05:54Pour bien comprendre ce qu'il s'est passé ce 29 janvier 2024, In Rajab est donc prise au piège dans cette voiture. Elle se trouve à 8 minutes en voiture d'une ambulance du Croissant Rouge palestinien. Mais l'ambulance ne peut pas aller la chercher dès qu'elle appelle. Pourquoi ?
06:12Parce qu'à Gaza, en Palestine, on ne peut pas envoyer une ambulance quand un enfant appelle à l'aide.
06:19Contrairement à tous les autres pays du monde.
06:22Oui. Donc, il y a une procédure très complexe et compliquée pour que l'armée israélienne accepte de donner une route sécurisée pour envoyer une ambulance.
06:36Sinon, on bombarde les ambulances.
06:38Et donc, comme on le voit dans ce film, c'est un dilemme moral.
06:42Est-ce qu'on doit envoyer une ambulance pour sauver la petite fille et perdre tout le monde ? Ou suivre à la lettre ces règles qui sont installées vraiment pour rendre leur vie impossible à ces humanitaires ?
06:56Et la vie aussi d'Indra Jab, impossible mais au sens littéral. Et donc, on voit dans le film qu'ils suivent à la lettre...
07:02Le chef dit non, on n'y va pas tant que le trajet n'est pas sécurisé. Tant qu'on n'a pas le feu vert, on n'y va pas. Et les autres bénévoles ne comprennent pas.
07:10Ils disent, mais pourquoi on ne va pas la sauver ?
07:12Exactement. Et donc, ils finissent par respecter toutes les règles, obtenir la route, obtenir le feu vert, envoyer leur ambulance. Et au moment où les ambulances arrivent...
07:23Et ça, on l'a dans l'enregistrement, en fait. Ce n'est pas quelque chose qu'on a inventé.
07:27Exactement. Dans l'enregistrement, on a l'ambulancier qui parle avec son collègue à Ramallah et qui lui dit, ah, voilà la voiture.
07:35Je vois la voiture. Je vois la voiture. Et au moment où il dit ça, on entend le son de la bombe qui a tué les ambulanciers et qui a fait exploser l'ambulance.
07:45Donc, respecter les règles. C'est quoi les règles ? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres règles qui sont des règles de la domination en réalité ?
07:56Et moi, c'était quelque chose qui m'a tellement choquée.
08:01Et d'ailleurs, dans le film, je me suis dit, cette fin est tellement au-delà de l'inimaginable, de l'entendement.
08:10Il faut que je rappelle au spectateur que c'est réel.
08:13D'où le fait de passer des acteurs aux vrais protagonistes de cette histoire, qui sont les vrais héros.
08:19C'est ce que l'on voit à la fin de votre film. Parce que donc, les deux ambulanciers sont tués. In Rajab aussi. Ses cousines, elles sont déjà mortes.
08:27Car il faut le préciser, toutes ces heures, In Rajab les passe à côté de cadavres de sa famille.
08:33Six membres de sa famille.
08:34Car ils étaient six dans la voiture. Exactement.
08:36La voix de In Rajab, c'est aussi celle de tous les enfants palestiniens tués à Gaza par l'armée israélienne.
08:43Oui, elle est devenue, cette petite fille malgré elle, un symbole, pas que des enfants, mais de Gaza.
08:49Parce que Gaza appelle à l'aide, c'est une blessure baillante.
08:53Et on n'arrive pas à faire entrer de l'aide.
08:56Donc, elle est devenue un symbole.
08:58Moi, j'étais avec sa mère il y a deux jours.
09:02Elle aurait bien sûr souhaité que sa fille soit toujours vivante sur la plage de Gaza.
09:08Elle aimait beaucoup se baigner, cette petite In Rajab.
09:11Un accord de cessez-le-feu a été adopté le mois dernier dans le cadre d'un plan de paix,
09:16mais la guerre n'est pas finie, Kauter Badania.
09:19Les bombardements israéliens continuent dans la bande de Gaza, aujourd'hui ?
09:24Je ne sais pas si on peut appeler ça une guerre.
09:27Je pense que le mot n'est pas exact.
09:32C'est-à-dire, même si on arrête aujourd'hui ce qui n'est pas le cas,
09:37comment vivre avec ce qui a eu lieu ?
09:40Je parle de notre humanité en général.
09:44Et voilà, pour moi, c'était très important de faire ce film,
09:48parce que je ne sais pas comment on pourrait vivre avec ce qui s'est passé à Gaza.
09:53Vous avez reçu le lion d'argent début septembre à la prestigieuse Mostra de Venise.
09:58Votre film a été ovationné pendant 24 minutes.
10:01C'est du jamais vu.
10:02Là, vous revenez du festival du film de Doha.
10:06Et là, vous étiez accompagné des acteurs, mais aussi des protagonistes,
10:10des bénévoles du croissant rouge palestinien.
10:12Pourquoi c'était important pour vous qu'il soit là ?
10:14C'était pour dire, mon film n'est pas une fiction, c'est la réalité, c'est ce qu'il se passe à Gaza ?
10:19Exactement, et c'est aussi pour leur rendre hommage,
10:21parce qu'ils ont payé un prix extrêmement cher.
10:25Leurs collègues, je pense 52 collègues secouristes,
10:29des gens qui sont partis sauver des gens,
10:31qui se retrouvent, eux aussi, morts.
10:33On a entendu des récits horribles des secouristes
10:38qui sont bombardés, tués, comme on le voit d'ailleurs dans le film.
10:42Mehdi dit s'il y a une nouvelle photo qui s'ajoute,
10:44parce qu'ils ont un mur, pour honorer leurs collègues.
10:48S'il y a une nouvelle photo, c'est-à-dire un nouveau mort,
10:52moi je démissionne.
10:53Effectivement, le vrai Mehdi a démissionné après l'histoire d'Indra Jab,
10:57parce qu'il a perdu deux collègues.
10:59Donc c'était très important de les rencontrer, de les voir.
11:06Et pour moi, c'est eux la référence.
11:09C'est-à-dire les acteurs, c'est une copie, c'est vraiment...
11:13Et les acteurs sont très attachés,
11:16ils sont devenus très proches des vrais personnages.
11:20Et si vous voyez dans le film,
11:21il y a aussi une ressemblance physique entre les acteurs.
11:25Donc c'était très émouvant.
11:26Et à Doha, vous étiez aussi avec la maman d'Indra Jab.
11:30Exactement, on a rencontré pour la première fois Wissem Amada,
11:33qui est la maman d'Indra Jab,
11:36qui est une femme incroyable, d'un courage.
11:40D'ailleurs, elle a fait un discours à l'ouverture du festival,
11:42que vous pouvez voir sur Internet,
11:44où elle parle avec beaucoup de courage de tous les enfants de Gaza,
11:48qui sont encore vivants,
11:50et qui vivent dans des conditions...
11:53Abominables.
11:54Oui.
11:54Elle n'a pas voulu voir le film,
11:56mais elle veut parler,
11:58elle veut, vous me racontiez,
12:00assister à tous les débats après votre film.
12:02Et ça, c'est très important pour elle,
12:03pour faire vivre sa fille, Indra Jab,
12:07tuée par l'armée israélienne à l'âge de 5 ans.
12:11Merci infiniment,
12:12Kauter Benaniad,
12:13d'être venue nous voir dans Alaphiche
12:14pour nous parler de votre film.
12:16La voix de Indra Jab,
12:18une voix qu'on n'est pas prêts d'oublier.
12:20Merci infiniment.
12:21Merci, Natacha.
12:22Merci à vous de votre fidélité.
12:24Je vous dis à très vite sur France 24, toujours.
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