfance.
08:06Il a été véritablement un enfant prodige.
08:09A deux ans, il parle comme un adulte.
08:10Enfin, c'est ce que disait ce fameux médecin,
08:13docteur Bernstein, qui était presque de la famille.
08:17A trois ans, il lit.
08:18A sept ans, il joue le roi lire.
08:19Il est scolarisé à dix ans.
08:22Et il dit, j'ai été gâté aussi.
08:24I was spoiled.
08:26Cette enfance a obligatoirement joué sur le reste de sa vie.
08:30Peut-être sur ses rapports avec les femmes,
08:31parce que vous dites d'ailleurs que pour lui,
08:34le plus important, c'était les femmes et le cinéma.
08:36Absolument.
08:37Comme quoi, vous voyez, la vie privée et puis le travail.
08:40Je pense effectivement qu'il a été gâté.
08:42Il a été même gâté par les dieux.
08:44Parce que même si ses parents sont morts assez rapidement,
08:47il s'est retrouvé vers 17 ans, orphelin des deux.
08:49Et c'est pour ça que le docteur Bernstein,
08:51comme ça a fait raison de citer,
08:53a fonctionné comme tuteur.
08:54Parce que la majorité n'était pas acquise.
08:56Mais il était gâté par les dieux.
08:57Parce que regardez seulement sa mère.
09:00Sa mère était riche, mais pianiste professionnelle.
09:03Elle l'avait fait par plaisir.
09:05Elle était féministe, était championne de tir.
09:07Alors je pense que quand vous avez une mère comme ça,
09:10vous partez dans la vie en vous disant que les femmes sont formidables.
09:13Elles sont formidables.
09:15Mais c'est bien de le savoir depuis l'enfance.
09:17Et je pense que cette confiance absolue l'a aidée.
09:20Il a magnifié les femmes qu'il filmait.
09:22Il a magnifié, j'en ai la preuve,
09:25celle avec laquelle il a vécu et qui reste.
09:27C'est comme un élixir de jeunesse.
09:30Sa dernière compagne est restée encore jeune et belle aujourd'hui.
09:32Il part pour toutes, parce que certains parleront de Rita Hayworth.
09:36Eh bien, elle a...
09:37Ce qu'il avait voulu transformer, il a presque détruit pour les Américains la Rita en lui coupant les cheveux.
09:43Exactement.
09:45Dernière question rapidement.
09:47Pour beaucoup, le film majuscule, c'est Citizen Kane.
09:51Et pour vous, son oeuvre majuscule, c'est quoi ?
09:54J'hésite entre Citizen Kane, que j'adore toujours,
09:57et puis Falstaff, qui est le dernier film fini.
10:00Donc on peut dire qu'il a bouclé la boucle.
10:02Et puis chaque fois, dans le personnage, c'est un homme qui cherche le sens de la vie.
10:06Voilà.
10:07En tout cas, merci.
10:09Je vous conseille vraiment de lire ce livre.
10:11C'est passionnant, sur un homme passionnant.
10:14Orson Welles, vérité et mensonge.
10:15C'est publié aux éditions de l'Archipel.
10:18Merci beaucoup, Anka Vizdeyi.
10:20Merci.
10:20Sous-titrage Société Radio-Canada
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