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Anne Fulda reçoit Nicolas d’Estienne d’Orves pour son livre «Simone Signoret, histoire d’un amour» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'heure des livres, Nicolas Destiendorf.
00:03On ne vous présente plus, on vous a reçu plusieurs fois ici.
00:05Vous êtes un écrivain polyphonique, j'ai envie de dire, essayiste, romancier, gourmet.
00:11Et là, vous venez de publier un nouveau livre qui s'appelle Simone Signoret,
00:16Histoire d'un amour, un livre qui est paru chez Calman Levy.
00:19L'histoire, évidemment, de Simone Signoret, mais surtout de son histoire avec Yves Montand.
00:25C'est vraiment, comme on dit très souvent, ce couple mythique, unis non seulement par l'amour, par la passion,
00:32mais aussi par la politique, ce qui donne un tour particulier à l'histoire.
00:37Alors, ce qui est intéressant, c'est que vous avez choisi de vous mettre dans la peau de Simone Signoret,
00:41donc une femme, vous écrivez à la première personne, c'est un peu comme un cahier intime.
00:47Vous l'avez fait avec facilité ?
00:50En fait, oui, je dois avoir quelque chose de caché que je ne comprends pas en moi-même.
00:53En fait, c'est le troisième volet d'une série que j'avais commencé avec Mard Richard,
00:57ensuite Arletti et maintenant Simone Signoret, de ce que dans ma tête j'appelle les grandes emmerdeuses.
01:02C'est des biographies de trois femmes de poignes, de talents, d'esprits, d'énergie.
01:07Et le principe, parce que je suis romancier avant tout, je ne suis pas historien, je ne suis pas biographe,
01:12je m'invente biographe, mais tout en étant biographe, je veux rester romancier.
01:14Donc, je me mets dans la peau, il y a un exercice de style patience,
01:17qui me met dans la peau de mes héroïnes et de raconter le livre à la première personne
01:21en étant dans leurs vêtements, dans leur psyché, dans leur fantasme, dans leur désir.
01:24Et je veux qu'on oublie Nicolas Destiano, ou en tout cas le narrateur omniscient,
01:29pour devenir mon personnage et mon héroïne.
01:32Alors, vous le faites très bien.
01:33Alors, vous écrivez par exemple, parce que l'action commence,
01:36alors que c'est une des plus grandes actrices,
01:39la plus grande actrice française du cinéma.
01:41Et vous le racontez, elle le dit elle-même,
01:45qu'elle est abonnée au rôle de garce, femme fatale, de poule de luxe.
01:50Elle écrit « Je n'étais plus qu'à l'écran, menant une vie bourgeoise et posée avec Yves Allégret. »
01:54Jusqu'à la rencontre avec Yves Montand.
01:56En fait, Simone Signora est une fille de bourgeois de Neuilly,
01:59qui a été élevée dans l'Ouest parisien,
02:02qui a passé son baccalaurat, ce qui n'était pas donné à toutes les jeunes filles de sa génération,
02:05qui a même fait un séjour linguistique en Angleterre,
02:07ce qui fait qu'elle était bilingue, ce qui lui servira beaucoup ensuite.
02:09Donc elle vient d'un milieu très cossu, plutôt nanti,
02:14avec un père qui est d'origine juive,
02:15ce qui fait que quand arrive l'effondrement de 40, le père part à Londres.
02:19Mais elle vient d'un milieu très bourgeois,
02:21mais elle avait du chien, comme on disait,
02:24et elle s'est toujours complue au début.
02:27Comme elle avait un physique assez...
02:29Une forme de gouaille aussi.
02:30Qui avait de la gouaille, mais une gouaille qui était assez travaillée.
02:33Naturellement, elle en a rajouté après,
02:34mais c'était une bonne bourgeoise du XVIe et de Neuilly.
02:37Oui. Alors, j'imagine que justement, ce choc des cultures,
02:41lorsqu'elle rencontre en 1949, à la Colombe d'Or,
02:45ce célèbre hôtel de Saint-Paul-de-Vence, Yves Montand,
02:48qui est de passage, en tournée,
02:50c'est non seulement le coup de foudre que vous décrivez très bien,
02:54mais aussi un peu le choc des cultures.
02:56C'est le coup de foudre, celle des cultures,
02:58et c'est la complémentarité parfaite.
03:00C'est-à-dire qu'elle est une intellectuelle bourgeoise,
03:02lui est un instinctif venant vraiment d'un milieu modeste.
03:06C'est des immigrés italiens de la première génération,
03:07enfin de la deuxième, c'est ses parents qui sont arrivés.
03:10Il a vraiment grandi dans les taudis de Marseille.
03:12Il a commencé à chanter sur des cajots.
03:14Le reste du temps, il est charrié de la boue.
03:16Et vraiment, mais en même temps,
03:18ils en sont exactement au même niveau de leur carrière.
03:20C'est-à-dire que lui et le chanteur qui montent
03:21est en train de devenir une star.
03:22Elle est la comédienne que tout le monde s'arrache.
03:24Et c'est une génération née de l'immédiate après-guerre.
03:28L'occupation a été pour eux le terreau du début de leur notoriété.
03:32Et à la fin, on est en 49,
03:34et elle est la comédienne que tout le monde veut avoir.
03:37Il est le chanteur que tout le monde veut voir.
03:38Et il se rend compte qu'elle est le couteau des immédiats.
03:40Oui.
03:41Et alors, il est le chanteur qui est parrainé,
03:44poussé par Jacques Prévert aussi.
03:46Poussé par Jacques Prévert et poussé...
03:47En tout cas, parrainé.
03:50Lorsqu'il se rend compte, il est poussé par Prévert
03:52aussi parce qu'il avait joué dans les portes de la nuit
03:55écrits par Prévert et tournés par carnet.
03:57Et il était aussi l'ancien amant
03:58et le petit protégé d'Edith Piaf.
04:00Donc, il était dans un cocon.
04:03Oui.
04:03Alors, vous racontez très bien la rencontre.
04:06Donc, c'est le coup de foudre vraiment au sens premier du terme
04:09parce qu'elle abandonne tout pour lui
04:12parce qu'elle est mariée à Yves-Alegray.
04:15Elle a une fille.
04:16Catherine.
04:17Catherine.
04:18Qui est là, dans la pièce à côté quand ils rencontrent.
04:20Et elle les quitte pour suivre Yves Montand en tournée.
04:25Tout à coup, ce n'est pas optionnel.
04:28Elle a trouvé son homme.
04:29Elle a trouvé l'homme de sa vie.
04:30Elle a trouvé sa vie à tel point que d'ailleurs, au début,
04:33elle va songer à arrêter sa carrière cinématographique
04:36pour suivre l'homme qui lui donne sens et vie quotidiennement.
04:42Et ça va mal se passer parce que lui a besoin d'admirer aussi.
04:44Il y a une admiration réciproque.
04:45Il y a une émulation réciproque.
04:47Elle est comédienne.
04:48Il est chanteur.
04:50Elle est une femme d'image mais de caméra.
04:52Il est un homme de scène.
04:54Et la mayonnaise prend admirablement.
04:56Alors, la mayonnaise prend.
04:57Mais alors, un couple d'artistes, ça peut être toujours compliqué.
04:59Alors, vous dites qu'il y a une fascination, une admiration réciproque.
05:03Néanmoins, il peut aussi y avoir une forme de concurrence.
05:05De concurrence et bien entendu, de jalousie.
05:07De jalousie.
05:08Enfin, jalousie pour d'autres raisons.
05:10Pour d'autres raisons.
05:11Mais une concurrence qui était complexe parce que mon temps s'était totalement planté
05:16au cinéma dans les médias d'après-guerre, en jouant dans les portes de la nuit.
05:19Ce qui va le dégoûter du cinéma, il va mettre beaucoup de temps avant d'y retourner.
05:22Elle le poussera à aller tourner le salaire de la peur chez Clouseau.
05:25Mais il y aura toujours une espèce en grande parce qu'en fait, Simone Signora a toujours
05:29une longueur d'avance sur lui.
05:30Quand lui-même deviendra comédien, elle deviendra romancière.
05:34Et notamment en ce qui concerne leur engagement communiste.
05:38Et c'est elle qui, dans un premier temps, découvre qu'ils se sont bien fait berner
05:43et que le communisme dont ils vantaient les vertus n'était pas si vertueux que ça.
05:48En fait, lui, Montand, a vraiment grandi dans un creuset de communistes.
05:52Son frère, qui était le père du producteur Jean-Louis Lévy, était lui un des cadres
05:57de la CGT, était une des personnes importantes du PC.
06:02Mais ni l'un ni l'autre ne sont jamais encartés.
06:04Comme elle disait, on est fiancés, on n'est pas mariés.
06:07Ça évite le divorce.
06:07Ils étaient des compagnons de route.
06:09Mais étant donné qu'ils étaient des personnes publiques, ils étaient le grand couple
06:12de gauche, de gauche engagée.
06:14Et dès qu'il y avait un combat, dès qu'il y avait une raison de se fusquer,
06:16ils tapaient du poing sur la table, à tel point qu'ils sont invités
06:19à faire ce fameux voyage en 1957 en Union soviétique.
06:22Voilà, dont on se souviendra.
06:24Alors, il y a l'Union soviétique, et puis il y a étonnamment aussi la fascination
06:28américaine.
06:30Et d'ailleurs, le sacre américain, ils vont le connaître l'un et l'autre,
06:34puisqu'elle reçoit un Oscar, ce qui n'est pas rien, et que lui joue dans un film,
06:39on se parlera beaucoup avec Marilyn Monroe, ce qu'il aurait pu faire, puisqu'il aura
06:43une aventure avec Marilyn Monroe, que ça sera dans les journaux, ça aurait pu tuer
06:47leur couple.
06:48Mais non.
06:48Ça a tué une partie de leur couple, ça a tué l'intimité de leur couple, ça a
06:53tué, disons, l'amour profond peut-être, ou un amour plus charnel et plus instinctif,
06:59mais c'était aussi un partenariat.
07:01Ce couple était tellement iconique, s'ils se séparaient, ça a changé.
07:05Elle était la boussole de mon temps, elle était sa colonne vertébrale.
07:08Et l'un avait besoin de l'autre, et ils vont malgré tout jusqu'au bout rester unis
07:15par leur combat commun, par des films communs, par une cour qui les entourait, par des lieux,
07:19par des maisons, et jusqu'au bout...
07:22Oui, pardon, il y a la fameuse roulotte Place Dauphine, la maison à Hauteuil, et ce qu'il
07:29faut rappeler aussi, c'est que ces gens-là, ce sont des gens qui utilisaient les médias
07:34avec beaucoup d'intelligence.
07:35En fait, ils accèdent à la notoriété exactement au moment où la télévision rentre dans
07:39les foyers des Français.
07:40Ils étaient les bons clients parfaits, le couple idéal qu'on allait filmer, un peu
07:44comme une famille royale dont on suit les évolutions.
07:47Quand ils achètent l'appartement à Hauteuil, la télévision est là, qui les montre en train
07:52de décorer.
07:53Quand ils achètent la maison à Hauteuil, pareil.
07:54Donc, dès que les montants ont grandi, leur couple a évolué devant les écrans de caméra.
08:00Ce qui fait que, retour de bâton, quand il y a l'histoire Marilyn, quand il trompe
08:04Simone Signor avec Marilyn Monroe sur le tournage du milliardaire.
08:08Le film de Georges Cucor, dont le titre anglais est Let's Make Love, c'était prédestiné.
08:12Évidemment, le retour de bâton est terrible parce que la notoriété leur revient à le
08:16visage, surtout la malheureuse Signorée, qui devient, en l'espace de quelques heures,
08:19la cocu universelle, la femme trompée la plus connue de la planète.
08:22C'est-à-dire, se faire déjà tromper, ce n'est pas agréable, mais alors, par la
08:26femme que la planète entière désire, enfin, une partie de la planète entière désire,
08:30voilà, et c'était pour elle moins une peine de cœur qu'une blessure d'orgueil
08:33terrible.
08:33– Et alors, le livre se termine d'ailleurs sur la mort de Marilyn, et c'est là qu'on
08:40voit l'intensité des liens, c'est qu'elle dit être triste de sa mort, parce qu'elle
08:45l'a connue aussi, comme Arthur Miller.
08:48– Il y avait une vraie amitié, c'est-à-dire qu'en fait, il se rend compte, en fait, les
08:53montants ont fait la création à Paris des sorcières de Salen, la fameuse pièce d'Arthur
08:57Miller est une pièce pour dénoncer le maccartisme, Arthur Miller était une des grandes conscients
09:01de la gauche américaine, et en fait, ils avaient un a priori plutôt positif, parce
09:05que qu'un type aussi intelligent, cultivé et érudit que Miller épouse une fille que,
09:10a priori, il aurait pu voir comme une cocotte, c'était pas inintéressant, et en fait,
09:14il la rencontre au saut du lit, il la rencontre démaquillée, il la rencontre au naturel,
09:17et il voit une fille un peu paumée, extrêmement sensible, très touchante, et signerait, disons,
09:23met en place une sorte de relation de grande sœur.
09:25Et les six mois qui vont passer aux Etats-Unis, elles vont se voir tous les jours, et elles
09:29se font coiffer ensemble, elles vont faire des courses ensemble, c'est elles qui, l'une
09:31à l'autre, conseillent des vêtements, enfin, il y a une vraie incomplicité, et c'est
09:34parce qu'elle repart tourner un film en Italie, et que lui, par tourner, écrire le scénario
09:39des Misfits avec John Huston, en fait, on laisse les deux tout seuls sur un plateau de tournage,
09:43et là, pataboum, ce qui devait arriver est arrivé.
09:45Ouais, face à Marilyn.
09:46Eh oui.
09:48En tout cas, vraiment, je vous conseille de lire ce livre, c'est passionnant, vous voulez en parler
09:51Très bien, ça s'appelle Simen Signoret, Histoire d'un amour, c'est paru chez Calman Lévy,
09:55merci beaucoup Nicolas Destiendord.
09:57Merci Anne.
09:57Sous-titrage Société Radio-Canada
10:02Merci.
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