00:00Toujours en France, c'est une permission de sortie qui fait grand bruit.
00:02Un narcotrafiquant emprisonné dans la prison ultra sécurisée de Vendin-le-Vieille a pris le train ce matin pour un entretien professionnel.
00:10Il n'est ni surveillé ni escorté, conformément à la loi.
00:13Mais son profil inquiète et son passé aussi.
00:15L'homme s'était évadé il y a quelques années lors d'un examen hospitalier en s'aidant d'un commando armé.
00:21D'ailleurs, le chef de la prison avait émis un avis négatif quant à sa sortie du jour.
00:26Laurence Lévy nous a rejoint en plateau. Bonjour à vous.
00:27Merci. On attend vos explications. Vous êtes avocate au Barreau de Paris.
00:32D'abord, sur la forme. Comment est-ce que ça se passe ?
00:35Ce narcotrafiquant a donc pris le train du Pas-de-Calais jusqu'à Lyon pour son entretien professionnel.
00:41Selon une partie de la presse, c'est sa femme qui l'a prise en charge en voiture pour l'accompagner.
00:46Ce n'est pas un peu léger ?
00:48Il n'y a pas d'escorte pour les permissions de sortir de détenus,
00:54que ce soit un narcotrafiquant ou que ce soit un détenu moins surveillé.
01:00Et à partir du moment où la permission de sortir a été autorisée,
01:03soit par le juge de l'application des peines, soit là, ça a d'abord été autorisé par lui.
01:08Le parquet a fait appel puisqu'il y était opposé.
01:10Et la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Douai a confirmé cette permission de sortir.
01:15Donc, pour répondre à votre question, il n'est pas escorté.
01:18Il n'y a pas un policier derrière lui pour aller jusqu'à Lyon.
01:20Même s'il s'est déjà évadé dans le passé.
01:22Oui, tout à fait.
01:23Voilà.
01:24Alors, on va écouter la réaction de deux syndicats pénitentiaires qui sont vent debout quant à cette situation.
01:33Ce n'est pas la peur, c'est l'incompréhension qui nous tient aujourd'hui.
01:36C'est-à-dire qu'on ne peut pas mettre un détenu au sein du quartier de lutte contre la criminalité organisée
01:40en estimant qu'il y ait partie des 100 plus gros narcotrafiquants de France
01:43afin de couper la société et quelques jours après le laisser sortir dans la nature.
01:47On ne peut pas se détenir. Je rappelle juste que s'il sort demain ou après-demain
01:51pour une convocation judiciaire ou alors une convocation médicale,
01:54il sera accompagné d'une escorte ultra sécurisée.
01:57On ne peut pas un jour l'accompagner de plusieurs personnels et un jour le laisser sortir seul.
02:01Il faut un sens concret, réel. Il faut du bon sens, tout simplement.
02:05Il fait partie du haut de spectre vu son passé et vu ses condamnations.
02:09Il fait partie du narcotrafique. Il en a participé.
02:13Il s'est déjà illustré par une évasion avec un commando armé.
02:17Mais en fait, c'est le système législatif qui n'est pas bon et qui permet à cette personne de sortir aujourd'hui.
02:23Alors Laurence Lévy, expliquez-nous.
02:25Ce cadre légal qui encadre cette permission de sortie, il est émis par qui ?
02:31La décision est prise par le juge de l'application des peines selon une commission.
02:37Dans le cadre de cette commission, plusieurs personnes siègent.
02:40Le juge d'application des peines a la voie prépondérante et c'est lui qui décidera.
02:44Mais il demande l'avis auprès du procureur de la République et auprès du directeur de l'établissement de Vendin-Leviel.
02:50Qui, lui, a émis un avis négatif.
02:51Le procureur de la République également.
02:53Et le juge de l'application des peines a décidé d'autoriser la permission de sortir.
02:57Le parquet, n'étant pas satisfait de cette décision, a décidé de faire appel.
03:01Et là, la cour d'appel a décidé de l'octroyer également.
03:05Et là, je rappelle que c'est trois magistrats qui ont pris cette décision.
03:08Donc, cette décision, elle n'est pas prise à la légère.
03:13Il y a plusieurs choses qui font qu'un juge de l'application des peines autorise une permission de sortir.
03:17Permission de sortir, elles ont pour objet de permettre plusieurs choses.
03:21Soit la réinsertion professionnelle, la réinsertion sociale et éventuellement pouvoir renouer des liens familiaux.
03:28En l'occurrence, elle a été octroyée pour un entretien professionnel.
03:33Et donc, le juge de l'application des peines examine plusieurs choses.
03:35Effectivement, quelle est la situation de ce détenu ?
03:38Quel est son projet ?
03:40Parce qu'il y a un aménagement qui va se faire.
03:42Certes, pas tout de suite.
03:43Mais il faut bien préparer une sortie.
03:45On ne peut pas être décidé du jour au lendemain de dire
03:47« Cette personne va sortir » sans avoir préparé quelque chose avant.
03:50Un emploi, vérifier qu'il a bien un domicile.
03:53Il y a plusieurs choses qui sont prises en compte par le juge de l'application des peines.
03:56L'ancien ministre de l'Intérieur, Rotaillot, évoque l'idée de supprimer le juge d'application des peines.
04:01Il estime que ce dispositif désespère trop souvent les victimes et révolte les Français.
04:06On a le sentiment aussi que Gérald Darmanin, le ministre de la Justice, est sur la même ligne.
04:09Vous en pensez quoi ?
04:11Je pense que c'est de la politique politicienne.
04:13Je ne vois pas comment on va pouvoir supprimer un juge de l'application des peines.
04:17Quel serait le magistrat qui serait à ce moment-là en charge de préparer la sortie d'un détenu ?
04:22On le remplacerait par qui ?
04:24Et on ne va pas dire que chaque personne qui est détenue, même s'il est considéré, que cette personne est considérée comme un détenu dangereux,
04:31on a un cadre légal qui ne diffère pas entre un détenu pour une peine de vol, ou plusieurs vols, puisqu'il va rester un certain nombre d'années en prison,
04:41et un détenu qui a été condamné pour des faits de narcotrafic à 10 ans ou 15 ans.
04:45Ça n'est pas possible, on ne peut pas créer un régime d'exception, j'entends.
04:48Pour les narcotraficants notamment, oui.
04:50Alors, il y a un régime particulier en tout cas pour la détention, puisqu'il y a des prisons qui ont été aménagées à nouveau,
04:57et notamment ce qu'indiquaient les syndicats, c'est-à-dire des quartiers de lutte contre la criminalité organisée,
05:03avec effectivement une sécurité qui est renforcée.
05:05J'entendais un membre du syndicat dire qu'effectivement pour une sortie médicale, ils sont escortés,
05:12et ils ont des escortes qui sont extrêmement lourdes, mais on n'est pas sur le même cadre.
05:16Là, c'est vraiment une permission de sortir, et on ne peut pas mettre derrière chaque personne,
05:21un policier ou plusieurs, pour aller à un entretien professionnel.
05:24Ça n'est pas possible.
05:25Pour justifier son autorisation de sortie, son avocate a pris la parole,
05:28elle fait valoir son droit à la réinsertion, vous l'évoquiez tout à l'heure, on va l'écouter.
05:34Il n'est pas surveillé, il n'est pas escorté, il y a quelqu'un de son entourage qui est venu le chercher,
05:39et qui, conformément à la décision judiciaire qui a été rendue par le juge judiciaire,
05:45il va d'un point A à un point B pour préparer, muscler, renforcer sa réinsertion.
05:53En espérant qu'il revienne ce soir.
05:55En espérant.
05:56Oui.
05:57Donc, ce droit à la réinsertion, c'est un principe juridique,
06:00qui là, visiblement, est plus que valable.
06:03L'avocate parle d'un comportement exemplaire, d'une rédemption qui a été examinée, vérifiée.
06:13Ça s'appelle l'individualisation des peines, de la peine ?
06:17Alors, l'individualisation de la peine, elle ne marche pas forcément devant le juge de l'application des peines.
06:23L'individualisation de la peine, c'est au moment de la condamnation.
06:26Le juge de l'application des peines, il va vérifier un certain nombre d'éléments.
06:31Le premier des éléments, c'est qu'en fait, si vous voulez, la préparation d'un aménagement pour pouvoir sortir se fait sur plusieurs mois, voire plusieurs années.
06:40Donc, on va regarder, le juge va pouvoir regarder d'abord, est-ce qu'il y a un projet professionnel qui est sérieux ?
06:45Est-ce que la personne va bénéficier d'un domicile ?
06:47Est-ce qu'elle a des liens familiaux qui sont prégnants, parce qu'on peut être incarcéré pendant de très longues années et ne plus avoir de liens familiaux ?
06:55Et on va vérifier aussi le comportement en détention.
06:57Le comportement en détention, c'est un peu comme des bons points qui ont été distribués ou des mauvais points qui peuvent l'être.
07:03Si un détenu a plusieurs commissions de discipline parce qu'il y a eu des incidents en détention, le juge de l'application des peines n'octroiera pas de permission de sortir.
07:13Donc, il y a plusieurs éléments qui ont été examinés par ce juge pour pouvoir autoriser cette permission de sortir.
07:19Alors, des motifs familiaux, médicaux, réinsertion liée au travail.
07:24Et puis, parfois, on apprend que certains détenus, il y en a un d'ailleurs qui s'est évadé lors d'une permission de sortir au planétarium de Rennes.
07:34Ça avait suscité beaucoup de commentaires ironiques.
07:37C'est vrai qu'on ne les attendait pas là-bas, forcément.
07:39Alors, je ne suis pas sûre que... En fait, ce n'est pas tout à fait la même chose.
07:43La permission qui avait été accordée à plusieurs détenus d'aller visiter ce planétarium, c'est en général des détenus qui se comportent bien
07:51et qui ont comme récompense la possibilité d'aller à un événement.
07:57Donc là, ça a été le planétarium, mais ça peut être une sortie dans un parc, ça peut être différentes sorties.
08:02Ce n'est pas tout à fait la même chose, sauf qu'en plus, au niveau du planétarium, ils étaient escortés par du personnel pénitentiaire.
08:08Il y en a un qui s'est évadé.
08:09Tout à fait.
08:10Merci en tout cas pour vos explications et votre pédagogie.
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