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Anne Fulda reçoit Cécile Chabaud pour son livre «De femme et d’acier» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'heure des livres, Cécile Chabot.
00:03Bonjour.
00:03Alors on est très content de vous recevoir.
00:05Vous êtes professeur de lettres, vous êtes un professeur de lettres qui écrit,
00:09vous avez déjà écrit plusieurs livres, un essai, prof, mais aussi deux romans.
00:13Et là vous venez de publier, enfin en tout cas vient de paraître en poche,
00:19la collection Pocket, votre livre de femmes et d'acier,
00:22qui avait reçu le prix des femmes de lettres.
00:25Et c'est une très bonne initiative parce que c'est un très beau livre
00:28qui pourrait d'ailleurs être aisément adapté au cinéma.
00:32Un roman très bien écrit, d'une jolie plume fluide et sensible,
00:38et qui raconte une histoire vraie, l'histoire d'une femme, Nicole Girard-Mangin,
00:43qui a été la seule femme parmi quelques dix mille médecins
00:47à soigner sur le front lors de la Première Guerre mondiale.
00:50Alors comment avez-vous découvert l'existence de cette femme ?
00:53Alors je l'ai découverte en lisant la presse ancienne,
00:57ce que je fais très souvent et ce qui m'a permis,
01:01je l'avais fait déjà pour Rachild, en lisant de vieux articles.
01:07Avec qui vous aviez consacré un livre ?
01:09Oui, voilà, une romancière oubliée de la belle époque.
01:12Et Nicole, ça a été la même rencontre,
01:15c'est-à-dire que j'ai rencontré cette femme dans un article sur la prophylaxie
01:20et je me suis demandé qui elle était.
01:23Et en cherchant, je me suis aperçue qu'il n'y avait rien, en tout cas pas grand-chose.
01:26Et donc c'est ce qui a attisé ma curiosité.
01:29Et je me suis plongée dans cette histoire, dans les archives, etc.
01:34Alors vous vous mettez dans sa peau, le livre s'ouvre en 1919,
01:38la guerre est finie, mais Nicole Gérard-Mangin n'est pas en grande forme.
01:45Elle fait une espèce de travail introspectif, elle revient sur sa vie.
01:50Vous lui faites dire, tout ce que j'aurais réalisé dans ma vie,
01:53je le dois à mon courage et à ma force,
01:55mais je le sais bien, ces deux vertus qui m'ont porté sont nés d'une gifle.
01:58Alors quelle est cette gifle ? C'est une blessure d'amour.
02:01C'est une blessure d'amour, oui.
02:02C'est une femme résiliente, puisque c'est une femme qui s'était engagée vers la médecine,
02:10mais qui aurait aimé vivre tranquillement son histoire d'amour avec son mari,
02:19son mari qui l'a trompée.
02:21Voilà, son mari qui...
02:23La douleur de l'adultère traverse tout le roman.
02:27Et en fait, on a d'un côté cette douleur de l'adultère
02:31et cette résilience et cette femme extraordinaire,
02:34son féminisme incroyable sur le front.
02:36Parce que son amour, comme ça arrive souvent, encore aujourd'hui d'ailleurs,
02:42lui fait abandonner sa passion, mais qui est une réelle passion pour la médecine.
02:46Alors, Or, c'est une femme qui a toujours eu ce qu'elle dit d'ailleurs.
02:49Elle a eu l'habitude de s'imposer par son courage, sa détermination.
02:53Elle a passé le baccalauréat garçon, elle a appris le latin.
02:57Elle est passionnée par la médecine.
03:00Mais pour lui, elle met tout ça de côté.
03:03Et lorsqu'elle apprend qu'elle a été trompée, humiliée,
03:06elle divorce et elle va se remettre à étudier.
03:12Absolument, oui.
03:14C'est d'ailleurs son premier acte militant,
03:16parce qu'en 1910, elles étaient peu de femmes à divorcer.
03:19Mais elle n'a pas accepté l'adultère et elle s'est replongée dans ses études de médecine,
03:25devenant spécialiste des maladies contagieuses et de la lutte contre le cancer.
03:30Elle est devenue d'ailleurs une cofondatrice de la Ligue internationale contre le cancer.
03:35Alors, ce qui est intéressant, c'est qu'on voit que ses parents,
03:38enfin sa mère notamment, les deux, l'ont soutenue.
03:41Oui.
03:42Alors qu'à l'époque, une femme qui divorce, comme vous le disiez,
03:45cela n'est pas évident, cela ne se fait pas dans les milieux auxquels elle appartient.
03:52Et, ironie du sort, sa mère va être touchée par un cancer.
03:57Oui, alors ça c'est la...
03:58Boudrayant, ça c'est vous.
03:59Oui, ça c'est le roman.
04:01En fait, elle est morte d'une embolie, mais c'est...
04:04Bon, elle est morte de toute façon à ce moment-là.
04:07Et c'est vrai que ça a été encore un coup pour Nicole.
04:10Et Nicole, à aucun moment, et c'est ce qui m'a intéressée aussi,
04:14c'est qu'à aucun moment, elle ne se pose comme une victime.
04:17C'est-à-dire, chaque épreuve qui va lui tomber dessus
04:21et vouloir faire obstacle à sa vie,
04:24bon, elle est triste, naturellement.
04:26Mais elle se relève, à chaque fois, elle se relève.
04:30Et c'est ce qui fait que je me suis beaucoup attachée à elle
04:34et que j'ai pris exemple, parce que c'est vraiment une femme édifiante
04:37qui ne veut jamais se poser en victime.
04:40Et alors, ce qui est intéressant, c'est qu'effectivement,
04:42lorsque la guerre, la grande guerre est déclarée en 1914,
04:47elle est engagée, mais c'est une erreur en fait,
04:49parce qu'on la prend pour Gérard.
04:51C'est ça, c'est-à-dire qu'elle s'appelle Nicole Gérard-Mangevin
04:54et sur la lettre de mobilisation, il y avait écrit Gérard-Mangevin.
04:57Et cette faute d'orthographe, cette faute administrative, va tout changer.
05:02C'est ce qui fait qu'elle va partir à Bourbonne.
05:06Naturellement, les médecins-chefs, voyant ce petit bout de femme,
05:10vont lui dire, écoutez, non, vous êtes une femme, merci, au revoir madame, rentrez chez vous.
05:14Comme ils le font pour tous les médecins-femmes de l'époque,
05:17notamment Madeleine Pelletier.
05:20Et non, elle va s'imposer.
05:22Elle aurait pu dire, c'est une erreur, effectivement, je rentre chez moi,
05:26je continue de soigner la tuberculose.
05:28Pas du tout, pas du tout.
05:30Elle choisit de s'engager et elle va, comment dire,
05:34se faire une place au milieu de ce milieu très phallocrate,
05:38qui est l'armée, bien sûr.
05:39Parmi les poilus, malgré les sarcasmes, les vexations,
05:45des petits détails.
05:46Il n'y a pas d'uniforme, par exemple, pour une femme médecin-hôte.
05:48Elle réclame un uniforme, elle obtiendra.
05:50Non, il n'y a pas d'uniforme.
05:51C'est pour ça que quand on la voit sur les photos,
05:53elle a un uniforme de doctoresse anglaise,
05:56puisqu'il y avait des doctoresses anglaises, mais pas françaises.
06:00Alors, vous racontez, on se met dans sa peau de ce qu'elle vit,
06:02qu'est-ce que vivent ces pères masculins,
06:06devant des scènes extrêmement dures,
06:09parce que la Première Guerre, on le sait,
06:10a été une véritable boucherie.
06:14Elle travaille jusqu'à 16 heures par jour.
06:16Elle ampute son premier patient,
06:18un jeune homme atteint de gangrène.
06:21Elle doit accoucher une jeune femme dont le bébé est mort,
06:24dans des conditions terribles.
06:27Ça, c'est votre part de Romanesque.
06:28Parce qu'effectivement, ce qui est intéressant,
06:30c'est que vous mêlez l'histoire vraie de cette femme
06:33et une touche de Romanesque qui est très vraisemblable.
06:37Oui, il y a une documentation fouillée.
06:39Je suis allée dans les archives,
06:40je suis allée dans ces archives familiales.
06:42Donc vraiment, c'est quelque chose de très vrai.
06:46Néanmoins, effectivement, c'est un roman,
06:49et je romance.
06:53Cela dit, par exemple, vous parliez de la scène de l'accouchement.
06:56C'est une scène qui aurait pu se produire,
06:58parce que je me suis, encore une fois,
07:00j'ai regardé des documents de l'époque.
07:03Cet accouchement, il a eu lieu.
07:04Alors, il n'a pas eu lieu.
07:05Ce n'est certainement pas Nicole qui a fait accoucher.
07:07Mais enfin, voilà, ça a eu lieu.
07:10Et je voulais que les scènes soient très fortes,
07:13soient vraiment violentes,
07:16parce que j'ai lu Barbus,
07:18parce que j'ai lu Genevoix,
07:19parce que j'ai lu Dorjelais,
07:20c'est qu'il était hors de question de...
07:23De maquiller.
07:24Voilà, je ne prétends pas être dans la lignée
07:27de ces grands auteurs-là.
07:28Mais en tout cas, je n'allais pas faire de la guimauve.
07:32Sinon, ce n'était pas rendre hommage
07:34à ce que ces soldats ont vécu.
07:36Alors, dans le livre,
07:37votre héroïne, personnage réel,
07:40croise aussi des figures contemporaines
07:42de la médecine et des sciences.
07:44Oui, alors ça, pour le coup, c'est vrai.
07:46Oui, parce que quand elle...
07:47Le détaire Hartmann, Marie Curie...
07:48Alors oui, notamment quand elle va quitter Verdun,
07:52parce qu'à un moment,
07:53elle va être promue médecin-chef,
07:56elle va devenir la directrice école...
07:58D'un hôpital-école, pardon,
08:00donc dans le 15e arrondissement.
08:02Et elle va travailler avec Marie Curie.
08:04Et voilà, ça, c'est vrai.
08:07Et naturellement, on connaît la postérité de Marie Curie
08:09et pas celle de Nicole Mangin.
08:11Parce que alors, dans votre roman,
08:13elle se suicide.
08:15Est-ce que ce livre, ce roman que vous avez écrit,
08:18c'est justement une manière de la faire connaître
08:20et de la...
08:21Enfin, la réhabiliter,
08:22puisqu'elle n'a pas été salie,
08:23mais en tout cas, de lui rendre justice, d'une certaine façon ?
08:26De rendre justice à sa mémoire, oui.
08:27Parce qu'elle a eu, comme je le dis dans le roman,
08:29elle a eu une petite plaque offerte par ses poilus.
08:33Et de toute façon, elle adorait ses poilus.
08:35Il y avait un lien très fort entre eux.
08:38Et c'est vrai que j'ai tendance à le comparer
08:41aux liens que j'ai avec mes élèves.
08:42Parce que finalement, on est dans une telle galère
08:45qu'on finit par avoir des liens qui se créent,
08:50des liens privilégiés.
08:51Et donc, elle a été reconnue par ses poilus.
08:55Par la suite, la reconnaissance de la hiérarchie
08:59n'a pas été...
09:00Et puis, la reconnaissance de la postérité
09:03n'était pas au rendez-vous.
09:06Donc, effectivement...
09:07Et moi, je suis aussi ravie que ça passe en poche
09:09parce que...
09:11Voilà, j'espère s'aimer son histoire
09:13et qu'elle soit connue du plus grand nombre, bien sûr.
09:16En tout cas, merci Cécile Chabot.
09:18Donc, ce livre, ça s'appelle Deux femmes et d'acier.
09:20Ça vient donc de paraître aux éditions Pocket
09:22et je vous le recommande vivement.
09:23Merci beaucoup.
09:24Merci beaucoup Anne Fulder.
09:25Sous-titrage Société Radio-Canada
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