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  • il y a 5 minutes
A l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, Mine Günbay, directrice générale de la Fédération nationale solidarité femmes en charge du numéro d'écoute 3919, est l'invitée de RTL Soir.
Regardez L'invité d'Anne-Sophie Lapix du 25 novembre 2025.

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Transcription
00:00Renaud.fr
00:00Anne-Sophie Lapix, RTL Soir
00:03Notre invitée est la directrice du 3919, le numéro d'écoute des victimes de violences conjugales.
00:09C'est la directrice générale de la Fédération Nationale Solidarité Femme.
00:13Bonsoir Midé, good bye.
00:14Bonsoir.
00:15Ce numéro a été créé en 1992, il y a plus de 30 ans, et il recueille de plus en plus d'appels, ce qui n'est pas une bonne nouvelle.
00:23L'an dernier, vous avez passé la barre des 100 000 appels.
00:25Est-ce que c'est le signe que la situation se dégrade ou que les langues se délient ?
00:31Les deux à la fois.
00:32C'est un triste record, évidemment, parce que ça veut dire que c'est la situation de centaines de milliers de femmes.
00:38Et à la fois, ça veut dire que notre numéro est mieux identifié et que les femmes trouvent dans ce numéro-là et auprès des écoutantes une écoute et une information et une orientation infinée, si elles le souhaitent, qui est adaptée à leur témoignage.
00:48Des écoutantes, ce sont toujours des femmes, en fait ?
00:50Ce sont des écoutantes qui sont formées à l'écoute active, qui sont formées à la question des violences conjugales, ça c'est très important, et donc qui peuvent être dans une écoute bienveillante et ne pas décider à la place des femmes de ce qu'elles souhaitent faire.
01:02Alors le 3919 est un numéro gratuit et anonyme qu'on peut contacter 24h sur 24.
01:07Lorsqu'une femme décide d'appeler, elle franchit déjà un pas important ?
01:11Absolument, ce n'est pas rien que de décrocher son téléphone et d'appeler. Le fait que ce soit anonyme permet aussi aux femmes de poser un premier témoignage.
01:19Elles ne vont pas toutes passer à l'action tout de suite, pour certaines ça va être plusieurs appels, mais on sait en tout cas qu'elles ont là une écoute qui va leur permettre parfois d'avoir le déclic.
01:27Alors comment ça se passe justement ? On se contente de l'écouter, on l'aide à confesser ce qu'elle est en train de vivre ?
01:35Alors la première étape c'est effectivement d'écouter la dame, parce que si elle appelle là c'est qu'elle a quelque chose à déposer, et en fonction du témoignage qu'elle pose, l'écoutante l'accompagne à tirer le fil et à identifier avec elle les types de violences qu'elles vivent.
01:49J'ai dit d'ailleurs confesser, je voulais dire confier évidemment.
01:52Absolument, absolument. En fait les écoutantes permettent à la personne, à la femme de tirer le fil du témoignage et d'identifier les différents types de violences conjugales qu'elles vivent, parce que ce ne sont pas que des coups les violences conjugales.
02:03Ce sont de longues conversations, et est-ce qu'elles sont enregistrées ?
02:08Alors non, les conversations ne sont pas enregistrées évidemment, puisqu'elles sont anonymes. En revanche, ça dépend du temps nécessaire pour les personnes.
02:15Certaines en 20 minutes vont avoir eu l'écoute et l'information qu'elles souhaitaient, et pour d'autres ça va durer jusqu'à une heure et demie. Vraiment on s'adapte à chaque témoignage.
02:22Et est-ce qu'il y a une aide pour faire un cheminement, pour comprendre la gravité de la situation ?
02:28Absolument, c'est vraiment le travail des écoutantes de pouvoir mettre des mots avec les femmes sur ce qu'elles sont en train de vivre.
02:34Par exemple, quand elles vivent des violences économiques, ce n'est pas forcément elles qui vont mettre ce terme-là sur le sujet,
02:40mais quand elles vont expliquer qu'on leur a dérobé leurs moyens de paiement ou qu'elles ont été interdites de travailler,
02:45l'écoutante va pouvoir l'accompagner en lui disant, voilà madame, en plus des violences physiques, ce que vous vivez là est une violence économique conjugale.
02:51C'est ça une violence économique, c'est quand on vous prive de vos moyens financiers en fait ?
02:55C'est quand on vous empêche de travailler, c'est quand on vous prive de vos moyens,
02:58c'est quand on vous soustrait les codes pour les allocations familiales par exemple que madame percevrait pour les enfants.
03:04C'est tout un ensemble d'éléments coercitifs qui font que la dame est en dépendance économique.
03:09Est-ce que les profils ont évolué ces dernières années ?
03:13Alors pour nous, vraiment les violences faites aux femmes concernent toutes les femmes, toutes les tranches d'âge.
03:18Peut-être qu'il y a des publics qui sont un peu moins visibles, il y a encore des angles morts,
03:22je pense notamment par exemple aux femmes âgées, il y a encore beaucoup de représentations là-dessus.
03:27Or on a vu dans certains féminicides, et d'ailleurs dans les derniers de la semaine dernière,
03:31des femmes de plus de 75 ans par exemple être victimes de féminicides
03:34et qui peut-être parfois n'avaient jamais pu avoir une écoute et une information.
03:38Donc oui, on a encore à travailler sur certains angles morts et en parler publiquement,
03:42c'est aussi dire à ces femmes qu'elles sont aussi concernées.
03:44Je pense également aux femmes les plus jeunes.
03:46Les premières relations au sein du couple de jeunes adolescentes et adolescents
03:50commencent déjà parfois par des situations de violence,
03:53donc il est aussi important de poser des mots avec les plus jeunes.
03:55Vous me disiez juste avant de commencer cette interview
03:58qu'il y avait des situations de plus en plus dégradées et difficiles dans les témoignages que vous entendez ?
04:03Absolument, les écoutantes qui ont plus d'expérience vont pouvoir nous dire
04:06que les témoignages qu'elles entendent s'approchent de plus en plus d'actes de torture, de barbarie.
04:10D'ailleurs, 14% des femmes nous ont déclaré l'année dernière être menacées de mort.
04:14Une femme sur 10 a déclaré de l'étouffement ou des strangulations.
04:18Donc ce sont des actes très graves.
04:19Et d'ailleurs, on sait que c'est souvent des actions, des actes des hommes
04:23qui peuvent entraîner le féminicide et qu'il faut prendre très au sérieux.
04:26Comment vous expliquez ces témoignages de plus en plus durs que vous recevez ?
04:32Je pense qu'à la fois, on a dit aux femmes qu'elles pouvaient parler.
04:36Alors nous, on a créé la ligne en 92.
04:38Donc déjà, en 92, les féministes de notre association avaient bien compris que ça passait par la parole.
04:45À la fin des années 70, on a mis en place les premières structures d'hébergement pour les femmes
04:48pour qu'elles puissent quitter le domicile.
04:50En 92, la ligne téléphonique.
04:52Donc voilà, c'est tous des dispositifs qui vont permettre aux femmes de pouvoir identifier
04:55qu'elles ne sont pas seules face à ces violences, qu'elles peuvent trouver de l'aide
04:59et puis qu'on les croit.
05:01Ça, c'est très important.
05:01L'an dernier, je crois que vous aviez connu un pic d'appel au moment du procès Pellicot
05:06parce qu'il y avait eu une prise de conscience de la part de certaines victimes
05:11et justement des femmes plus âgées, par exemple, que ce que vous évoquiez.
05:15Alors c'est assez régulier que quand il y a une émission de télé qui aborde ces questions-là
05:18ou des procès médiatiques et emblématiques comme celui de Gisèle Pellicot,
05:23que les femmes se sentent identifiées et nous appellent.
05:26Là, sur la question de la soumission chimique, par exemple,
05:28ça leur a permis pour certaines d'identifier que peut-être elles étaient concernées.
05:32Par ailleurs, il faut savoir aussi que quand il y a ce genre de procès,
05:36on a eu aussi le revers.
05:37C'est des femmes qui nous ont dit, en fait, malgré le fait qu'elle avait tous les éléments,
05:42malgré ça, on ne la croit pas.
05:43Et il y a une revictimisation qui est très violente aussi pour les femmes,
05:47elles-mêmes victimes de violences,
05:48qui voient en Gisèle Pellicot une femme courageuse,
05:51mais à la fois une femme qui a été revictimisée.
05:54Et ça, ça vient blesser la relation avec la justice notamment.
05:57Donc c'est important aussi d'en parler
06:00et de pouvoir effectivement agir sur l'ensemble des outils législatifs
06:05pour mieux accompagner les femmes.
06:07Est-ce que parfois les écoutantes ont des dilemmes ?
06:10J'imagine qu'il y a des confidences qui sont insoutenables
06:16et qui nécessitent de prévenir la police, de prévenir la justice.
06:20Absolument, le 39-19 n'est pas une ligne d'urgence.
06:24Et donc à cet égard, on dit bien aux femmes que si elles ont un danger,
06:28il faut qu'elles appellent le 17.
06:29Il nous arrive parfois effectivement de lever l'anonymat,
06:32comme on dit, avec l'accord de la personne.
06:34Ça, c'est toujours très important pour nous,
06:36de pouvoir effectivement appeler la police à sa place.
06:39Certaines femmes, par exemple, vont aussi commencer le témoignage
06:42avec les écoutantes.
06:43Et ensuite, on va pouvoir les orienter vers la plateforme nationale
06:46d'accompagnement des victimes gérées par la police ou la gendarmerie
06:50en fonction du territoire.
06:51Et elles vont pouvoir continuer à chatter avec un gendarme ou un policier.
06:54Donc vraiment, on accompagne les femmes à pouvoir trouver
06:57l'espace qui est le plus adapté pour elles
06:58au moment où elles nous appellent.
07:00Vous avez dénoncé un manque de place d'hébergement en juin dernier.
07:04Et aujourd'hui, la ministre de l'Égalité,
07:06Femmes-Hommes, Aurore Berger,
07:07et le ministre du Logement, Vincent Jambrun,
07:08ont demandé dans une circulaire au préfet
07:11de prioriser l'hébergement des femmes victimes de violences.
07:15Il arrive souvent que l'on doive dire aux femmes
07:17« Restez chez vous, on n'a pas de place ».
07:19Absolument, cette circulaire, elle est fondamentale
07:22parce qu'elle remet la question des femmes victimes
07:24au cœur des engagements en territoire.
07:27Nous, ce qu'on demande, effectivement,
07:28que cette circulaire puisse être accompagnée
07:31de moyens et donc de création de places d'hébergement supplémentaires.
07:34Il est vrai qu'avec l'impulsion du Grenelle,
07:37des places supplémentaires avaient été créées.
07:38C'est vrai, des moyens supplémentaires également avaient été mis en œuvre.
07:42Il y a six ans.
07:43Absolument, sauf qu'on partait de tellement loin
07:44qu'aujourd'hui, les besoins sont criants.
07:47Selon le gouvernement,
07:48107 femmes ont été victimes de féminicides conjugaux l'an dernier.
07:54Vous avez sans doute eu certaines de ces femmes en ligne ?
07:58Sans doute.
07:59Et il faut savoir que le féminicide,
08:00c'est la pointe émergée de l'iceberg.
08:03Les données de la MIPROF sont très claires.
08:06Il faut aussi comptabiliser les tentatives de féminicide.
08:09Donc, des femmes qui l'ont échappé,
08:12mais qui restent parfois en situation de handicap lourd.
08:15des femmes qui ont été poussées au suicide forcé
08:17parce que n'ayant pas trouvé de solution
08:19et ne supportant plus la situation,
08:22doivent mettre fin à leur jour.
08:24Donc, en fait, si on met tout ça bout à bout,
08:25ça fait 3,5 femmes par jour en France.
08:28Vous évoquiez la difficulté d'entendre ces témoignages.
08:34Vos écoutantes,
08:35elles sont accompagnées pour recevoir tous ces témoignages ?
08:40Absolument.
08:40Les risques psychosociaux des écoutantes sont élevés
08:43puisque tous les jours,
08:45elles entendent des témoignages de violence.
08:47Alors, évidemment, en tant que structure,
08:48on essaye de mettre en place tout ce qu'il faut
08:50pour contenir ce qu'on peut,
08:52à savoir un suivi psy individuel,
08:55des groupes d'analyse de pratique,
08:56de l'ostéopathie et d'autres espaces
08:58où elles peuvent effectivement faire autre chose
09:00que de l'écoute.
09:01Mais malgré tout,
09:02ce sont des témoignages qui abîment aussi nos professionnels.
09:04Merci beaucoup,
09:06Miné Gumbay.
09:07Je rappelle que le numéro d'écoute est le 3919.
09:1124h sur 24,
09:11on peut se confier,
09:12dans toutes les langues d'ailleurs,
09:14pour les violences conjugales,
09:15physiques ou psychiques,
09:17en toute confidentialité.
09:18C'est important.
09:19Merci beaucoup d'être venu dans notre studio.
09:22Dans un instant,
09:23Laurent Marsic nous fait découvrir un livre et un auteur,
09:26celui qui remporte le concours du premier roman jeunesse d'RTL,
09:29Télérama et Gallimard Jeunesse.
09:30Ce sera la tentation du soir.
09:32Et puis Florian Gazan a repêché l'info qu'on a failli manquer,
09:35le Carbonara Gate.
09:37Bon appétit,
09:37à tout de suite.
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