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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:121930, c'est notre belle époque à nous, celle qui nous fait rêver.
00:18Dans l'album de photos, voici nos parents, comme ils sont élégants.
00:23Le père de famille ressemble à Frank Nitti dans Les Incorruptibles, avec son costume croisé à rayures.
00:28Or, c'est lui qui commande son discussion, au plus pour longtemps.
00:33Son épouse porte une robe en soie floue qui descend à m'immoler.
00:38On chante « La blonde Elisabeth a la jambe très bien faite, elle a bien ragé quand les robes ont allongé ».
00:45Oui, finit la garçonne des années folles qui s'était fait couper les cheveux et se coiffer d'un chapeau-cloche,
00:52la femme sous de grandes capelines plus habillées retrouve son mystère.
00:56Elle n'en paraît que plus dangereuse.
00:59C'est l'ange bleu, Marlène, qui vous emmène en enfer, ou la divine Garbo, avec ses lunettes noires.
01:05Attention ! Attention quand elle les enlève à son regard.
01:09L'homme, les cheveux gominés, a beau sourire d'un air avantageux,
01:13c'est sans doute dans les années 30, quand les femmes redeviennent apparemment de vraies femmes,
01:17qu'il cesse d'être le roi.
01:19En Angleterre, c'est pire.
01:22Dans le domaine des mœurs, Londres a toujours été en avance d'un scandale à l'avant-garde des audaces.
01:28Les gentlemen, jusque-là protégés par leurs clubs réservés aux hommes seuls,
01:32sont menacés par la nouvelle mode, celle des night clubs, où les femmes sont reines,
01:37et celle des cocktail parties, où les maîtresses de maison rivalisent d'inventions pour tourner la tête de leurs invités.
01:44Elvira Barnet, une ancienne actrice, dont le salon est aussi célèbre que les breuvages explosifs qu'elle y offre,
01:54est un de ces extravagants personnages de l'époque,
01:56artiste que la haute société ne reçoit plus,
01:59mais chez qui tout Londres veut avoir bu un soir son fameux gardenia au rhum blanc,
02:05un mélange aussi pâle que son maquillage, aussi inquiétant.
02:09Elvira est une femme fleur, une femme fleur qu'il est dangereux de respirer.
02:18Chez elle, une cocktail party peut devenir une murder party.
02:26Ilvira Barnet, en la foule se presse à l'entrée de Newgate Street,
02:49derrière un cordon de policemen le 4 juillet 1932, dans l'espoir de l'apercevoir.
02:54« Elle est déjà arrivée, alors on ne la verra pas.
02:56Quand on compare devant la cour centrale criminelle, on y couche la veille.
02:59Vous ne saviez pas ça ? Mais jamais de la vie. Elle vient de Gérard Rode. »
03:03En attendant, Elvira Barnet, les badauds, regardent passer les privilégiés,
03:06munis de cartons d'invitations pour assister au procès des personnalités du théâtre et du cinéma.
03:12« Tu as vu ? C'est Mary Tempett. Mais où ça ? »
03:15« Ben là, avec le type en noir. Mais qui c'est ? »
03:18« Ben celui qui a tourné Murder. Comment il s'appelle déjà ? »
03:21« Hitchcock. »
03:23« Des gens du monde aussi. Sir et Lady Mullens, parents d'Elvira, sa sœur, la princesse Imeransky. »
03:31Le vrai public, lui, a fait la queue pendant des heures.
03:34Une jeune comédienne, Peggy May, a été la première à s'installer devant la porte d'entrée la veille à 4 heures de l'après-midi.
03:41Elle a attendu 18 heures, passé la nuit dehors, pour être sûre d'être assise au premier rang
03:45et de pouvoir examiner du plus près possible le visage, les réactions d'Elvira Barnet.
03:52« You get street ? » La foule déçue ne la verra pas. Derrière les murs gris d'Hole Bailey, la vieille enceinte fortifiée, appelée par Dickens l'antichambre de la mort, voici Elvira.
04:09Elle s'apprête à comparaître.
04:10À 11 heures précises, l'huissier, audiencier, entre dans la salle.
04:18« Ladies and gentlemen, va commencer devant le jury d'Elvira, le procès de Mrs. Barnet, accusé d'avoir tué d'un coup de revolver, le 31 mai dernier, Mr. Michael Stephen, God save the King ! »
04:38Tous les assistants se sont levés et se rassoient.
04:41Dans cette enceinte, le public se lève et s'assied, quand on le lui dit, au commandement, comme à la messe, quand l'enfant de cœur agite la clochette.
04:50Si bien que plusieurs personnes n'ont pas vu arriver discrètement Elvira Barnet.
04:55Elle est entrée dans le box des accusés, une grande verrière de 4 mètres de côté située au centre de la salle d'audience.
05:03Elvira est accompagnée d'une infirmière, car elle est souffrante.
05:08Et de deux sténodactylons.
05:11On a refermé la porte de la verrière avec un cadenas.
05:15Une des deux sténos, une vieille dame, regarde à travers les vitres le public, avec des baisicles en or.
05:24L'assistant se lève à nouveau.
05:27Entre un maître de cérémonie qui porte deux bouquets de fleurs et les dépose sur la table du président.
05:33Le voici à son tour, le président.
05:35C'est le juge Humphrey, puis les douze jurés.
05:40Il y a deux femmes parmi eux.
05:42Mrs. Watson, Mrs. Miller.
05:45Toutes deux curieusement vêtues de robe verte.
05:47Sans se consulter, ont-elles choisi la couleur de l'espérance.
05:50Elvira Barnet, habillée en noir, porte un immense chapeau orné de nœuds en taffeta blanc.
05:58Toujours le blanc, les Gardénia.
06:01Le juge lui demande.
06:03Êtes-vous coupable ou non coupable ?
06:07Non coupable !
06:08Il ne l'interroge pas.
06:12En Angleterre, un accusé parle quand il le veut, en toute liberté.
06:17Les questions posées ne le seront que plus tard, quand Elvira sera considérée comme témoin, témoin de son propre procès.
06:25Pas d'interrogatoire donc pour commencer, comme cela se passe chez nous en France.
06:28Un récit.
06:29L'exposé des faits par l'avocat de la couronne, le représentant de l'accusation, Sir Percival Clark.
06:39Voici, mesdames et messieurs les jurés, ce qui s'est passé la nuit du 30 au 31 mai dernier.
06:49Belgrève Square, au centre de l'aristocratique quartier de Belgravia, connu pour ses villas de style italien.
06:59Par les fenêtres ouvertes de l'une d'elles, vient un air de jazz, où dominent les saxos, un succès de Jack Hilton, refrain chanté.
07:09Un brouhaha mondain se mêle à la musique.
07:13Sur le perron, un domestique fait signe aux chauffeurs de somptueuses voitures, garés un peu plus loin.
07:17Les invités de la cocktail party donnée par Elvira Barnet commencent à s'en aller.
07:22Un dernier couple sort de la villa, c'est Elvira elle-même, accompagnée d'un jeune homme.
07:27« Où allons-nous, Mickaël ? »
07:29« Mais vous voudrez, chérie, c'est vous qui choisissez. »
07:34« Alors, à l'ange bleu ? »
07:36« À l'ange bleu. »
07:38Quand ils reviennent deux heures plus tard, en pleine nuit, ils s'entendent visiblement moins bien.
07:43« Écoutez, ça suffit comme ça, Mickaël, vous commencez à m'ennuyer. »
07:47« Si vous préférez que je vous laisse... »
07:49« Non, non, restez. »
07:51« Votre mari ne risque pas de rentrer. »
07:53« Il est à New York. »
07:55« Il chante la bohème au Métropolitain. »
07:57« Et puis, pour ce que cela aurait d'importance, allez, ne faites pas l'enfant, venez. »
08:04La discussion reprend plus violente à l'appartement au premier.
08:07« De la rue, on ne distingue pas les paroles. »
08:11« Puis, on entend des cris. »
08:13« Et un coup de feu ! »
08:16Ensuite arrive une voiture.
08:18En descendant un homme portant une valise en cuir, un docteur,
08:23qui trouve sur le tapis de la chambre à coucher d'Elvira,
08:27Michael, Stéphane, mort,
08:31la poitrine transpercée d'une balle de revolver.
08:33L'avocat de la couronne conclut
08:37« Il est établi que Mr. Stéphane n'a pas pu s'infliger lui-même la blessure à laquelle il a succombé.
08:47Il est établi d'autre part qu'au moment de sa mort,
08:50il se trouvait seul avec Mrs. Barnet.
08:55Si donc elle ne l'a pas tué,
08:57qui a tué ? »
09:01Elvira, dans sa cage de verre,
09:04tient à la main un mouchoir de dentelle
09:05avec lequel, de temps à autre,
09:06elle s'essuie furtivement les paupières.
09:11Le public élégant,
09:12les quatre cents de Maéfer,
09:14nos deux cents familles,
09:16ne la quittent pas des yeux.
09:19Certains, méchamment espérant
09:20qu'elle sera victime d'un malaise,
09:22depuis qu'Elvira, en épousant un ténor,
09:24a rompu avec la haute société dont elle est issue,
09:27qu'elle est devenue une bohémienne
09:29en montant sur les planches,
09:31sous un pseudonyme tout de même,
09:33Dolorès Ashley,
09:34a-t-elle perdu sa dignité,
09:36son self-control ?
09:37Va-t-elle se donner un spectacle ?
09:41Le célèbre flame britannique
09:42est-il menacé ?
09:45Il semble que non.
09:48L'audition des témoins commence.
09:50Qui était Michael Stephen, la victime ?
09:53Ses amis le dépeignent d'une voix lassée,
09:55comme s'ils étaient fatigués
09:57de s'être levés pour une fois avant midi.
10:00C'est le fils d'un homme d'affaires de Londres.
10:02Il a parcouru l'Europe,
10:03vivant de la fortune de ses parents.
10:05À Paris, il a fait un stage
10:06chez un grand couturier.
10:07Son séjour n'a pas duré plus longtemps
10:09qu'à Rome ou à Berlin.
10:11Sa profession, dessinateur,
10:13en réalité,
10:15playboy.
10:16Voici maintenant Dorothy Hall,
10:18la voisine de Mrs. Barnet,
10:20et l'épouse d'un chauffeur.
10:22J'ai entendu une voix,
10:23celle de madame,
10:24que je connais bien,
10:25criant,
10:26« Je vais tirer ! Je vais tirer ! »
10:27Le coup de feu est parti.
10:29Après,
10:29j'ai entendu la voix de M. Stephen,
10:31des gémissements.
10:33Et le 19 mai ?
10:35Donc,
10:35douze jours avant,
10:37précise l'avocat de la couronne.
10:38« Alors là, c'était pire,
10:39si j'ose dire.
10:39Enfin, non, bien sûr,
10:41mais dites simplement ce que vous avez vu.
10:43J'ai vu M. Stephen s'enfuir
10:44en courant dans la rue
10:45et madame, par la fenêtre,
10:47tirer un coup de revolver
10:48dans sa direction.
10:48Sir Patrick Hastings,
10:54l'avocat d'Elvira Barnet,
10:56ne veut pas intervenir pour l'instant.
10:58Le témoin se retire.
11:00Puis succède,
11:02le docteur Durant.
11:04Sir Patrick prend alors la parole.
11:07« Mrs. Barnet vous a appelé au téléphone.
11:11Que vous a-t-elle dit
11:12quand vous êtes arrivée ? »
11:15Michael Stephen menaçait de la quitter.
11:18Elle a parlé de se suicider.
11:20Par prudence,
11:21il est allé chercher le revolver
11:22qu'il savait cacher sous l'oreiller.
11:24Elle a voulu lui arracher l'arme.
11:26Le coup est parti accidentellement.
11:29« Croyez-vous à la sincérité de l'accusé ? »
11:32« Oui. »
11:34« Je lui ai confirmé la mort de Michael Stephen.
11:35Elle m'a supplié de la laisser se tuer.
11:38J'ai même dû poser mon pied sur le revolver
11:40pour l'empêcher de le prendre. »
11:43Je dois dire qu'avant ce drame,
11:44elle parlait déjà de suicide.
11:46« Et cette nuit-là,
11:49vous a-t-elle paru dans un état
11:50mental normal ? »
11:53« Enfin, qu'il lui eût permis
11:55d'inventer une histoire ? »
11:58Certainement non.
12:01Était-elle dévouée
12:02aux défunts ?
12:05Passionnément.
12:07La première audience se termine
12:09sur ce témoignage favorable.
12:13Elvira touche par superstition
12:15un brin de bruyère porte-bonheur
12:16qu'elle a fixé à son corsage.
12:23Les Récits Extraordinaires
12:27de Pierre Belmar
12:28Un podcast européen
12:30Les Anglais de la haute société
12:32ont une façon, eux,
12:33d'envisager la vie.
12:35C'est ce qui les distingue du commun.
12:38Mais par des petits détails.
12:39La manière de tenir son parapluie,
12:41même quand il fait beau.
12:42De porter un chapeau melon
12:44jusqu'en juillet,
12:45après le match d'Eton contre Haro,
12:47d'avoir l'accent d'Oxford,
12:48de ne pas terminer ses phrases,
12:50de dire des expressions à la mode
12:51ou ne rien dire du tout,
12:53de ne pas vouloir paraître intelligent
12:55tout en portant la cravate noire
12:56à raie bleue d'Eton.
12:57Quant à tuer son amant,
12:58un jeune homme de 24 ans
12:59par-dessus le marché,
13:00cela paraît vraiment extravagant,
13:04en dehors de toutes les règles
13:05du savoir-vivre, vulgaire.
13:10Elvira Barnet accusée d'un tel crime,
13:13ou bien elle a terriblement changé
13:14depuis qu'elle appartient
13:15au milieu du spectacle,
13:16ou bien,
13:18quelles que soient les apparences,
13:20elle ne peut être qu'innocent.
13:21Au début de la seconde audience,
13:23le président Humphrey s'adresse au juré.
13:26« J'espère que vous avez eu
13:28depuis hier soir tout le confort
13:29et les distractions désirables. »
13:32« Oui, my lord, » répond le chef du jury.
13:34« Nous avons passé une excellente soirée.
13:36Je vous remercie. »
13:37La loi anglaise prévoit que les jurés
13:39ne doivent rencontrer personne
13:41avant le Verdi.
13:42Leur décision doit être prise
13:44à l'unanimité.
13:45Ils peuvent donc être longs
13:46à se mettre d'accord
13:47et, jusque-là,
13:49rester isolés.
13:50On les a installés
13:52au Manchester Hotel
13:53et la justice
13:54a mis à leur disposition
13:55un autocar
13:56pour qu'ils aillent
13:57se promener à la campagne
13:58dans le Serret
13:59sous la protection
14:00de deux surveillants
14:01chargés de veiller
14:02à ce que soit respecté
14:05leur solitude.
14:07L'audition des témoins reprend
14:08avec celle
14:08de l'inspecteur Winter,
14:10le premier à s'être présenté
14:11chez Elvira Barnet.
14:13« J'ai vu Mrs. Barnet
14:15au rez-de-chaussée
14:15après avoir vu le cadavre
14:16d'un homme au premier étage
14:17dans sa chambre.
14:19Je lui ai demandé
14:20si cet homme était son mari
14:21et elle m'a répondu
14:22non, il est en Amérique.
14:23Alors je lui ai dit
14:24racontez-moi ce qui s'est passé.
14:27Elle s'est mise
14:27à trépigner,
14:28à m'injurier,
14:30à me menacer
14:30de me mettre à la porte
14:32si je continuais
14:33à lui parler
14:33sur ce ton-là.
14:35Et le témoin suivant,
14:37l'inspecteur Campion
14:38qui est venu prévenir
14:39l'accusé
14:39d'avoir à se mettre
14:40à la disposition
14:41du commissaire de police
14:42de Gérard Road,
14:43l'avocat de la Couronne
14:44veut savoir
14:44comment il a été accueilli.
14:46« Vous l'avez averti
14:48avec courtoisie ? »
14:49« Oui, je pense. »
14:51« Que vous a-t-elle répondu ? »
14:54L'inspecteur Campion
14:55semble gêné.
14:56« Eh bien, dites ! »
14:58« C'est que... »
15:01« Enfin,
15:02Mrs. Barnet
15:03m'a envoyé son poing
15:05dans la figure. »
15:07« Vraiment ? »
15:08« Sans rien dire ? »
15:09« Si. »
15:11« Si. »
15:12« Elle a dit... »
15:14« Elle a dit,
15:15espèce d'abruti,
15:16je vous apprendrai
15:17à me menacer
15:17de la prison. »
15:20Elvira Barnet
15:21d'un sourire.
15:23Les spectateurs,
15:23eux,
15:24ne bronchent pas.
15:25Il n'y a pas
15:26en Angleterre
15:26de réaction
15:27du public
15:27aux assises
15:28comme chez nous
15:29en France.
15:30L'atmosphère du procès
15:31reste
15:31de bout en bout
15:33glaciale.
15:34On entend
15:36Sir Bernard Spilsbury,
15:38le médecin légiste.
15:40L'accusation
15:40essaie d'obtenir
15:41une précision.
15:42Aucune lutte
15:43n'aurait opposé
15:44les deux amants.
15:45Elvira n'aurait pas
15:46tenté d'arracher
15:47des mains de Michael
15:48le revolver-revolver
15:49qu'il avait pris
15:50pour l'empêcher
15:50de se suicider.
15:52J'ai examiné
15:53le corps de Mr. Stephen
15:54à la morgue
15:55de Westminster.
15:56Les mains
15:56étaient très propres.
15:58Il n'y avait
15:58aucune trace
15:59de poudre
16:00ni sur les mains
16:00ni sur les manchettes
16:01de sa chemise.
16:03La victime
16:03ne pouvait
16:05donc pas
16:05tenir encore
16:06le revolver
16:06au moment
16:07où le coup
16:07est parti.
16:09Je ne peux
16:10pas l'affirmer,
16:11mais c'est
16:12probable.
16:15Voici enfin
16:16Elvira
16:17Barnet
16:17elle-même,
16:18qui,
16:19je vous l'ai dit,
16:19selon la loi
16:20britannique,
16:21doit témoigner
16:22à son propre
16:22procès.
16:24Elle sort
16:24de sa cage
16:25de verre,
16:26suivie de son
16:27infirmière
16:27et entourée
16:28de deux gardiennes.
16:29Elle traverse
16:30la salle
16:30d'une démarche
16:32d'une démarche
16:33trop assurée
16:34peut-être.
16:36Elvira Barnet,
16:37au moment
16:37où se décide
16:38sa vie,
16:39retrouve d'instinct
16:40cette manière
16:41d'être
16:42si particulière
16:43aux gens
16:43de son milieu.
16:45De la dignité,
16:46oui,
16:47mais avec un peu
16:48de dédain.
16:51Elle prête
16:51serment sur la Bible
16:52de dire
16:53toute la vérité.
16:55C'est son avocat,
16:56Sir Patrick
16:57Estings,
16:58qui l'interroge,
17:00choisissant ses questions
17:01afin de la montrer
17:01au juré
17:02sous le meilleur
17:03jour possible,
17:04de la leur présenter
17:05comme une victime.
17:07Votre mari
17:08vous a quitté ?
17:10Oui,
17:11enfin,
17:12nous vivons séparément
17:13depuis deux ans.
17:15Où avez-vous
17:15connu
17:16Michael Stephen ?
17:17À Paris.
17:19Mon intention
17:20était de l'épouser.
17:22Vous étiez
17:23heureuse
17:23avec lui ?
17:25Non.
17:25Il vous a emprunté
17:27de l'argent ?
17:29Pas exactement.
17:31Il jouait
17:32beaucoup au poker,
17:33entraîné
17:34par une autre femme.
17:35Quand il perdait,
17:37je ne pouvais pas
17:38refuser de l'aider,
17:39n'est-ce pas ?
17:40Et malgré cela,
17:40vous lui êtes resté
17:41très dévoué.
17:44Oui.
17:46Ainsi continue
17:47cet interrogatoire
17:48au cours duquel
17:48Elvira apparaît
17:49terriblement malheureuse
17:51et ment passionnément
17:52un jeune homme
17:53intéressé, méprisable
17:54et qui l'a trompé.
17:56De là
17:56à vouloir
17:57le tuer.
18:00Sir Patrick
18:00Hastings
18:01juge opportun
18:02de ne pas
18:02continuer sur cette voie
18:03et de rompre
18:04le débat
18:05par un effet
18:05d'audience.
18:07Avez-vous songé
18:08à tuer Stephen ?
18:09Jamais.
18:12L'avez-vous tué ?
18:13Non.
18:17On en arrive
18:18au coup
18:18de revolver
18:18du 19 mai
18:19tiré par la fenêtre
18:20contre son amant
18:21qui s'enfuyait.
18:22« Comment ? »
18:23l'explique-t-elle.
18:25Nous nous étions
18:26disputés
18:26au sujet
18:27d'une autre femme.
18:28Il est parti.
18:30J'ai voulu
18:31lui faire croire
18:32que j'allais
18:32me suicider
18:33et le coup
18:35de revolver
18:36du 31 mai.
18:38Il s'est blessé
18:39lui-même
18:39et il m'a dit
18:40« Dépêchez-vous,
18:41téléphonez au docteur.
18:43Je veux qu'il sache
18:43que c'est un accident,
18:45que vous n'y êtes
18:45pour rien. »
18:49Ce n'est pas la vie
18:49de l'accusation.
18:52L'avocat de la Couronne,
18:54Sir Percival Clark,
18:56rassemble les charges
18:56qui accablent
18:57Elvira Barnet
18:58qui, selon lui,
18:59prouvent sa culpabilité.
19:01Crime passionnel
19:02motivé par la jalousie.
19:06Le lendemain,
19:066 juillet 1932,
19:08dernière audience.
19:09L'avocat de la Défense,
19:10Sir Patrick Esting,
19:11va plaider.
19:13« Mesdames et messieurs
19:14du jury,
19:15nous ne sommes pas ici
19:17pour nous amuser
19:17et laisser la joie
19:18de ce procès
19:19aux auditeurs
19:19et auditrices élégants
19:20qui se pressent
19:21dans cette salle
19:22aux romanciers
19:23venus suivre
19:25ces débats
19:26pour permettre
19:27au public
19:28qui n'a pu entrer
19:29d'en savourer
19:30les détails à sensation.
19:32Je ne viens pas
19:33vous raconter
19:33des histoires.
19:36Je viens avec vous
19:36examiner les faits,
19:39tous les faits,
19:41et vous montrer
19:42qu'il n'existe pas
19:44une seule preuve
19:45contre Mrs. Barnet.
19:48Et le célèbre avocat
19:51tente de détruire
19:52les arguments
19:53de l'accusation.
19:54Il évite d'évoquer
19:54l'ambiance frelatée
19:56de la vie d'Elvira.
19:57Il affirme
19:58que les témoins
19:59ont pu entendre
19:59un coup de feu,
20:00mais pas les paroles
20:01échangées par les amants.
20:03Ils font du cinéma.
20:05« Dorothy Hall
20:06est une femme dangereuse,
20:07dit-il.
20:09Je lui conseille
20:09d'être prudente
20:10une autre fois. »
20:12Il décrit
20:13le chagrin d'Elvira.
20:15Jouait-elle la comédie ?
20:16Elle qui pourrait
20:17être une actrice
20:18aussi talentueuse
20:19que les célèbres artistes
20:20qui assistent
20:21à ce procès ?
20:22Non.
20:23Le docteur Durant
20:24vous a dépeint
20:25sa sincérité
20:26à l'égard de l'homme
20:26qui a vécu
20:27assez dépens
20:28et assez frais.
20:30Voyez,
20:31d'un côté,
20:33vous n'avez pas de preuves.
20:35De l'autre,
20:36vous avez le revolver
20:37qui pouvait partir
20:37facilement dans la lutte.
20:39« Mrs. Barnet
20:40a passionnément aimé
20:41cet homme
20:42qui est mort,
20:43quelles que fussent
20:43les fautes de cet homme.
20:46Je ne vous demande
20:47pas pitié pour elle.
20:50Je vous demande justice. »
20:55Après la plaidoirie
20:56de la défense,
20:57la loi anglaise
20:57exige que le président
20:58fasse un exposé
20:59impartial de l'affaire
21:00coutume aboli
21:01depuis longtemps
21:02en France.
21:03Le président
21:04M. Frey
21:04expose un point de vue
21:05juridique.
21:07Ou bien
21:07Elvira Barnet
21:08est coupable
21:09et elle mérite
21:10la mort.
21:11Ou bien
21:11elle a voulu
21:12se suicider
21:12et cela a eu
21:14pour conséquence
21:15la mort de
21:15Michael Stephen
21:16qui tentait
21:17de l'en empêcher.
21:18Le suicide
21:19étant illégal
21:19en Angleterre,
21:21Elvira Barnet
21:22est alors coupable
21:23d'un acte
21:23ayant entraîné
21:24la mort
21:24sans l'intention
21:26de la donner.
21:28Les jurés
21:28se retirent.
21:31L'appariteur
21:32qui les accompagne
21:33jure sur la Bible
21:34de faire respecter
21:35leur complète
21:36isolement.
21:37Deux heures plus tard
21:41c'est le verdict.
21:44Non coupable
21:44sur les deux chefs
21:46d'accusation
21:47Elvira Barnet
21:49est acquitté.
21:54Le président
21:55M. Frey
21:55retire sa perruque
21:56enlève
21:58sa robe rouge
21:58et remet
22:00sa redingote.
22:02Il se coiffe
22:03de son haut de forme
22:04et quitte
22:06Holle-Bellet
22:06en voiture
22:07sans que personne
22:10ne le remarque.
22:12La foule,
22:13elle,
22:14attend Elvira.
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22:37de Pierre Bellemare,
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